L'Île Des Pingouins


Table des matières

PRÉFACE
I.
1. VIE DE SAINT MAËL
2. VOCATION APOSTOLIQUE DE SAINT MAËL
3. LA TENTATION DE SAINT MAËL
4. NAVIGATION DE SAINT MAËL SUR L’OCÉAN DE GLACE
5. BAPTÊME DES PINGOUINS
6. UNA ASSEMBLEA AL PARADÍS
7. UNE ASSEMBLÉE AU PARADIS (suite et fin)
8. METAMORFOSI DELS PINGÜINS
II.
9. LES PREMIERS VOILES
10. LES PREMIERS VOILES (SUITE ET FIN))
11. LE BORNAGE DES CHAMPS ET L’ORIGINE DE LA PROPRIÉTÉ
12. LA PREMIÈRE ASSEMBLÉE DES ÉTATS DE PINGOUINIE.
13. LES NOCES DE KRAKEN ET D’ORBEROSE
14. LE DRAGON D’ALCA
15. LE DRAGON D’ALCA (SUITE)
16. LE DRAGON D’ALCA (SUITE)
17. LE DRAGON D’ALCA (SUITE)
18. LE DRAGON D’ALCA (SUITE)
19. LE DRAGON D’ALCA (SUITE)
20. LE DRAGON D’ALCA (SUITE)
21. LE DRAGON D’ALCA (SUITE ET FIN)
III.
22. BRIAN LE PIEUX ET LA REINE GLAMORGANE
23. DRACO LE GRAND—TRANSLATION DES RELIQUES DE SAINTE ORBEROSE
24. LA REINE CRUCHA
25. LES LETTRES: JOHANNÈS TALPA
26. LES ARTS: LES PRIMITIFS DE LA PEINTURE PINGOUINE
27. MARBODE
28. SIGNES DANS LA LUNE
IV.
29. LA ROUQUIN
30. TRINCO
31. VOYAGE DU DOCTEUR OBNUBILE
V. LIVRE V LES TEMPS MODERNES CHATILLON
32. LES RÉVÉRENDS PÈRES AGARIC ET CORNEMUSE
33. LE PRINCE CRUCHO
34. LE CONCILIABULE
35. LA VICOMTESSE OLIVE
36. LE PRINCE DES BOSCENOS
37. LA CHUTE DE L'ÉMIRAL
38. CONCLUSION
VI.
39. LE GÉNÉRAL GREATAUK, DUC DU SKULL
40. PYROT
41. LE COMTE DE MAUBEC DE LA DENTDULYNX
42. COLOMBAN
43. LES RÉVÉRENDS PÈRES AGARIC ET CORNEMUSE
44. LES SEPT CENTS PYROTS
45. BIDAULT-COQUILLE ET MANIFLORE
46. LE PROCES COLOMBAN
47. LE PÈRE DOUILLARD
48. LE CONSEILLER CHAUSSEPIED
49. CONCLUSION
VII. LIVRE VII LES TEMPS MODERNES MADAME CÉRÈS
50. LE SALON DE MADAME CLARENCE
51. L’OEUVRE DE SAINTE-ORBEROSE
52. HIPPOLYTE CÈRES
53. LE MARIAGE D’UN HOMME POLITIQUE
54. LE CABINET VISIRE
55. LE SOPHA DE LA FAVORITE
56. LES PREMIÈRES CONSÉQUENCES
57. NOUVELLES CONSÉQUENCES
58. LES DERNIERES CONSÉQUENCES
59. APOGÉE DE LA CIVILISATION PINGOUINE
VIII.
60. Section 1
61. Section 2
62. Section 3
63. Section 4
IX. L’ILLA DELS PINGÜINS
PREFACI
Anatole France

PARIS

1908

Malgré la diversité apparente des amusements qui semblent m’attirer, ma vie n’a qu’un objet. Elle est tendue tout entière vers l’accomplissement d’un grand dessein. J'écris l’histoire des Pingouins. J’y travaille assidument, sans me laisser rebuter par des difficultés fréquentes et qui, parfois, semblent insurmontables.

J’ai creusé la terre pour y découvrir les monuments ensevelis de ce peuple. Les premiers livres des hommes furent des pierres. J’ai étudié les pierres qu’on peut considérer comme les annales primitives des Pingouins. J’ai fouillé sur le rivage de l’océan un tumulus inviolé; j’y ai trouvé, selon la coutume, des haches de silex, des épées de bronze, des monnaies romaines et une pièce de vingt sous à l’effigie de Louis- Philippe 1er, roi des Français.

Pour les temps historiques, la chronique de Johannès Talpa, religieux du monastère de Beargarden, me fut d’un grand secours. Je m’y abreuvai d’autant plus abondamment qu’on ne découvre point d’autre source de l’histoire pingouine dans le haut moyen âge.

Nous sommes plus riches à partir du XIIIe siècle, plus riches et non plus heureux. Il est extrêmement difficile d'écrire l’histoire. On ne sait jamais au juste comment les choses se sont passées; et l’embarras de l’historien s’accroît avec l’abondance des documents. Quand un fait n’est connu que par un seul témoignage, on l’admet sans beaucoup d’hésitation. Les perplexités commencent lorsque les événements sont rapportés par deux ou plusieurs témoins; car leurs témoignages sont toujours contradictoires et toujours inconciliables.

Sans doute les raisons scientifiques de préférer un témoignage à un autre sont parfois très fortes. Elles ne le sont jamais assez pour l’emporter sur nos passions, nos préjugés, nos intérêts, ni pour vaincre cette légèreté d’esprit commune à tous les hommes graves. En sorte que nous présentons constamment les faits d’une manière intéressée ou frivole.

J’allai confier à plusieurs savants archéologues et paléographes de mon pays et des pays étrangers les difficultés que j'éprouvais à composer l’histoire des Pingouins. J’essuyai leurs mépris. Ils me regardèrent avec un sourire de pitié qui semblait dire: «Est-ce que nous écrivons l’histoire, nous? Est-ce que nous essayons d’extraire d’un texte, d’un document, la moindre parcelle de vie ou de vérité? Nous publions les textes purement et simplement. Nous nous en tenons à la lettre. La lettre est seule appréciable et définie. L’esprit ne l’est pas; les idées sont des fantaisies. Il faut être bien vain pour écrire l’histoire: il faut avoir de l’imagination.»

Tout cela était dans le regard et le sourire de nos maîtres en paléographie, et leur entretien me décourageait profondément. Un jour qu’après une conversation avec un sigillographe éminent, j'étais plus abattu encore que d’habitude, je fis soudain cette réflexion, je pensai:

«Pourtant, il est des historiens; la race n’en est point entièrement disparue. On en conserve cinq ou six à l’Académie des sciences morales. Ils ne publient pas de textes; ils écrivent l’histoire. Ils ne me diront pas, ceux-là, qu’il faut être vain pour se livrer à ce genre de travail.

Cette idée releva mon courage.

Le lendemain (comme on dit, ou l’en demain, comme on devrait dire), je me présentai chez l’un d’eux, vieillard subtil.

—Je viens, monsieur, lui dis-je, vous demander les conseils de votre expérience. Je me donne grand mal pour composer une histoire, et je n’arrive à rien.

Il me répondit en haussant les épaules:

—À quoi bon, mon pauvre monsieur, vous donner tant de peine, et pourquoi composer une histoire, quand vous n’avez qu'à copier les plus connues, comme c’est l’usage? Si vous avez une vue nouvelle, une idée originale, si vous présentez les hommes et les choses sous un aspect inattendu, vous surprendrez le lecteur. Et le lecteur n’aime pas à être surpris. Il ne cherche jamais dans une histoire que les sottises qu’il sait déjà. Si vous essayez de l’instruire, vous ne ferez que l’humilier et le fâcher. Ne tentez pas de l'éclairer, il criera que vous insultez à ses croyances.

»Les historiens se copient les uns les autres. Ils s'épargnent ainsi de la fatigue et évitent de paraître outrecuidants. Imitez-les et ne soyez pas original. Un historien original est l’objet de la défiance, du mépris et du dégoût universels.

»Croyez-vous, monsieur, ajouta-t-il, que je serais considéré, honoré comme je suis, si j’avais mis dans mes livres d’histoire des nouveautés? Et qu’est-ce que les nouveautés? Des impertinences.

Il se leva. Je le remerciai de son obligeance et gagnai la porte, il me rappela:

—Un mot encore. Si vous voulez que votre livre soit bien accueilli, ne négligez aucune occasion d’y exalter les vertus sur lesquelles reposent les sociétés: le dévouement à la richesse, les sentiments pieux, et spécialement la résignation du pauvre, qui est le fondement de l’ordre. Affirmez, monsieur, que les origines de la propriété, de la noblesse, de la gendarmerie seront traitées dans votre histoire avec tout le respect que méritent ces institutions. Faites savoir que vous admettez le surnaturel quand il se présente. À cette condition, vous réussirez dans la bonne compagnie.

J’ai médité ces judicieuses observations et j’en ai tenu le plus grand compte.

Je n’ai pas à considérer ici les pingouins avant leur métamorphose. Ils ne commencent à m’appartenir qu’au moment où ils sortent de la zoologie pour entrer dans l’histoire et dans la théologie. Ce sont bien des pingouins que le grand saint Maël changea en hommes, encore faut-il s’en expliquer, car aujourd’hui le terme pourrait prêter à la confusion.

Nous appelons pingouin, en français, un oiseau des régions arctiques appartenant à la famille des alcidés; nous appelons manchot le type des sphéniscidés, habitant les mers antarctiques. Ainsi fait, par exemple, M. G. Lecointe, dans sa relation du voyage de la Belgica [Note: G. Lecointe, Au pays des manchots. Bruxelles, 1904, in-8°. ]: «De tous les oiseaux qui peuplent le détroit de Gerlache, dit-il, les manchots sont certes les plus intéressants. Ils sont parfois désignés, mais improprement, sous le nom de pingouins du sud.» Le docteur J.-B. Charcot affirme au contraire que les vrais et les seuls pingouins sont ces oiseaux de l’antarctique, que nous appelons manchots, et il donne pour raison qu’ils reçurent des Hollandais, parvenus, en 1598, au cap Magellan, le nom de pinguinos, à cause sans doute de leur graisse. Mais si les manchots s’appellent pingouins, comment s’appelleront désormais les pingouins? Le docteur J.-B. Charcot ne nous le dit pas et il n’a pas l’air de s’en inquiéter le moins du monde [Note: J.-B. Charcot, Journal de l’expédition antarctique française 1903, 1905. Paris, in-8°. ].

Eh bien! que ses manchots deviennent ou redeviennent pingouins, c’est à quoi il faut consentir.

En les faisant connaître il s’est acquis le droit de les nommer. Du moins qu’il permette aux pingouins septentrionaux de rester pingouins. Il y aura les pingouins du Sud et ceux du Nord, les antarctiques et les arctiques, les alcidés ou vieux pingouins et les sphéniscidés ou anciens manchots. Cela embarrassera peut-être les ornithologistes soucieux de décrire et de classer les palmipèdes; ils se demanderont, sans doute, si vraiment un même nom convient à deux familles qui sont aux deux pôles l’une de l’autre et diffèrent par plusieurs endroits, notamment le bec, les ailerons et les pattes. Pour ce qui est de moi, je m’accommode fort bien de cette confusion. Entre mes pingouins et ceux de M. J.-B. Charcot, quelles que soient les dissemblances, les ressemblances apparaissent plus nombreuses et plus profondes. Ceux-ci comme ceux-là se font remarquer par un air grave et placide, une dignité comique, une familiarité confiante, une bonhomie narquoise, des façons à la fois gauches et solennelles. Les uns et les autres sont pacifiques, abondants en discours, avides de spectacles, occupés des affaires publiques et, peut-être, un peu jaloux des supériorités.

Mes hyperboréens ont, à vrai dire, les ailerons, non point squameux, mais couverts de petites pennes; bien que leurs jambes soient plantées un peu moins en arrière que celles des méridionaux ils marchent de même, le buste levé la tête haute, en balançant le corps d’une aussi digne façon et leur bec sublime (os sublime) n’est pas la moindre cause de l’erreur où tomba l’apôtre, quand il les prit pour des hommes.

* * * *

    Le présent ouvrage appartient, je dois le reconnaître, au genre de la vieille histoire, de celle qui présente la suite des événements dont le souvenir s’est conservé, et qui indique, autant que possible, les causes et les effets; ce qui est un art plutôt qu’une science. On prétend que cette manière de faire ne contente plus les esprits exacts et que l’antique Clio passe aujourd’hui pour une diseuse de sornettes. Et il pourra bien y avoir, à l’avenir, une histoire plus sûre, une histoire des conditions de la vie, pour nous apprendre ce que tel peuple, à telle époque, produisit et consomma dans tous les modes de son activité. Cette histoire sera, non plus un art, mais une science, et elle affectera l’exactitude qui manque à l’ancienne. Mais, pour se constituer, elle a besoin d’une multitude de statistiques qui font défaut jusqu’ici chez tous les peuples et particulièrement chez les Pingouins. Il est possible que les nations modernes fournissent un jour les éléments d’une telle histoire. En ce qui concerne l’humanité révolue, il faudra toujours se contenter, je le crains, d’un récit à l’ancienne mode. L’intérêt d’un semblable récit dépend surtout de la perspicacité et de la bonne foi du narrateur.

    Comme l’a dit un grand écrivain d’Alca, la vie d’un peuple est un tissu de crimes, de misères et de folies. Il n’en va pas autrement de la Pingouinie que des autres nations; pourtant son histoire offre des parties admirables, que j’espère avoir mises sous un bon jour.

    Les Pingouins restèrent longtemps belliqueux. Un des leurs, Jacquot le Philosophe, a dépeint leur caractère dans un petit tableau de moeurs que je reproduis ici et que, sans doute, on ne verra pas sans plaisir:

    «Le sage Gratien parcourait la Pingouinie au temps des derniers Draconides. Un jour qu’il traversait une fraîche vallée où les cloches des vaches tintaient dans l’air pur, il s’assit sur un banc au pied d’un chêne, près d’une chaumière. Sur le seuil une femme donnait le sein à un enfant; un jeune garçon jouait avec un gros chien; un vieillard aveugle, assis au soleil, les lèvres entr’ouvertes, buvait la lumière du jour.

    »Le maître de la maison, homme jeune et robuste, offrit à Gratien du pain et du lait.

    »Le philosophe marsouin ayant pris ce repas agreste:

    »—Aimables habitants d’un pays aimable, je vous rends grâces, dit-il.

    Tout respire ici la joie, la concorde et la paix.

    »Comme il parlait ainsi, un berger passa en jouant une marche sur sa musette.

    »—Quel est cet air si vif? demanda Gratien.

    »—C’est l’hymne de la guerre contre les Marsouins, répondit le paysan. Tout le monde le chante ici. Les petits enfants le savent avant que de parler. Nous sommes tous de bons Pingouins.

    »—Vous n’aimez pas les Marsouins?

    »—Nous les haïssons.

    »—Pour quelle raison les haïssez-vous?

    »—Vous le demandez? Les Marsouins ne sont-ils pas les voisins des Pingouins?

    »—Sans doute.

    »—Eh bien, c’est pour cela que les Pingouins haïssent les Marsouins.

    »—Est-ce une raison?

    »—Certainement. Qui dit voisins dit ennemis. Voyez le champ qui touche au mien. C’est celui de l’homme que je hais le plus au monde. Après lui mes pires ennemis sont les gens du village qui grimpe sur l’autre versant de la vallée, au pied de ce bois de bouleaux. Il n’y a dans cette étroite vallée, fermée de toutes parts, que ce village et le mien: ils sont ennemis. Chaque fois que nos gars rencontrent ceux d’en face, ils échangent des injures et des coups. Et vous voulez que les Pingouins ne soient pas les ennemis des Marsouins! Vous ne savez donc pas ce que c’est que le patriotisme? Pour moi, voici les deux cris qui s'échappent de ma poitrine: «Vivent les Pingouins! Mort aux Marsouins!»

    Durant treize siècles, les Pingouins firent la guerre à tous les peuples du monde, avec une constante ardeur et des fortunes diverses. Puis en quelques années ils se dégoûtèrent de ce qu’ils avaient si longtemps aimé et montrèrent pour la paix une préférence très vive qu’ils exprimaient avec dignité, sans doute, mais de l’accent le plus sincère. Leurs généraux s’accommodèrent fort bien de cette nouvelle humeur; toute leur armée, officiers, sous-officiers et soldats, conscrits et vétérans, se firent un plaisir de s’y conformer; ce furent les gratte-papier, les rats de bibliothèque qui s’en plaignirent et les culs-de-jatte qui ne s’en consolèrent pas.

    Ce même Jacquot le Philosophe composa une sorte de récit moral dans lequel il représentait d’une façon comique et forte les actions diverses des hommes; et il y mêla plusieurs traits de l’histoire de son propre pays. Quelques personnes lui demandèrent pourquoi il avait écrit cette histoire contrefaite et quel avantage, selon lui, en recueillerait sa patrie.

    —Un très grand, répondit le philosophe. Lorsqu’ils verront leurs actions ainsi travesties et dépouillées de tout ce qui les flattait, les Pingouins en jugeront mieux et, peut-être, en deviendront-ils plus sages.

    J’aurais voulu ne rien omettre dans cette histoire de tout ce qui peut intéresser les artistes. On y trouvera un chapitre sur la peinture pingouine au moyen âge, et, si ce chapitre est moins complet que je n’eusse souhaité, il n’y a point de ma faute, ainsi qu’on pourra s’en convaincre en lisant le terrible récit par lequel je termine cette préface.

    L’idée me vint, au mois de juin de la précédente année, d’aller consulter sur les origines et les progrès de l’art pingouin le regretté M. Fulgence Tapir, le savant auteur des Annales universelles de la peinture, de la sculpture et de l’architecture.

    Introduit dans son cabinet de travail, je trouvai, assis devant un bureau à cylindre, sous un amas épouvantable de papiers, un petit homme merveilleusement myope dont les paupières clignotaient derrière des lunettes d’or.

    Pour suppléer au défaut de ses yeux, son nez allongé, mobile, doué d’un tact exquis, explorait le monde sensible. Par cet organe, Fulgence Tapir se mettait en contact avec l’art et la beauté. On observe qu’en France, le plus souvent, les critiques musicaux sont sourds et les critiques d’art aveugles. Cela leur permet le recueillement nécessaire aux idées esthétiques. Croyez-vous qu’avec des yeux habiles à percevoir les formes et les couleurs dont s’enveloppe la mystérieuse nature, Fulgence Tapir se serait élevé, sur une montagne de documents imprimés et manuscrits, jusqu’au faîte du spiritualisme doctrinal et aurait conçu cette puissante théorie qui fait converger les arts de tous les pays et de tous les temps à l’institut de France, leur fin suprême?

    Les murs du cabinet de travail, le plancher, le plafond même portaient des liasses débordantes, des cartons démesurément gonflés, des boîtes où se pressait une multitude innombrable de fiches, et je contemplai avec une admiration mêlée de terreur les cataractes de l'érudition prêtes à se rompre.

    —Maître, fis-je d’une voix émue, j’ai recours à votre bonté et à votre savoir, tous deux inépuisables. Ne consentiriez-vous pas à me guider dans mes recherches ardues sur les origines de l’art pingouin?

    —Monsieur, me répondit le maître, je possède tout l’art, vous m’entendez, tout l’art sur fiches classées alphabétiquement et par ordre de matières. Je me fais un devoir de mettre à votre disposition ce qui s’y rapporte aux Pingouins. Montez à cette échelle et tirez cette boîte que vous voyez là-haut. Vous y trouverez tout ce dont vous avez besoin.

    J’obéis en tremblant. Mais à peine avais-je ouvert la fatale boîte que des fiches bleues s’en échappèrent et, glissant entre mes doigts, commencèrent à pleuvoir. Presque aussitôt, par sympathie, les boîtes voisines s’ouvrirent et il en coula des ruisseaux de fiches roses, vertes et blanches, et de proche en proche, de toutes les boîtes les fiches diversement colorées se répandirent en murmurant comme, en avril, les cascades sur le flanc des montagnes. En une minute elles couvrirent le plancher d’une couche épaisse de papier. Jaillissant de leurs inépuisables réservoirs avec un mugissement sans cesse grossi, elles précipitaient de seconde en seconde leur chute torrentielle. Baigné jusqu’aux genoux, Fulgence Tapir, d’un nez attentif, observait le cataclysme; il en reconnut la cause et pâlit d'épouvante.

    —Que d’art! s'écria-t-il.

    Je l’appelai, je me penchai pour l’aider à gravir l'échelle qui pliait sous l’averse. Il était trop tard. Maintenant, accablé, désespéré, lamentable, ayant perdu sa calotte de velours et ses lunettes d’or, il opposait en vain ses bras courts au flot qui lui montait jusqu’aux aisselles. Soudain une trombe effroyable de fiches s'éleva, l’enveloppant d’un tourbillon gigantesque. Je vis durant l’espace d’une seconde dans le gouffre le crâne poli du savant et ses petites mains grasses, puis l’abîme se referma, et le déluge se répandit sur le silence et l’immobilité. Menacé moi-même d'être englouti avec mon échelle, je m’enfuis à travers le plus haut carreau de la croisée.

    Quiberon, 1er septembre 1907.

    LIVRE PREMIER

    LES ORIGINES

    Maël, issu d’une famille royale de Cambrie, fut envoyé dès sa neuvième année dans l’abbaye d’Yvern, pour y étudier les lettres sacrées et profanes. À l'âge de quatorze ans, il renonça à son héritage et fit voeu de servir le Seigneur. Il partageait ses heures, selon la règle, entre le chant des hymnes, l'étude de la grammaire et la méditation des vérités éternelles.

    Un parfum céleste trahit bientôt dans le cloître les vertus de ce religieux. Et lorsque le bien heureux Gal, abbé d’Yvern, trépassa de ce monde en l’autre, le jeune Maël lui succéda dans le gouvernement du monastère. Il y établit une école, une infirmerie, une maison des hôtes, une forge, des ateliers de toutes sortes et des chantiers pour la construction des navires, et il obligea les religieux à défricher les terres alentour. Il cultivait de ses mains le jardin de l’abbaye, travaillait les métaux, instruisait les novices, et sa vie s'écoulait doucement comme une rivière qui reflète le ciel et féconde les campagnes.

    Au tomber du jour, ce serviteur de Dieu avait coutume de s’asseoir sur la falaise, à l’endroit qu’on appelle encore aujourd’hui la chaise de saint Maël. À ses pieds, les rochers, semblables à des dragons noirs, tout velus d’algues vertes et de goémons fauves, opposaient à l'écume des lames leurs poitrails monstrueux. Il regardait le soleil descendre dans l’océan comme une rouge hostie qui de son sang glorieux empourprait les nuages du ciel et la cime des vagues. Et le saint homme y voyait l’image du mystère de la Croix, par lequel le sang divin a revêtu la terre d’une pourpre royale. Au large, une ligne d’un bleu sombre marquait les rivages de l'île de Gad, où sainte Brigide, qui avait reçu le voile de saint Malo, gouvernait un monastère de femmes.

    Or, Brigide, instruite des mérites du vénérable Maël, lui fit demander, comme un riche présent, quelque ouvrage de ses mains. Maël fondit pour elle une clochette d’airain et, quand elle fut achevée, il la bénit et la jeta dans la mer. Et la clochette alla sonnant vers le rivage de Gad, où sainte Brigide, avertie par le son de l’airain sur les flots, la recueillit pieusement, et, suivie de ses filles, la porta en procession solennelle, au chant des psaumes, dans la chapelle du moustier.

    Ainsi le saint homme Maël marchait de vertus en vertus. Il avait déjà parcouru les deux tiers du chemin de la vie, et il espérait atteindre doucement sa fin terrestre au milieu de ses frères spirituels, lorsqu’il connut à un signe certain que la sagesse divine en avait décidé autrement et que le Seigneur l’appelait à des travaux moins paisibles mais non moindres en mérite.

    Un jour qu’il allait, méditant, au fond d’une anse tranquille à laquelle des rochers allongés dans la mer faisaient une digue sauvage, il vit une auge de pierre qui nageait comme une barque sur les eaux.

    C'était dans une cuve semblable que saint Guirec, le grand saint Colomban et tant de religieux d’Ecosse et d’Irlande étaient allés évangéliser l’Armorique. Naguère encore, sainte Avoye, venue d’Angleterre, remontait la rivière d’Auray dans un mortier de granit rose où l’on mettra plus tard les enfants pour les rendre forts; saint Vouga passait d’Hibernie en Cornouailles sur un rocher dont les éclats, conservés à Penmarch, guériront de la fièvre les pèlerins qui y poseront la tête; saint Samson abordait la baie du mont Saint-Michel dans une cuve de granit qu’on appellera un jour l'écuelle de saint Samson. C’est pourquoi, à la vue de cette auge de pierre, le saint homme Maël comprit que le Seigneur le destinait à l’apostolat des païens qui peuplaient encore le rivage et les îles des Bretons.

    Il remit son bâton de frêne au saint homme Budoc, l’investissant ainsi du gouvernement de l’abbaye. Puis, muni d’un pain, d’un baril d’eau douce et du livre des Saints Évangiles, il entra dans l’auge de pierre, qui le porta doucement à l'île d’Hoedic.

    Elle est perpétuellement battue des vents. Des hommes pauvres y pèchent le poisson entre les fentes des rochers et cultivent péniblement des légumes dans des jardins pleins de sable et de cailloux, abrités par des murs de pierres sèches et des haies de tamaris. Un beau figuier s'élevait dans un creux de l'île et poussait au loin ses branches. Les habitants de l'île l’adoraient.

    Et le saint homme Maël leur dit:

    —Vous adorez cet arbre parce qu’il est beau. C’est donc que vous êtes sensibles à la beauté. Or, je viens vous révéler la beauté cachée.

    Et il leur enseigna l'Évangile. Et, après les avoir instruits, il les baptisa par le sel et par l’eau.

    Les îles du Morbihan étaient plus nombreuses en ce temps-là qu’aujourd’hui. Car, depuis lors, beaucoup se sont abîmées dans la mer. Saint Maël en évangélisa soixante. Puis, dans son auge de granit, il remonta la rivière d’Auray. Et après trois heures de navigation il mit pied à terre devant une maison romaine. Du toit s'élevait une fumée légère. Le saint homme franchit le seuil sur lequel une mosaïque représentait un chien, les jarrets tendus et les babines retroussées. Il fut accueilli par deux vieux époux, Marcus Combabus et Valeria Moerens, qui vivaient là du produit de leurs terres. Autour de la cour intérieure régnait un portique dont les colonnes étaient peintes en rouge depuis la base jusqu'à mi-hauteur. Une fontaine de coquillages s’adossait au mur et sous le portique s'élevait un autel, avec une niche où le maître de cette maison avait déposé de petites idoles de terre cuite, blanchies au lait de chaux. Les unes représentaient des enfants ailés, les autres Apollon ou Mercure, et plusieurs étaient en forme d’une femme nue qui se tordait les cheveux. Mais le saint homme Maël, observant ces figures, découvrit parmi elles l’image d’une jeune mère tenant un enfant sur ses genoux.

    Aussitôt il dit, montrant cette image:

    —Celle-ci est la Vierge, mère de Dieu. Le poète Virgile l’annonça en carmes sibyllins avant qu’elle ne fût née, et, d’une voix angélique, il chanta Jam redit et virgo. Et l’on fit d’elle dans la gentilité des figures prophétiques telles que celle-ci, que tu as placée, ô Marcus, sur cet autel. Et sans doute elle a protégé tes lares modiques. C’est ainsi que ceux qui observent exactement la loi naturelle se préparent à la connaissance des vérités révélées.

    Marcus Combabus et Valeria Moerens, instruits par ce discours, se convertirent à la foi chrétienne. Ils reçurent le baptême avec leur jeune affranchie, Caelia Avitella, qui leur était plus chère que la lumière de leurs yeux. Tous leurs colons renoncèrent au paganisme et furent baptisés le même jour.

    Marcus Combabus, Valeria Moerens et Caelia Avitella menèrent depuis lors une vie pleine de mérites. Ils trépassèrent dans le Seigneur et furent admis au canon des saints.

    Durant trente-sept années encore, le bienheureux Maël évangélisa les païens de l’intérieur des terres. Il éleva deux cent dix-huit chapelles et soixante-quatorze abbayes.

    Or, un certain jour, en la cité de Vannes, où il annonçait l'Évangile, il apprit que les moines d’Yvern s'étaient relâchés en son absence de la règle de saint Gal. Aussitôt, avec le zèle de la poule qui rassemble ses poussins, il se rendit auprès de ses enfants égarés. Il accomplissait alors sa quatre-vingt-dix-septième année; sa taille s'était courbée, mais ses bras restaient encore robustes et sa parole se répandait abondamment comme la neige en hiver au fond des vallées.

    L’abbé Budoc remit à saint Maël le bâton de frêne et l’instruisit de l'état malheureux où se trouvait l’abbaye. Les religieux s'étaient querellés sur la date à laquelle il convenait de célébrer la fête de Pâques. Les uns tenaient pour le calendrier romain, les autres pour le calendrier grec, et les horreurs d’un schisme chronologique déchiraient le monastère.

    Il régnait encore une autre cause de désordres. Les religieuses de l'île de Gad, tristement tombées de leur vertu première, venaient à tout moment en barque sur la côte d’Yvern. Les religieux les recevaient dans le bâtiment des hôtes et il en résultait des scandales qui remplissaient de désolation les âmes pieuses.

    Ayant terminé ce fidèle rapport, l’abbé Budoc conclut en ces termes:

    —Depuis la venue de ces nonnes, c’en est fait de l’innocence et du repos de nos moines.

    —Je le crois volontiers, répondit le bienheureux Maël. Car la femme est un piège adroitement construit: on y est pris dès qu’on l’a flairé. Hélas! l’attrait délicieux de ces créatures s’exerce de loin plus puissamment encore que de près. Elles inspirent d’autant plus le désir qu’elles le contentent moins. De là ce vers d’un poète à l’une d’elles:

    Présente je vous fuis, absente je vous trouve.

    Aussi voyons-nous, mon fils, que les blandices de l’amour charnel sont plus puissantes sur les solitaires et les religieux que sur les hommes qui vivent dans le siècle. Le démon de la luxure m’a tenté toute ma vie de diverses manières, et les plus rudes tentations ne me vinrent pas de la rencontre d’une femme, même belle et parfumée. Elles me vinrent de l’image d’une femme absente. Maintenant encore, plein de jours et touchant à ma quatre-vingt-dix-huitième année, je suis souvent induit par l’Ennemi à pécher contre la chasteté, du moins en pensée. La nuit, quand j’ai froid dans mon lit et que se choquent avec un bruit sourd mes vieux os glacés, j’entends des voix qui récitent le deuxième verset du troisième livre des Rois: Dixerunt ergo et servi sui: Quaeramus domino nostro regi adolescentulam virginem, et stet coram rege et foveat eum, dormiatque in sinu suo, et calefaciat dominum nostrum regem. Et le Diable me montre une enfant dans sa première fleur qui me dit:—Je suis ton Abilag; je suis ta Sunamite. O mon seigneur, fais-moi une place dans la couche.

    »Croyez-moi, ajouta le vieillard, ce n’est pas sans un secours particulier du Ciel qu’un religieux peut garder sa chasteté de fait et d’intention.

    S’appliquant aussitôt à rétablir l’innocence et la paix dans le monastère, il corrigea le calendrier d’après les calculs de la chronologie et de l’astronomie et le fit accepter par tous les religieux; il renvoya les filles déchues de sainte Brigide dans leur monastère; mais loin de les chasser brutalement, il les fit conduire à leur navire avec des chants de psaumes et de litanies.

    —Respectons en elles, disait-il, les filles de Brigide et les fiancées du Seigneur. Gardons-nous d’imiter les pharisiens qui affectent de mépriser les pécheresses. Il faut humilier ces femmes dans leur péché et non dans leur personne et leur faire honte de ce qu’elles ont fait et non de ce qu’elles sont: car elles sont des créatures de Dieu.

    Et le saint homme exhorta ses religieux à fidèlement observer la règle de leur ordre:

    —Quand il n’obéit pas au gouvernail, leur dit-il, le navire obéit à l'écueil.

    Le bienheureux Maël avait à peine rétabli l’ordre dans l’abbaye d’Yvern quand il apprit que les habitants de l'île d’Hoedic, ses premiers catéchumènes, et de tous les plus chers à son coeur, étaient retournés au paganisme et qu’ils suspendaient des couronnes de fleurs et des bandelettes de laine aux branches du figuier sacré.

    Le batelier qui portait ces douloureuses nouvelles exprima la crainte que bientôt ces hommes égarés ne détruisissent par le fer et par le feu la chapelle élevée sur le rivage de leur île.

    Le saint homme résolut de visiter sans retard ses enfants infidèles afin de les ramener à la foi et d’empêcher qu’ils ne se livrassent à des violences sacrilèges. Comme il se rendait à la baie sauvage où son auge de pierre était mouillée, il tourna ses regards sur les chantiers qu’il avait établis trente ans auparavant, au fond de cette baie, pour la construction des navires, et qui retentissaient, à cette heure, du bruit des scies et des marteaux.

    À ce moment, le Diable qui ne se lasse jamais, sortit des chantiers, s’approcha du saint homme, sous la figure d’un religieux nommé Samson et le tenta en ces termes:

    —Mon père, les habitants de l'île d’Hoedic commettent incessamment des péchés. Chaque instant qui s'écoule les éloigne de Dieu. Ils vont bientôt porter le fer et le feu dans la chapelle que vous avez élevée de vos mains vénérables sur le rivage de l'île. Le temps presse. Ne pensez- vous point que votre auge de pierre vous conduirait plus vite vers eux, si elle était gréée comme une barque, et munie d’un gouvernail, d’un mât et d’une voile; car alors vous seriez poussé par le vent. Vos bras sont robustes encore et propres à gouverner une embarcation. On ferait bien aussi de mettre une étrave tranchante à l’avant de votre auge apostolique. Vous êtes trop sage pour n’en avoir pas eu déjà l’idée.

    —Certes, le temps presse, répondit le saint homme. Mais agir comme vous dites, mon fils Samson, ne serait-ce pas me rendre semblable à ces hommes de peu de foi, qui ne se fient point au Seigneur? Ne serait-ce point mépriser les dons de Celui qui m’a envoyé la cuve de pierre sans agrès ni voilure?

    À cette question, le Diable, qui est grand théologien, répondit par cette autre question:

    —Mon père, est-il louable d’attendre, les bras croisés, que vienne le secours d’en haut, et de tout demander à Celui qui peut tout, au lieu d’agir par prudence humaine et de s’aider soi-même?

    —Non certes, répondit le saint vieillard Maël, et c’est tenter Dieu que de négliger d’agir par prudence humaine.

    —Or, poussa le Diable, la prudence n’est-elle point, en ce cas-ci, de gréer la cuve?

    —Ce serait prudence si l’on ne pouvait d’autre manière arriver à point.

    —Eh! eh! votre cuve est-elle donc bien rapide?

    —Elle l’est autant qu’il plaît à Dieu.

    —Qu’en savez-vous? Elle va comme la mule de l’abbé Budoc. C’est un vrai sabot. Vous est-il défendu de la rendre plus vite?

    —Mon fils, la clarté orne vos discours, mais ils sont tranchants à l’excès. Considérez que cette cuve est miraculeuse.

    —Elle l’est, mon père. Une auge de granit qui flotte sur l’eau comme un bouchon de liège est une auge miraculeuse. Il n’y a point de doute. Qu’en concluez-vous?

    —Mon embarras est grand. Convient-il de perfectionner par des moyens humains et naturels une si miraculeuse machine?

    —Mon père, si vous perdiez le pied droit et que Dieu vous le rendît, ce pied serait-il miraculeux?

    —Sans doute, mon fils.

    —Le chausseriez-vous?

    —Assurément.

    —Eh bien! si vous croyez qu’on peut chausser d’un soulier naturel un pied miraculeux, vous devez croire aussi qu’on peut mettre des agrès naturels à une embarcation miraculeuse. Cela est limpide. Hélas! pourquoi faut-il que les plus saints personnages aient leurs heures de langueur et de ténèbres? On est le plus illustre des apôtres de la Bretagne, on pourrait accomplir des oeuvres dignes d’une louange éternelle…. Mais l’esprit est lent et la main paresseuse! Adieu donc, mon père! Voyagez à petites journées, et quand enfin vous approcherez des côtes d’Hoedic, vous regarderez fumer les ruines de la chapelle élevée et consacrée par vos mains. Les païens l’auront brûlée avec le petit diacre que vous y avez mis et qui sera grillé comme un boudin.

    —Mon trouble est extrême, dit le serviteur de Dieu, en essuyant de sa manche son front mouillé de sueur. Mais, dis-moi, mon fils Samson, ce n’est point une petite tâche que de gréer cette auge de pierre. Et ne nous arrivera-t-il pas, si nous entreprenons une telle oeuvre, de perdre du temps loin d’en gagner.

    —Ah! mon père, s'écria le Diable, en un tour de sablier la chose sera faite. Nous trouverons les agrès nécessaires dans ce chantier que vous avez jadis établi sur cette côte et dans ces magasins abondamment garnis par vos soins. J’ajusterai moi même toutes les pièces navales. Avant d'être moine, j’ai été matelot et charpentier; et j’ai fait bien d’autres métiers encore. À l’ouvrage!

    Aussitôt il entraîne le saint homme dans un hangar tout rempli des choses nécessaires à la navigation.

    —À vous cela, mon père!

    Et il lui jette sur les épaules la toile, le mât, la corne et le gui.

    Puis, se chargeant lui-même d’une étrave et d’un gouvernail avec la mèche et la barre et saisissant un sac de charpentier plein d’outils, il court au rivage, tirant après lui par sa robe le saint homme plié, suant et soufflant, sous le faix de la toile et des bois.

    Le Diable, s'étant troussé jusqu’aux aisselles, traîna l’auge sur le sable et la gréa en moins d’une heure.

    Dès que le saint homme Maël se fut embarqué, cette cuve, toutes voiles déployées, fendit les eaux avec une telle vitesse que la côte fut aussitôt hors de vue. Le vieillard gouvernait au sud pour doubler le cap Land’s End. Mais un courant irrésistible le portait au sud-ouest. Il longea la côte méridionale de l’Irlande et tourna brusquement vers le septentrion. Le soir, le vent fraîchit. En vain Maël essaya de replier la toile. La cuve fuyait éperdument vers les mers fabuleuses.

    À la clarté de la lune, les sirènes grasses du Nord, aux cheveux de chanvre, vinrent soulever autour de lui leurs gorges blanches et leurs croupes roses; et, battant de leurs queues d'émeraude la vague écumeuse, elles chantèrent en cadence:

    Où cours-tu, doux Maël,

    Dans ton auge éperdue?

    Ta voile est gonflée

    Comme le sein de Junon

    Quand il en jaillit la Voie lactée.

    Un moment elles le poursuivirent, sous les étoiles, de leurs rires harmonieux. Mais la cuve fuyait plus rapide cent fois que le navire rouge d’un Viking. Et les pétrels, surpris dans leur vol, se prenaient les pattes aux cheveux du saint homme.

    Bientôt une tempête s'éleva, pleine d’ombre et de gémissements, et l’auge, poussée par un vent furieux, vola comme une mouette dans la brume et la houle.

    Après une nuit de trois fois vingt-quatre heures, les ténèbres se déchirèront soudain. Et le saint homme découvrit à l’horizon un rivage plus étincelant que le diamant. Ce rivage grandit rapidement, et bientôt, à la clarté glaciale d’un soleil inerte et bas, Maël vit monter au-dessus des flots une ville blanche, aux rues muettes, qui, plus vaste que Thèbes aux cent portes, étendait à perte de vue les ruines de son forum de neige, de ses palais de givre, de ses arcs de cristal et de ses obélisques irisés.

    L’océan était couvert de glaces flottantes, autour desquelles nageaient des hommes marins au regard sauvage et doux. Et Léviathan passa, lançant une colonne d’eau jusqu’aux nuées.

    Cependant, sur un bloc de glace qui nageait de conserve avec l’auge de pierre, une ourse blanche était assise, tenant son petit entre ses bras, et Maël l’entendit qui murmurait doucement ce vers de Virgile: Incipe parve puer.

    Et le vieillard, plein de tristesse et de trouble, pleura.

    L’eau douce avait, en se gelant, fait éclater le baril qui la contenait. Et pour étancher sa soif, Maël suçait des glaçons. Et il mangeait son pain trempé d’eau salée. Sa barbe et ses cheveux se brisaient comme du verre. Sa robe recouverte d’une couche de glace lui coupait à chaque mouvement les articulations des membres. Les vagues monstrueuses se soulevaient et leurs mâchoires écumantes s’ouvraient toutes grandes sur le vieillard. Vingt fois des paquets de mer emplirent l’embarcation. Et le livre des saints Évangiles, que l’apôtre gardait précieusement sous une couverture de pourpre, marquée d’une croix d’or, l’océan l’engloutit.

    Or, le trentième jour, la mer se calma. Et voici qu’avec une effroyable clameur du ciel et des eaux une montagne d’une blancheur éblouissante, haute de trois cents pieds, s’avance vers la cuve de pierre. Maël gouverne pour l'éviter; la barre se brise dans ses mains. Pour ralentir sa marche à l'écueil, il essaye encore de prendre des ris. Mais, quand il veut nouer les garcettes, le vent les lui arrache, et le filin, en s'échappant, lui brûle les mains. Et il voit trois démons aux ailes de peau noire, garnies de crochets, qui, pendus aux agrès, soufflent dans la toile.

    Comprenant à cette vue que l’Ennemi l’a gouverné en toutes ces choses, il s’arme du signe de la Croix. Aussitôt un coup de vent furieux, plein de sanglots et de hurlements, soulève l’auge de pierre, emporte la mâture avec toute la toile, arrache le gouvernail et l'étrave.

    Et l’auge s’en fut à la dérive sur la mer apaisée. Le saint homme, s’agenouillant, rendit grâces au Seigneur, qui l’avait délivré des pièges du démon. Alors il reconnut, assise sur un bloc de glace, l’ourse mère, qui avait parlé dans la tempête. Elle pressait sur son sein son enfant bien-aimé, et tenait à la main un livre de pourpre marqué d’une croix d’or. Ayant accosté l’auge de granit, elle salua le saint homme par ces mots:

    —Pax tibi, Maël.

    Et elle lui tendit le livre.

    Le saint homme reconnut son évangéliaire, et, plein d'étonnement, il chanta dans l’air tiédi une hymne au Créateur et à la création.

    Après être allé une heure à la dérive, le saint homme aborda une plage étroite, fermée par des montagnes à pic. Il marcha le long du rivage, tout un jour et une nuit, contournant les rochers qui formaient une muraille infranchissable. Et il s’assura ainsi que c'était une île ronde, au milieu de laquelle s'élevait une montagne couronnée de nuages. Il respirait avec joie la fraîche haleine de l’air humide. La pluie tombait, et cette pluie était si douce que le saint homme dit au Seigneur:

    —Seigneur, voici l'île des larmes, l'île de la contrition.

    La plage était déserte. Exténué de fatigue et de faim, il s’assit sur une pierre, dans les creux de laquelle reposaient des oeufs jaunes, marqués de taches noires et gros comme des oeufs de cygne. Mais il n’y toucha point, disant:

    —Les oiseaux sont les louanges vivantes de Dieu. Je ne veux pas que par moi manque une seule de ces louanges.

    Et il mâcha des lichens arrachés au creux des pierres.

    Le saint homme avait accompli presque entièrement le tour de l'île sans rencontrer d’habitants, quand il parvint à un vaste cirque formé par des rochers fauves et rouges, pleins de cascades sonores, et dont les pointes bleuissaient dans les nuées.

    La réverbération des glaces polaires avait brûlé les yeux du vieillard. Pourtant, une faible lumière se glissait encore entre ses paupières gonflées. Il distingua des formes animées qui se pressaient en étages sur ces rochers, comme une foule d’hommes sur les gradins d’un amphithéâtre. Et en même temps ses oreilles, assourdies par les longs bruits de la mer, entendirent faiblement des voix. Pensant que c'était là des hommes vivant selon la loi naturelle, et que le Seigneur l’avait envoyé à eux pour leur enseigner la loi divine, il les évangélisa.

    Monté sur une haute pierre au milieu du cirque sauvage:

    —Habitants de cette île, leur dit-il, quoique vous soyez de petite taille, vous semblez moins une troupe de pêcheurs et de mariniers que le sénat d’une sage république. Par votre gravité, votre silence, votre tranquille maintien, vous composez sur ce rocher sauvage une assemblée comparable aux Pères-Conscrits de Rome délibérant dans le temple de la Victoire, ou plutôt aux philosophes d’Athènes disputant sur les bancs de l’Aréopage. Sans doute, vous ne possédez ni leur science ni leur génie; mais peut-être, au regard de Dieu, l’emportez vous sur eux. Je devine que vous êtes simples et bons. En parcourant les bords de votre île, je n’y ai découvert aucune image de meurtre, aucun signe de carnage, ni têtes ni chevelures d’ennemis suspendues à une haute perche ou clouées aux portes des villages. Il me semble que vous n’avez point d’arts, et que vous ne travaillez point les métaux. Mais vos coeurs sont purs et vos mains innocentes. Et la vérité entrera facilement dans vos âmes.

    Or, ce qu’il avait pris pour des hommes de petite taille, mais d’une allure grave, c'étaient des pingouins que réunissait le printemps, et qui se tenaient rangés par couples sur les degrés naturels de la roche, debout dans la majesté de leurs gros ventres blancs. Par moments ils agitaient comme des bras leurs ailerons et poussaient des cris pacifiques. Ils ne craignaient point les hommes, parce qu’ils ne les connaissaient pas et n’en avaient jamais reçu d’offense; et il y avait en ce religieux une douceur qui rassurait les animaux les plus craintifs, et qui plaisait extrêmement à ces pingouins. Ils tournaient vers lui, avec une curiosité amie, leur petit oeil rond prolongé en avant par une tache blanche ovale, qui donnait à leur regard quelque chose de bizarre et d’humain.

    Touché de leur recueillement, le saint homme leur enseignait l'Évangile.

    —Habitants de cette île, le jour terrestre qui vient de se lever sur vos rochers est l’image du jour spirituel qui se lève dans vos âmes. Car je vous apporte la lumière intérieure; je vous apporte la lumière et la chaleur de l'âme. De même que le soleil fait fondre les glaces de vos montagnes, Jésus-Christ fera fondre les glaces de vos coeurs.

    Ainsi parla le vieillard. Comme partout dans la nature la voix appelle la voix, comme tout ce qui respire à la lumière du jour aime les chants alternés, les pingouins répondirent au vieillard par les sons de leur gosier. Et leur voix se faisait douce, car ils étaient dans la saison de l’amour.

    Et le saint homme, persuadé qu’ils appartenaient à quelque peuplade idolâtre et faisaient en leur langage adhésion à la foi chrétienne, les invita à recevoir le baptême.

    —Je pense, leur dit-il, que vous vous baignez souvent. Car tous les creux de ces roches sont pleins d’une eau pure, et j’ai vu tantôt, en me rendant à votre assemblée, plusieurs d’entre vous plongés dans ces baignoires naturelles. Or, la pureté du corps est l’image de la pureté spirituelle.

    Et il leur enseigna l’origine, la nature et les effets du baptême.

    —Le baptême, leur dit-il, est Adoption, Renaissance, Régénération, Illumination.

    Et il leur expliqua successivement chacun de ces points.

    Puis, ayant béni préalablement l’eau qui tombait des cascades et récité les exorcismes, il baptisa ceux qu’il venait d’enseigner, en versant sur la tête de chacun d’eux une goutte d’eau pure et en prononçant les paroles consacrées.

    Et il baptisa ainsi les oiseaux pendant trois jours et trois nuits.

    Quand le baptême des pingouins fut connu dans le Paradis, il n’y causa ni joie ni tristesse, mais une extrême surprise. Le Seigneur lui-même était embarrassé. Il réunit une assemblée de clercs et de docteurs et leur demanda s’ils estimaient que ce baptême fût valable.

    —Il est nul, dit saint Patrick.

    —Pourquoi est-il nul? demanda saint Gal, qui avait évangélisé les

    Cornouailles et formé le saint homme Maël aux travaux apostoliques.

    —Le sacrement du baptême, répondit saint Patrick, est nul quand il est donné à des oiseaux, comme le sacrement du mariage est nul quand il est donné à un eunuque.

    Mais saint Gal:

    —Quel rapport prétendez-vous établir entre le baptême d’un oiseau et le mariage d’un eunuque? Il n’y en a point. Le mariage est, si j’ose dire, un sacrement conditionnel, éventuel. Le prêtre bénit par avance un acte; il est évident que, si l’acte n’est pas consommé, la bénédiction demeure sans effet. Cela saute aux yeux. J’ai connu sur la terre, dans la ville d’Antrim, un homme riche nommé Sadoc qui, vivant en concubinage avec une femme, la rendit mère de neuf enfants. Sur ses vieux jours, cédant à mes objurgations, il consentit à l'épouser et je bénis leur union. Malheureusement le grand âge de Sadoc l’empêcha de consommer le mariage. Peu de temps après, il perdit tous ses biens et Germaine (tel était le nom de cette femme), ne se sentant point en état de supporter l’indigence, demanda l’annulation d’un mariage qui n’avait point de réalité. Le pape accueillit sa demande, car elle était juste. Voilà pour le mariage. Mais le baptême est conféré sans restrictions ni réserves d’aucune sorte. Il n’y a point de doute: c’est un sacrement que les pingouins ont reçu.

    Appelé à donner son avis, le pape saint Damase s’exprima en ces termes:

    —Pour savoir si un baptême est valable et produira ses conséquences, c’est-à-dire la sanctification, il faut considérer qui le donne et non qui le reçoit. En effet, la vertu sanctifiante de ce sacrement résulte de l’acte extérieur par lequel il est conféré, sans que le baptisé coopère à sa propre sanctification par aucun acte personnel; s’il en était autrement on ne l’administrerait point aux nouveau-nés. Et il n’est besoin, pour baptiser, de remplir aucune condition particulière; il n’est pas nécessaire d'être en état de grâce; il suffit d’avoir l’intention de faire ce que fait l'Église, de prononcer les paroles consacrées et d’observer les formes prescrites. Or, nous ne pouvons douter que le vénérable Maël n’ait opéré dans ces conditions. Donc les pingouins sont baptisés.

    —Y pensez-vous? demanda saint Guénolé. Et que croyez-vous donc que soit le baptême? Le baptême est le procédé de la régénération par lequel l’homme naît d’eau et d’esprit, car entré dans l’eau couvert de crimes, il en sort néophyte, créature nouvelle, abondante en fruits de justice; le baptême est le germe de l’immortalité; le baptême est le gage de la résurrection; le baptême est l’ensevelissement avec le Christ en sa mort et la communion à la sortie du sépulcre. Ce n’est pas un don à faire à des oiseaux. Raisonnons, mes pères. Le baptême efface le péché originel; or les pingouins n’ont pas été conçus dans le péché; il remet toutes les peines du péché; or les pingouins n’ont pas péché; il produit la grâce et le don des vertus, unissant les chrétiens à Jésus-Christ, comme les membres au chef, et il tombe sous le sens que les pingouins ne sauraient acquérir les vertus des confesseurs, des vierges et des veuves, recevoir des grâces et s’unir à….

    Saint Damase ne le laissa point achever:

    —Cela prouve, dit-il vivement, que le baptême était inutile; cela ne prouve pas qu’il ne soit pas effectif.

    —Mais à ce compte, répliqua saint Guénolé, on baptiserait au nom du Père, du Fils et de l’Esprit, par aspersion ou immersion, non seulement un oiseau ou un quadrupède, mais aussi un objet inanimé, une statue, une table, une chaise, etc. Cet animal serait chrétien, cette idole, cette table seraient chrétiennes! C’est absurde!

    Saint Augustin prit la parole. Il se fit un grand silence.

    —Je vais, dit l’ardent évêque d’Hippone, vous montrer, par un exemple, la puissance des formules. Il s’agit, il est vrai, d’une opération diabolique. Mais s’il est établi que des formules enseignées par le Diable ont de l’effet sur des animaux privés d’intelligence, ou même sur des objets inanimés, comment douter encore que l’effet des formules sacramentelles ne s'étende sur les esprits des brutes et sur la matière inerte? Voici cet exemple:

    »Il y avait, de mon vivant, dans la ville de Madaura, patrie du philosophe Apulée, une magicienne à qui il suffisait de brûler sur un trépied, avec certaines herbes et en prononçant certaines paroles, quelques cheveux coupés sur la tête d’un homme pour attirer aussitôt cet homme dans son lit. Or, un jour qu’elle voulait obtenir, de cette manière, l’amour d’un jeune garçon, elle brûla, trompée par sa servante, au lieu des cheveux de cet adolescent, des poils arrachés à une outre de peau de bouc qui pendait à la boutique d’un cabaretier. Et la nuit, l’outre pleine de vin bondit à travers la ville, jusqu’au seuil de la magicienne. Le fait est véritable. Dans les sacrements comme dans les enchantements, c’est la forme qui opère. L’effet d’une formule divine ne saurait être moindre en force et en étendue, que l’effet d’une formule infernale.

    Ayant parlé de la sorte, le grand Augustin s’assit au milieu des applaudissements.

    Un bienheureux, d’un âge avancé et d’aspect mélancolique, demanda la parole. Personne ne le connaissait. Il se nommait Probus et n'était point inscrit dans le canon des saints.

    —Que la compagnie veuille m’excuser, dit-il. Je n’ai point d’auréole, et c’est sans éclat que j’ai gagné la béatitude éternelle. Mais après ce que vient de vous dire le grand saint Augustin, je crois à propos de vous faire part d’une cruelle expérience que j’ai faite sur les conditions nécessaires à la validité d’un sacrement. L'évêque d’Hippone a bien raison de le dire: un sacrement dépend de la forme. Sa vertu est dans la forme; son vice est dans la forme. Écoutez, confesseurs et pontifes, ma lamentable histoire. J'étais prêtre à Rome, sous le principat de l’empereur Gordien. Sans me recommander comme vous par des mérites singuliers, j’exerçais le sacerdoce avec piété. J’ai desservi pendant quarante ans l'église de Sainte-Modeste-hors-les-Murs. Mes habitudes étaient régulières. Je me rendais chaque samedi auprès d’un cabaretier nommé Barjas, qui logeait avec ses amphores sous la porte Capène, et je lui achetais le vin que je consacrais chaque jour de la semaine. Je n’ai point, dans ce long espace de temps, manqué un seul matin de célébrer le très saint sacrifice de la messe. Pourtant j'étais sans joie et c’est le coeur serré d’angoisse que je demandais sur les degrés de l’autel: «Pourquoi es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu?» Les fidèles que je conviais à la sainte table me donnaient des sujets d’affliction, car ayant encore, pour ainsi dire, sur la langue l’hostie administrée par mes mains, ils retombaient dans le péché, comme si le sacrement eût été sur eux sans force et sans efficacité. J’atteignis enfin le terme de mes épreuves terrestres et, m'étant endormi dans le Seigneur, je me réveillai au séjour des élus. J’appris alors, de la bouche de l’ange qui m’avait transporté, que le cabaretier Barjas, de la porte Capène, vendait pour du vin une décoction de racines et d'écorces dans laquelle n’entrait point une seule goutte du jus de la vigne et que je n’avais pu transmuer ce vil breuvage en sang, puisque ce n'était pas du vin, et que le vin seul se change au sang de Jésus-Christ, que par conséquent toutes mes consécrations étaient nulles et que, à notre insu, nous étions, mes fidèles et moi, depuis quarante ans privés du sacrement de l’eucharistie et excommuniés de fait. À cette révélation, je fus saisi d’une stupeur qui m’accable encore aujourd’hui dans ce séjour de la béatitude. Je le parcours incessamment sur toute son étendue sans rencontrer un seul des chrétiens que j’admis autrefois à la sainte table dans la basilique de la bienheureuse Modeste.

    »Privés du pain des anges, ils s’abandonnèrent sans force aux vices les plus abominables et ils sont tous allés en enfer. Je me plais à penser que le cabaretier Barjas est damné. Il y a dans ces choses une logique digne de l’auteur de toute logique. Néanmoins mon malheureux exemple prouve qu’il est parfois fâcheux que, dans les sacrements, la forme l’emporte sur le fond. Je le demande humblement: la sagesse éternelle n’y pourrait-elle remédier?

    —Non, répondit le Seigneur. Le remède serait pire que le mal. Si dans les règles du salut le fond l’emportait sur la forme, ce serait la ruine du sacerdoce.

    —Hélas! mon Dieu, soupira l’humble Probus, croyez-en ma triste expérience: tant que vous réduirez vos sacrements à des formules votre justice rencontrera de terribles obstacles.

    —Je le sais mieux que vous, répliqua le Seigneur. Je vois d’un même regard les problèmes actuels, qui sont difficiles, et les problèmes futurs, qui ne le seront pas moins. Ainsi, je puis vous annoncer qu’après que le soleil aura tourné encore deux cent quarante fois autour de la terre….

    —Sublime langage! s'écrièrent les anges.

    —Et digne du créateur du monde, répondirent les pontifes.

    —C’est, reprit le Seigneur, une façon de dire en rapport avec ma vieille cosmogonie et dont je ne me déferai pas sans qu’il en coûte à mon immutabilité….

    Après donc que le soleil aura tourné encore deux cent quarante fois autour de la terre, il ne se trouvera plus à Rome un seul clerc sachant le latin. En chantant les litanies dans les églises, on invoquera les saints Orichel, Roguel et Totichel qui sont, vous le savez, des diables et non des anges. Beaucoup de voleurs, ayant dessein de communier, mais craignant d'être obligés, pour obtenir leur pardon, d’abandonner à l'Église les objets dérobés, se confesseront à des prêtres errants qui, n’entendant ni l’italien ni le latin et parlant seulement le patois de leur village, iront, par les cités et les bourgs, vendre à vil prix, souvent pour une bouteille de vin, la rémission des péchés. Vraisemblablement, nous n’aurons point à nous soucier de ces absolutions auxquelles manquera la contrition pour être valables; mais il pourra bien arriver que les baptêmes nous causent encore de l’embarras. Les prêtres deviendront à ce point ignares, qu’ils baptiseront les enfants in nomine patria et filia et spirita sancta, comme Louis de Potter se fera un plaisir de le relater au tome III de son Histoire philosophique, politique et critique du christianisme. Ce sera une question ardue que de décider sur la validité de tels baptêmes; car enfin, si je m’accommode pour mes textes sacrés d’un grec moins élégant que celui de Platon et d’un latin qui ne cicéronise guère, je ne saurais admettre comme formule liturgique un pur charabia. Et l’on frémit, quand on songe qu’il sera procédé avec cette inexactitude sur des millions de nouveau-nés. Mais revenons à nos pingouins.

    —Vos divines paroles, Seigneur, nous y ont déjà ramenés, dit saint Gal. Dans les signes de la religion et les règles du salut, la forme l’emporte nécessairement sur le fond et la validité d’un sacrement dépend uniquement de sa forme. Toute la question est de savoir si oui ou non les pingouins ont été baptisés dans les formes. Or la réponse n’est pas douteuse. Les pères et les docteurs en tombèrent d’accord, et leur perplexité n’en devint que plus cruelle.

    —L'état de chrétien, dit saint Corneille, ne va pas sans de graves inconvénients pour un pingouin. Voilà des oiseaux dans l’obligation de faire leur salut. Comment y pourront-ils réussir? Les moeurs des oiseaux sont, en bien des points, contraires aux commandements de l'Église. Et les pingouins n’ont pas de raison pour en changer. Je veux dire qu’ils ne sont pas assez raisonnables pour en prendre de meilleures.

    —Ils ne le peuvent pas, dit le Seigneur; mes décrets les en empêchent.

    —Toutefois, reprit saint Corneille, par la vertu du baptême, leurs actions cessent de demeurer indifférentes. Désormais elles seront bonnes ou mauvaises, susceptibles de mérite ou de démérite.

    —C’est bien ainsi que la question se pose, dit le Seigneur.

    —Je n’y vois qu’une solution, dit saint Augustin. Les pingouins iront en enfer.

    —Mais ils n’ont point d'âme, fit observer saint Irénée.

    —C’est fâcheux, soupira Tertullien.

    —Sans doute, reprit saint Gal. Et je reconnais que le saint homme Maël, mon disciple, a, dans son zèle aveugle, créé au Saint-Esprit de grandes difficultés théologiques et porté le désordre dans l'économie des mystères.

    —C’est un vieil étourdi, s'écria en haussant les épaules saint Adjutor d’Alsace.

    Mais le Seigneur, tournant sur Adjutor un regard de reproche:

    —Permettez, dit-il: le saint homme Maël n’a pas comme vous, mon bienheureux, la science infuse. Il ne me voit pas. C’est un vieillard accablé d’infirmités; il est à moitié sourd et aux trois quarts aveugle. Vous êtes trop sévère pour lui. Cependant je reconnais que la situation est embarrassante.

    —Ce n’est heureusement qu’un désordre passager, dit saint Irénée. Les pingouins sont baptisés, leurs oeufs ne le seront pas et le mal s’arrêtera à la génération actuelle.

    —Ne parlez pas ainsi, mon fils Irénée, dit le Seigneur. Les règles que les physiciens établissent sur la terre souffrent des exceptions, parce qu’elles sont imparfaites et ne s’appliquent pas exactement à la nature. Mais les règles que j'établis sont parfaites et ne souffrent aucune exception. Il faut décider du sort des pingouins baptisés, sans enfreindre aucune loi divine et conformément au décalogue ainsi qu’aux commandements de mon Église.

    —Seigneur, dit saint Grégoire de Nazianze, donnez-leur une âme immortelle.

    —Hélas! Seigneur, qu’en feraient-ils? soupira Lactance. Ils n’ont pas une voix harmonieuse pour chanter vos louanges. Ils ne sauraient célébrer vos mystères.

    —Sans doute, dit saint Augustin, ils n’observeront pas la loi divine.

    —Ils ne le pourront pas, dit le Seigneur.

    —Ils ne le pourront pas, poursuivit saint Augustin. Et si, dans votre sagesse, Seigneur, vous leur infusez une âme immortelle, ils brûleront éternellement en enfer, en vertu de vos décrets adorables. Ainsi sera rétabli l’ordre auguste, troublé par ce vieux Cambrien.

    —Vous me proposez, fils de Monique, une solution correcte, dit le Seigneur, et qui s’accorde avec ma sagesse. Mais elle ne contente point ma clémence. Et, bien qu’immuable par essence, à mesure que je dure, j’incline davantage à la douceur. Ce changement de caractère est sensible à qui lit mes deux testaments.

    Comme la discussion se prolongeait sans apporter beaucoup de lumières et que les bienheureux montraient de la propension à répéter toujours la même chose, on décida de consulter sainte Catherine d’Alexandrie. C’est ce qu’on faisait ordinairement dans les cas difficiles. Sainte Catherine avait, sur la terre, confondu cinquante docteurs très savants. Elle connaissait la philosophie de Platon aussi bien que l'Écriture sainte et possédait la rhétorique.

    Sainte Catherine se rendit dans l’assemblée, la tête ceinte d’une couronne d'émeraudes, de saphirs et de perles, et vêtue d’une robe de drap d’or. Elle portait au côté une roue flamboyante, image de celle dont les éclats avaient frappé ses persécuteurs.

    Le Seigneur l’ayant invitée à parler, elle s’exprima en ces termes:

    —Seigneur, pour résoudre le problème que vous daignez me soumettre, je n'étudierai pas les moeurs des animaux en général, ni celles des oiseaux en particulier. Je ferai seulement remarquer aux docteurs, confesseurs et pontifes, réunis dans cette assemblée, que la séparation entre l’homme et l’animal n’est pas complète, puisqu’il se trouve des monstres qui procèdent à la fois de l’un et de l’autre. Tels sont les chimères, moitié nymphes et moitié serpents; les trois gorgones, les capripèdes; telles sont les scylles et les sirènes qui chantent dans la mer. Elles ont un buste de femme et une queue de poisson. Tels sont aussi les centaures, hommes jusqu'à la ceinture et chevaux pour le reste. Noble race de monstres. L’un d’eux, vous ne l’ignorez point, a su, guidé par les seules lumières de la raison, s’acheminer vers la béatitude éternelle, et vous voyez parfois sur les nuées d’or se cabrer sa poitrine héroïque. Le centaure Chiron mérita par ses travaux terrestres de partager le séjour des bienheureux: il fit l'éducation d’Achille; et ce jeune héros, au sortir des mains du centaure, vécut deux ans, habillé à la manière d’une jeune vierge, parmi les filles du roi Lycomède. Il partagea leurs jeux et leur couche sans leur laisser soupçonner un moment qu’il n'était point une jeune vierge comme elles. Chiron, qui l’avait nourri dans de si bonnes moeurs, est, avec l’empereur Trajan, le seul juste qui ait obtenu la gloire céleste en observant la loi naturelle. Et pourtant ce n'était qu’un demi-homme.

    «Je crois avoir prouvé par cet exemple qu’il suffit de posséder quelques parties d’homme, à la condition toutefois qu’elles soient nobles, pour parvenir à la béatitude éternelle. Et ce que le centaure Chiron a pu obtenir sans être régénéré par le baptême, comment des pingouins ne le mériteraient-ils pas, après avoir été baptisés, s’ils devenaient demi- pingouins et demi-hommes? C’est pourquoi je vous supplie, Seigneur, de donner aux pingouins du vieillard Maël une tête et un buste humains, afin qu’ils puissent vous louer dignement, et de leur accorder une âme immortelle, mais petite.

    Ainsi parla Catherine, et les pères, les docteurs, les confesseurs, les pontifes firent entendre un murmure d’approbation.

    Mais saint Antoine, ermite, se leva et, tendant vers le Très-Haut deux bras noueux et rouges:

    —N’en faites rien, Seigneur mon Dieu, s'écria-t-il, au nom de votre saint Paraclet, n’en faites rien!

    Il parlait avec une telle véhémence que sa longue barbe blanche s’agitait à son menton comme une musette vide à la bouche d’un cheval affamé.

    —Seigneur, n’en faites rien. Des oiseaux à tête humaine, cela existe déjà. Sainte Catherine n’a rien imaginé de nouveau.

    —L’imagination assemble et compare; elle ne crée jamais, répliqua sèchement sainte Catherine.

    —… Cela existe déjà, poursuivit saint Antoine, qui ne voulait rien entendre. Cela s’appelle les harpies, et ce sont les plus incongrus animaux de la création. Un jour que, dans le désert, je reçus à souper saint Paul, abbé, je mis la table au seuil de ma cabane, sous un vieux sycomore. Les harpies vinrent s’asseoir dans les branches; elles nous assourdirent de leurs cris aigus et fiantèrent sur tous les mets. L’importunité de ces monstres m’empêcha d’entendre les enseignements de saint Paul, abbé, et nous mangeâmes de la fiente d’oiseau avec notre pain et nos laitues. Comment peut-on croire que les harpies vous loueront dignement, Seigneur?

    »Certes, dans mes tentations, j’ai vu beaucoup d'êtres hybrides, non seulement des femmes serpents et des femmes poissons, mais des êtres composés avec plus d’incohérence encore, comme des hommes dont le corps était fait d’une marmite, d’une cloche, d’une horloge, d’un buffet rempli de nourriture et de vaisselle, ou même d’une maison avec des portes et des fenêtres, par lesquelles on apercevait des personnes occupées à des travaux domestiques. L'éternité ne suffirait pas s’il me fallait décrire tous les monstres qui m’ont assailli dans ma solitude, depuis les baleines gréées comme des navires jusqu'à la pluie de bestioles rouges qui changeait en sang l’eau de ma fontaine. Mais aucun n'était aussi dégoûtant que ces harpies qui brûlèrent de leurs excréments les feuilles de mon beau sycomore.

    —Les harpies, fit observer Lactance, sont des monstres femelles au corps d’oiseau. Elles ont d’une femme la tête et la poitrine. Leur indiscrétion, leur impudence et leur obscénité procèdent de leur nature féminine, ainsi que l’a démontré le poète Virgile en son Énéide. Elles participent de la malédiction d'Ève.

    —Ne parlons plus de la malédiction d'Ève, dit le Seigneur. La seconde

    Ève a racheté la première.

    Paul Orose, auteur d’une histoire universelle que Bossuet devait plus tard imiter, se leva et supplia le Seigneur:

    —Seigneur, entendez ma prière et celle d’Antoine. Ne fabriquez plus de monstres à la façon des centaures, des sirènes et des faunes, chers aux Grecs assembleurs de fables. Vous n’en aurez aucune satisfaction. Ces sortes de monstres ont des inclinations païennes et leur double nature ne les dispose pas à la pureté des moeurs.

    Le suave Lactance répliqua en ces termes:

    —Celui qui vient de parler est assurément le meilleur historien qui soit dans le Paradis, puisqu’Hérodote, Thucydide, Polybe Tite-Live, Velleius Paterculus, Cornélius Népos, Suétone, Manéthon, Diodore de Sicile, Dion Cassius, Lampride, sont privés de la vue de Dieu et que Tacite souffre en enfer les tourments dus aux blasphémateurs. Mais il s’en faut que Paul Orose connaisse aussi bien les cieux que la terre. Car il ne songe point que les anges, qui procèdent de l’homme et de l’oiseau, sont la pureté même.

    —Nous nous égarons, dit l'Éternel. Que viennent faire ici ces centaures, ces harpies et ces anges? Il s’agit de pingouins.

    —Vous l’avez dit, Seigneur; il s’agit de pingouins, déclara le doyen des cinquante docteurs confondus en leur vie mortelle par la vierge d’Alexandrie, et j’ose exprimer cet avis que, pour faire cesser le scandale dont les cieux s'émeuvent, il faut, comme le propose sainte Catherine qui nous a confondus, donner aux pingouins du vieillard Maël la moitié d’un corps humain, avec une âme éternelle, proportionnée à cette moitié.

    Sur cette parole, il s'éleva dans l’assemblée un grand bruit de conversations particulières et de disputes doctorales. Les pères grecs contestaient avec les latins véhémentement sur la substance, la nature et les dimensions de l'âme qu’il convenait de donner aux pingouins.

    —Confesseurs et pontifes, s'écria le Seigneur, n’imitez point les conclaves et les synodes de la terre. Et ne portez point dans l'Église triomphante ces violences qui troublent l'Église militante. Car, il n’est que trop vrai: dans tous les conciles, tenus sous l’inspiration de mon Esprit, en Europe, en Asie, en Afrique, les pères ont arraché la barbe et les yeux aux pères. Toutefois ils furent infaillibles, car j'étais avec eux.

    L’ordre étant rétabli, le vieillard Hermas se leva et prononça ces lentes paroles:

    —Je vous louerai, Seigneur, de ce que vous fîtes naître Saphira, ma mère, parmi votre peuple, aux jours où la rosée du ciel rafraîchissait la terre en travail de son Sauveur. Et je vous louerai, Seigneur, de m’avoir donné de voir de mes yeux mortels les apôtres de votre divin fils. Et je parlerai dans cette illustre assemblée parce que vous avez voulu que la vérité sortît de la bouche des humbles, et je dirai: Changez ces pingouins en hommes. C’est la seule détermination convenable à votre justice et à votre miséricorde.

    Plusieurs docteurs demandaient la parole; d’autres la prenaient. Personne n'écoutait et tous les confesseurs agitaient tumultueusement leurs palmes et leurs couronnes.

    Le Seigneur, d’un geste de sa droite, apaisa les querelles de ses élus:

    —N’en délibérons plus, dit-il. L’avis ouvert par le doux vieillard Hermas est le seul conforme à mes desseins éternels. Ces oiseaux seront changés en hommes. Je prévois à cela plusieurs inconvénients. Beaucoup entre ces hommes se donneront des torts qu’ils n’auraient pas eus comme pingouins. Certes, leur sort, par l’effet de ce changement, sera bien moins enviable qu’il n’eût été sans ce baptême et cette incorporation à la famille d’Abraham. Mais il convient que ma prescience n’entreprenne pas sur leur libre arbitre. Afin de ne point porter atteinte à la liberté humaine, j’ignore ce que je sais, j'épaissis sur mes yeux les voiles que j’ai percés et, dans mon aveugle clairvoyance, je me laisse surprendre par ce que j’ai prévu.

    Et aussitôt, appelant l’archange Raphaël:

    —Va trouver, lui dit-il, le saint homme Maël; avertis-le de sa méprise et dis-lui que, armé de mon Nom, il change ces pingouins en hommes.

    L’archange, descendu dans l'île des Pingouins, trouva le saint homme endormi au creux d’un rocher, parmi ses nouveaux disciples. Il lui posa la main sur l'épaule et, l’ayant éveillé, dit d’une voix douce:

    —Maël, ne crains point!

    Et le saint homme, ébloui par une vive lumière, enivré d’une odeur délicieuse, reconnut l’ange du Seigneur et se prosterna le front contre terre.

    Et l’ange dit encore:

    —Maël, connais ton erreur: croyant baptiser des enfants d’Adam, tu as baptisé des oiseaux; et voici que par toi des pingouins sont entrés dans l'Église de Dieu.

    À ces mots, le vieillard demeura stupide.

    Et l’ange reprit:

    —Lève-toi, Maël, arme-toi du Nom puissant du Seigneur et dis à ces oiseaux: «Soyez des hommes!»

    Et le saint homme Maël, ayant pleuré et prié, s’arma du Nom puissant du

    Seigneur et dit aux oiseaux:

    —Soyez des hommes!

    Aussitôt les pingouins se transformèrent. Leur front s'élargit et leur tête s’arrondit en dôme, comme Sainte-Marie Rotonde dans la ville de Rome. Leurs yeux ovales s’ouvrirent plus grands sur l’univers; un nez charnu habilla les deux fentes de leurs narines; leur bec se changea en bouche et de cette bouche sortit la parole; leur cou s’accourcit et grossit; leurs ailes devinrent des bras et leurs pattes des jambes; une âme inquiète habita leur poitrine.

    Pourtant il leur restait quelques traces de leur première nature. Ils étaient enclins à regarder de côté; ils se balançaient sur leurs cuisses trop courtes; leur corps restait couvert d’un fin duvet.

    Et Maël rendit grâces au Seigneur de ce qu’il avait incorporé ces pingouins à la famille d’Abraham.

    Mais il s’affligea à la pensée que, bientôt, il quitterait cette île pour n’y plus revenir et que, loin de lui, peut-être, la foi des pingouins périrait, faute de soins, comme une plante trop jeune et trop tendre. Et il conçut l’idée de transporter leur île sur les côtes d’Armorique.

    —J’ignore les desseins de la Sagesse éternelle, se dit-il. Mais si Dieu veut que l'île soit transportée, qui pourrait empêcher qu’elle le fût?

    Et le saint homme du lin de son étole fila une corde très mince, d’une longueur de quarante pieds. Il noua un bout de cette corde autour d’une pointe de rocher qui perçait le sable de la grève et, tenant à la main l’autre bout de la corde, il entra dans l’auge de pierre.

    L’auge glissa sur la mer, et remorqua l'île des Pingouins; après neuf jours de navigation elle aborda heureusement au rivage des Bretons, amenant l'île avec elle.

    LIVRE II

    LES TEMPS ANCIENS

    Ce jour-là, saint Maël s’assit, au bord de l’océan, sur une pierre qu’il trouva brûlante. Il crut que le soleil l’avait chauffée, et il en rendit grâces au Créateur du monde, ne sachant pas que le Diable venait de s’y reposer.

    L’apôtre attendait les moines d’Yvern, chargés d’amener une cargaison de tissus et de peaux, pour vêtir les habitants de l'île d’Alca.

    Bientôt il vit débarquer un religieux nommé Magis, qui portait un coffre sur son dos. Ce religieux jouissait d’une grande réputation de sainteté.

    Quand il se fut approché du vieillard, il posa le coffre à terre et dit, en s’essuyant le front du revers de sa manche:

    —Eh bien, mon père, voulez-vous donc vêtir ces pingouins?

    —Rien n’est plus nécessaire, mon fils, répondit le vieillard. Depuis qu’ils sont incorporés à la famille d’Abraham, ces pingouins participent de la malédiction d'Ève, et ils savent qu’ils sont nus, ce qu’ils ignoraient auparavant. Et il n’est que temps de les vêtir, car voici qu’ils perdent le duvet qui leur restait après leur métamorphose.

    —Il est vrai, dit Magis, en promenant ses regards sur le rivage où l’on voyait les pingouins occupés à pêcher la crevette, à cueillir des moules, à chanter ou à dormir; ils sont nus. Mais ne croyez-vous pas, mon père, qu’il ne vaudrait pas mieux les laisser nus? Pourquoi les vêtir? Lors qu’ils porteront des habits et qu’ils seront soumis à la loi morale, ils en prendront un immense orgueil, une basse hypocrisie et une cruauté superflue.

    —Se peut-il, mon fils, soupira le vieillard, que vous conceviez si mal les effets de la loi morale à laquelle les gentils eux-mêmes se soumettent?

    —La loi morale, répliqua Magis, oblige les hommes qui sont des bêtes à vivre autrement que des bêtes, ce qui les contrarie sans doute; mais aussi les flatte et les rassure; et, comme ils sont orgueilleux, poltrons et avides de joie, ils se soumettent volontiers à des contraintes dont ils tirent vanité et sur lesquelles ils fondent et leur sécurité présente et l’espoir de leur félicité future. Tel est le principe de toute morale…. Mais ne nous égarons point. Mes compagnons déchargent en cette île leur cargaison de tissus et de peaux. Songez-y, mon père, tandis qu’il en est temps encore! C’est une chose d’une grande conséquence que d’habiller les pingouins. À présent, quand un pingouin désire une pingouine, il sait précisément ce qu’il désire, et ses convoitises sont bornées par une connaissance exacte de l’objet convoité. En ce moment, sur la plage, deux ou trois couples de pingouins font l’amour au soleil. Voyez avec quelle simplicité! Personne n’y prend garde et ceux qui le font n’en semblent pas eux-mêmes excessivement occupés. Mais quand les pingouines seront voilées, le pingouin ne se rendra pas un compte aussi juste de ce qui l’attire vers elles. Ses désirs indéterminés se répandront en toutes sortes de rêves et d’illusions; enfin, mon père, il connaîtra l’amour et ses folles douleurs. Et, pendant ce temps, les pingouines, baissant les yeux et pinçant les lèvres, vous prendront des airs de garder sous leurs voiles un trésor!… Quelle pitié!

    »Le mal sera tolérable tant que ces peuples resteront rudes et pauvres; mais attendez seulement un millier d’années et vous verrez de quelles armes redoutables vous aurez ceint, mon père, les filles d’Alca. Si vous le permettez, je puis vous en donner une idée par avance. J’ai quelques nippes dans cette caisse. Prenons au hasard une de ces pingouines dont les pingouins font si peu de cas, et habillons-la le moins mal que nous pourrons.

    »En voici précisément une qui vient de notre côté. Elle n’est ni plus belle ni plus laide que les autres; elle est jeune. Personne ne la regarde. Elle chemine indolemment sur la falaise, un doigt dans le nez et se grattant le dos jusqu’au jarret. Il ne vous échappe pas, mon père, qu’elle a les épaules étroites, les seins lourds, le ventre gros et jaune, les jambes courtes. Ses genoux, qui tirent sur le rouge, grimacent à tous les pas qu’elle fait, et il semble qu’elle ait à chaque articulation des jambes une petite tête de singe. Ses pieds, épanouis et veineux, s’attachent au rocher par quatre doigts crochus, tandis que les gros orteils se dressent sur le chemin comme les têtes de deux serpents pleins de prudence. Elle se livre à la marche; tous ses muscles sont intéressés à ce travail, et, de ce que nous les voyons fonctionner à découvert, nous prenons d’elle l’idée d’une machine à marcher, plutôt que d’une machine à faire l’amour, bien qu’elle soit visiblement l’une et l’autre et contienne en elle plusieurs mécanismes encore. Eh bien, vénérable apôtre, vous allez voir ce que je vais vous en faire.

    À ces mots, le moine Magis atteint en trois bonds la femme pingouine, la soulève, l’emporte repliée sous son bras, la chevelure traînante, et la jette épouvantée aux pieds du saint homme Maël.

    Et tandis qu’elle pleure et le supplie de ne lui point faire de mal, il tire de son coffre une paire de sandales et lui ordonne de les chausser.

    —Serrés dans les cordons de laine, ses pieds, fit-il observer au vieillard, en paraîtront plus petits. Les semelles, hautes de deux doigts, allongeront élégamment ses jambes et le faix qu’elles portent en sera magnifié.

    Tout en nouant ses chaussures, la pingouine jeta sur le coffre ouvert un regard curieux, et, voyant qu’il était plein de joyaux et de parures, elle sourit dans ses larmes.

    Le moine lui tordit les cheveux sur la nuque et les couronna d’un chapeau de fleurs. Il lui entoura les poignets de cercles d’or et, l’ayant fait mettre debout, il lui passa sous les seins et sur le ventre un large bandeau de lin, alléguant que la poitrine en concevrait une fierté nouvelle et que les flancs en seraient évidés pour la gloire des hanches.

    Au moyen des épingles qu’il tirait une à une de sa bouche, il ajustait ce bandeau.

    —Vous pouvez serrer encore, fit la pingouine.

    Quand il eut, avec beaucoup d'étude et de soins, contenu de la sorte les parties molles du buste, il revêtit tout le corps d’une tunique rose, qui en suivait mollement les lignes.

    —Tombe-t-elle bien? demanda la pingouine.

    Et, la taille fléchie, la tête de côté, le menton sur l'épaule, elle observait d’un regard attentif la façon de sa toilette.

    Magis lui ayant demandé si elle ne croyait pas que la robe fût un peu longue, elle répondit avec assurance que non, qu’elle la relèverait.

    Aussitôt, tirant de la main gauche sa jupe par derrière, elle la serra obliquement au-dessus des jarrets, prenant soin de découvrir à peine les talons. Puis elle s'éloigna à pas menus en balançant les hanches.

    Elle ne tournait pas la tête; mais en passant près d’un ruisseau, elle s’y mira du coin de l’oeil.

    Un pingouin, qui la rencontra d’aventure, s’arrêta surpris, et rebroussant chemin, se mit à la suivre. Comme elle longeait le rivage, des pingouins qui revenaient de la pêche s’approchèrent d’elle et, l’ayant contemplée, marchèrent sur sa trace. Ceux qui étaient couchés sur le sable se levèrent et se joignirent aux autres.

    Sans interruption, à son approche, dévalaient des sentiers de la montagne, sortaient des fentes des rochers, émergeaient du fond des eaux, de nouveaux pingouins qui grossissaient le cortège. Et tous, hommes mûrs aux robustes épaules, à la poitrine velue, souples adolescents, vieillards secouant les plis nombreux de leur chair rose aux soies blanches, ou trainant leurs jambes plus maigres et plus seches que le bâton de genévrier qui leur en faisait une troisième, se pressaient, haletants, et ils exhalaient une âcre odeur et des souffles rauques. Cependant, elle allait tranquille et semblait ne rien voir.

    —Mon père, s'écria Magis, admirez comme ils cheminent tous le nez dardé sur le centre sphérique de cette jeune demoiselle, maintenant que ce centre est voilé de rose. La sphère inspire les méditations des géomètres par le nombre de ses propriétes; quand elle procède de la nature physique et vivante, elle en acquiert des qualités nouvelles. Et pour que l’intérêt de cette figure fut pleinement révélé aux pingouins, il fallut que, cessant de la voir distinctement par leurs yeux, ils fussent amenés à se la représenter en esprit. Moi-même, je me sens à cette heure irrésistiblement entraîné vers cette pingouine. Est-ce parce que sa jupe lui a rendu le cul essentiel, et que, le simplifiant avec magnificence, elle le revêt d’un caractère synthétique et général et n’en laisse paraître que l’idée pure, le principe divin, je ne saurais le dire; mais il me semble que, si je l’embrassais, je tiendrais dans mes mains le firmament des voluptés humaines. Il est certain que la pudeur communique aux femmes un attrait invincible. Mon trouble est tel que j’essayerais en vain de le cacher.

    Il dit, et troussant sa robe horriblement, il s'élance sur la queue des pingouins, les presse, les culbute, les surmonte, les foule aux pieds, les écrase, atteint la fille d’Alca, la saisit à pleines mains par l’orbe rose qu’un peuple entier crible de regards et de désirs et qui soudain disparaît, aux bras du moine, dans une grotte marine.

    Alors les pingouins crurent que le soleil venait de s'éteindre. Et le saint homme Maël connut que le Diable avait pris les traits du moine Magis pour donner des voiles à la fille d’Alca. Il était troublé dans sa chair et son âme était triste. En regagnant à pas lents son ermitage, il vit de petites pingouines de six à sept ans, la poitrine plate et les cuisses creuses, qui s'étaient fait des ceintures d’algues et de goémons et parcouraient la plage en regardant si les hommes ne les suivaient pas.

    L'île ne gardait point son âpre aspect d’autrefois, lorsque, au milieu des glaces flottantes elle abritait dans un amphithéâtre de rochers un peuple d’oiseaux. Son pic neigeux s'était affaissé et il n’en subsistait plus qu’une colline, du haut de laquelle on découvrait les rivages d’Armorique, couverts d’une brume éternelle, et l’océan semé de sombres écueils, semblables à des monstres à demi soulevés sur l’abîme.

    Ses côtes étaient maintenant très étendues et profondément découpées, et sa figure rappelait la feuille de mûrier. Elle se couvrit soudain d’une herbe salée, agréable aux troupeaux, de saules, de figuiers antiques et de chênes augustes. Le fait est attesté par Bede le Vénérable et plusieurs autres auteurs dignes de foi.

    Au nord, le rivage formait une baie profonde, qui devint par la suite un des plus illustres ports de l’univers. À l’est, au long d’une côte rocheuse battue par une mer écumante, s'étendait une lande déserte et parfumée. C'était le rivage des Ombres, où les habitants de l'île ne s’aventuraient jamais, par crainte des serpents nichés dans le creux des roches et de peur d’y rencontrer les âmes des morts, semblables à des flammes livides. Au sud, des vergers et des bois bordaient la baie tiède des Plongeons. Sur ce rivage fortuné le vieillard Maël construisit une église et un moustier de bois. À l’ouest, deux ruisseaux, le Clange et la Surelle, arrosaient les vallées fertiles des Dalles et des Dombes.

    Or, un matin d’automne, le bienheureux Maël, qui se promenait dans la vallée du Clange en compagnie d’un religieux d’Yvern, nommé Bulloch, vit passer par les chemins des troupes d’hommes farouches, chargés de pierres. En même temps, il entendit de toutes parts des cris et des plaintes monter de la vallée vers le ciel tranquille.

    Et il dit à Bulloch:

    —J’observe avec tristesse, mon fils, que les habitants de cette île, depuis qu’ils sont devenus des hommes, agissent avec moins de sagesse qu’auparavant. Lorsqu’ils étaient oiseaux, ils ne se querellaient que dans la saison des amours. Et maintenant ils se disputent en tous les temps; ils se cherchent noise été comme hiver. Combien ils sont déchus de cette majesté paisible qui, répandue sur l’assemblée des pingouins, la rendait semblable au sénat d’une sage république!

    »Regarde, mon fils Bulloch, du côté de la Surelle. Il se trouve précisément dans la fraîche vallée une douzaine d’hommes pingouins, occupés à s’assommer les uns les autres avec des bêches et des pioches dont il vaudrait mieux qu’ils travaillassent la terre. Cependant, plus cruelles que les hommes, les femmes déchirent de leurs ongles le visage de leurs ennemis. Hélas! mon fils Bulloch, pourquoi se massacrent-ils ainsi?

    —Par esprit d’association, mon père, et prévision de l’avenir, répondit Bulloch. Car l’homme est par essence prévoyant et sociable. Tel est son caractère. Il ne peut se concevoir sans une certaine appropriation des choses. Ces pingouins que vous voyez, ô maître, s’approprient des terres.

    —Ne pourraient-ils se les approprier avec moins de violence? demanda le vieillard. Tout en combattant, ils échangent des invectives et des menaces. Je ne distingue pas leurs paroles. Elles sont irritées, à en juger par le ton.

    —Ils s’accusent réciproquement de vol et d’usurpation, répondit

    Bulloch. Tel est le sens général de leurs discours.

    À ce moment, le saint homme Maël, joignant les mains, poussa un grand soupir:

    —Ne voyez-vous pas, mon fils, s'écria-t-il, ce furieux qui coupe avec ses dents le nez de son adversaire terrassé, et cet autre qui broie la tête d’une femme sous une pierre énorme?

    —Je les vois, répondit Bulloch. Ils créent le droit; ils fondent la propriété; ils établissent les principes de la civilisation, les bases des sociétés et les assises de l’Etat.

    —Comment cela? demanda le vieillard Maël.

    —En bornant leurs champs. C’est l’origine de toute police. Vos pingouins, ô maître, accomplissent la plus auguste des fonctions. Leur oeuvre sera consacrée à travers les siècles par les légistes, protégée et confirmée par les magistrats.

    Tandis que le moine Bulloch prononçait ces paroles, un grand pingouin à la peau blanche, au poil roux, descendait dans la vallée, un tronc d’arbre sur l'épaule. S’approchant d’un petit pingouin, tout brûlé du soleil, qui arrosait ses laitues, il lui cria:

    —Ton champ est à moi!

    Et, ayant prononcé cette parole puissante, il abattit sa massue sur la tête du petit pingouin, qui tomba mort sur la terre cultivée par ses mains.

    À ce spectacle, le saint homme Maël frémit de tout son corps et versa des larmes abondantes.

    Et d’une voix étouffée par l’horreur et la crainte, il adressa au ciel cette prière:

    —Mon Dieu, mon Seigneur, ô toi qui reçus les sacrifices du jeune Abel, toi qui maudis Caïn, venge, Seigneur, cet innocent pingouin, immolé sur son champ, et fais sentir au meurtrier le poids de ton bras. Est-il crime plus odieux, est-il plus grave offense à ta justice, ô Seigneur, que ce meurtre et ce vol?

    —Prenez garde, mon père, dit Bulloch avec douceur, que ce que vous appelez le meurtre et le vol est en effet la guerre et la conquête, fondements sacrés des empires et sources de toutes les vertus et de toutes les grandeurs humaines. Considérez surtout qu’en blâmant le grand pingouin, vous attaquez la propriété dans son origine et son principe. Je n’aurai pas de peine à vous le démontrer. Cultiver la terre est une chose, posséder la terre en est une autre. Et ces deux choses ne doivent pas être confondues. En matière de propriété, le droit du premier occupant est incertain et mal assis. Le droit de conquête, au contraire, repose sur des fondements solides. Il est le seul respectable parce qu’il est le seul qui se fasse respecter. La propriété a pour unique et glorieuse origine la force. Elle naît et se conserve par la force. En cela elle est auguste et ne cède qu'à une force plus grande. C’est pourquoi il est juste de dire que quiconque possède est noble. Et ce grand homme roux, en assommant un laboureur pour lui prendre son champ, vient de fonder à l’instant une très noble maison sur cette terre. Je veux l’en féliciter.

    Ayant ainsi parlé, Bulloch s’approcha du grand pingouin qui, debout au bord du sillon ensanglanté, s’appuyait sur sa massue.

    Et s'étant incliné jusqu'à terre:

    —Seigneur Greatauk, prince très redouté, lui dit-il, je viens vous rendre hommage, comme au fondateur d’une puissance légitime et d’une richesse héréditaire. Enfoui dans votre champ, le crâne du vil pingouin que vous avez abattu attestera à jamais les droits sacrés de votre postérité sur cette terre anoblie par vous. Heureux vos fils et les fils de vos fils! Ils seront Greatauk ducs du Skull, et ils domineront sur l'île d’Alca.

    Puis, élevant la voix, et se tournant vers le saint vieillard Maël:

    —Mon père, bénissez Greatauk. Car toute puissance vient de Dieu.

    Maël restait immobile et muet, les yeux levés vers le ciel: il éprouvait une incertitude douloureuse à juger la doctrine du moine Bulloch. C’est pourtant cette doctrine qui devait prévaloir aux époques de haute civilisation. Bulloch peut être considéré comme le créateur du droit civil en Pingouinie.

    —Mon fils Bulloch, dit le vieillard Maël, nous devons faire le dénombrement des Pingouins et inscrire le nom de chacun d’eux dans un livre.

    —Rien n’est plus urgent, répondit Bulloch; il ne peut y avoir de bonne police sans cela.

    Aussitôt l’apôtre, avec le concours de douze religieux, fit procéder au recensement du peuple.

    Et le vieillard Maël dit ensuite:

    —Maintenant que nous tenons registre de tous les habitants, il convient, mon fils Bulloch, de lever un impôt équitable, afin de subvenir aux dépenses publiques et à l’entretien de l’abbaye. Chacun doit contribuer selon ses moyens. C’est pourquoi, mon fils, convoquez les Anciens d’Alca, et d’accord avec eux nous établirons l’impôt.

    Les Anciens, ayant été convoqués, se réunirent, au nombre de trente, dans la cour du moustier de bois, sous le grand sycomore. Ce furent les premiers États de Pingouinie. Ils étaient formés aux trois quarts des gros paysans de la Surelle et du Clange. Greatauk, comme le plus noble des Pingouins, s’assit sur la plus haute pierre.

    Le vénérable Maël prit place au milieu de ses religieux et prononça ces paroles:

    —Enfants, le Seigneur donne, quand il lui plaît, les richesses aux hommes et les leur retire. Or, je vous ai rassemblés pour lever sur le peuple des contributions afin de subvenir aux dépenses publiques et à l’entretien des religieux. J’estime que ces contributions doivent être en proportion de la richesse de chacun. Donc celui qui a cent boeufs en donnera dix; celui qui en a dix en donnera un.

    Quand le saint homme eut parlé, Morio, laboureur à Anis-sur-Clange, un des plus riches hommes parmi les Pingouins, se leva et dit:

    —O Maël, ô mon père, j’estime qu’il est juste que chacun contribue aux dépenses publiques et aux frais de l'Église. Pour ce qui est de moi, je suis prêt à me dépouiller de tout ce que je possède dans l’intérêt de mes frères pingouins et, s’il le fallait, je donnerais de grand coeur jusqu'à ma chemise. Tous les anciens du peuple sont disposés, comme moi, à faire le sacrifice de leurs biens; et l’on ne saurait douter de leur dévouement absolu au pays et à la religion. Il faut donc considérer uniquement l’intérêt public et faire ce qu’il commande. Or ce qu’il commande, ô mon père, ce qu’il exige, c’est de ne pas beaucoup demander à ceux qui possèdent beaucoup; car alors les riches seraient moins riches et les pauvres plus pauvres. Les pauvres vivent du bien des riches; c’est pourquoi ce bien est sacré. N’y touchez pas: ce serait méchanceté gratuite. À prendre aux riches, vous ne retireriez pas grand profit, car ils ne sont guère nombreux; et vous vous priveriez, au contraire, de toutes ressources, en plongeant le pays dans la misère. Tandis que, si vous demandez un peu d’aide à chaque habitant, sans égard à son bien, vous recueillerez assez pour les besoins publics, et vous n’aurez pas à vous enquérir de ce que possèdent les citoyens, qui regarderaient toute recherche de cette nature comme une odieuse vexation. En chargeant tout le monde également et légèrement, vous épargnerez les pauvres, puisque vous leur laisserez le bien des riches. Et comment serait-il possible de proportionner l’impôt à la richesse? Hier j’avais deux cents boeufs; aujourd’hui j’en ai soixante, demain j’en aurais cent. Clunic a trois vaches, mais elles sont maigres; Nicclu n’en a que deux, mais elles sont grasses. De Clunic ou de Nicclu quel est le plus riche? Les signes de l’opulence sont trompeurs. Ce qui est certain, c’est que tout le monde boit et mange. Imposez les gens d’après ce qu’ils consomment. Ce sera la sagesse et ce sera la justice.

    Ainsi parla Morio, aux applaudissements des Anciens.

    —Je demande qu’on grave ce discours sur des tables d’airain, s'écria le moine Bulloch. Il est dicté pour l’avenir; dans quinze cents ans, les meilleurs entre les Pingouins ne parleront pas autrement.

    Les Anciens applaudissaient encore, lorsque Greatauk, la main sur le pommeau de l'épée, fit cette brève déclaration:

    —Étant noble, je ne contribuerai pas; car contribuer est ignoble. C’est à la canaille à payer.

    Sur cet avis, les Anciens se séparèrent en silence.

    Ainsi qu'à Rome, il fut procédé au cens tous les cinq ans; et l’on s’aperçut, par ce moyen, que la population s’accroissait rapidement. Bien que les enfants y mourussent en merveilleuse abondance et que les famines et les pestes vinssent avec une parfaite régularité dépeupler des villages entiers, de nouveaux Pingouins, toujours plus nombreux, contribuaient par leur misère privée à la prospérité publique.

    En ce temps-là, vivait dans l'île d’Alca un homme pingouin dont le bras était robuste et l’esprit subtil. Il se nommait Kraken et avait sa demeure sur le rivage des Ombres, où les habitants de l'île ne s’aventuraient jamais, par crainte des serpents nichés au creux des roches et de peur d’y rencontrer les âmes des Pingouins morts sans baptême qui, semblables à des flammes livides et traînant de longs gemissements, erraient, la nuit, sur le rivage désolé. Car on croyait communément, mais sans preuves, que, parmi les Pingouins changés en hommes à la prière du bienheureux Maël, plusieurs n’avaient pas reçu le baptême et revenaient après leur mort pleurer dans la tempête. Kraken habitait sur la côte sauvage une caverne inaccessible. On n’y pénétrait que par un souterrain naturel de cent pieds de long dont un bois épais cachait l’entrée.

    Or un soir que Kraken cheminait à travers la campagne déserte, il rencontra, par hasard, une jeune pingouine, pleine de grâce. C'était celle-là même que, naguère, le moine Magis avait habillée de sa main, et qui la première avait porté des voiles pudiques. En souvenir du jour où la foule émerveillée des Pingouins l’avait vue fuir glorieusement dans sa robe couleur d’aurore, cette vierge avait reçu le nom d’Orberose [Note: «Orbe, poétique, globe en parlant des corps célestes. Par extension toute espèce de corps globuleux.» (Littré.)]

    À la vue de Kraken, elle poussa un cri d'épouvante et s'élança pour lui échapper. Mais le héros la saisit par les voiles qui flottaient derrière elle et lui adressa ces paroles:

    —Vierge, dis-moi ton nom, ta famille, ton pays.

    Cependant Orberose regardait Kraken avec épouvante.

    —Est-ce vous que je vois, seigneur, lui demanda-t-elle en tremblant, ou n’est-ce pas plutôt votre âme indignée?

    Elle parlait ainsi parce que les habitants d’Alca, n’ayant plus de nouvelles de Kraken depuis qu’il habitait le rivage des Ombres, le croyaient mort et descendu parmi les démons de la nuit.

    —Cesse de craindre, fille d’Alca, répondit Kraken. Car celui qui te parle n’est pas une âme errante, mais un homme plein de force et de puissance. Je posséderai bientôt de grandes richesses.

    Et la jeune Orberose demanda:

    —Comment penses-tu acquérir de grandes richesses, ô Kraken, étant fils des Pingouins?

    —Par mon intelligence, répondit Kraken.

    —Je sais, fit Orberose, que du temps que tu habitais parmi nous, tu étais renommé pour ton adresse à la chasse et à la pêche. Personne ne t'égalait dans l’art de prendre le poisson dans un filet ou de percer de flèches les oiseaux rapides.

    —Ce n'était là qu’une industrie vulgaire et laborieuse, ô jeune fille. J’ai trouvé le moyen de me procurer sans fatigue de grands biens. Mais, dis-moi qui tu es.

    —Je me nomme Orberose, répondit la jeune fille.

    —Comment te trouvais-tu si loin de ta demeure, dans la nuit?

    —Kraken, ce ne fut pas sans la volonté du Ciel.

    —Que veux-tu dire, Orberose?

    —Que le ciel, ô Kraken, me mit sur ton chemin, j’ignore pour quelle raison.

    Kraken la contempla longtemps dans un sombre silence.

    Puis il lui dit avec douceur:

    —Orberose, viens dans ma maison, c’est celle du plus ingénieux et du plus brave entre les fils des Pingouins. Si tu consens à me suivre, je ferai de toi ma compagne.

    Alors, baissant les yeux, elle murmura:

    —Je vous suivrai, seigneur.

    C’est ainsi que la belle Orberose devint la compagne du héros Kraken. Cet hymen ne fut point célébré par des chants et des flambeaux, parce que Kraken ne consentait point à se montrer au peuple des Pingouins; mais, caché dans sa caverne, il formait de grands desseins.

    «Nous allâmes ensuite visiter le cabinet d’histoire naturelle…. L’administrateur nous montra une espèce de paquet empaillé qu’il nous dit renfermer le squelette d’un dragon: preuve, ajouta-t-il, que le dragon n’est pas un animal fabuleux.» (Mémoires de Jacques Casanova. Paris, 1843, t. IV, pp. 404, 405.)

    Cependant les habitants d’Alca exerçaient les travaux de la paix. Ceux de la côte septentrionale allaient dans des barques pêcher les poissons et les coquillages. Les laboureurs des Dombes cultivaient l’avoine, le seigle et le froment. Les riches Pingouins de la vallée des Dalles élevaient des animaux domestiques et ceux de la baie des Plongeons cultivaient leurs vergers. Des marchands de Port-Alca faisaient avec l’Armorique le commerce des poissons salés. Et l’or des deux Bretagnes, qui commençait à s’introduire dans l'île, y facilitait les échanges. Le peuple pingouin jouissait dans une tranquillité profonde du fruit de son travail quand, tout à coup, une rumeur sinistre courut de village en village. On apprit partout à la fois qu’un dragon affreux avait ravagé deux fermes dans la baie des Plongeons.

    Peu de jours auparavant la vierge Orberose avait disparu. On ne s'était pas inquiété tout de suite de son absence parce qu’elle avait été enlevée plusieurs fois par des hommes violents et pleins d’amour. Et les sages ne s’en étonnaient pas, considérant que cette vierge était la plus belle des Pingouines. On remarquait même qu’elle allait parfois au devant de ses ravisseurs, car nul ne peut échapper à sa destinée. Mais cette fois, ne la voyant point revenir, on craignit que le dragon ne l’eût dévorée.

    Aussi bien les habitants de la vallée des Dalles s’aperçurent bientôt que ce dragon n'était pas une fable contée par des femmes autour des fontaines. Car une nuit le monstre dévora dans le village d’Anis six poules, un mouton et un jeune enfant orphelin nommé le petit Elo. Des animaux et de l’enfant on ne retrouva rien le lendemain matin.

    Aussitôt les Anciens du village s’assemblèrent sur la place publique et siégèrent sur le banc de pierre pour aviser à ce qu’il était expédient de faire en ces terribles circonstances.

    Et, ayant appelé tous ceux des Pingouins qui avaient vu le dragon durant la nuit sinistre, ils leur demandèrent:

    —N’avez-vous point observé sa forme et ses habitudes?

    Et chacun répondit à son tour:

    —Il a des griffes de lion, des ailes d’aigle et la queue d’un serpent.

    —Son dos est hérissé de crêtes épineuses.

    —Tout son corps est couvert d'écailles jaunissantes.

    —Son regard fascine et foudroie. Il vomit des flammes.

    —Il empeste l’air de son haleine.

    —Il a une tête de dragon, des griffes de lion, une queue de poisson.

    Et une femme d’Anis, qui passait pour saine d’esprit et de bon jugement et à qui le dragon avait pris trois poules, déposa comme il suit:

    —Il est fait comme un homme. À preuve que j’ai cru que c'était mon homme et que je lui ai dit: «Viens donc te coucher, grosse bête.»

    D’autres disaient:

    —Il est fait comme un nuage.

    —Il ressemble à une montagne.

    Et un jeune enfant vint et dit:

    —Le dragon, je l’ai vu qui ôtait sa tête dans la grange pour donner un baiser à ma soeur Minnie.

    Et les Anciens demandèrent encore aux habitants:

    —Comment le dragon est-il grand?

    Et il leur fut répondu:

    —Grand comme un boeuf.

    —Comme les grands navires de commerce des Bretons.

    —Il est de la taille d’un homme.

    —Il est plus haut que le figuier sous lequel vous êtes assis.

    —Il est gros comme un chien.

    Interrogés enfin sur sa couleur, les habitants dirent:

    —Rouge.

    —Verte.

    —Bleue.

    —Jaune.

    —Il a la tête d’un beau vert; les ailes sont orange vif, lavé de rose; les bords d’un gris d’argent; la croupe et la queue rayées de bandes brunes et roses, le ventre jaune vif, moucheté de noir.

    —Sa couleur? Il n’a pas de couleur.

    —Il est couleur de dragon.

    Après avoir entendu ces témoignages, les Anciens demeurèrent incertains sur ce qu’il y avait à faire. Les uns proposaient d'épier le dragon, de le surprendre et de l’accabler d’une multitude de flèches. D’autres, considérant qu’il était vain de s’opposer par la force à un monstre si puissant, conseillaient de l’apaiser par des offrandes.

    —Payons-lui le tribut, dit l’un d’eux qui passait pour sage. Nous pourrons nous le rendre propice en lui faisant des présents agréables, des fruits, du vin, des agneaux, une jeune vierge.

    D’autres enfin étaient d’avis d’empoisonner les fontaines où il avait coutume de boire ou de l’enfumer dans sa caverne.

    Mais aucun de ces avis ne prévalut. On disputa longuement et les Anciens se séparèrent sans avoir pris aucune résolution.

    Durant tout le mois dédié par les Romains à leur faux dieu Mars ou Mavors, le dragon ravagea les fermes des Dalles et des Dombes, enleva cinquante moutons, douze porcs et trois jeunes garçons. Toutes les familles étaient en deuil et l'île se remplissait de lamentations. Pour conjurer le fléau, les Anciens des malheureux villages qu’arrosent le Clange et la Surelle résolurent de se réunir et d’aller ensemble demander secours au bienheureux Maël.

    Le cinquième jour du mois dont le nom, chez les Latins, signifie ouverture, parce qu’il ouvre l’année, ils se rendirent en procession au moustier de bois qui s'élevait sur la côte méridionale de l'île. Introduits dans le cloître, ils firent entendre des sanglots et des gémissements. Ému de leurs plaintes, le vieillard Maël, quittant la salle où il se livrait à l'étude de l’astronomie et à la méditation des Écritures, descendit vers eux, appuyé sur son bâton pastoral. À sa venue les Anciens prosternés tendirent des rameaux verts. Et plusieurs d’entre eux brûlèrent des herbes aromatiques.

    Et le saint homme, s'étant assis près de la fontaine claustrale, sous un figuier antique, prononça ces paroles:

    —O mes fils, postérité des Pingouins, pourquoi pleurez-vous et gémissez-vous? Pourquoi tendez-vous vers moi ces rameaux suppliants? Pourquoi faites-vous monter vers le ciel la fumée des aromates? Attendez-vous que je détourne de vos têtes quelque calamité? Pourquoi m’implorez-vous? Je suis prêt à donner ma vie pour vous. Dites seulement ce que vous espérez de votre père.

    À ces questions le premier des Anciens répondit:

    —Père des enfants d’Alca, ô Maël, je parlerai pour tous. Un dragon très horrible ravage nos champs, dépeuple nos étables et ravit dans son antre la fleur de notre jeunesse. Il a dévoré l’enfant Elo et sept jeunes garçons; il a broyé entre ses dents affamées la vierge Orberose, la plus belle des Pingouines. Il n’est point de village où il ne souffle son haleine empoisonnée et qu’il ne remplisse de désolation.

    »En proie à ce fléau redoutable, nous venons, ô Maël, te prier, comme le plus sage, d’aviser au salut des habitants de cette île, de peur que la race antique des Pingouins ne s'éteigne.

    —O le premier des Anciens d’Alca, répliqua Maël, ton discours me plonge dans une profonde affliction, et je gémis à la pensée que cette île est en proie aux fureurs d’un dragon épouvantable. Un tel fait n’est pas unique, et l’on trouve dans les livres plusieurs histoires de dragons très féroces. Ces monstres se rencontrent principalement dans les cavernes, aux bords des eaux et de préférence chez les peuples païens. Il se pourrait que plusieurs d’entre vous, bien qu’ayant reçu le saint baptême, et tout incorporés qu’ils sont à la famille d’Abraham, aient adoré des idoles, comme les anciens Romains, ou suspendu des images, des tablettes votives, des bandelettes de laine et des guirlandes de fleurs aux branches de quelque arbre sacré. Ou bien encore les Pingouines ont dansé autour d’une pierre magique et bu l’eau des fontaines habitées par les nymphes. S’il en était ainsi, je croirais que le Seigneur a envoyé ce dragon pour punir sur tous les crimes de quelques-uns et afin de vous induire, ô fils des Pingouins, à exterminer du milieu de vous le blasphème, la superstition et l’impiété. C’est pourquoi je vous indiquerai comme remède au grand mal dont vous souffrez de rechercher soigneusement l’idolâtrie dans vos demeures et de l’en extirper. J’estime qu’il sera efficace aussi de prier et de faire pénitence.

    Ainsi parla le saint vieillard Maël. Et les Anciens du peuple pingouin, lui ayant baisé les pieds, retournèrent dans leurs villages avec une meilleure espérance.

    Suivant les conseils du saint homme Maël, les habitants d’Alca s’efforcèrent d’extirper les superstitions qui avaient germé parmi eux. Ils veillèrent à ce que les filles n’allassent plus danser autour de l’arbre des fées, en prononçant des incantations. Ils défendirent sévèrement aux jeunes mères de frotter leurs nourrissons pour les rendre forts, aux pierres dressées dans les campagnes. Un vieillard des Dombes, qui annonçait l’avenir en secouant des grains d’orge sur un tamis, fut jeté dans un puits.

    Cependant, le monstre continuait à ravager chaque nuit les basses-cours et les étables. Les paysans épouvantés se barricadaient dans leurs maisons. Une femme enceinte qui, par une lucarne, vit au clair de lune l’ombre du dragon sur le chemin bleu, en fut si épouvantée qu’elle accoucha incontinent avant terme.

    En ces jours d'épreuve, le saint homme Maël méditait sans cesse sur la nature des dragons et sur les moyens de les combattre. Après six mois d'études et de prières, il lui parut bien avoir trouvé ce qu’il cherchait. Un soir, comme il se promenait sur le rivage de la mer, en compagnie d’un jeune religieux nommé Samuel, il lui exprima sa pensée en ces termes:

    —J’ai longuement étudié l’histoire et les moeurs des dragons, non pour satisfaire une vaine curiosité, mais afin d’y découvrir des exemples à suivre dans les conjonctures présentes. Et telle est, mon fils Samuel, l’utilité de l’histoire.

    »C’est un fait constant que les dragons sont d’une vigilance extrême. Ils ne dorment jamais. Aussi les voit-on souvent employés à garder des trésors. Un dragon gardait à Colchis la toison d’or que Jason conquit sur lui. Un dragon veillait sur les pommes d’or du jardin des Hespérides. Il fut tué par Hercule et transformé par Junon en une étoile du ciel. Le fait est rapporté dans des livres; s’il est véritable, il se produisit par magie, car les dieux des païens sont en réalité des diables. Un dragon défendait aux hommes rudes et ignorants de boire à la fontaine de Castalie. Il faut se rappeler aussi le dragon d’Andromède, qui fut tué par Persée.

    »Mais quittons les fables des païens, où l’erreur est mêlée sans cesse à la vérité. Nous rencontrons des dragons dans les histoires du glorieux archange Michel, des saints Georges, Philippe, Jacques le Majeur, et Patrice, des saintes Marthe et Marguerite. Et c’est en de tels récits, dignes de toute créance, que nous devons chercher réconfort et conseil.

    »L’histoire du dragon de Silène nous offre notamment de précieux exemples. Il faut que vous sachiez, mon fils, que, au bord d’un vaste étang, voisin de cette ville, habitait un dragon effroyable qui s’approchait parfois des murailles et empoisonnait de son haleine tous ceux qui séjournaient dans les faubourgs. Et, pour n'être point dévorés par le monstre, les habitants de Silène lui livraient chaque matin un des leurs. On tirait la victime au sort. Le sort, après cent autres, désigna la fille du roi.

    »Or, saint Georges, qui était tribun militaire, passant par la ville de Silène, apprit que la fille du roi venait d'être conduite à l’animal féroce. Aussitôt, il remonta sur son cheval et, s’armant de sa lance, courut à la rencontre du dragon, qu’il atteignit au moment où le monstre allait dévorer la vierge royale. Et quand saint Georges eut terrassé le dragon, la fille du roi noua sa ceinture autour du cou de la bête, qui la suivit comme un chien qu’on mène en laisse.

    »Cela nous est un exemple du pouvoir des vierges sur les dragons. L’histoire de sainte Marthe nous en fournit une preuve plus certaine encore. Connaissez-vous cette histoire, mon fils Samuel?

    —Oui, mon père, répondit Samuel.

    Et le bienheureux Maël poursuivit:

    —Il y avait, dans une forêt, sur les bords du Rhône, entre Arles et Avignon, un dragon mi-quadrupède et mi-poisson, plus gros qu’un boeuf, avec des dents aiguës comme des cornes et de grandes ailes aux épaules. Il coulait les bateaux et dévorait les passagers. Or, sainte Marthe, à la prière du peuple, alla vers ce dragon, qu’elle trouva occupé à dévorer un homme; elle lui passa sa ceinture autour du cou et le conduisit facilement à la ville.

    »Ces deux exemples m’induisent à penser qu’il convient de recourir au pouvoir de quelque vierge pour vaincre le dragon qui sème l'épouvante et la mort dans l'île d’Alca.

    »C’est pourquoi, mon fils Samuel, ceins tes reins et va, je te prie, avec deux de tes compagnons, dans tous les villages de cette île, et publie partout qu’une vierge pourra seule délivrer l'île du monstre qui la dépeuple.

    »Tu chanteras des cantiques et des psaumes, et tu diras:

    »—O fils des pingouins, s’il est parmi vous une vierge tres pure, qu’elle se lève et que, armée du signe de la croix, elle aille combattre le dragon!

    Ainsi parla le vieillard, et le jeune Samuel promit d’obéir. Dès le lendemain, il ceignit ses reins et partit avec deux de ses compagnons pour annoncer aux habitants d’Alca qu’une vierge était seule capable de délivrer les Pingouins des fureurs du dragon.

    Orberose aimait son époux, mais elle n’aimait pas que lui. À l’heure ou Vénus s’allume dans le ciel pâle, tandis que Kraken allait répandant l’effroi sur les villages, elle visitait, en sa maison roulante, un jeune berger des Dalles, nommé Marcel, dont la forme gracieuse enveloppait une infatigable vigueur. La belle Orberose partageait avec délices la couche aromatique du pasteur. Mais, loin de se faire connaître à lui pour ce qu’elle etait, elle se donnait le nom de Brigide et se disait la fille d’un jardinier de la baie des Plongeons. Lorsque échappée à regret de ses bras, elle cheminait, à travers les prairies fumantes, vers le rivage des Ombres, si d’aventure elle rencontrait quelque paysan attardé, aussitôt elle déployait ses voiles comme de grandes ailes et s’ecriait:

    —Passant, baisse les yeux, pour n’avoir point à dire: Hélas! hélas! malheur à moi, car j’ai vu l’ange du Seigneur.

    Le villageois tremblant s’agenouillait le front contre terre. Et plusieurs disaient, dans l'île, que, la nuit, sur les chemins passaient des anges et qu’on mourait pour les avoir vus.

    Kraken ignorait les amours d’Orberose et de Marcel, car il était un héros, et les héros ne pénètrent jamais les secrets de leurs femmes. Mais, tout en ignorant ces amours, Kraken en goûtait les précieux avantages. Il retrouvait chaque nuit sa compagne plus souriante et plus belle, respirant, exhalant la volupté et parfumant le lit conjugal d’une odeur délicieuse de fenouil et de verveine. Elle aimait Kraken d’un amour qui ne devenait jamais importun ni soucieux parce qu’elle ne l’apesantissait pas sur lui seul.

    Et l’heureuse infidélité d’Orberose devait bientôt sauver le héros d’un grand péril et assurer à jamais sa fortune et sa gloire. Car ayant vu passer dans le crépuscule un bouvier de Belmont, qui piquait ses boeufs, elle se prit à l’aimer plus qu’elle n’avait jamais aimé le berger Marcel. Il était bossu, ses épaules lui montaient par-dessus les oreilles; son corps se balançait sur des jambes inégales; ses yeux torves roulaient des lueurs fauves sous des cheveux en broussailles. De son gosier sortait une voix rauque et des rires stridents; il sentait l'étable. Cependant il lui était beau. «Tel, comme dit Gnathon, a aimé une plante, tel autre un fleuve, tel autre une bête.»

    Or, un jour que, dans un grenier du village, elle soupirait étendue et détendue entre les bras du bouvier, soudain des sons de trompe, des rumeurs, des bruits de pas, surprirent ses oreilles; elle regarda par la lucarne et vit les habitants assemblés sur la place du marché, autour d’un jeune religieux qui, monté sur une pierre, prononça d’une voix claire ces paroles:

    —Habitants de Belmont, l’abbé Maël, notre père vénéré, vous mande par ma bouche que ni la force des bras ni la puissance des armes ne prévaudra contre le dragon; mais la bête sera surmontée par une vierge. Si donc il se trouve parmi vous une vierge très nette et tout à fait intacte, qu’elle se lève et qu’elle aille au devant du monstre; et quand elle l’aura rencontré, elle lui passera sa ceinture autour du col et le conduira aussi facilement que si c'était un petit chien.

    Et le jeune religieux, ayant relevé sa cucule sur sa tête, s’en fut porter en d’autres villages le mandement du bienheureux Maël.

    Il était déjà loin quand, accroupie dans la paille amoureuse, une main sur le genou et le menton sur la main, Orberose méditait encore ce qu’elle venait d’entendre. Bien qu’elle craignît beaucoup moins pour Kraken le pouvoir d’une vierge que la force des hommes armés, elle ne se sentait pas rassurée par le mandement du bienheureux Maël; un instinct vague et sûr, qui dirigeait son esprit, l’avertissait que désormais Kraken ne pouvait plus être dragon avec sécurité.

    Elle demanda au bouvier:

    —Mon coeur, que penses-tu du dragon?

    Le rustre secoua la tête:

    —Il est certain que, dans les temps anciens, des dragons ravageaient la terre; et l’on en voyait de la grosseur d’une montagne. Mais il n’en vient plus, et je crois que ce qu’on prend ici pour un monstre recouvert d'écailles, ce sont des pirates ou des marchands qui ont emporté dans leur navire la belle Orberose et les plus beaux parmi les enfants d’Alca. Et si l’un de ces brigands tente de me voler mes boeufs, je saurai, par force ou par ruse, l’empêcher de me nuire.

    Cette parole du bouvier accrut les appréhensions d’Orberose et ranima sa sollicitude pour un époux qu’elle aimait.

    Les jours s'écoulèrent et aucune pucelle ne se leva dans l'île pour combattre le monstre. Et, dans le moustier de bois, le vieillard Maël, assis sur un banc, à l’ombre d’un antique figuier, en compagnie d’un religieux plein de piété, nommé Régimental, se demandait avec inquiétude et tristesse comment il ne se trouvait point dans Alca une seule vierge capable de surmonter la bête.

    Il soupira et le frère Régimental soupira de même. À ce moment le jeune Samuel, venant à passer dans le jardin, le vieillard Maël l’appela et lui dit:

    —J’ai médité de nouveau, mon fils, sur les moyens de détruire le dragon qui dévore la fleur de notre jeunesse, de nos troupeaux et de nos récoltes. À cet égard, l’histoire des dragons de saint Riok et de saint Pol de Léon me semble particulièrement instructive. Le dragon de saint Riok était long de six toises; sa tête tenait du coq et du basilic, son corps du boeuf et du serpent; il désolait les rives de l’Elorn, au temps du roi Bristocus. Saint Riok, âgé de deux ans, le mena en laisse jusqu'à la mer où le monstre se noya très volontiers. Le dragon de saint Pol, long de soixante pieds, n'était pas moins terrible. Le bienheureux apôtre de Léon le lia de son étole et le donna à conduire à un jeune seigneur d’une grande pureté. Ces exemples prouvent que, aux yeux de Dieu, un puceau est aussi agréable qu’une pucelle. Le ciel n’y fait point de différence. C’est pourquoi, mon fils, si vous voulez m’en croire, nous nous rendrons tous deux au rivage des Ombres; parvenus à la caverne du dragon, nous appellerons le monstre à haute voix et, quand il s’approchera, je nouerai mon étole autour de son cou et vous le mènerez en laisse jusqu'à la mer où il ne manquera pas de se noyer.

    À ce discours du vieillard, Samuel baissa la tête et ne répondit pas.

    —Vous semblez hésiter, mon fils, dit Maël.

    Le frère Régimental, contrairement à son habitude, prit la parole sans être interrogé.

    —On hésiterait à moins, fit-il. Saint Riok n’avait que deux ans quand il surmonta le dragon. Qui vous dit que neuf ou dix ans plus tard il en eût encore pu faire autant? Prenez garde, mon père, que le dragon qui désole notre île a dévoré le petit Elo et quatre ou cinq autres jeunes garçons. Frère Samuel n’est pas assez présomptueux pour se croire à dix- neuf ans plus innocent qu’eux à douze et à quatorze.

    »Hélas! ajouta le moine en gémissant, qui peut se vanter d'être chaste en ce monde où tout nous donne l’exemple et le modèle de l’amour, où tout dans la nature, bêtes et plantes, nous montre et nous conseille les voluptueux embrassements? Les animaux sont ardents à s’unir selon leurs guises; mais il s’en faut que les divers hymens des quadrupèdes, des oiseaux, des poissons, et des reptiles égalent en vénusté les noces des arbres. Tout ce que les païens, dans leurs fables, ont imaginé d’impudicités monstrueuses est dépassé par la plus simple fleur des champs, et si vous saviez les fornications des lis et des roses, vous écarteriez des autels ces calices d’impureté, ces vases de scandale.

    —Ne parlez pas ainsi, frère Régimental, répondit le vieillard Maël. Soumis à la loi naturelle, les animaux et les plantes sont toujours innocents. Ils n’ont pas d'âme à sauver; tandis que l’homme….

    —Vous avez raison, répliqua le frère Régimental; c’est une autre paire de manches. Mais n’envoyez pas le jeune Samuel au dragon: le dragon le mangerait. Depuis déjà cinq ans Samuel n’est plus en état d'étonner les monstres par son innocence. L’année de la comète, le Diable, pour le séduire, mit un jour sur son chemin une laitière qui troussait son cotillon pour passer un gué. Samuel fut tenté; mais il surmonta la tentation. Le Diable, qui ne se lasse pas, lui envoya dans un songe, l’image de cette jeune fille. L’ombre fit ce que n’avait pu faire le corps: Samuel succomba. À son réveil, il trempa de ses larmes sa couche profanée. Hélas! le repentir ne lui rendit point son innocence.

    En entendant ce récit, Samuel se demandait comment son secret pouvait être connu, car il ne savait pas que le Diable avait emprunté l’apparence du frère Régimental pour troubler en leur coeur les moines d’Alca.

    Et le vieillard Maël songeait, et il se demandait avec angoisse:

    —Qui nous délivrera de la dent du dragon? Qui nous préservera de son haleine? Qui nous sauvera de son regard?

    Cependant les habitants d’Alca commençaient à prendre courage. Les laboureurs des Dombes et les bouviers de Belmont juraient que, contre un animal féroce, ils vaudraient mieux qu’une fille, et ils s'écriaient, en se tapant le gras du bras: «Ores vienne le dragon!» Beaucoup d’hommes et de femmes l’avaient vu. Ils ne s’entendaient pas sur sa forme et sa figure, mais tous maintenant s’accordaient à dire qu’il n'était pas si grand qu’on avait cru, et que sa taille ne dépassait pas de beaucoup celle d’un homme. On organisait la défense: vers la tombée du jour, des veilleurs se tenaient à l’entrée des villages, prêts à donner l’alarme; des compagnies armées de fourches et de faux gardaient, la nuit, les parcs où les bêtes étaient renfermées. Une fois même, dans le village d’Anis, de hardis laboureurs le surprirent sautant le mur de Morio; armés de fléaux, de faux et de fourches, ils lui coururent sus, et ils le serraient de près. L’un d’eux, vaillant homme et très alerte, pensa bien l’avoir piqué de sa fourche; mais il glissa dans une mare et le laissa échapper. Les autres l’eussent sûrement atteint, s’ils ne s'étaient attardés à rattraper les lapins et les poules qu’il abandonnait dans sa fuite.

    Ces laboureurs déclarèrent aux anciens du village que le monstre leur paraissait de forme et de proportions assez humaines, à part la tête et la queue, qui étaient vraiment épouvantables.

    Ce jour-là Kraken rentra dans sa caverne plus tôt que de coutume. Il tira de sa tête son casque de veau marin surmonté de deux cornes de boeuf et dont la visière s’armait de crocs formidables. Il jeta sur la table ses gants terminés par des griffes horribles: c'étaient des becs d’oiseaux pêcheurs. Il décrocha son ceinturon où pendait une longue queue verte aux replis tortueux. Puis il ordonna à son page Elo de lui tirer ses bottes et, comme l’enfant n’y réussissait pas assez vite, il l’envoya d’un coup de pied à l’autre bout de la grotte.

    Sans regarder la belle Orberose, qui filait la laine, il s’assit devant la cheminée où rôtissait un mouton, et murmura:

    —Ignobles Pingouins!… Il n’est pas pire métier que de faire le dragon.

    —Que dit mon seigneur? demanda la belle Orberose.

    —On ne me craint plus, poursuivit Kraken, Autrefois tout fuyait à mon approche. J’emportais dans mon sac poules et lapins; je chassais devant moi moutons et cochons, vaches et boeufs. Aujourd’hui ces rustres font bonne garde; ils veillent. Tantôt, dans le village d’Anis, poursuivi par des laboureurs armés de fléaux, de faux et de fourches fières, je dus lâcher poules et lapins, prendre ma queue sur mon bras et courir à toutes jambes. Or, je vous le demande, est-ce une allure convenable à un dragon de Cappadoce, que de se sauver comme un voleur, sa queue sur le bras? Encore, embarrassé de crêtes, de cornes, de crocs, de griffes, d'écailles, j'échappai à grand peine à une brute qui m’enfonça un demi- pouce de sa fourche dans la fesse gauche.

    Et ce disant, il portait la main avec sollicitude à l’endroit offensé.

    Et après s'être livré quelques instants à des méditations amères:

    —Quels idiots que ces Pingouins! Je suis las de souffler des flammes au nez de tels imbéciles. Orberose, tu m’entends?…

    Ayant ainsi parlé, le héros souleva entre ses mains le casque épouvantable et le contempla longtemps dans un sombre silence. Puis il prononça ces paroles rapides:

    —Ce casque, je l’ai taillé de mes mains, en forme de tête de poisson, dans la peau d’un veau marin. Pour le rendre plus formidable, je l’ai surmonté de cornes de boeuf, et je l’ai armé d’une mâchoire de sanglier; j’y ai fait pendre une queue de cheval, teinte de vermillon. Aucun habitant de cette île n’en pouvait soutenir la vue, quand je m’en coiffais jusqu’aux épaules dans le crépuscule mélancolique. À son approche, femmes, enfants, jeunes hommes, vieillards fuyaient éperdus, et je portais l'épouvante dans la race entière des Pingouins. Par quels conseils ce peuple insolent, quittant ses premières terreurs, ose-t-il aujourd’hui regarder en face cette gueule horrible et poursuivre cette crinière effrayante?

    Et jetant son casque sur le sol rocheux:

    —Péris, casque trompeur! s'écria Kraken. Je jure par tous les démons d’Armor de ne jamais plus te porter sur ma tête.

    Et ayant fait ce serment, il foula aux pieds son casque, ses gants, ses bottes et sa queue aux replis tortueux.

    —Kraken, dit la belle Orberose, permettez-vous à votre servante d’user d’artifice pour sauver votre gloire et vos biens? Ne méprisez point l’aide d’une femme. Vous en avez besoin, car les hommes sont tous des imbéciles.

    —Femme, demanda Kraken, quels sont tes desseins?

    Et la belle Oberose avertit son époux que des moines allaient par les villes et les campagnes, enseignant aux habitants la manière la plus convenable de combattre le dragon; que, selon leurs instructions, la bête serait surmontée par une vierge et que, si une pucelle passait sa ceinture autour du col du dragon, elle le conduirait aussi facilement que si c'était un petit chien.

    —Comment sais-tu que les moines enseignent ces choses? demanda Kraken.

    —Mon ami, répondit Orberose, n’interrompez donc pas des propos graves par une question frivole…. «Si donc, ajoutèrent ces religieux, il se trouve dans Alca une vierge très pure, qu’elle se lève!» Or, j’ai résolu, Kraken, de répondre à leur appel. J’irai trouver le saint vieillard Maël et lui dirai: «Je suis la vierge désignée par le Ciel pour surmonter le dragon.»

    À ces mots Kraken se récria:

    —Comment seras-tu cette vierge très pure? Et pourquoi veux-tu me combattre, Orberose? As-tu perdu la raison? Sache bien que je ne me laisserai pas vaincre par toi!

    —Avant de se mettre en colère, ne pourrait-on pas essayer de comprendre? soupira la belle Orberose avec un mépris profond et doux.

    Et elle exposa ses desseins subtils.

    En l'écoutant, le héros demeurait pensif. Et quand elle eut cessé de parler:

    —Orberose, ta ruse est profonde, dit-il. Et, si tes desseins s’accomplissent selon tes prévisions, j’en tirerai de grands avantages. Mais comment seras-tu la vierge désignée par le ciel?

    —N’en prends nul souci, Kraken, répliqua-t-elle. Et allons nous coucher.

    Le lendemain, dans la caverne parfumée de l’odeur des graisses, Kraken tressait une carcasse très difforme d’osier et la recouvrait de peaux effroyablement hérissées, squameuses et squalides. À l’une des extrémités de cette carcasse, la belle Orberose cousit le cimier farouche et la visière hideuse, que portait Kraken dans ses courses dévastatrices, et, à l’autre bout, elle assujettit la queue aux replis tortueux que le héros avait coutume de traîner derrière lui. Et, quand cet ouvrage fut achevé, ils instruisirent le petit Elo et les cinq autres enfants, qui les servaient, à s’introduire dans cette machine, à la faire marcher, à y souffler dans des trompes et à y brûler de l'étoupe, afin de jeter des flammes et de la fumée par la gueule du dragon.

    Orberose, ayant revêtu une robe de bure et ceint une corde grossière, se rendit au moustier et demanda à parler au bienheureux Maël. Et, parce qu’il était interdit aux femmes d’entrer dans l’enceinte du moustier, le vieillard s’avança hors des portes, tenant de sa dextre la crosse pastorale et s’appuyant de la main gauche sur l'épaule du frère Samuel, le plus jeune de ses disciples.

    Il demanda:

    —Femme, qui es-tu?

    —Je suis la vierge Orberose.

    À cette réponse, Maël leva vers le ciel ses bras tremblants.

    —Dis-tu vrai, femme? C’est un fait certain qu’Orberose fut dévorée par le dragon. Et je vois Orberose, et je l’entends! Ne serait-ce point, ô ma fille, que dans les entrailles du monstre tu t’armas du signe de la croix et sortis intacte de sa gueule? C’est ce qui me semble le plus croyable.

    —Tu ne te trompes pas, mon père, répondit Orberose. C’est précisément ce qui m’advint. Aussitôt sortie des entrailles de la bête, je me réfugiai dans un ermitage sur le rivage des Ombres. J’y vivais dans la solitude, me livrant à la prière et à la méditation et accomplissant des austérités inouïes, quand j’appris par révélation céleste que seule une pucelle pourrait surmonter le dragon, et que j'étais cette pucelle.

    —Montre-moi un signe de ta mission, dit le vieillard.

    —Le signe c’est moi-même, répondit Orberose.

    —Je n’ignore pas le pouvoir de celles qui ont mis un sceau à leur chair, répliqua l’apôtre des Pingouins. Mais es-tu bien telle que tu dis?

    —Tu le verras à l’effet, répondit Orberose.

    Le moine Régimental s'étant approché:

    —Ce sera, dit-il, la meilleure preuve. Le roi Salomon a dit: «Trois choses sont difficiles à connaître et une quatrième impossible, ce sont la trace du serpent sur la pierre, de l’oiseau dans l’air, du navire dans l’eau, de l’homme dans la femme. J’estime impertinentes ces matrones qui prétendent en remontrer en de telles matières au plus sage des rois. Mon père, si vous m’en croyez, vous ne les consulterez pas à l’endroit de la pieuse Orberose. Quand elles vous auront donné leur opinion, vous n’en serez pas plus avancé qu’auparavant. La virginité est non moins difficile à prouver qu'à garder. Pline nous enseigne, en son histoire, que les signes en sont imaginaires ou très incertains [Note: Nous avons cherché vainement cette phrase dans l’Histoire naturelle de Pline. (Édit.)]. Telle qui porte sur elle les quatorze marques de la corruption est pure aux yeux des anges et telle au contraire qui, visitée par les matrones au doigt et à l’oeil, feuillet par feuillet, sera reconnue intacte, se sait redevable de ces bonnes apparences aux artifices d’une perversité savante. Quant à la pureté de la sainte fille que voici, j’en mettrais ma main au feu.

    Il parlait ainsi parce qu’il était le Diable. Mais le vieillard Maël ne le savait pas. Il demanda à la pieuse Orberose:

    —Ma fille, comment vous y prendrez-vous pour vaincre un animal aussi féroce que celui qui vous a dévorée?

    La vierge répondit:

    —Demain, au lever du soleil, ô Maël, tu convoqueras le peuple sur la colline, devant la lande désolée qui s'étend jusqu’au rivage des Ombres, et tu veilleras à ce qu’aucun homme pingouin ne se tienne à moins de cinq cents pas des rochers, car il serait aussitôt empoisonné par l’haleine du monstre. Et le dragon sortira des rochers et je lui passerai ma ceinture autour du col, et je le conduirai en laisse comme un chien docile.

    —Ne te feras-tu pas accompagner d’un homme courageux et plein de piété, qui tuera le dragon? demanda Maël.

    —Tu l’as dit, ô vieillard: je livrerai le monstre à Kraken qui l'égorgera de son épée étincelante. Car il faut que tu saches que le noble Kraken, qu’on croyait mort, reviendra parmi les Pingouins et qu’il tuera le dragon. Et du ventre de la bête sortiront les petits enfants qu’elle a dévorés.

    —Ce que tu m’annonces, ô vierge, s'écria l’apôtre, me semble prodigieux et au-dessus de la puissance humaine.

    —Ce l’est, répliqua la vierge Orberose. Mais apprends, ô Maël, que j’ai eu révélation que, pour loyer de sa délivrance, le peuple pingouin devra payer au chevalier Kraken un tribut annuel de trois cents poulets, douze moutons, deux boeufs, trois cochons, mil huit cents imaux de blé et les légumes de saison; et qu’en outre, les enfants qui sortiront du ventre du dragon seront donnés et laissés audit Kraken pour le servir et lui obéir en toutes choses.

    »Si le peuple pingouin manquait à tenir ses engagements, un nouveau dragon aborderait dans l'île, plus terrible que le premier. J’ai dit.

    Le peuple des Pingouins, convoqué par le vieillard Maël, passa la nuit sur le rivage des Ombres, à la limite que le saint homme avait tracée, afin qu’aucun entre les Pingouins ne fût empoisonné par le souffle du monstre.

    Les voiles de la nuit couvraient encore la terre, lorsque, précédé d’un mugissement rauque, le dragon montra sur les rochers du rivage sa forme indistincte et portenteuse. Il rampait comme un serpent et son corps tortueux semblait long de quinze pieds. À sa vue, la foule recule d'épouvante. Mais bientôt tous les regards se tournent vers la vierge Orberose, qui, dans les premières lueurs de l’aube, s’avance vêtue de blanc sur la bruyère rose. D’un pas intrépide et modeste elle marche vers la bête qui, poussant des hurlements affreux, ouvre une gueule enflammée. Un immense cri de terreur et de pitié s'élève du milieu des Pingouins. Mais la vierge, déliant sa ceinture de lin, la passe au cou du dragon, qu’elle mène en laisse, comme un chien fidèle, aux acclamations des spectateurs.

    Elle a déjà parcouru un long espace de la lande, lorsque apparaît Kraken armé d’une épée étincelante. Le peuple, qui le croyait mort, jette des cris de surprise et de joie. Le héros s'élance sur la bête, la retourne, et de son épée, lui ouvre le ventre dont sortent, en chemise, les cheveux bouclés et les mains jointes, le petit Elo et les cinq autres enfants que le monstre avait dévorés.

    Aussitôt, ils se jettent aux genoux de la vierge Orberose qui les prend dans ses bras et leur dit à l’oreille:

    —Vous irez par les villages et vous direz: «Nous sommes les pauvres petits enfants que le dragon a dévorés et nous sommes sortis en chemise de son ventre.» Les habitants vous donneront en abondance tout ce que vous pourrez souhaiter. Mais si vous parlez autrement, vous n’aurez que des nasardes et des fessées. Allez!

    Plusieurs Pingouins, voyant le dragon éventré, se précipitaient pour le mettre en lambeaux, les uns par un sentiment de fureur et de vengeance, les autres afin de s’emparer de la pierre magique, nommée dracontite, engendrée dans sa tête; les mères des enfants ressuscités couraient embrasser leurs chers petits. Mais le saint homme Maël les retint, leur représentant qu’ils n'étaient pas assez saints, les uns et les autres, pour s’approcher du dragon sans mourir.

    Et bientôt le petit Elo et les cinq autres enfants vinrent vers le peuple et dirent:

    —Nous sommes les pauvres petits enfants que le dragon a dévorés et nous sommes sortis en chemise de son ventre.

    Et tous ceux qui les entendaient disaient en les baisant:

    —Enfants bénis, nous vous donnerons en abondance tout ce que vous pourrez souhaiter.

    Et la foule du peuple se sépara, pleine d’allégresse, en chantant des hymnes et des cantiques.

    Pour commémorer ce jour où la Providence délivra le peuple d’un cruel fléau, des processions furent instituées dans lesquelles on promenait le simulacre d’un dragon enchaîné.

    Kraken leva le tribut et devint le plus riche et le plus puissant des Pingouins. En signe de sa victoire, afin d’inspirer une terreur salutaire, il portait sur sa tête une crête de dragon et il avait coutume de dire au peuple:

    —Maintenant que le monstre est mort, c’est moi le dragon.

    Orberose noua longtemps ses généreux bras au cou des bouviers et des pâtres qu’elle égalait aux dieux. Et quand elle ne fut plus belle, elle se consacra au Seigneur.

    Objet de la vénération publique, elle fut admise, après sa mort, dans le canon des saints et devint la céleste patronne de la Pingouinie.

    Kraken laissa un fils qui porta comme son père la crête du dragon et fut, pour cette raison, surnommé Draco. Il fonda la première dynastie royale des Pingouins.

    LIVRE III

    LE MOYEN AGE ET LA RENAISSANCE

    Les rois d’Alca issus de Draco, fils de Kraken, portaient sur la tête une crête effroyable de dragon, insigne sacré dont la seule vue inspirait aux peuples la vénération, la terreur et l’amour. Ils étaient perpétuellement en lutte soit avec leurs vassaux et leurs sujets, soit avec les princes des îles et des continents voisins.

    Les plus anciens de ces rois ont laissé seulement un nom. Encore ne savons-nous ni le prononcer ni l'écrire. Le premier Draconide dont on connaisse l’histoire est Brian le Pieux, estimé pour sa ruse et son courage aux guerres et dans les chasses.

    Il était chrétien, aimait les lettres et favorisait les hommes voués à la vie monastique. Dans la salle de son palais où, sous les solives enfumées, pendaient les têtes, les ramures et les cornes des bêtes sauvages, il donnait des festins auxquels étaient conviés tous les joueurs de harpe d’Alca et des îles voisines, et il y chantait lui-même les louanges des héros. Équitable et magnanime, mais enflammé d’un ardent amour de la gloire, il ne pouvait s’empêcher de mettre à mort ceux qui avaient mieux chanté que lui.

    Les moines d’Yvern ayant été chassés par les païens qui ravageaient la Bretagne, le roi Brian les appela dans son royaume et fit construire pour eux, près de son palais, un moustier de bois. Chaque jour, il se rendait avec la reine Glamorgane, son épouse, dans la chapelle du moustier, assistait aux cérémonies religieuses et chantait des hymnes.

    Or, parmi ces moines, se trouvait un religieux, nommé Oddoul, qui, dans la fleur de sa jeunesse, s’ornait de science et de vertus. Le Diable en conçut un grand dépit et essaya plusieurs fois de l’induire en tentation. Il prit diverses formes et lui montra tour à tour un cheval de guerre, une jeune vierge, une coupe d’hydromel; puis il lui fit sonner deux dés dans un cornet et lui dit:

    —Veux-tu jouer avec moi les royaumes de ce monde contre un des cheveux de ta tête?

    Mais l’homme du Seigneur, armé du signe de la croix, repoussa l’ennemi. S’apercevant qu’il ne le pourrait séduire, le Diable imagina pour le perdre un habile artifice. Par une nuit d'été, il s’approcha de la reine endormie sur sa couche, lui représenta l’image du jeune religieux qu’elle voyait tous les jours dans le moustier de bois, et il mit un charme sur cette image. Aussitôt l’amour entra comme un poison subtil dans les veines de Glamorgane. Et l’envie d’en faire à son plaisir avec Oddoul la consumait. Elle trouvait sans cesse des prétextes pour l’attirer près d’elle. Plusieurs fois elle lui demanda d’instruire ses enfants dans la lecture et le chant.

    —Je vous les confie, lui dit-elle. Et je suivrai les leçons que vous leur donnerez, afin de m’instruire moi-même. Avec les fils vous enseignerez la mère.

    Mais le jeune religieux s’excusait, tantôt sur ce qu’il n'était pas un maître assez savant, tantôt sur ce que son état lui interdisait le commerce des femmes. Ce refus irrita les désirs de Glamorgane. Un jour qu’elle languissait sur sa couche, son mal étant devenu intolérable, elle fit appeler Oddoul dans sa chambre. Il vint par obéissance, mais demeura les yeux baissés sur le seuil de la porte. De ce qu’il ne la regardait point elle ressentait de l’impatience et de la douleur.

    —Vois, lui dit-elle, je n’ai plus de force, une ombre est sur mes yeux.

    Mon corps est brûlant et glacé.

    Et comme il se taisait et ne faisait pas un mouvement, elle l’appela d’une voix suppliante:

    —Viens près de moi, viens!

    Et, de ses bras tendus qu’allongeait le désir, elle tenta de le saisir et de l’attirer à elle.

    Mais il s’enfuit en lui reprochant son impudicité.

    Alors, outrée de colère, et craignant qu’Oddoul ne publiât la honte où elle était tombée, elle imagina de le perdre lui-même pour n'être point perdue par lui.

    D’une voix éplorée qui retentit dans tout le palais, elle appela à l’aide, comme si vraiment elle courait un grand danger. Ses servantes accourues virent le jeune moine qui fuyait et la reine qui ramenait sur elle les draps de sa couche; elles crièrent toutes ensemble au meurtre. Et lorsque, attiré par le bruit, le roi Brian entra dans la chambre, Glamorgane, lui montrant ses cheveux épars, ses yeux luisants de larmes et sa poitrine, que, dans la fureur de son amour, elle avait déchiré de ses ongles:

    —Mon seigneur et mon époux, voyez, dit-elle, la trace des outrages que j’ai subis. Poussé d’un désir infâme, Oddoul s’est approché de moi et a tenté de me faire violence.

    En entendant ces plaintes, en voyant ce sang, le roi, transporté de fureur, ordonna à ses gardes de s’emparer du jeune religieux et de le brûler vif devant le palais, sous les yeux de la reine.

    Instruit de cette aventure, l’abbé d’Yvern alla trouver le roi et lui dit:

    —Roi Brian, connaissez par cet exemple la différence d’une femme chrétienne et d’une femme païenne. Lucrèce romaine fut la plus vertueuse des princesses idolâtres; pourtant elle n’eut pas la force de se défendre contre les attaques d’un jeune efféminé, et, confuse de sa faiblesse, elle tomba dans le désespoir, tandis que Glamorgane a résisté victorieusement aux assauts d’un criminel plein de rage et possédé du plus redoutable des démons.

    Cependant Oddoul, dans la prison du palais, attendait le moment d'être brûlé vif. Mais Dieu ne souffrit pas que l’innocent pérît. Il lui envoya un ange qui, ayant pris la forme d’une servante de la reine, nommée Gudrune, le tira de sa prison et le conduisit dans la chambre même qu’habitait cette femme dont il avait l’apparence.

    Et l’ange dit au jeune Oddoul:

    —Je t’aime parce que tu oses.

    Et le jeune Oddoul, croyant entendre Gudrune elle-même, répondit, les yeux baissés:

    —C’est par la grâce du Seigneur que j’ai résisté aux violences de la reine et bravé le courroux de cette femme puissante.

    Et l’ange demanda:

    —Comment? tu n’as pas fait ce dont la reine t’accuse?

    —En vérité! non, je ne l’ai pas fait, répondit Oddoul, la main sur son coeur.

    —Tu ne l’as pas fait?

    —Non! je ne l’ai pas fait. La seule pensée d’une pareille action me remplit d’horreur.

    —Alors, s'écria l’ange, qu’est-ce que tu fiches ici, espèce d’andouille?

    Et il ouvrit la porte pour favoriser la fuite du jeune religieux.

    Oddoul se sentit violemment poussé dehors. À peine était-il descendu dans la rue qu’une main lui versa un pot de chambre sur la tête; et il songea:

    —Tes desseins sont mystérieux, Seigneur, et tes voies impénétrables.

    La postérité directe de Brian le Pieux s'éteignit vers l’an 900, en la personne de Collic au Court-Nez. Un cousin de ce prince, Bosco le Magnanime, lui succéda et prit soin, pour s’assurer le trône, d’assassiner tous ses parents. Il sortit de lui une longue lignée de rois puissants.

    L’un d’eux, Draco le Grand, atteignit à une haute renommée d’homme de guerre. Il fut plus souvent battu que les autres. C’est à cette constance dans la défaite qu’on reconnaît les grands capitaines. En vingt ans, il incendia plus de cent mille hameaux, bourgs, faubourgs, villages, villes, cités et universités. Il portait la flamme indifféremment sur les terres ennemies et sur son propre domaine. Et il avait coutume de dire, pour expliquer sa conduite:

    —Guerre sans incendie est comme tripes sans moutarde: c’est chose insipide.

    Sa justice était rigoureuse. Quand les paysans qu’il faisait prisonniers ne pouvaient acquitter leur rançon, il les faisait pendre à un arbre, et si quelque malheureuse femme venait l’implorer en faveur de son mari insolvable, il la traînait par les cheveux à la queue de son cheval. Il vécut en soldat, sans mollesse. On se plaît à reconnaître que ses moeurs étaient pures. Non seulement il ne laissa pas déchoir son royaume de sa gloire héréditaire, mais encore il soutint vaillamment jusque dans ses revers l’honneur du peuple pingouin.

    Draco le Grand fit transférer à Alca les reliques de sainte Orberose.

    Le corps de la bienheureuse avait été enseveli dans une grotte du rivage des Ombres, au fond d’une landes parfumée. Les premiers pélerins qui l’allèrent visiter furent les jeunes garçons et les jeunes filles des villages voisins. Ils s’y rendaient, de préférence, par couples, le soir, comme si les pieux désirs cherchaient naturellement, pour se satisfaire, l’ombre et la solitude. Il vouaient à la sainte un culte fervent et discret, dont ils semblaient jaloux de garder le mystère; ils n’aimaient point à publier trop haut les impressions qu’ils y éprouvaient; mais on les surprenait se murmurant les uns aux autres les mots d’amour, de délices et de ravissement, qu’ils mêlaient au saint nom d’Orberose; les uns soupiraient qu’on y oubliait le monde; d’autres disaient qu’on sortait de la grotte dans le calme et l’apaisement; les jeunes filles entre elles rappelaient les délices dont elles y avaient été pénétrées.

    Telles furent les merveilles qu’accomplit la vierge d’Alca à l’aurore de sa glorieuse éternité: elles avaient la douceur et le vague de l’aube. Bientôt le mystère de la grotte, tel qu’un parfum subtil, se répandit dans la contrée; ce fut pour les âmes pures un sujet d’allégresse et d'édification, et les hommes corrompus essayèrent en vain d'écarter, par le mensonge et la calomnie, les fidèles des sources de grâce qui coulaient du tombeau de la sainte. L'Église pourvut à ce que ces grâces ne demeurassent point réservées à quelques enfants, mais se répandissent sur toute la chrétienté pingouine. Des religieux s'établirent dans la grotte, bâtirent un monastère, une chapelle, une hôtellerie, sur le rivage, et les pèlerins commencèrent à affluer.

    Comme fortifiée par un plus long séjour dans le ciel, la bienheureuse Orberose accomplissait maintenant des miracles plus grands en faveur de ceux qui venaient déposer leur offrande sur sa tombe; elle faisait concevoir des espérances aux femmes jusque-là stériles, envoyait des songes aux vieillards jaloux pour les rassurer sur la fidélité de leurs jeunes épouses injustement soupçonnées, tenait éloignés de la contrée les pestes, les épizooties, les famines, les tempêtes et les dragons de Cappadoce.

    Mais durant les troubles qui désolèrent le royaume au temps du roi Collic et de ses successeurs, le tombeau de sainte Orberose fut dépouillé de ses richesses, le monastère incendié, les religieux dispersés; le chemin, si longtemps foulé par tant de dévots pèlerins, disparut sous l’ajonc, la bruyère et le chardon bleu des sables. Depuis cent ans, la tombe miraculeuse n'était plus visitée que par les vipères, les belettes et les chauves-souris, quand la sainte apparut à un paysan du voisinage nommé Momordic.

    —Je suis la vierge Orberose, lui dit-elle; je t’ai choisi pour rétablir mon sanctuaire. Avertis les habitants de ces contrées que, s’ils laissent ma mémoire abolie et mon tombeau sans honneurs ni richesses, un nouveau dragon viendra désoler la Pingouinie.

    Des clercs très savants firent une enquête sur cette apparition qu’ils reconnurent véritable, non diabolique, mais toute céleste, et l’on remarqua plus tard qu’en France, dans des circonstances analogues, sainte Foy et sainte Catherine avaient agi de même et tenu un semblable langage.

    Le moustier fut relevé et les pèlerins affluèrent de nouveau. La vierge Orberose opérait des miracles de plus en plus grands. Elle guérissait diverses maladies très pernicieuses, notamment le pied bot, l’hydropisie, la paralysie et le mal de saint Guy. Les religieux, gardiens du tombeau, jouissaient d’une enviable opulence quand la sainte, apparue au roi Draco le Grand, lui ordonna de la reconnaître pour la patronne céleste du royaume et de transférer ses restes précieux dans la cathédrale d’Alca.

    En conséquence, les reliques bien odorantes de cette vierge furent portées en grande pompe à l'église métropolitaine et déposées au milieu du choeur, dans une châsse d’or et d'émail, ornée de pierres précieuses.

    Le chapitre tint registre des miracles opérés par l’intervention de la bienheureuse Orberose.

    Draco le Grand, qui n’avait jamais cessé de défendre et d’exalter la foi chrétienne, mourut dans les sentiments de la plus vive piété, laissant de grands biens à l’Eglise.

    D’effroyables désordres suivirent la mort de Draco le Grand. On a souvent accusé de faiblesse les successeurs de ce prince. Et il est vrai qu’aucun d’eux ne suivit, même de loin, l’exemple de ce vaillant ancêtre.

    Son fils Chum, qui était boiteux, négligea d’accroître le territoire des Pingouins. Bolo, fils de Chum, périt assassiné par les gardes du palais, à l'âge de neuf ans, au moment où il montait sur le trône. Son frère Gun lui succéda. Il n'était âgé que de sept ans et se laissa gouverner par sa mère, la reine Crucha.

    Crucha était belle, instruite, intelligente; mais elle ne savait pas résister à ses passions.

    Voici en quels termes le vénérable Talpa s’exprime, dans sa chronique, au sujet de cette reine illustre:

    «La reine Crucha, pour la beauté du visage et les avantages de la taille, ne le cède ni à Sémiramis de Babylone, ni à Pentésilée, reine des Amazones, ni à Salomé, fille d’Hérodiade. Mais elle présente dans sa personne certaines singularités qu’on peut trouver belles ou disgracieuses, selon les opinions contradictoires des hommes et les jugements du monde. Elle a deux petites cornes au front, qu’elle dissimule sous les bandeaux abondants de sa chevelure d’or; elle a un oeil bleu et un noir, le cou penché à gauche, comme Alexandre de Macédoine, six doigts à la main droite et une petite tête de singe au- dessous du nombril.

    »Sa démarche est majestueuse et son abord affable. Elle est magnifique dans ses dépenses, mais elle ne sait pas toujours soumettre sa raison au désir.

    »Un jour, ayant remarqué dans les écuries du palais un jeune palefrenier d’une grande beauté, elle se sentit incontinent transportée d’amour pour lui et lui confia le commandement des armées. Ce qu’on doit louer sans réserve dans cette grande reine, c’est l’abondance des dons qu’elle fait aux églises, monastères et chapelles du royaume, et spécialement à la sainte maison de Beargarden, où, par la grâce du Seigneur, j’ai fait profession en ma quatorzième année. Elle a fondé des messes pour le repos de son âme en si grand nombre que tout prêtre, dans l’Eglise pingouine, est, pour ainsi dire, transformé en un cierge allumé au regard du ciel, afin d’attirer la miséricorde divine sur l’auguste Crucha.»

    On peut, par ces lignes et par quelques autres dont j’ai enrichi mon texte, juger de la valeur historique et littéraire des Gesta Pinguinorum. Malheureusement, cette chronique s’arrête brusquement à la troisième année du règne de Draco le Simple, successeur de Gun le Faible. Parvenu à ce point de mon histoire, je déplore la perte d’un guide aimable et sûr.

    Durant les deux siècles qui suivirent, les Pingouins demeurèrent plongés dans une anarchie sanglante. Tous les arts périrent. Au milieu de l’ignorance générale, les moines, à l’ombre du cloître, se livraient à l'étude et copiaient avec un zèle infatigable les saintes Écritures. Comme le parchemin était rare, ils grattaient les vieux manuscrits pour y transcrire la parole divine. Aussi vit-on fleurir, ainsi qu’un buisson de roses, les Bibles sur la terre pingouine.

    Un religieux de l’ordre de saint Benoît, Ermold le Pingouin, effaça à lui seul quatre mille manuscrits grecs et latins, pour copier quatre mille fois l'évangile de saint Jean. Ainsi furent détruits en grand nombre les chefs d’oeuvre de la poésie et de l'éloquence antiques. Les historiens sont unanimes à reconnaître que les couvents pingouins furent le refuge des lettres au moyen âge.

    Les guerres séculaires des Pingouins et des Marsouins remplissent la fin de cette période. Il est extrêmement difficile de connaître la vérité sur ces guerres, non parce que les récits manquent, mais parce qu’il y on a plusieurs. Les chroniqueurs marsouins contredisent sur tous les points les chroniqueurs pingouins. Et, de plus, les Pingouins se contredisent entre eux, aussi bien que les Marsouins. J’ai trouvé deux chroniqueurs qui s’accordent; mais l’un a copié l’autre. Un fait seul est certain, c’est que les massacres, les viols, les incendies et les pillages se succédèrent sans interruption.

    Sous le malheureux prince Bosco IX, le royaume fut à deux doigts de sa ruine. À la nouvelle que la flotte marsouine, composée de six cents grandes nefs, était en vue d’Alca, l'évêque ordonna une procession solennelle. Le chapitre, les magistrats élus, les membres du parlement et les clercs de l’université vinrent prendre dans la cathédrale la châsse de sainte Orberose et la promenèrent tout autour de la ville, suivis du peuple entier qui chantait des hymnes. La sainte patronne de la Pingouinie ne fut point invoquée en vain; cependant les Marsouins assiégèrent la ville en même temps par terre et par mer, la prirent d’assaut et, durant trois jours et trois nuits, y tuèrent, pillèrent, violèrent et incendièrent avec l’indifférence qu’engendre l’habitude.

    On ne saurait trop admirer que, durant ces longs âges de fer, la foi ait été conservée intacte parmi les Pingouins. La splendeur de la vérité éblouissait alors les âmes qui n'étaient point corrompues par des sophismes. C’est ce qui explique l’unité des croyances. Une pratique constante de l'Église contribua sans doute à maintenir cette heureuse communion des fidèles: on brûlait immédiatement tout Pingouin qui pensait autrement que les autres.

    C’est sous la minorité du roi Gun que Johannès Talpa, religieux de Beargarden, composa, dans le monastère où il avait fait profession dès l'âge d’onze ans et dont il ne sortit jamais un seul jour de sa vie, ses célèbres chroniques latines en douze livres De Gestis Pinguinorum.

    Le monastère de Beargarden dresse ses hautes murailles sur le sommet d’un pic inaccessible. On n’y découvre alentour que les cimes bleues des monts, coupées par les nuées.

    Quand il entreprit de rédiger les Gesta Pinguinorum, Johannès Talpa était déjà vieux. Le bon moine a pris soin de nous en avertir dans son livre. «Ma tête a perdu depuis longtemps, dit-il, la parure de ses boucles blondes et mon crâne est devenu semblable à ces miroirs de métal convexes, que consultent avec tant d'étude et de soins les dames pingouines. Ma taille, naturellement courte, s’est, avec les ans, abrégée et recourbée. Ma barbe blanche réchauffe ma poitrine.»

    Avec une naïveté charmante, Talpa nous instruit de certaines circonstances de sa vie et de quelques traits de son caractère. «Issu, nous dit-il, d’une famille noble et destiné dès l’enfance à l'état ecclésiastique, on m’enseigna la grammaire et la musique. J’appris à lire sous la discipline d’un maître qui s’appelait Amicus et qui eût été mieux nommé Inimicus. Comme je ne parvenais pas facilement à connaître mes lettres, il me fouettait de verges avec violence, en sorte que je puis dire qu’il m’imprima l’alphabet en traits cuisants sur les fesses.»

    Ailleurs Talpa confesse son inclination naturelle à la volupté. Voici en quels termes expressifs: «Dans ma jeunesse, l’ardeur de mes sens était telle que, sous l’ombre des bois, j'éprouvais le sentiment de bouillir dans une marmite plutôt que de respirer l’air frais. Je fuyais les femmes. En vain! puisqu’il suffisait d’une sonnette ou d’une bouteille pour me les représenter.»

    Tandis qu’il rédigeait sa chronique, une guerre effroyable, à la fois étrangère et civile, désolait la terre pingouine. Les soldats de Crucha, venus pour défendre le monastère de Beargarden contre les barbares marsouins, s’y établirent fortement. Afin de le rendre inexpugnable, ils percèrent des meurtrières dans les murs et enlevèrent de l'église la toiture de plomb pour en faire des balles de fronde. Ils allumaient, à la nuit, dans les cours et les cloîtres, de grands feux auxquels ils rôtissaient des boeufs entiers, embrochés aux sapins antiques de la montagne; et, réunis autour des flammes, dans la fumée chargée d’une odeur de résine et de graisse, ils défonçaient les tonneaux de vin et de cervoise. Leurs chants, leurs blasphèmes et le bruit de leurs querelles couvraient le son des cloches matinales.

    Enfin, les Marsouins, ayant franchi les défilés, mirent le siège autour du monastère. C'étaient des guerriers du Nord, vêtus et armés de cuivre. Ils appuyaient aux parois de la roche des échelles de cent cinquante toises qui, dans l’ombre et l’orage, se rompaient sous le poids des corps et des armes et répandaient des grappes d’hommes dans les ravins et les précipices; on entendait, au milieu des ténèbres, descendre un long hurlement, et l’assaut recommençait. Les Pingouins versaient des ruisseaux de poix ardente sur les assaillants qui flambaient comme des torches. Soixante fois, les Marsouins furieux tentèrent l’escalade; ils furent soixante fois repoussés.

    Depuis déjà dix mois, ils tenaient le monastère étroitement investi, quand, le saint jour de l'Épiphanie, un pâtre de la vallée leur enseigna un sentier caché par lequel ils gravirent la montagne, pénétrèrent dans les souterrains de l’abbaye, se répandirent dans les cloîtres, dans les cuisines, dans l'église, dans les salles capitulaires, dans la librairie, dans la buanderie, dans les cellules, dans les réfectoires, dans les dortoirs, incendièrent les bâtiments, tuèrent et violèrent sans égard à l'âge ni au sexe. Les Pingouins, brusquement réveillés, couraient aux armes; les yeux voilés d’ombre et d'épouvante, ils se frappaient les uns les autres, tandis que les Marsouins se disputaient entre eux, à coups de hache, les vases sacrés, les encensoirs, les chandeliers, les dalmatiques, les châsses, les croix d’or et de pierreries.

    L’air était chargé d’une âcre odeur de chair grillée; les cris de mort et les gémissements s'élevaient du milieu des flammes, et, sur le bord des toits croulants, des moines par milliers couraient comme des fourmis et tombaient dans la vallée. Cependant, Johannès Talpa écrivait sa chronique. Les soldats de Crucha, s'étant retirés à la hâte, bouchèrent avec des quartiers de roches toutes les issues du monastère, afin d’enfermer les Marsouins dans les bâtiments incendiés. Et, pour écraser l’ennemi sous l'éboulement des pierres de taille et des pans de murs, ils se servirent comme de béliers des troncs des plus vieux chênes. Les charpentes embrasées s’effondraient avec un bruit de tonnerre et les arceaux sublimes des nefs s'écroulaient sous le choc des arbres géants, balancés par six cents hommes ensemble. Bientôt, il ne resta plus de la riche et vaste abbaye que la cellule de Johannès Talpa, suspendue, par un merveilleux hasard, aux débris d’un pignon fumant. Le vieux chroniqueur écrivait encore.

    Cette admirable contention d’esprit peut toutefois sembler excessive chez un annaliste qui s’applique à rapporter les faits accomplis de son temps. Mais, si distrait et détaché qu’on soit des choses environnantes, on en ressent l’influence. J’ai consulté le manuscrit original de Johannès Talpa à la Bibliothèque nationale où il est conservé, fonds ping. K. L., 123 90 quater. C’est un manuscrit sur parchemin de 628 feuillets. L'écriture en est extrêmement confuse; les lettres, loin de suivre une ligne droite, s'échappent dans toutes les directions, se heurtent et tombent les unes sur les autres dans un désordre ou, pour mieux dire, dans un tumulte affreux. Elles sont si mal formées qu’il est la plupart du temps impossible non seulement de les reconnaître, mais même de les distinguer des pâtés d’encre qui y sont abondamment mêlés. Ces pages inestimables se ressentent en cela des troubles au milieu desquels elles ont été tracées. La lecture en est difficile. Au contraire, le style du religieux de Beargarden ne porte la marque d’aucune émotion. Le ton des Gesta Pinguinorum ne s'écarte jamais de la simplicité. La narration y est rapide et d’une concision qui va parfois jusqu'à la sécheresse. Les réflexions sont rares et en général judicieuses.

    Les critiques pingouins affirment à l’envi que l’art pingouin se distingua dès sa naissance par une originalité puissante et délicieuse et qu’on chercherait vainement ailleurs les qualités de grâce et de raison qui caractérisent ses premiers ouvrages. Mais les Marsouins prétendent que leurs artistes furent constamment les initiateurs et les maîtres des Pingouins. Il est difficile d’en juger, parce que les Pingouins, avant d’admirer leurs peintres primitifs, en détruisirent tous les ouvrages.

    On ne saurait trop s’affliger de cette perte. Je la ressens pour ma part avec une vivacité cruelle, car je vénère les antiquités pingouines et j’ai le culte des primitifs.

    Ils sont délicieux. Je ne dis pas qu’ils se ressemblent tous; ce ne serait point vrai; mais ils ont des caractères communs qu’on retrouve dans toutes les écoles; je veux dire des formules dont ils ne sortent point, et quelque chose d’achevé, car ce qu’ils savent ils le savent bien. On peut heureusement se faire une idée des primitifs pingouins par les primitifs italiens, flamands, allemands et par les primitifs français qui sont supérieurs à tous les autres; comme le dit M. Gruyer, ils ont plus de logique, la logique étant une qualité spécialement française. Tenterait-on de le nier, qu’il faudrait du moins accorder à la France le privilège d’avoir gardé des primitifs quand les autres nations n’en avaient plus. L’exposition des primitifs français au pavillon de Marsan, en 1904, contenait plusieurs petits panneaux contemporains des derniers Valois et de Henri IV.

    J’ai fait bien des voyages pour voir les tableaux des frères Van Eyck, de Memling, de Rogier van der Wyden, du maître de la mort de Marie, d’Ambrogio Lorenzetti et des vieux ombriens. Ce ne fut pourtant ni Bruges, ni Cologne, ni Sienne, ni Pérouse qui acheva mon initiation; c’est dans la petite ville d’Arezzo que je devins un adepte conscient de la peinture ingénue. Il y a de cela dix ans ou même davantage. En ce temps d’indigence et de simplicité, les musées des municipes, à toute heure fermés, s’ouvraient à toute heure aux forestieri. Une vieille, un soir, à la chandelle, me montra, pour une une demi-lire, le sordide musée d’Arezzo et j’y découvris une peinture de Margaritone, un saint François, dont la tristesse pieuse me tira des larmes. Je fus profondément touché; Margaritone d’Arezzo devint, depuis ce jour, mon primitif le plus cher.

    Je me figure les primitifs pingouins d’après les ouvrages de ce maître. On ne jugera donc pas superflu que je le considère à cette place avec quelque attention, sinon dans le détail de ses oeuvres, du moins sous son aspect le plus général et, si j’ose dire, le plus représentatif.

    Nous possédons cinq ou six tableaux signés de sa main. Son oeuvre capitale, conservée à la National Gallery de Londres, représente la Vierge assise sur un trône et tenant l’enfant Jésus dans ses bras. Ce dont on est frappé d’abord lorsqu’on regarde cette figure, ce sont ses proportions. Le corps, depuis le cou jusqu’aux pieds, n’a que deux fois la hauteur de la tête; aussi paraît-il extrêmement court et trapu. Cet ouvrage n’est pas moins remarquable par la peinture que par le dessin. Le grand Margaritone n’avait en sa possession qu’un petit nombre de couleurs, et il les employait dans toute leur pureté, sans jamais rompre les tons. Il en résulte que son coloris offre plus de vivacité que d’harmonie. Les joues de la Vierge et celles de l’enfant sont d’un beau vermillon que le vieux maître, par une préférence naïve pour les définitions nettes, a disposé sur chaque visage en deux circonférences si exactes, qu’elles semblent tracées au compas.

    Un savant critique du XVIIIe siècle, l’abbé Lauzi, a traité les ouvrages de Margaritone avec un profond dédain. «Ce ne sont, a-t-il dit, que de grossiers barbouillages. En ces temps infortunés, on ne savait ni dessiner ni peindre.» Tel était l’avis commun de ces connaisseurs poudrés. Mais le grand Margaritone et ses contemporains devaient être bientôt vengés d’un si cruel mépris. Il naquit au XIXe siècle, dans les villages bibliques et les cottages réformés de la pieuse Angleterre, une multitude de petits Samuel et de petits Saint-Jean, frisés comme des agneaux, qui devinrent, vers 1840 et 1850, des savants à lunettes et instituèrent le culte des primitifs.

    L'éminent théoricien du préraphaélisme, sir James Tuckett, ne craint pas de placer la madone de la National Gallery au rang des chefs- d’oeuvre de l’art chrétien. «En donnant à la tête de la Vierge, dit sir James Tuckett, un tiers de la hauteur totale de la figure, le vieux maître a attiré et contenu l’attention du spectateur sur les parties les plus sublimes de la personne humaine et notamment sur les yeux qu’on qualifie volontiers d’organes spirituels. Dans cette peinture, le coloris conspire avec le dessin pour produire une impression idéale et mystique. Le vermillon des joues n’y rappelle pas l’aspect naturel de la peau; il semble plutôt que le vieux maître ait appliqué sur les visages de la Vierge et de l’Enfant les roses du Paradis.»

    On voit, dans une telle critique, briller, pour ainsi dire, un reflet de l’oeuvre qu’elle exalte; cependant le séraphique esthète d’Edimbourg, Mac Silly, a exprimé d’une façon plus sensible encore et plus pénétrante l’impression produite sur son esprit par la vue de cette peinture primitive. «La madone de Margaritone, dit le vénéré Mac Silly, atteint le but transcendant de l’art; elle inspire à ses spectateurs des sentiments d’innocence et de pureté; elle les rend semblables aux petits enfants. Et cela est si vrai que, à l'âge de soixante six ans, après avoir eu la joie de la contempler pendant trois heures d’affilée, je me sentis subitement transformé en un tendre nourrisson. Tandis qu’un cab m’emportait à travers Trafalgar square, j’agitais mon étui de lunettes comme un hochet, en riant et gazouillant. Et, lorsque la bonne de ma pension de famille m’eut servi mon repas, je me versai des cuillerées de potage dans l’oreille avec l’ingénuité du premier âge.

    »C’est à de tels effets, ajoute Mac Silly, qu’on reconnaît l’excellence d’une oeuvre d’art.»

    Margaritone, à ce que rapporte Vasari, mourut à l'âge de soixante-dix- sept ans, regrettant d’avoir assez vécu pour voir surgit un nouvel art et la renommée couronner de nouveaux artistes.» Ces lignes, que je traduis littéralement, ont inspiré à sir James Tuckett les pages les plus suaves, peut-être, de son oeuvre. Elles font partie du Bréviaire des esthètes; tous les préraphaélites les savent par coeur. Je veux les placer ici comme le plus précieux ornement de ce livre. On s’accorde à reconnaître qu’il ne fut rien écrit de plus sublime depuis les prophètes d’Israël.

    LA VISION DE MARGARITONE

    Margaritone, chargé d’ans et de travaux, visitait un jour l’atelier d’un jeune peintre nouvellement établi dans la ville. Il y remarqua une madone encore toute fraîche, qui, bien que sévère et rigide, grâce à une certaine exactitude dans les proportions et à un assez diabolique mélange d’ombres et de lumières, ne laissait pas que de prendre du relief et quelque air de vie. À cette vue, le naïf et sublime ouvrier d’Arezzo découvrit avec horreur l’avenir de la peinture.

    Il murmura, le front dans les mains:

    —Que de hontes cette figure me fait pressentir! J’y discerne la fin de l’art chrétien, qui peint les âmes et inspire un ardent désir du ciel. Les peintres futurs ne se borneront pas, comme celui-ci, à rappeler sur un pan de mur ou un panneau de bois la matière maudite dont nos corps sont formés: ils la célébreront et la glorifieront. Ils revêtiront leurs figures des dangereuses apparences de la chair; et ces figures sembleront des personnes naturelles. On leur verra des corps; leurs formes paraîtront à travers leurs vêtements. Sainte Madeleine aura des seins, sainte Marthe un ventre, sainte Barbe des cuisses, sainte Agnès des fesses (buttocks); saint Sébastien dévoilera sa grâce adolescente et saint Georges étalera sous le harnais les richesses musculaires d’une virilité robuste; les apôtres, les confesseurs, les docteurs et Dieu le Père lui-même paraîtront en manière de bons paillards comme vous et moi; les anges affecteront une beauté équivoque, ambiguë, mystérieuse qui troublera les coeurs. Quel désir du ciel vous donneront ces représentations? Aucun; mais vous y apprendrez à goûter les formes de la vie terrestre. Où s’arrêteront les peintres dans leurs recherches indiscrètes? Ils ne s’arrêteront point. Ils en arriveront à montrer des hommes et des femmes nus comme les idoles des Romains. Il y aura un art profane et un art sacré, et l’art sacré ne sera pas moins profane que l’autre.

    »—Arrière! démons! s'écria le vieux maître.

    »Car en une vision prophétique, il découvrait les justes et les saints devenus pareils à des athlètes mélancoliques; il découvrait les Apollo jouant du violon, sur la cime fleurie, au milieu des Muses aux tuniques légères; il découvrait les Vénus couchées sous les sombres myrtes et les Danaé exposant à la pluie d’or leurs flancs délicieux; il découvrait les Jésus dans les colonnades, parmi les patriciens, les dames blondes, les musiciens, les pages, les nègres, les chiens et les perroquets; il découvrait, en un enchevêtrement inextricable de membres humains, d’ailes déployées et de draperies envolées, les Nativités tumultueuses, les Saintes Familles opulentes, les Crucifixions emphatiques; il découvrait les sainte Catherine, les sainte Barbe, les sainte Agnès, humiliant les patriciennes par la somptuosité de leur velours, de leurs brocarts, de leurs perles et par la splendeur de leur poitrine; il découvrait les Aurores répandant leurs roses et la multitude des Diane et des Nymphes surprises nues au bord des sources ombreuses. Et le grand Margaritone mourut suffoqué par ce pressentiment horrible de la Renaissance et de l'école de Bologne.»

    Nous possédons un précieux monument de la littérature pingouine au XVe siècle. C’est la relation d’un voyage aux enfers, entrepris par le moine Marbode, de l’ordre de saint Benoît, qui professait pour le poète Virgile une admiration fervente. Cette relation, écrite en assez bon latin, a été publiée par M. du Clos des Lunes. On la trouvera ici traduite pour la première fois en français. Je crois rendre service à mes compatriotes en leur faisant connaître ces pages qui, sans doute, ne sont pas uniques en leur genre dans la littérature latine du moyen âge. Parmi les fictions qui peuvent en être rapprochées nous citerons le Voyage de saint Brendan, la Vision d’Albéric, le Purgatoire de saint Patrice, descriptions imaginaires du séjour supposé des morts, comme la Divine Comédie de Dante Alighieri.

    Des oeuvres composées sur ce thème la relation de Marbode est une des plus tardives, mais elle n’en est pas la moins singulière.

    LA DESCENTE DE MARBODE AUX ENFERS

    En la quatorze cent cinquante-troisième année depuis l’incarnation du fils de Dieu, peu de jours avant que les ennemis de la Croix n’entrassent dans la ville d’Hélène et du grand Constantin, il me fut donné à moi, frère Marbode, religieux indigne, de voir et d’ouïr ce que personne n’avait encore ouï ni vu. J’ai composé de ces choses une relation fidèle, afin que le souvenir n’en périsse point avec moi, car le temps de l’homme est court.

    Le premier jour de mai de ladite année, à l’heure de vêpres, en l’abbaye de Corrigan, assis sur une pierre du cloître, près de la fontaine couronnée d'églantines, je lisais, à mon habitude, quelque chant du poète que j’aime entre tous, Virgile, qui a dit les travaux de la terre, les bergers et les chefs. Le soir suspendait les plis de sa pourpre aux arcs du cloître et je murmurais d’une voix émue les vers qui montrent comment Didon la Phénicienne traîne sous les myrtes des enfers sa blessure encore fraîche. À ce moment, frère Hilaire passa près de moi, suivi de frère Jacinthe, le portier.

    Nourri dans des âges barbares, avant la résurrection des Muses, frère

    Hilaire n’est point initié à la sagesse antique; toutefois la poésie du

    Mantouan a, comme un flambeau subtil, jeté quelques lueurs dans son intelligence.

    —Frère Marbode, me demanda-t-il, ces vers que vous soupirez ainsi, la poitrine gonflée et les yeux étincelants, appartiennent-ils à cette grande Énéide dont, matin ni soir, vous ne détournez guère les yeux?

    Je lui répondis que je lisais de Virgile comment le fils d’Anchise aperçut Didon pareille à la lune derrière le feuillage.

    [Note: Le texte porte

    … qualem primo qui surgere mense

    Aut videt aut vidisse putat per nubila lunam.

    Frère Marbode, par une étrange inadvertance, substitue à l’image créée par le poète une image toute différente.]

    —Frère Marbode, répliqua-t-il, je suis certain que Virgile exprime en toute occasion de sages maximes et des pensées profondes. Mais les chants qu’il modula sur la flûte syracusaine présentent un sens si beau et une si haute doctrine, qu’on en demeure ébloui.

    —Prenez garde, mon père, s'écria frère Jacinthe d’une voix émue. Virgile était un magicien qui accomplissait des prodiges avec l’aide des démons. C’est ainsi qu’il perça une montagne près de Naples et qu’il fabriqua un cheval de bronze ayant le pouvoir de guérir tous les chevaux malades. Il était nécromancien, et l’on montre encore, en une certaine ville d’Italie, le miroir dans lequel il faisait apparaître les morts. Et pourtant une femme trompa ce grand sorcier. Une courtisane napolitaine l’invita de sa fenêtre à se hisser jusqu'à elle dans le panier qui servait à monter les provisions; et elle le laissa toute la nuit suspendu entre deux étages.

    Sans paraître avoir entendu ces propos:

    —Virgile est un prophète, répliqua frère Hilaire; c’est un prophète et qui laisse loin derrière lui les Sibylles avec leurs carmes sacrés, et la fille du roi Priam, et le grand divinateur des choses futures, Platon d’Athènes. Tous trouverez dans le quatrième de ses chants syracusains la naissance de Notre-Seigneur annoncée en un langage qui semble plutôt du ciel que de la terre.

    [Note: Trois siècles avant l'époque où vivait notre

    Marbode on chantait dans les églises, le jour de Noël:

    Maro, vates gentilium,

    Da Christo testimonium.]

    »Au temps de mes études, lorsque je lus pour la première fois: JAM REDIT ET VIRGO, je me sentis plongé dans un ravissement infini; mais tout aussitôt j'éprouvai une vive douleur à la pensée que, privé pour toujours de la présence de Dieu, l’auteur de ce chant prophétique, le plus beau qui soit sorti d’une lèvre humaine, languissait, parmi les Gentils, dans les ténèbres éternelles. Cette pensée cruelle ne me quitta plus. Elle me poursuivait jusqu’en mes études, mes prières, mes méditations et mes travaux ascétiques. Songeant que Virgile était privé de la vue de Dieu et que peut-être même il subissait en enfer le sort des réprouvés, je ne pouvais goûter ni joie ni repos et il m’arriva de m'écrier plusieurs fois par jour, les bras tendus vers le ciel:

    »—Révélez moi, Seigneur, la part que vous fîtes à celui qui chanta sur la terre comme les anges chantent dans les cieux!

    »Mes angoisses, après quelques années, cessèrent lorsque je lus dans un livre ancien que le grand apôtre qui appela les Gentils dans l’Eglise du Christ, saint Paul, s'étant rendu à Naples, sanctifia de ses larmes le tombeau du prince des poètes.

    [Note:

    _Ad Maronis mausoleum

    Ductus, fudit super eum

    Piae rorem lacrymae.

    Quem te, inquit, reddidissem,

    Si te vivum invenissem

    Poetarum maxime!_]

    Ce me fut une raison de croire que Virgile, comme l’empereur Trajan, fut admis au Paradis pour avoir eu, dans l’erreur le pressentiment de la vérité. On n’est point obligé de le croire, mais il m’est doux de me le persuader.»

    Ayant ainsi parlé, le vieillard Hilaire me souhaita la paix d’une sainte nuit et s'éloigna avec le frère Jacinthe.

    Je repris la délicieuse étude de mon poète. Tandis que, le livre à la main, je méditais comment ceux qu’Amour fit périr d’un mal cruel suivent les sentiers secrets au fond de la forêt myrteuse, le reflet des étoiles vint se mêler en tremblant aux églantines effeuillées dans l’eau de la fontaine claustrale. Soudain les lueurs, les parfums et la paix du ciel s’abîmèrent. Un monstrueux Borée, chargé d’ombre et d’orage, fondit sur moi en mugissant, me souleva et m’emporta comme un fétu de paille au- dessus des champs, des villes, des fleuves, des montagnes, à travers des nuées tonnantes, durant une nuit faite d’une longue suite de nuits et de jours. Et lorsque après cette constante et cruelle rage l’ouragan s’apaisa enfin, je me trouvai, loin de mon pays natal, au fond d’un vallon enveloppé de cyprès. Alors une femme d’une beauté farouche et traînant de longs voiles s’approcha de moi. Elle me posa la main gauche sur l'épaule et, levant le bras droit vers un chêne au feuillage épais:

    —Vois! me dit-elle.

    Aussitôt je reconnus la Sibylle qui garde le bois sacré de l’Averne et je discernai, parmi les branches touffues de l’arbre que montrait son doigt, le rameau d’or agréable à la belle Proserpine.

    M'étant dressé debout:

    —Ainsi donc, m'écriai-je, ô Vierge prophétique, devinant mon désir, tu l’as satisfait. Tu m’as révélé l’arbre qui porte la verge resplendissante sans laquelle nul ne peut entrer vivant dans la demeure des morts. Et il est vrai que je souhaitais ardemment de converser avec l’ombre de Virgile.

    Ayant dit, j’arrachai du tronc antique le rameau d’or et m'élançai sans peur dans le gouffre fumant qui conduit aux bords fangeux du Styx, où tournoient les ombres comme des feuilles mortes. À la vue du rameau dédié à Proserpine, Charon me prit dans sa barque, qui gémit sous mon poids, et j’abordai la rive des morts, accueilli par les abois silencieux du triple Cerbère. Je feignis de lui jeter l’ombre d’une pierre et le monstre vain s’enfuit dans son antre. Là vagissent parmi les joncs les enfants dont les yeux s’ouvrirent et se fermèrent en même temps à la douce lumière du jour; là, au fond d’une caverne sombre, Minos juge les humains. Je pénétrai dans le bois de myrtes où se traînent languissamment les victimes de l’amour, Phèdre, Procris, la triste Éryphyle, Evadné, Pasiphaé, Laodamie et Cénis, et Didon la Phénicienne; puis je traversai les champs poudreux réservés aux guerriers illustres. Au delà, s’ouvrent deux routes: celle de gauche conduit au Tartare, séjour des impies. Je pris celle de droite, qui mène à l'Élysée et aux demeures de Dis. Ayant suspendu le rameau sacré à la porte de la déesse, je parvins dans des campagnes amènes, vêtues d’une lumière pourprée. Les ombres des philosophes et des poètes y conversaient gravement. Les Grâces et les Muses formaient sur l’herbe des choeurs légers. S’accompagnant de sa lyre rustique, le vieil Homère chantait. Ses yeux étaient fermés, mais ses lèvres étincelaient d’images divines. Je vis Solon, Démocrite et Pythagore qui assistaient, dans la prairie, aux jeux des jeunes hommes et j’aperçus, à travers le feuillage d’un antique laurier, Hésiode, Orphée, le mélancolique Euripide et la mâle Sappho. Je passai et reconnus, assis au bord d’un frais ruisseau, le poète Horace, Varius, Gallus et Lycoris. Un peu à l'écart, Virgile, appuyé au tronc d’une yeuse obscure, pensif, regardait les bois. De haute stature et la taille mince, il avait encore ce teint hâlé, cet air rustique, cette mise négligée, cette apparence inculte qui, de son vivant, cachait son génie. Je le saluai pieusement et demeurai longtemps sans paroles.

    Enfin, quand la voix put sortir de ma gorge serrée:

    —O toi, si cher aux muses ausoniennes, honneur du nom latin, Virgile, m'écriai-je, c’est par toi que j’ai senti la beauté; c’est par toi que j’ai connu la table des dieux et le lit des déesses. Souffre les louanges du plus humble de tes adorateurs.

    —Lève-toi, étranger, me répondit le poète divin. Je reconnais que tu es vivant à l’ombre que ton corps allonge sur l’herbe en ce soir éternel. Tu n’es pas le premier humain qui soit descendu avant sa mort dans ces demeures, bien qu’entre nous et les vivants tout commerce soit difficile. Mais cesse de me louer: je n’aime pas les éloges; les bruits confus de la gloire ont toujours offensé mes oreilles. C’est pourquoi, fuyant Rome, où j'étais connu des oisifs et des curieux, j’ai travaillé dans la solitude de ma chère Parthénope. Et puis, pour goûter tes louanges, je ne suis pas assez sûr que les hommes de ton siècle comprennent mes vers. Qui es-tu?

    —Je me nomme Marbode, du royaume d’Alca. J’ai fait profession en l’abbaye de Corrigan. Je lis tes poèmes le jour et je les lis la nuit. C’est toi que je suis venu voir dans les Enfers: j'étais impatient de savoir quel y est ton sort. Sur la terre, les doctes en disputent souvent. Les uns tiennent pour extrêmement probable qu’ayant vécu sous le pouvoir des démons, tu brûles maintenant dans les flammes inextinguibles; d’autres, mieux avisés, ne se prononcent point, estimant que tout ce qu’on dit des morts est incertain et plein de mensonges; plusieurs, non à la vérité des plus habiles, soutiennent que, pour avoir haussé le ton des Muses siciliennes et annoncé qu’une nouvelle progéniture descendait des cieux, tu fus admis, comme l’empereur Trajan, à jouir dans le paradis chrétien de la béatitude éternelle.

    —Tu vois qu’il n’en est rien, répondit l’ombre en souriant.

    —Je te rencontre en effet, ô Virgile, parmi les héros et les sages, dans ces Champs-Élysées que toi-même as décrits. Ainsi donc, contrairement à ce que plusieurs croient sur la terre, nul n’est venu te chercher de la part de Celui qui règne là-haut?

    Après un assez long silence:

    —Je ne te cacherai rien. Il m’a fait appeler; un de ses messagers, un homme simple, est venu me dire qu’on m’attendait et que, bien que je ne fusse point initié à leurs mystères, en considération de mes chants prophétiques, une place m'était réservée parmi ceux de la secte nouvelle. Mais je refusai de me rendre à cette invitation; je n’avais point envie de changer de place. Ce n’est pas que je partage l’admiration des Grecs pour les Champs-Élysées et que j’y goûte ces joies qui font perdre à Proserpine le souvenir de sa mère. Je n’ai jamais beaucoup cru moi-même à ce que j’en ai dit dans mon Énéide. Instruit par les philosophes et par les physiciens, j’avais un juste pressentiment de la vérité. La vie aux enfers est extrêmement diminuée; on n’y sent ni plaisir ni peine; on est comme si l’on n'était pas. Les morts n’y ont d’existence que celle que leur prêtent les vivants. Je préférai toutefois y demeurer.

    —Mais quelle raison donnas-tu, Virgile, d’un refus si étrange?

    —J’en donnai d’excellentes. Je dis à l’envoyé du dieu que je ne méritais point l’honneur qu’il m’apportait, et que l’on supposait à mes vers un sens qu’ils ne comportaient pas. En effet, je n’ai point trahi dans ma quatrième Églogue la foi de mes aïeux. Des juifs ignorants ont pu seuls interpréter en faveur d’un dieu barbare un chant qui célèbre le retour de l'âge d’or, prédit par les oracles sibylliens. Je m’excusai donc sur ce que je ne pouvais pas occuper une place qui m'était destinée par erreur et à laquelle je ne me reconnaissais nul droit. Puis, j’alléguai mon humeur et mes goûts, qui ne s’accordaient pas avec les moeurs des nouveaux cieux.

    »—Je ne suis point insociable, dis-je à cet homme; j’ai montré dans la vie un caractère doux et facile. Bien que la simplicité extrême de mes habitudes m’ait fait soupçonner d’avarice, je ne gardais rien pour moi seul; ma bibliothèque était ouverte à tous, et j’ai conformé ma conduite à cette belle parole d’Euripide: «Tout doit être commun entre amis». Les louanges, qui m'étaient importunes quand je les recevais, me devenaient agréables lorsqu’elles s’adressaient à Varius ou à Macer. Mais au fond, je suis rustique et sauvage, je me plais dans la société des bêtes; je mis tant de soin, à les observer, je prenais d’elles un tel souci que je passai, non point tout à fait à tort, pour un très bon vétérinaire. On m’a dit que les gens de votre secte s’accordaient une âme immortelle et en refusaient une aux animaux: c’est un non-sens qui me fait douter de leur raison. J’aime les troupeaux et peut-être un peu trop le berger. Cela ne serait pas bien vu chez vous. Il y a une maxime à laquelle je m’efforçai de conformer mes actions: rien de trop. Plus encore que ma faible santé, ma philosophie m’instruisit à user des choses avec mesure. Je suis sobre; une laitue et quelques olives, avec une goutte de falerne, composaient tout mon repas. J’ai fréquenté modérément le lit des femmes étrangères; et je ne me suis pas attardé outre mesure à voir, dans la taverne, danser au son du crotale, la jeune syrienne [Note: Cette phrase semble bien indiquer que, si l’on en croyait Marbode, la Copa serait de Virgile.]. Mais si j’ai contenu mes désirs, ce fut pour ma satisfaction et par bonne discipline: craindre le plaisir et fuir la volupté m’eût paru le plus abject outrage qu’on pût faire à la nature. On m’assure que durant leur vie certains parmi les élus de ton dieu s’abstenaient de nourriture et fuyaient les femmes par amour de la privation et s’exposaient volontairement à d’inutiles souffrances. Je craindrais de rencontrer ces criminels dont la frénésie me fait horreur. Il ne faut pas demander à un poète de s’attacher trop strictement à une doctrine physique et morale; je suis Romain, d’ailleurs, et les Romains ne savent pas comme les Grecs conduire subtilement des spéculations profondes; s’ils adoptent une philosophie, c’est surtout pour en tirer des avantages pratiques. Siron, qui jouissait parmi nous d’une haute renommée, en m’enseignant le système d'Épicure, m’a affranchi des vaines terreurs et détourné des cruautés que la religion persuade aux hommes ignorants; j’ai appris de Zénon à supporter avec constance les maux inévitables; j’ai embrassé les idées de Pythagore sur les âmes des hommes et des animaux, qui sont les unes et les autres d’essence divine; ce qui nous invite à nous regarder sans orgueil ni sans honte. J’ai su des Alexandrins comment la terre, d’abord molle et ductile, s’affermit à mesure que Nérée s’en retirait pour creuser ses demeures humides; comment insensiblement se formèrent les choses; de quelle manière, tombant des nuées allégées, les pluies nourrirent les forêts silencieuses et par quel progrès enfin de rares animaux commencèrent à errer sur les montagnes innomées. Je ne pourrais plus m’accoutumer à votre cosmogonie, mieux faite pour les chameliers des sables de Syrie que pour un disciple d’Aristarque de Samos. Et que deviendrai-je dans le séjour de votre béatitude, si je n’y trouve pas mes amis, mes ancêtres, mes maîtres et mes dieux, et s’il ne m’est pas donné d’y voir le fils auguste de Rhéa, Vénus, au doux sourire, mère des Énéades, Pan, les jeunes Dryades, les Sylvains et le vieux Silène barbouillé par Églé de la pourpre des mûres.

    »Voilà les raisons que je priai cet homme simple de faire valoir au successeur de Jupiter.

    —Et depuis lors, ô grande ombre, tu n’as plus reçu de messages?

    —Je n’en ai reçu aucun.

    —Pour se consoler de ton absence, Virgile, ils ont trois poètes: Commodien, Prudence et Fortunat qui naquirent tous trois en des jours ténébreux où l’on ne savait plus ni la prosodie ni la grammaire. Mais dis-moi, ne reçus-tu jamais, ô Mantouan, d’autres nouvelles du Dieu dont tu refusas si délibérément la compagnie?

    —Jamais, qu’il me souvienne.

    —Ne m’as-tu point dit que je n'étais pas le premier qui, descendu vivant dans ces demeures, se présenta devant toi?

    —Tu m’y fais songer. Il y a un siècle et demi, autant qu’il me semble (il est difficile aux ombres de compter les jours et les années), je fus troublé dans ma profonde paix par un étrange visiteur. Comme j’errais sous les livides feuillages qui bordent le Styx, je vis se dresser devant moi une forme humaine plus opaque et plus sombre que celle des habitants de ces rives: je reconnus un vivant. Il était de haute taille, maigre, le nez aquilin, le menton aigu, les joues creuses; ses yeux noirs jetaient des flammes, un chaperon rouge, ceint d’une couronne de lauriers, serrait ses tempes décharnées. Ses os perçaient la robe étroite et brune qui lui descendait jusqu’aux talons. Il me salua avec une déférence que relevait un air de fierté sauvage et m’adressa la parole en un langage plus incorrect et plus obscur que celui des Gaulois dont le divin Julius remplit les légions et la curie. Je finis par comprendre qu’il était né près de Fésules, dans une colonie étrusque fondée par Sylla au bord de l’Arnus, et devenue prospère; qu’il y avait obtenu les honneurs municipaux, mais que, des discordes sanglantes ayant éclaté entre le sénat, les chevaliers et le peuple, il s’y était jeté d’un coeur impétueux et que maintenant, vaincu, banni, il traînait par le monde un long exil. Il me peignit l’Italie déchirée de plus de discordes et de guerres qu’au temps de ma jeunesse et soupirant après la venue d’un nouvel Auguste. Je plaignis ses malheurs, me souvenant de ce que j’avais autrefois enduré.

    »Une âme audacieuse l’agitait sans cesse et son esprit nourrissait de vastes pensées, mais il témoignait, hélas! par sa rudesse et son ignorance, du triomphe de la barbarie. Il ne connaissait ni la poésie, ni la science, ni même la langue des Grecs et ne possédait sur l’origine du monde et la nature des dieux aucune tradition antique. Il récitait gravement des fables qui, de mon temps, à Rome, eussent fait rire les petits enfants qui ne payent pas encore pour aller au bain. Le vulgaire croit facilement aux monstres. Les Étrusques particulièrement ont peuplé les enfers de démons hideux, pareils aux songes d’un malade. Que les imaginations de leur enfance ne les aient point quittés après tant de siècles, c’est ce qu’expliquent assez la suite et les progrès de l’ignorance et de la misère; mais qu’un de leurs magistrats, dont l’esprit s'élève au-dessus de la commune mesure, partage les illusions populaires et s’effraie de ces démons hideux que, au temps de Porsena, les habitants de cette terre peignaient sur les murs de leurs tombeaux, voilà ce dont le sage lui-même peut s’attrister. Mon Étrusque me récita des vers composés par lui dans un dialecte nouveau, qu’il appelait la langue vulgaire, et dont je ne pouvais comprendre le sens. Mes oreilles furent plus surprises que charmées d’entendre que, pour marquer le rythme, il ramenait à intervalles réguliers trois ou quatre fois le même son. Cet artifice ne me semble point ingénieux; mais ce n’est pas aux morts à juger les nouveautés.

    »Au reste, que ce colon de Sylla, né dans des temps infortunés, fasse des vers inharmonieux, qu’il soit, s’il se peut, aussi mauvais poète que Bavius et Maevius, ce n’est pas ce que je lui reprocherai; j’ai contre lui des griefs qui me touchent davantage. Chose vraiment monstrueuse et à peine croyable! cet homme, retourné sur la terre, y sema, à mon sujet, d’odieux mensonges; il affirma, en plusieurs endroits de ses poèmes sauvages, que je lui avais servi de compagnon dans le moderne Tartare, que je ne connais pas; il publia insolemment que j’avais traité les dieux de Rome de dieux faux et menteurs et tenu pour vrai Dieu le successeur actuel de Jupiter. Ami, quand, rendu à la douce lumière du jour, tu reverras ta patrie, démens ces fables abominables; dis bien à ton peuple que le chantre du pieux Énée n’a jamais encensé le dieu des Juifs.

    »On m’assure que sa puissance décline et qu’on reconnaît, à des signes certains, que sa chute est proche. Cette nouvelle me causerait quelque joie si l’on pouvait se réjouir dans ces demeures où l’on n'éprouve ni craintes ni désirs.»

    Il dit et, avec un geste d’adieu, s'éloigna. Je contemplai son ombre qui glissait sur les asphodèles sans en courber les tiges; je vis qu’elle devenait plus ténue et plus vague à mesure qu’elle s'éloignait de moi; elle s'évanouit avant d’atteindre le bois des lauriers toujours verts. Alors, je compris le sens de ces paroles: «Les morts n’ont de vie que celle que leur prêtent les vivants», et je m’acheminai, pensif, à travers la pâle prairie, jusqu'à la porte de corne.

    J’affirme que tout ce qui se trouve dans cet écrit est véritable [Note: Il y a dans la relation de Marbode un endroit bien digne de remarque, c’est celui où le religieux de Corrigan décrit l’Alighieri tel que nous nous le figurons aujourd’hui. Les miniatures peintes dans un très vieux manuscrit de la Divine Comédie, le Codex venetianus, représentent le poète sous l’aspect d’un petit homme gros, vêtu d’une tunique courte dont la jupe lui remonte sur le ventre. Quant à Virgile, il porte encore, sur les bois du XVIe siècle, la barbe philosophique.

    On n’aurait pas cru non plus que ni Marbode ni même Virgile connussent les tombeaux étrusques de Chiusi et de Corneto, où se trouvent en effet des peintures murales pleines de diables horribles et burlesques, auxquels ceux d’Orcagna ressemblent beaucoup. Néanmoins, l’authenticité de la Descente de Marbode aux enfers est incontestable: M. du Clos des Lunes l’a solidement établie; en douter serait douter de la paléographie.]

    Alors que la Pingouinie était encore plongée dans l’ignorance et dans la barbarie, Gilles Loisellier, moine fransciscain, connu par ses écrits sous le nom d’Aegidius Aucupis, se livrait avec une infatigable ardeur à l'étude des lettres et des sciences. Il donnait ses nuits à la mathématique et à la musique, qu’il appelait les deux soeurs adorables, filles harmonieuses du Nombre et de l’Imagination. Il était versé dans la médecine et dans l’astrologie. On le soupçonnait de pratiquer la magie et il semble vrai qu’il opérât des métamorphoses et découvrît des choses cachées.

    Les religieux de son couvent, ayant trouvé dans sa cellule des livres grecs qu’ils ne pouvaient lire, s’imaginèrent que c'étaient des grimoires, et dénoncèrent comme sorcier leur frère trop savant. Aegidius Aucupis s’enfuit et gagna l'île d’Irlande où il vécut trente ans dans l'étude. Il allait de monastère en monastère, cherchant les manuscrits grecs et latins qui y étaient renfermés et il en faisait des copies. Il étudiait aussi la physique et l’alchimie. Il acquit une science universelle et découvrit notamment des secrets sur les animaux, les plantes et les pierres. On le surprit un jour enfermé avec une femme parfaitement belle qui chantait en s’accompagnant du luth et que, plus tard, on reconnut être une machine qu’il avait construite de ses mains.

    Il passait souvent la mer d’Irlande pour se rendre dans le pays de Galles et y visiter les librairies des moustiers. Pendant une de ces traversées, se tenant la nuit sur le pont du navire, il vit sous les eaux deux esturgeons qui nageaient de conserve. Il avait l’ouïe fine et connaissait le langage des poissons. Or, il entendit que l’un des esturgeons disait à l’autre:

    —L’homme qu’on voyait depuis longtemps, dans la lune, porter des fagots sur ses épaules est tombé dans la mer.

    Et l’autre esturgeon dit à son tour:

    —Et l’on verra dans le disque d’argent l’image de deux amants qui se baisent sur la bouche.

    Quelques années plus tard, rentré dans son pays, Aegidius Aucupis y trouva les lettres antiques restaurées, les sciences remises en honneur. Les moeurs s’adoucissaient; les hommes ne poursuivaient plus de leurs outrages les nymphes des fontaines, des bois et des montagnes; ils plaçaient dans leurs jardins les images des Muses et des Grâces décentes et rendaient à la Déesse aux lèvres d’ambroisie, volupté des hommes et des dieux, ses antiques honneurs. Ils se réconciliaient avec la nature; ils foulaient aux pieds les vaines terreurs et levaient les yeux au ciel sans crainte d’y lire, comme autrefois, des signes de colère et des menaces de damnation.

    À ce spectacle Aegidius Aucupis rappela dans son esprit ce qu’avaient annoncé les deux esturgeons de la mer d’Erin.

    LIVRE IV

    LES TEMPS MODERNES

    TRINCO

    Aegidius Aucupis, l'Érasme des Pingouins, ne s'était pas trompé; son temps fut celui du libre examen. Mais ce grand homme prenait pour douceur de moeurs les élégances des humanistes et ne prévoyait pas les effets du réveil de l’intelligence chez les Pingouins. Il amena la réforme religieuse; les catholiques massacrèrent les réformés; les réformés massacrèrent les catholiques: tels furent les premiers progrès de la liberté de pensée. Les catholiques l’emportèrent en Pingouinie. Mais l’esprit d’examen avait, à leur insu, pénétré en eux; ils associaient la raison à la croyance et prétendaient dépouiller la religion des pratiques superstitieuses qui la déshonoraient, comme plus tard on dégagea les cathédrales des échoppes que les savetiers, regrattiers et ravaudeuses y avaient adossées. Le mot de légende, qui indiquait d’abord ce que le fidèle doit lire, impliqua bientôt l’idée de fables pieuses et de contes puérils.

    Les saints et les saintes eurent à souffrir de cet état d’esprit. Un petit chanoine, notamment, très savant, très austère et très âpre, nommé Princeteau, en signala un si grand nombre comme indignes d'être chômés, qu’on le surnomma le dénicheur de saints. Il ne pensait pas que l’oraison de sainte Marguerite, appliquée en cataplasme sur le ventre des femmes en travail, calmât les douleurs de l’enfantement.

    La vénérable patronne de la Pingouinie n'échappa point à sa critique sévère. Voici ce qu’il en dit dans ses Antiquités d’Alca.

    «Rien de plus incertain que l’histoire et même l’existence de sainte Orberose. Un vieil annaliste anonyme, le religieux des Dombes, rapporte qu’une femme du nom d’Orberose fut possédée par le diable dans une caverne où, de son temps encore, les petits gars et les petites garces du village venaient faire, en manière de jeu, le diable et la belle Orberose. Il ajoute que cette femme devint la concubine d’un horrible dragon qui désolait la contrée. Cela n’est guère croyable, mais l’histoire d’Orberose, telle qu’on l’a contée depuis, ne semble pas beaucoup plus digne de foi.

    »La vie de cette sainte par l’abbé Simplicissimus est de trois cents ans postérieure aux prétendus événements qu’elle rapporte; l’auteur s’y montre crédule à l’excès et dénué de toute critique.»

    Le soupçon s’attaqua même aux origines surnaturelles des Pingouins. L’historien Ovidius Capito alla jusqu'à nier le miracle de leur transformation. Il commence ainsi ses Annales de la Pingouinie:

    «Une épaisse obscurité enveloppe cette histoire et il n’est pas exagéré de dire qu’elle est tissue de fables puériles et de contes populaires. Les Pingouins se prétendent sortis des oiseaux baptisés par saint Maël et que Dieu changea en hommes par l’intercession de ce glorieux apôtre. Ils enseignent que, située d’abord dans l’océan glacial, leur île, flottante comme Délos, était venue mouiller dans les mers aimées du ciel dont elle est aujourd’hui la reine. Je conjecture que ce mythe rappelle les antiques migrations des Pingouins».

    Au siècle suivant, qui fut celui des philosophes, le scepticisme devint plus aigu: je n’en veux pour preuve que ce passage célèbre de l’Essai moral:

    «Venus on ne sait d’où (car enfin leurs origines ne sont pas limpides), successivement envahis et conquis par quatre ou cinq peuples du midi, du couchant, du levant, du septentrion; croisés, métissés, amalgamés, brassés, les Pingouins vantent la pureté de leur race, et ils ont raison, car ils sont devenus une race pure. Ce mélange de toutes les humanités, rouge, noire, jaune, blanche, têtes rondes, têtes longues, a formé, au cours des siècles, une famille humaine suffisamment homogène et reconnaissable à certains caractères dus à la communauté de la vie et des moeurs. »Cette idée qu’ils appartiennent à la plus belle race du monde et qu’ils en sont la plus belle famille, leur inspire un noble orgueil, un courage indomptable et la haine du genre humain.

    »La vie d’un peuple n’est qu’une suite de misères, de crimes et de folies. Cela est vrai de la nation pingouine comme de toutes les nations. À cela près son histoire est admirable d’un bout à l’autre.»

    Les deux siècles classiques des Pingouins sont trop connus pour que j’y insiste; mais ce qui n’avait pas été suffisamment observé, c’est comment les théologiens rationalistes, tels que le chanoine Princeteau, donnèrent naissance aux incrédules du siècle suivant. Les premiers se servirent de leur raison pour détruire tout ce qui dans la religion ne leur paraissait point essentiel; ils laissèrent seuls intacts les articles de foi stricte; leurs successeurs intellectuels, instruits par eux à faire usage de la science et de la raison, s’en servirent contre ce qui restait de croyances; la théologie raisonnable engendra la philosophie naturelle.

    C’est pourquoi (s’il m’est permis de passer des Pingouins d’autrefois au Souverain Pontife qui gouverne aujourd’hui l'Église universelle) on ne saurait trop admirer la sagesse du pape Pie X qui condamne les études d’exégèse comme contraires à la vérité révélée, funestes à la bonne doctrine théologique et mortelles à la foi. S’il se trouve des religieux pour soutenir contre lui les droits de la science, ce sont des docteurs pernicieux et des maîtres pestilents, et si quelque chrétien les approuve, à moins que ce ne soit une grande linotte, je jure qu’il est de la vache à Colas.

    À la fin du siècle des philosophes, l’antique régime de la Pingouinie fut détruit de fond en comble, le roi mis à mort, les privilèges de la noblesse abolis et la République proclamée au milieu des troubles, sous le coup d’une guerre effroyable. L’assemblée qui gouvernait alors la Pingouinie ordonna que tous les ouvrages de métal contenus dans les Eglises fussent mis à la fonte. Les patriotes violèrent les tombes des rois. On raconte que, dans son cercueil ouvert, Draco le Grand apparut noir comme l'ébène et si majestueux, que les violateurs s’enfuirent épouvantés. Selon d’autres témoignages, ces hommes grossiers lui mirent une pipe à la bouche et lui offrirent, par dérision, un verre de vin.

    Le dix-septième jour du mois de la fleur, la châsse de sainte Orberose, offerte depuis cinq siècles, en l'église Saint-Maël, à la vénération du peuple, fut transportée dans la maison de ville et soumise aux experts désignés par la commune; elle était de cuivre doré, en forme de nef, toute couverte d'émaux et ornée de pierreries qui furent reconnues fausses. Dans sa prévoyance, le chapitre en avait ôté les rubis, les saphirs, les émeraudes et les grandes boules de cristal de roche, et y avait substitué des morceaux de verre. Elle ne contenait qu’un peu de poussière et de vieux linges qu’on jeta dans un grand feu allumé sur la place de Grève pour y consumer les reliques des saints. Le peuple dansait autour en chantant des chansons patriotiques.

    Du seuil de leur échoppe adossée à la maison de ville, le Rouquin et la Rouquine regardaient cette ronde de forcenés. Le Rouquin tondait les chiens et coupait les chats; il fréquentait les cabarets. La Rouquine était rempailleuse et entremetteuse; elle ne manquait pas de sens.

    —Tu le vois, Rouquin, dit-elle à son homme: ils commettent un sacrilège. Ils s’en repentiront.

    —Tu n’y connais rien, ma femme, répliqua le Rouquin; ils sont devenus philosophes, et quand on est philosophe, c’est pour la vie.

    —Je te dis, Rouquin, qu’ils regretteront tôt ou tard ce qu’ils font aujourd’hui. Ils maltraitent les saints qui ne les ont pas suffisamment assistés; mais les cailles ne leur tomberont pas pour cela toutes rôties dans le bec; ils se trouveront aussi gueux que devant et quand ils auront beaucoup tiré la langue, ils redeviendront dévots. Un jour arrivera, et plus tôt qu’on ne croit, où la Pingouinie recommencera d’honorer sa benoîte patronne. Rouquin, il serait sage de garder pour ce jour-là, en notre logis, au fond d’un vieux pot, une poignée de cendre, quelques os et des chiffons. Nous dirons que ce sont les reliques de sainte Orberose, que nous avons sauvées des flammes, au péril de notre vie. Je me trompe bien, si nous n’en recueillerons pas honneur et profit. Cette bonne action pourra nous valoir, dans notre vieillesse, d'être chargés par monsieur le curé de vendre les cierges et de louer les chaises dans la chapelle de sainte Orberose.

    Ce jour même, la Rouquine prit à son foyer un peu de cendres et quelques os rongés et les mit dans un vieux pot de confitures, sur l’armoire.

    La Nation souveraine avait repris les terres de la noblesse et du clergé pour les vendre à vil prix aux bourgeois et aux paysans. Les bourgeois et les paysans jugèrent que la révolution était bonne pour y acquérir des terres et mauvaise pour les y conserver.

    Les législateurs de la République firent des lois terribles pour la défense de la proprité et édictèrent la mort contre quiconque proposerait le partage des biens. Mais cela ne servit de rien à la république. Les paysans, devenus propriétaires, s’avisaient qu’elle avait, en les enrichissant, porté le trouble dans les fortunes et ils souhaitaient l’avènement d’un régime plus respectueux du bien des particuliers et plus capable d’assurer la stabilité des institutions nouvelles.

    Ils ne devaient pas l’attendre longtemps. La république, comme

    Agrippine, portait dans ses flancs son meurtrier.

    Ayant de grandes guerres à soutenir, elle créa les forces militaires qui devaient la sauver et la détruire. Ses législateurs pensaient contenir les généraux par la terreur des supplices; mais s’ils tranchèrent quelquefois la tête aux soldats malheureux, ils n’en pouvaient faire autant aux soldats heureux qui se donnaient sur elle l’avantage de la sauver.

    Dans l’enthousiasme de la victoire, les Pingouins régénérés se livrèrent à un dragon plus terrible que celui de leurs fables qui, comme une cigogne au milieu des grenouilles, durant quatorze années, d’un bec insatiable les dévora.

    Un demi-siècle après le règne du nouveau dragon, un jeune maharajah de Malaisie, nommé Djambi, désireux de s’instruire en voyageant, comme le scythe Anacharsis, visita la Pingouinie et fit de son séjour une intéressante relation, dont voici la première page:

    VOYAGE DU JEUNE DJAMBI EN PINGOUINIE

    Après quatre-vingt-dix jours de navigation j’abordai dans le port vaste et désert des Pingouins philomaques et me rendis à travers des campagnes incultes jusqu'à la capitale en ruines.

    Ceinte de remparts, pleine de casernes et d’arsenaux, elle avait l’air martial et désolé. Dans les rues des hommes rachitiques et bistournés traînaient avec fierté de vieux uniformes et des ferrailles rouillées.

    —Qu’est-ce que vous voulez? me demanda rudement, sous la porte de la ville, un militaire dont les moustaches menaçaient le ciel.

    —Monsieur, répondis-je, je viens, en curieux, visiter cette île.

    —Ce n’est pas une île, répliqua le soldat.

    —Quoi! m'écriai-je, l'île des Pingouins n’est point une île?

    —Non, monsieur, c’est une insule. On l’appelait autrefois île, mais depuis un siècle, elle porta par décret le nom d’insule. C’est la seule insule de tout l’univers. Vous avez un passeport?

    —Le voici.

    —Allez le faire viser au ministère des relations extérieures.

    Un guide boiteux, qui me conduisait, s’arrêta sur une vaste place.

    —L’insule, dit-il, a donné le jour, vous ne l’ignorez pas, au plus grand génie de l’univers, Trinco, dont vous voyez la statue devant vous; cet obélisque, dressé à votre droite, commémore la naissance de Trinco; la colonne qui s'élève à votre gauche porte à son faîte Trinco, ceint du diadème. Vous découvrez d’ici l’arc de triomphe dédié à la gloire de Trinco et de sa famille.

    —Qu’a-t-il fait de si extraordinaire, Trinco? demandai-je.

    —La guerre.

    —Ce n’est pas une chose extraordinaire. Nous la faisons constamment, nous autres Malais.

    —C’est possible, mais Trinco est le plus grand homme de guerre de tous les pays et de tous les temps. Il n’a jamais existé d’aussi grand conquérant que lui. En venant mouiller dans notre port, vous avez vu, à l’est, une île volcanique, en forme de cône, de médiocre étendue, mais renommée pour ses vins, Ampélophore, et, à l’ouest, une île plus spacieuse, qui dresse sous le ciel une longue rangée de dents aiguës; aussi l’appelle-t-on la Mâchoire-du-Chien. Elle est riche en mines de cuivre. Nous les possédions toutes deux avant le règne de Trinco; là se bornait notre empire. Trinco étendit la domination pingouine sur l’archipel des Turquoises et le Continent Vert, soumit la sombre Marsouinie, planta ses drapeaux dans les glaces du pôle et dans les sables brûlants du désert africain. Il levait des troupes dans tous les pays qu’il avait conquis et, quand défilaient ses armées, à la suite de nos voltigeurs philomaques et de nos grenadiers insulaires, de nos hussards et de nos dragons, de nos artilleurs et de nos tringlots, on voyait des guerriers jaunes, pareils, dans leurs armures bleues, à des écrevisses dressées sur leurs queues; des hommes rouges coiffés de plumes de perroquets, tatoués de figures solaires et génésiques, faisant sonner sur leur dos un carquois de flèches empoisonnées; des noirs tout nus, armés de leurs dents et de leurs ongles; des pygmées montés sur des grues; des gorilles, se soutenant d’un tronc d’arbre, conduits par un vieux mâle qui portait à sa poitrine velue la croix de la Légion d’honneur. Et toutes ces troupes, emportées sous les étendards de Trinco par le souffle d’un patriotisme ardent, volaient de victoire en victoire. Durant trente ans de guerres Trinco conquit la moitié du monde connu.

    —Quoi, m'écriai-je, vous possédez la moitié du monde!

    —Trinco nous l’a conquis et nous l’a perdu. Aussi grand dans ses défaites que dans ses victoires, il a rendu tout ce qu’il avait conquis. Il s’est fait prendre même ces deux îles que nous possédions avant lui, Ampélophore et la Mâchoire-du-Chien. Il a laissé la Pingouinie appauvrie et dépeuplée. La fleur de l’insule a péri dans ses guerres. Lors de sa chute, il ne restait dans notre patrie que les bossus et les boiteux dont nous descendons. Mais il nous a donné la gloire.

    —Il vous l’a fait payer cher!

    —La gloire ne se paye jamais trop cher, répliqua mon guide.

    Après une succession de vicissitudes inouïes, dont le souvenir est perdu en grande partie par l’injure du temps et le mauvais style des historiens, les Pingouins établirent le gouvernement des Pingouins par eux-mêmes. Ils élurent une diète ou assemblée et l’investirent du privilège de nommer le chef de l'État. Celui-ci, choisi parmi les simples Pingouins, ne portait pas au front la crête formidable du monstre, et n’exerçait point sur le peuple une autorité absolue. Il était lui-même soumis aux lois de la nation. On ne lui donnait pas le titre de roi; un nombre ordinal ne suivait pas son nom. Il se nommait Paturle, Janvion, Truffaldin, Coquenpot, Bredouille. Ces magistrats ne faisaient point la guerre. Ils n’avaient pas d’habit pour cela.

    Le nouvel État reçut le nom de chose publique ou république. Ses partisans étaient appelés républicanistes ou républicains. On les nommait aussi chosards et parfois fripouilles; mais ce dernier terme était pris en mauvaise part.

    La démocratie pingouine ne se gouvernait point par elle-même; elle obéissait à une oligarchie financière qui faisait l’opinion par les journaux, et tenait dans sa main les députés, les ministres et le président. Elle ordonnait souverainement des finances de la république et dirigeait la politique extérieure du pays.

    Les empires et les royaumes entretenaient alors des armées et des flottes énormes; obligée, pour sa sûreté, de faire comme eux, la Pingouinie succombait sous le poids des armements. Tout le monde déplorait ou feignait de déplorer une si dure nécessité; cependant les riches, les gens de négoce et d’affaires s’y soumettaient de bon coeur par patriotisme et par ce qu’ils comptaient sur les soldats et les marins pour défendre leurs biens et acquérir au dehors des marchés et des territoires; les grands industriels poussaient à la fabrication des canons et des navires par zèle pour la défense nationale et afin d’obtenir des commandes. Parmi les citoyens de condition moyenne et de professions libérales, les uns se résignaient sans plainte à cet état de choses, estimant qu’il durerait toujours; les autres en attendaient impatiemment la fin et pensaient amener les puissances au désarmement simultané.

    L’illustre professeur Obnubile était de ces derniers.

    —La guerre, disait-il, est une barbarie que le progrès de la civilisation fera disparaître. Les grandes démocraties sont pacifiques et leur esprit s’imposera bientôt aux autocrates eux-mêmes.

    Le professeur Obnubile, qui menait depuis soixante ans une vie solitaire et recluse, dans son laboratoire où ne pénétraient point les bruits du dehors, résolut d’observer par lui-même l’esprit des peuples. Il commença ses études par la plus grande des démocraties et s’embarqua pour la Nouvelle-Atlantide.

    Après quinze jours de navigation son paquebot entra, la nuit, dans le bassin de Titanport où mouillaient des milliers de navires. Un pont de fer, jeté au-dessus des eaux, tout resplendissant de lumières, s'étendait entre deux quais si distants l’un de l’autre que le professeur Obnubile crut naviguer sur les mers de Saturne et voir l’anneau merveilleux qui ceint la planète du Vieillard. Et cet immense transbordeur chariait plus du quart des richesses du monde. Le savant pingouin, ayant débarqué, fut servi dans un hôtel de quarante-huit étages par des automates, puis il prit la grande voie ferrée qui conduit à Gigantopolis, capitale de la Nouvelle-Atlantide. Il y avait dans le train des restaurants, des salles de jeux, des arènes athlétiques, un bureau de dépêches commerciales et financières, une chapelle évangélique et l’imprimerie d’un grand journal que le docteur ne put lire, parce qu’il ne connaissait point la langue des Nouveaux Atlantes. Le train rencontrait, au bord des grands fleuves, des villes manufacturières qui obscurcissaient le ciel de la fumée de leurs fourneaux: villes noires le jour, villes rouges la nuit, pleines de clameurs sous le soleil et de clameurs dans l’ombre.

    —Voilà, songeait le docteur, un peuple bien trop occupé d’industrie et de négoce pour faire la guerre. Je suis, dès à présent, certain que les Nouveaux Atlantes suivent une politique de paix. Car c’est un axiome admis par tous les économistes que la paix au dehors et la paix au dedans sont nécessaires au progrès du commerce et de l’industrie.

    En parcourant Gigantopolis, il se confirma dans cette opinion. Les gens allaient par les voies, emportés d’un tel mouvement, qu’ils culbutaient tout ce qui se trouvait sur leur passage. Obnubile, plusieurs fois renversé, y gagna d’apprendre à se mieux comporter: après une heure de course, il renversa lui-même un Atlante.

    Parvenu sur une grande place, il vit le portique d’un palais de style classique dont les colonnes corinthiennes élevaient à soixante-dix mètres au-dessus du stylobate leurs chapiteaux d’acanthe arborescente.

    Comme il admirait immobile, la tête renversée, un homme d’apparence modeste, l’aborda et lui dit en pingouin:

    —Je vois à votre habit que vous êtes de Pingouinie. Je connais votre langue; je suis interprète juré. Ce palais est celui du Parlement. En ce moment, les députés des États délibèrent. Voulez-vous assister à la séance?

    Introduit dans une tribune, le docteur plongea ses regards sur la multitude des législateurs qui siégeaient dans des fauteuils de jonc, les pieds sur leur pupitre.

    Le président se leva et murmura plutôt qu’il n’articula, au milieu de l’inattention générale, les formules suivantes, que l’interprète traduisit aussitôt au docteur:

    —La guerre pour l’ouverture des marchés mongols étant terminée à la satisfaction des États, je vous propose d’en envoyer les comptes à la commission des finances….

    »Il n’y a pas d’opposition?…

    »La proposition est adoptée.

    »La guerre pour l’ouverture des marchés de la Troisième-Zélande étant terminée à la satisfaction des États, je vous propose d’en envoyer les comptes à la commission des finances….

    »Il n’y a pas d’opposition?…

    »La proposition est adoptée.

    —Ai-je bien entendu? demanda le professeur Obnubile. Quoi? vous, un peuple industriel, vous vous êtes engagés dans toutes ces guerres!

    —Sans doute, répondit l’interprète: ce sont des guerres industrielles. Les peuples qui n’ont ni commerce ni industrie ne sont pas obligés de faire la guerre; mais un peuple d’affaires est astreint à une politique de conquêtes. Le nombre de nos guerres augmente nécessairement avec notre activité productrice. Dès qu’une de nos industries ne trouve pas à écouler ses produits, il faut qu’une guerre lui ouvre de nouveaux débouchés. C’est ainsi que nous avons eu cette année une guerre de charbon, une guerre de cuivre, une guerre de coton. Dans la Troisième- Zélande nous avons tué les deux tiers des habitants afin d’obliger le reste à nous acheter des parapluies et des bretelles.

    À ce moment, un gros homme qui siégeait au centre de l’assemblée monta à la tribune.

    —Je réclame, dit-il, une guerre contre le gouvernement de la république d'Émeraude, qui dispute insolemment à nos porcs l’hégémonie des jambons et des saucissons sur tous les marchés de l’univers.

    —Qu’est-ce que ce législateur? demanda le docteur Obnubile.

    —C’est un marchand de cochons.

    —Il n’y a pas d’opposition? dit le président. Je mets la proposition aux voix.

    La guerre contre la république d’Emeraude fut votée à mains levées à une très forte majorité.

    —Comment? dit Obnubile à l’interprète; vous avez voté une guerre avec cette rapidité et cette indifférence!…

    —Oh! c’est une guerre sans importance, qui coûtera à peine huit millions de dollars.

    —Et des hommes….

    —Les hommes sont compris dans les huit millions de dollars.

    Alors le docteur Obnubile se prit la tête dans les mains et songea amèrement:

    —Puisque la richesse et la civilisation comportent autant de causes de guerres que la pauvreté et la barbarie, puisque la folie et la méchanceté des hommes sont inguérissables, il reste une bonne action à accomplir. Le sage amassera assez de dynamite pour faire sauter cette planète. Quand elle roulera par morceaux à travers l’espace une amélioration imperceptible sera accomplie dans l’univers et une satisfaction sera donnée à la conscience universelle, qui d’ailleurs n’existe pas.

    Tout régime fait des mécontents. La république ou chose publique en fit d’abord parmi les nobles dépouillés de leurs antiques privilèges et qui tournaient des regards pleins de regrets et d’espérances vers le dernier des Draconides, le prince Crucho, paré des grâces de la jeunesse et des tristesses de l’exil. Elle fit aussi des mécontents parmi les petits marchands qui, pour des causes économiques très profondes, ne gagnaient plus leur vie et croyaient que c'était la faute de la république, qu’ils avaient d’abord adorée et dont ils se détachaient de jour en jour davantage.

    Tant chrétiens que juifs, les financiers devenaient par leur insolence et leur cupidité le fléau du pays qu’ils dépouillaient et avilissaient et le scandale d’un régime qu’ils ne songeaient ni à détruire ni à conserver, assurés qu’ils étaient d’opérer sans entraves sous tous les gouvernements. Toutefois leurs sympathies allaient au pouvoir le plus absolu, comme au mieux armé contre les socialistes, leurs adversaires chétifs mais ardents. Et de même qu’ils imitaient les moeurs des aristocrates, ils en imitaient les sentiments politiques et religieux. Leurs femmes surtout, vaines et frivoles, aimaient le prince et rêvaient d’aller à la cour.

    Cependant la république gardait des partisans et des défenseurs. S’il ne lui était pas permis de croire à la fidélité de ses fonctionnaires, elle pouvait compter sur le dévouement des ouvriers manuels, dont elle n’avait pas soulagé la misère et qui, pour la défendre aux jours de péril, sortaient en foule des carrières et des ergastules et défilaient longuement, hâves, noirs, sinistres. Ils seraient tous morts pour elle: elle leur avait donné l’espérance.

    Or, sous le principat de Théodore Formose, vivait dans un faubourg paisible de la ville d’Alca un moine nommé Agaric, qui instruisait les enfants et faisait des mariages. Il enseignait dans son école la piété, l’escrime et l'équitation aux jeunes fils des antiques familles, illustres par la naissance, mais déchus de leurs biens comme de leurs privilèges. Et, dès qu’ils en avaient l'âge, il les mariait avec les jeunes filles de la caste opulente et méprisée des financiers.

    Grand, maigre, noir, Agaric se promenait sans cesse, son bréviaire à la main, dans les corridors de l'école et les allées du potager, pensif et le front chargé de soucis. Il ne bornait pas ses soins à inculquer à ses élèves des doctrines absconses et des préceptes mécaniques, et à leur donner ensuite des femmes légitimes et riches. Il formait des desseins politiques et poursuivait la réalisation d’un plan gigantesque. La pensée de sa pensée, l’oeuvre de son oeuvre était de renverser la république. Il n’y était pas mû par un intérêt personnel. Il jugeait l'état démocratique contraire à la société sainte à laquelle il appartenait corps et âme. Et tous les moines ses frères en jugeaient de même. La république était en luttes perpétuelles avec la congrégation des moines et l’assemblée des fidèles. Sans doute, c'était une entreprise difficile et périlleuse, que de conspirer la mort du nouveau régime. Du moins Agaric était-il à même de former une conjuration redoutable. À cette époque, où les religieux dirigeaient les castes supérieures des Pingouins, ce moine exerçait sur l’aristocratie d’Alca une influence profonde.

    La jeunesse, qu’il avait formée, n’attendait que le moment de marcher contre le pouvoir populaire. Les fils des antiques familles ne cultivaient point les arts et ne faisaient point de négoce. Ils étaient presque tous militaires et servaient la république. Ils la servaient, mais ils ne l’aimaient pas; ils regrettaient la crête du dragon. Et les belles juives partageaient leurs regrets afin qu’on les prît pour de nobles chrétiennes.

    Un jour de juillet, en passant par une rue du faubourg qui finissait sur des champs poussiéreux, Agaric entendit des plaintes qui montaient d’un puits moussu, déserté des jardiniers. Et, presque aussitôt, il apprit d’un savetier du voisinage qu’un homme mal vêtu, ayant crié: «Vive la chose publique!» des officiers de cavalerie qui passaient l’avaient jeté dans le puits où la vase lui montait par-dessus les oreilles. Agaric donnait volontiers à un fait particulier une signification générale. De l’empuisement de ce chosard, il induisit une grande fermentation de toute la caste aristocratique et militaire, et conclut que c'était le moment d’agir.

    Dès le lendemain il alla visiter, au fond du bois des Conils, le bon père Cornemuse. Il trouva le religieux en un coin de son laboratoire, qui passait à l’alambic une liqueur dorée.

    C'était un petit homme gros et court, coloré de vermillon, le crâne poli très précieusement. Ses yeux, comme ceux des cobayes, avaient des prunelles de rubis. Il salua gracieusement son visiteur et lui offrit un petit verre de la liqueur de Sainte-Orberose, qu’il fabriquait et dont la vente lui procurait d’immenses richesses.

    Agaric fit de la main un geste de refus. Puis, planté sur ses longs pieds et serrant contre son ventre son chapeau mélancolique, il garda le silence.

    —Donnez-vous donc la peine de vous asseoir, lui dit Cornemuse.

    Agaric s’assit sur un escabeau boiteux et demeura muet.

    Alors, le religieux des Conils:

    —Donnez-moi, je vous prie, des nouvelles de vos jeunes élèves. Ces chers enfants pensent-ils bien?

    —J’en suis très satisfait, répondit le magister. Le tout est d'être nourri dans les principes. Il faut bien penser avant que de penser. Car ensuite il est trop tard…. Je trouve autour de moi de grands sujets de consolation. Mais nous vivons dans une triste époque.

    —Hélas! soupira Cornemuse.

    —Nous traversons de mauvais jours….

    —Des heures d'épreuve.

    —Toutefois, Cornemuse, l’esprit public n’est pas si complètement gâté qu’il semble.

    —C’est possible.

    —Le peuple est las d’un gouvernement qui le ruine et ne fait rien pour lui. Chaque jour éclatent de nouveaux scandales. La république se noie dans la honte. Elle est perdue.

    —Dieu vous entende!

    —Cornemuse, que pensez-vous du prince Crucho?

    —C’est un aimable jeune homme et, j’ose dire, le digne rejeton d’une tige auguste. Je le plains d’endurer, dans un âge si tendre, les douleurs de l’exil. Pour l’exilé le printemps n’a point de fleurs, l’automne n’a point de fruits. Le prince Crucho pense bien; il respecte les prêtres; il pratique notre religion; il fait une grande consommation de mes petits produits.

    —Cornemuse, dans beaucoup de foyers, riches ou pauvres, on souhaite son retour. Croyez-moi, il reviendra.

    —Puissé-je ne pas mourir avant d’avoir jeté mon manteau devant ses pas! soupira Cornemuse.

    Le voyant dans ces sentiments, Agaric lui dépeignit l'état des esprits tel qu’il se le figurait lui-même. Il lui montra les nobles et les riches exaspérés contre le régime populaire; l’armée refusant de boire de nouveaux outrages, les fonctionnaires prêts à trahir, le peuple mécontent, l'émeute déjà grondant, et les ennemis des moines, les suppôts du pouvoir, jetés dans les puits d’Alca. Il conclut que c'était le moment de frapper un grand coup.

    —Nous pouvons, s'écria-t-il, sauver le peuple pingouin, nous pouvons le délivrer de ses tyrans, le délivrer de lui-même, restaurer la crête du Dragon, rétablir l’ancien État, le bon État, pour l’honneur de la foi et l’exaltation de l'Église. Nous le pouvons si nous le voulons. Nous possédons de grandes richesses et nous exerçons de secrètes influences; par nos journaux crucifères et fulminants, nous communiquons avec tous les ecclésiastiques des villes et des campagnes, et nous leur insufflons l’enthousiasme qui nous soulève, la foi qui nous dévore. Ils en embraseront leurs pénitents et leurs fidèles. Je dispose des plus hauts chefs de l’armée; j’ai des intelligences avec les gens du peuple; je dirige, à leur insu, les marchands de parapluies, les débitants de vin, les commis de nouveautés, les crieurs de journaux, les demoiselles galantes et les agents de police. Nous avons plus de monde qu’il ne nous en faut. Qu’attendons-nous? Agissons!

    —Que pensez-vous faire? demanda Cornemuse.

    —Former une vaste conjuration, renverser la république, rétablir Crucho sur le trône des Draconides.

    Cornemuse se passa plusieurs fois la langue sur les lèvres. Puis il dit avec onction:

    —Certes, la restauration des Draconides est désirable; elle est éminemment désirable; et, pour ma part, je la souhaite de tout mon coeur. Quant à la république, vous savez ce que j’en pense…. Mais ne vaudrait-il pas mieux l’abandonner à son sort et la laisser mourir des vices de sa constitution? Sans doute, ce que vous proposez, cher Agaric, est noble et généreux. Il serait beau de sauver ce grand et malheureux pays, de le rétablir dans sa splendeur première. Mais songez-y: nous sommes chrétiens avant que d'être pingouins. Et il nous faut bien prendre garde de ne point compromettre la religion dans des entreprises politiques.

    Agaric répliqua vivement:

    —Ne craignez rien. Nous tiendrons tous les fils du complot, mais nous resterons dans l’ombre. On ne nous verra pas.

    —Comme des mouches dans du lait, murmura le religieux des Conils.

    Et, coulant sur son compère ses fines prunelles de rubis:

    —Prenez garde, mon ami. La république est peut-être plus forte qu’il ne semble. Il se peut aussi que nous raffermissions ses forces en la tirant de la molle quiétude où elle repose à cette heure. Sa malice est grande: si nous l’attaquons, elle se défendra. Elle fait de mauvaises lois qui ne nous atteignent guère; quand elle aura peur, elle en fera de terribles contre nous. Ne nous engageons pas à la légère dans une aventure où nous pouvons laisser des plumes. L’occasion est bonne, pensez-vous; je ne le crois pas, et je vais vous dire pourquoi. Le régime actuel n’est pas encore connu de tout le monde et ne l’est autant dire de personne. Il proclame qu’il est la chose publique, la chose commune. Le populaire le croit et reste démocrate et républicain. Mais patience! Ce même peuple exigera un jour que la chose publique soit vraiment la chose du peuple. Je n’ai pas besoin de vous dire combien de telles prétentions me paraissent insolentes, déréglées et contraires à la politique tirée des Ecritures. Mais le peuple les aura, et il les fera valoir, et ce sera la fin du régime actuel. Ce moment ne peut beaucoup tarder. C’est alors que nous devrons agir dans l’intérèt de notre auguste corps. Attendons! Qui nous presse? Notre existence n’est point en péril. Elle ne nous est pas rendue absolument intolérable. La république manque à notre égard de respect et de soumission; elle ne rend pas aux prêtres les honneurs qu’elle leur doit. Mais elle nous laisse vivre. Et, telle est l’excellence de notre état que, pour nous, vivre, c’est prospérer. La chose publique nous est hostile, mais les femmes nous révèrent. Le président Formose n’assiste pas à la célébration de nos mystères; mais j’ai vu sa femme et ses filles à mes pieds. Elles achètent mes fioles à la grosse. Je n’ai pas de meilleures clientes, même dans l’aristocratie. Disons-nous-le bien: il n’y a pas au monde un pays qui, pour les prêtres et les moines, vaille la Pingouinie. En quelle autre contrée trouverions-nous à vendre, en si grande quantité et à si haut prix, notre cire vierge, notre encens mâle, nos chapelets, nos scapulaires, nos eaux bénites et notre liqueur de Sainte-Orberose? Quel autre peuple payerait, comme les Pingouins, cent écus d’or un geste de notre main, un son de notre bouche, un mouvement de nos lèvres? Pour ce qui est de moi, je gagne mille fois plus, en cette douce, fidèle et docile Pingouinie, à extraire l’essence d’une botte de serpolet, que je ne le saurais faire en m'époumonnant à prêcher quarante ans la rémission des péchés dans les États les plus populeux d’Europe et d’Amérique. De bonne foi, la Pingouinie en sera-t-elle plus heureuse quand un commissaire de police me viendra tirer hors d’ici et conduire dans un pyroscaphe en partance pour les îles de la Nuit?

    Ayant ainsi parlé, le religieux des Conils se leva et conduisit son hôte sous un vaste hangar où des centaines d’orphelins, vêtus de bleu, emballaient des bouteilles, clouaient des caisses, collaient des étiquettes. L’oreille était assourdie par le bruit des marteaux mêlé aux grondements sourds des colis sur les rails.

    —C’est ici que se font les expéditions, dit Cornemuse. J’ai obtenu du gouvernement une ligne ferrée à travers le bois et une station à ma porte. Je remplis tous les jours trois voitures de mon produit. Vous voyez que la république n’a pas tué toutes les croyances.

    Agaric fit un dernier effort pour engager le sage distillateur dans l’entreprise. Il lui montra le succès heureux, prompt, certain, éclatant.

    —N’y voulez-vous point concourir? ajouta-t-il. Ne voulez-vous point tirer votre roi d’exil?

    —L’exil est doux aux hommes de bonne volonté, répliqua le religieux des Conils. Si vous m’en croyez, bien cher frère Agaric, vous renoncerez pour le moment à votre projet. Quant à moi je ne me fais pas d’illusions. Je sais ce qui m’attend. Que je sois ou non de la partie, si vous la perdez, je payerai comme vous.

    Le père Agaric prit congé de son ami et regagna satisfait son école, Cornemuse, pensait-il, ne pouvant empêcher le complot, voudra le faire réussir, et donnera de l’argent. Agaric ne se trompait pas. Telle était, en effet, la solidarité des prêtres et des moines, que les actes d’un seul d’entre eux les engageaient tous. C'était là, tout à la fois, le meilleur et le pire de leur affaire.

    Agaric résolut de se rendre incontinent auprès du prince Crucho qui l’honorait de sa familiarité. À la brune, il sortit de l'école, par la petite porte, déguisé en marchand de boeufs et prit passage sur le Saint-Maël.

    Le lendemain il débarqua en Marsouinie. C’est sur cette terre hospitalière, dans le château de Chitterlings, que Crucho mangeait le pain amer de l’exil.

    Agaric le rencontra sur la route, en auto, faisant du cent trente avec deux demoiselles. À cette vue, le moine agita son parapluie rouge et le prince arrêta sa machine.

    —C’est vous, Agaric? Montez donc! Nous sommes déjà trois; mais on se serrera un peu. Vous prendrez une de ces demoiselles sur vos genoux.

    Le pieux Agaric monta.

    —Quelles nouvelles, mon vieux père? demanda le jeune prince.

    —De grandes nouvelles, répondit Agaric. Puis-je parler?

    —Vous le pouvez. Je n’ai rien de caché pour ces deux demoiselles.

    —Monseigneur, la Pingouinie vous réclame. Vous ne serez pas sourd à son appel.

    Agaric dépeignit l'état des esprits et exposa le plan d’un vaste complot.

    —À mon premier signal, dit-il, tous vos partisans se soulèveront à la fois. La croix à la main et la robe troussée, vos vénérables religieux conduiront la foule en armes dans le palais de Formose. Nous porterons la terreur et la mort parmi vos ennemis. Pour prix de nos efforts, nous vous demandons seulement, monseigneur, de ne point les rendre inutiles. Nous vous supplions de venir vous asseoir sur un trône que nous aurons préparé.

    Le prince répondit simplement:

    —J’entrerai dans Alca sur un cheval vert.

    Agaric prit acte de cette mâle réponse. Bien qu’il eût, contrairement à ses habitudes, une demoiselle sur ses genoux, il adjura avec une sublime hauteur d'âme le jeune prince d'être fidèle à ses devoirs royaux.

    —Monseigneur, s'écria-t-il en versant des larmes, vous vous rappellerez un jour que vous avez été tiré de l’exil, rendu à vos peuples, rétabli sur le trône de vos ancêtres par la main de vos moines et couronné par leurs mains de la crête auguste du Dragon. Roi Crucho, puissiez-vous égaler en gloire votre aïeul Draco le Grand!

    Le jeune prince ému se jeta sur son restaurateur pour l’embrasser; mais il ne put l’atteindre qu'à travers deux épaisseurs de demoiselles, tant on était serré dans cette voiture historique.

    —Mon vieux père, dit-il, je voudrais que la Pingouinie tout entière fût témoin de cette étreinte.

    —Ce serait un spectacle réconfortant, dit Agaric.

    Cependant l’auto, traversant en trombe les hameaux et les bourgs, écrasait sous ses pneus insatiables poules, oies, dindons, canards, pintades, chats, chiens, cochons, enfants, laboureurs et paysannes.

    Et le pieux Agaric roulait en son esprit ses grands desseins. Sa voix, sortant de derrière la demoiselle, exprima cette pensée:

    —Il faudra de l’argent, beaucoup d’argent.

    —C’est votre affaire, répondit le prince.

    Mais déjà la grille du parc s’ouvrait à l’auto formidable.

    Le dîner fut somptueux. On but à la crête du Dragon. Chacun sait qu’un gobelet fermé est signe de souveraineté. Aussi le prince Crucho et la princesse Gudrune son épouse burent-ils dans des gobelets couverts comme des ciboires. Le prince fit remplir plusieurs fois le sien des vins rouges et blancs de Pingouinie.

    Crucho avait reçu une instruction vraiment princière: il excellait dans la locomotion automobile, mais il n’ignorait pas non plus l’histoire. On le disait très versé dans les antiquités et illustrations de sa famille; et il donna en effet au dessert une preuve remarquable de ses connaissances à cet égard. Comme on parlait de diverses particularités singulières remarquées en des femmes célèbres:

    —Il est parfaitement vrai, dit-il, que la reine Crucha, dont je porte le nom, avait une petite tête de singe au-dessous du nombril.

    Agaric eut dans la soirée un entretien décisif avec trois vieux conseillers du prince. On décida de demander des fonds au beau-père de Crucho, qui souhaitait d’avoir un gendre roi, à plusieurs dames juives, impatientes d’entrer dans la noblesse et enfin au prince régent des Marsouins, qui avait promis son concours aux Draconides, pensant affaiblir, par la restauration de Crucho, les Pingouins, ennemis héréditaires de son peuple.

    Les trois vieux conseillers se partagèrent entre eux les trois premiers offices de la cour, chambellan, sénéchal et pannetier, et autorisèrent le religieux à distribuer les autres charges au mieux des intérêts du prince.

    —Il faut récompenser les dévouements, affirmèrent les trois vieux conseillers.

    —Et les trahisons, dit Agaric.

    —C’est trop juste, répliqua l’un d’eux, le marquis des Septplaies, qui avait l’expérience des révolutions.

    On dansa. Après le bal, la princesse Gudrune déchira sa robe verte pour en faire des cocardes; elle en cousit de sa main un morceau sur la poitrine du moine, qui versa des larmes d’attendrissement et de reconnaissance.

    de Plume, écuyer du prince, partit le soir même à la recherche d’un cheval vert.

    De retour dans la capitale de la Pingouinie, le révérend père Agaric s’ouvrit de ses projets au prince Adélestan des Boscénos, dont il connaissait les sentiments draconiens.

    Le prince appartenait à la plus haute noblesse. Les Torticol des Boscénos remontaient à Brian le Pieux et avaient occupé sous les Draconides les plus hautes charges du royaume. En 1179, Philippe Torticol, grand émiral de Pingouinie, brave, fidèle, généreux, mais vindicatif, livra le port de La Crique et la flotte pingouine aux ennemis du royaume, sur le soupçon que la reine Crucha, dont il était l’amant, le trompait avec un valet d'écurie. C’est cette grande reine qui donna aux Boscénos la bassinoire d’argent qu’ils portent dans leurs armes. Quant à leur devise, elle remonte seulement au XVIe siècle; en voici l’origine. Une nuit de fête, mêlé à la foule des courtisans qui, pressés dans le jardin du roi, regardaient le feu d’artifice, le duc Jean des Boscénos s’approcha de la duchesse de Skull, et mit la main sous la jupe de cette dame qui n’en fit aucune plainte. Le roi, venant à passer, les surprit et se contenta de dire: «Ainsi qu’on se trouve.» Ces quatre mots devinrent la devise des Boscénos.

    Le prince Adélestan n'était point dégénéré de ses ancêtres; il gardait au sang des Draconides une inaltérable fidélité et ne souhaitait rien tant que la restauration du prince Crucho, présage, à ses yeux, de celle de sa fortune ruinée. Aussi entra-t-il volontiers dans la pensée du révérend père Agaric. Il s’associa immédiatement aux projets du religieux et s’empressa de le mettre en rapport avec les plus ardents et les plus loyaux royalistes de sa connaissance, le comte Cléna, M. de la Trumelle, le vicomte Olive, M. Bigourd. Ils se réunirent une nuit dans la maison de campagne du duc d’Ampoule, à deux lieues à l’est d’Alca, afin d’examiner les voies et moyens.

    de La Trumelle se prononça pour l’action légale:

    —Nous devons rester dans la légalité, dit-il en substance. Nous sommes des hommes d’ordre. C’est par une propagande infatigable que nous poursuivrons la réalisation de nos espérances. Il faut changer l’esprit du pays. Notre cause triomphera parce qu’elle est juste.

    Le prince des Boscénos exprima un avis contraire. Il pensait que, pour triompher, les causes justes ont besoin de la force autant et plus que les causes injustes.

    —Dans la situation présente, dit-il avec tranquillité, trois moyens d’action s’imposent: embaucher les garçons bouchers, corrompre les ministres et enlever le président Formose.

    —Enlever Formose, ce serait une faute, objecta M. de la Trumelle. Le président est avec nous.

    Qu’un Dracophile proposât de mettre la main sur le président Formose et qu’un autre dracophile le traitât en ami, c’est ce qu’expliquaient l’attitude et les sentiments du chef de la chose commune. Formose se montrait favorable aux royalistes, dont il admirait et imitait les manières. Toutefois, s’il souriait quand on lui parlait de la crête du Dragon, c'était à la pensée de la mettre sur sa tête. Le pouvoir souverain lui faisait envie, non qu’il se sentît capable de l’exercer, mais il aimait à paraître. Selon la forte expression d’un chroniqueur pingouin, «c'était un dindon».

    Le prince des Boscénos maintint sa proposition de marcher à main armée sur le palais de Formose et sur la Chambre des députés.

    Le comte Cléna fut plus énergique encore:

    —Pour commencer, dit-il, égorgons, étripons, décervelons les républicains et tous les chosards du gouvernement. Nous verrons après.

    de la Trumelle était un modéré. Les modérés s’opposent toujours modérément à la violence. Il reconnut que la politique de M. le comte Cléna s’inspirait d’un noble sentiment, qu’elle était généreuse, mais il objecta timidement qu’elle n'était peut-être pas conforme aux principes et qu’elle présentait certains dangers. Enfin, il s’offrit à la discuter.

    —Je propose, ajouta-t-il, de rédiger un appel au peuple. Faisons savoir qui nous sommes. Pour moi, je vous réponds que je ne mettrai pas mon drapeau dans ma poche.

    M Bigourd prit la parole:

    —Messieurs, les Pingouins sont mécontents de l’ordre nouveau, parce qu’ils en jouissent et qu’il est naturel aux hommes de se plaindre de leur condition. Mais en même temps, les Pingouins ont peur de changer de régime, car les nouveautés effraient. Ils n’ont pas connu la crête du Dragon; et, s’il leur arrive de dire parfois qu’ils la regrettent, il ne faut pas les en croire: on s’apercevrait bientôt qu’ils ont parlé sans réflexion et de mauvaise humeur. Ne nous faisons pas d’illusions sur leurs sentiments à notre égard. Ils ne nous aiment pas. Ils haïssent l’aristocratie tout à la fois par une basse envie et par un généreux amour de l'égalité. Et ces deux sentiments réunis sont très forts dans un peuple. L’opinion publique n’est pas contre nous parce qu’elle nous ignore. Mais quand elle saura ce que nous voulons, elle ne nous suivra pas. Si nous laissons voir que nous voulons détruire le régime démocratique et relever la crête du Dragon, quels seront nos partisans? Les garçons bouchers et les petits boutiquiers d’Alca. Et même ces boutiquiers, pourrons-nous bien compter sur eux jusqu’au bout? Ils sont mécontents, mais ils sont chosards dans le fond de leurs coeurs. Ils ont plus d’envie de vendre leurs méchantes marchandises que de revoir Crucho. En agissant à découvert nous effrayerons.

    »Pour qu’on nous trouve sympathiques et qu’on nous suive, il faut que l’on croie que nous voulons, non pas renverser la république, mais au contraire la restaurer, la nettoyer, la purifier, l’embellir, l’orner, la parer, la décorer, la parfumer, la rendre enfin magnifique et charmante. Aussi ne devons-nous pas agir par nous-mêmes. On sait que nous ne sommes pas favorables à l’ordre actuel. Il faut nous adresser à un ami de la république, et, pour bien faire, à un défenseur de ce régime. Nous n’aurons que l’embarras du choix. Il conviendra de préférer le plus populaire et, si j’ose dire, le plus républicain. Nous le gagnerons par des flatteries, par des présents et surtout par des promesses. Les promesses coûtent moins que les présents et valent beaucoup plus. Jamais on ne donne autant que lorsqu’on donne des espérances. Il n’est pas nécessaire qu’il soit très intelligent Je préférerais même qu’il n’eût pas d’esprit. Les imbéciles ont dans la fourberie des grâces inimitables. Croyez-moi, messieurs, faites renverser la chose publique par un chosard de la chose. Soyons prudents! La prudence n’exclut pas l'énergie. Si vous avez besoin de moi, vous me trouverez toujours à votre service.

    Ce discours ne laissa pas que de faire impression sur les auditeurs. L’esprit du pieux Agaric en fut particulièrement frappé. Mais chacun songeait surtout à s’allouer des honneurs et des bénéfices. On organisa un gouvernement secret, dont toutes les personnes présentes furent nommées membres effectifs. Le duc d’Ampoule, qui était la grande capacité financière du parti, fut délégué aux recettes et chargé de centraliser les fonds de propagande.

    La réunion allait prendre fin quand retentit dans les airs une voix rustique, qui chantait sur un vieil air:

    Boscénos est un gros cochon;

    On en va faire des andouilles

    Des saucisses et du jambon

    Pour le réveillon des pauv' bougres.

    C'était une chanson connue, depuis deux cents ans, dans les faubourgs d’Alca. Le prince des Boscénos n’aimait pas à l’entendre. Il descendit sur la place et s'étant aperçu que le chanteur était un ouvrier qui remettait des ardoises sur le faîte de l'église, il le pria poliment de chanter autre chose.

    —Je chante ce qui me plaît, répondit l’homme.

    —Mon ami, pour me faire plaisir….

    —Je n’ai pas envie de vous faire plaisir.

    Le prince des Boscénos était placide à son ordinaire, mais irascible et d’une force peu commune.

    —Coquin, descends ou je monte, s'écria-t-il d’une voix formidable.

    Et, comme le couvreur, à cheval sur la crête, ne faisait pas mine de bouger, le prince grimpa vivement par l’escalier de la tour jusqu’au toit et se jeta sur le chanteur qui, assommé d’un coup de poing, roula démantibulé dans une gouttière. À ce moment sept ou huit charpentiers qui travaillaient dans les combles, émus par les cris du compagnon, mirent le nez aux lucarnes et, voyant le prince sur le faîte, s’en furent à lui par une échelle qui se trouvait couchée sur l’ardoise, l’atteignirent au moment où il se coulait dans la tour et lui firent descendre, la tête la première, les cent trente-sept marches du limaçon.

    Les Pingouins avaient la première armée du monde. Les Marsouins aussi. Et il en était de même des autres peuples de l’Europe. Ce qui ne saurait surprendre pour peu qu’on y réfléchisse. Car toutes les armées sont les premières du monde. La seconde armée du monde, s’il pouvait en exister une, se trouverait dans un état d’infériorité notoire; elle serait assurée d'être battue. Il faudrait la licencier tout de suite. Aussi toutes les armées sont-elles les promières du monde. C’est ce que comprit, en France, l’illustre colonel Marchand quand, interrogé par des journalistes sur la guerre russo-japonaise avant le passage du Yalou, il n’hésita pas à qualifier l’armée russe de première du monde ainsi que l’armée japonaise. Et il est à remarquer que, pour avoir essuyé les plus effroyables revers, une armée ne déchoit pas de son rang de première du monde. Car, si les peuples rapportent leurs victoires à l’intelligence des généraux et au courage des soldats, ils attribuent toujours leurs défaites à une inexplicable fatalité. Au rebours, les flottes sont classées par le nombre de leurs bateaux. Il y en a une première, une deuxième, une troisième et ainsi de suite. Aussi ne subsiste-t-il aucune incertitude sur l’issue des guerres navales.

    Les Pingouins avaient la première armée et la seconde flotte du monde. Cette flotte était commandée par le fameux Chatillon qui portait le titre d'émiral ahr, et par abréviation d'émiral. C’est ce même mot, qui, malheureusement corrompu, désigne encore aujourd’hui, dans plusieurs nations européennes, le plus haut grade des armées de mer. Mais comme il n’y avait chez les Pingouins qu’un seul émiral, un prestige singulier, si j’ose dire, était attaché à ce grade.

    L'émiral n’appartenait pas à la noblesse; enfant du peuple, le peuple l’aimait; et il était flatté de voir couvert d’honneurs un homme sorti de lui. Chatillon était beau; il était heureux; il ne pensait à rien. Rien n’altérait la limpidité de son regard.

    Le révérend père Agaric, se rendant aux raisons de M. Bigourd, reconnut qu’on ne détruirait le régime actuel que par un de ses défenseurs et jeta ses vues sur l'émiral Chatillon. Il alla demander une grosse somme d’argent à son ami, le révérend père Cornemuse, qui la lui remit en soupirant. Et, de cet argent, il paya six cents garçons bouchers d’Alca pour courir derrière le cheval de Chatillon en criant: «Vive l'émiral!»

    Chatillon ne pouvait désormais faire un pas sans être acclamé.

    La vicomtesse Olive lui demanda un entretien secret. Il la reçut à l’Amirauté [Note: Ou mieux Émirauté.] dans un pavillon orné d’ancres, de foudres et de grenades.

    Elle était discrètement vêtue de gris bleu. Un chapeau de roses couronnait sa jolie tête blonde, À travers la voilette ses yeux brillaient comme des saphirs. Il n’y avait pas, dans la noblesse, de femme plus élégante que celle-ci, qui tirait son origine de la finance juive. Elle était longue et bien faite; sa forme était celle de l’année, sa taille, celle de la saison.

    —Émiral, dit-elle d’une voie délicieuse, je ne puis vous cacher mon émotion…. Elle est bien naturelle … devant un héros….

    —Vous êtes trop bonne. Veuillez me dire, madame la vicomtesse, ce qui me vaut l’honneur de votre visite.

    —Il y avait longtemps que je désirais vous voir, vous parler…. Aussi me suis-je chargée bien volontiers d’une mission pour vous.

    —Donnez-vous donc la peine de vous asseoir.

    —Comme c’est calme ici!

    —En effet, c’est assez tranquille.

    —On entend chanter les oiseaux.

    —Asseyez-vous donc, chère madame.

    Et il lui tendit un fauteuil.

    Elle prit une chaise à contre-jour:

    —Émiral, je viens vers vous, chargée d’une mission très importante, d’une mission….

    —Expliquez-vous.

    —Émiral, vous n’avez jamais vu le prince Crucho?

    —Jamais.

    Elle soupira.

    —C’est bien là le malheur. Il serait si heureux de vous voir! Il vous estime et vous apprécie. Il a votre portrait sur sa table de travail, à côté de celui de la princesse sa mère. Quel dommage qu’on ne le connaisse pas! C’est un charmant prince, et si reconnaissant de ce qu’on fait pour lui! Ce sera un grand roi. Car il sera roi: n’en doutez pas. Il reviendra, et plus tôt qu’on ne croit…. Ce que j’ai à vous dire, la mission qui m’est confiée se rapporte précisément à….

    L'émiral se leva:

    —Pas un mot de plus, chère madame. J’ai l’estime, j’ai la confiance de la république. Je ne la trahirai pas. Et pourquoi la trahirais-je? Je suis comblé d’honneurs et de dignités.

    —Vos honneurs, vos dignités, mon cher émiral, permettez-moi de vous le dire, sont bien loin d'égaler vos mérites. Si vos services étaient récompensés, vous seriez émiralissime et généralissime, commandant supérieur des troupes de terre et de mer. La république est bien ingrate à votre égard.

    —Tous les gouvernements sont plus ou moins ingrats.

    —Oui, mais les chosards sont jaloux de vous. Ces gens-là craignent toutes les supériorités. Ils ne peuvent souffrir les militaires. Tout ce qui touche la marine et l’armée leur est odieux. Ils ont peur de vous.

    —C’est possible.

    —Ce sont des misérables. Ils perdent le pays. Ne voulez-vous pas sauver la Pingouinie?

    —Comment cela?

    —En balayant tous ces fripons de la chose publique, tous les chosards.

    —Qu’est-ce que vous me proposez là, chère madame?

    —De faire ce qui se fera certainement. Si ce n’est pas par vous, ce sera par un autre. Le généralissime, pour ne parler que de celui-là, est prêt à jeter tous les ministres, tous les députés et tous les sénateurs dans la mer et à rappeler le prince Crucho.

    —Ah! la canaille, la crapule! s'écria l'émiral.

    —Ce qu’il ferait contre vous, faites-le contre lui. Le prince saura reconnaître vos services. Il vous donnera l'épée de connétable et une magnifique dotation. Je suis chargée, en attendant, de vous remettre un gage de sa royale amitié.

    En prononçant ces mots, elle tira de son sein une cocarde verte.

    —Qu’est-ce que c’est que ça? demanda l'émiral.

    —C’est Crucho qui vous envoie ses couleurs.

    —Voulez-vous bien remporter ça?

    —Pour qu’on les offre au généralissime qui les acceptera, lui!… Non! mon émiral, laissez-moi les mettre sur votre glorieuse poitrine.

    Chatillon écarta doucement la jeune femme. Mais depuis quelques minutes il la trouvait extrêmement jolie; et il sentit croître encore cette impression quand deux bras nus et les paumes roses de deux mains délicates le vinrent effleurer. Presque tout de suite il se laissa faire. Olive fut lente à nouer le ruban. Puis, quand ce fut fait, elle salua Chatillon, avec une grande révérence, du titre de connétable.

    —J’ai été ambitieux comme les camarades, répondit l’homme de mer, je ne le cache pas; je le suis peut-être encore; mais, ma parole d’honneur, en vous voyant, le seul souhait que je forme c’est une chaumière et un coeur.

    Elle fit tomber sur lui les rayons charmants des saphirs qui brillaient sous ses paupières.

    —On peut avoir cela aussi…. Qu’est-ce que vous faites là, émiral?

    —Je cherche le coeur.

    En sortant du pavillon de l’Amirauté, la vicomtesse alla tout de suite rendre compte au révérend père Agaric de sa visite.

    —Il y faut retourner, chère madame, lui dit le moine austère.

    Matin et soir, les journaux aux gages des dracophiles publiaient les louanges de Chatillon et jetaient la honte et l’opprobre aux ministres de la république.

    On criait le portrait de Chatillon sur les boulevards d’Alca. Les jeunes neveux de Rémus, qui portent des figures de plâtre sur la tête, vendaient, à l’abord des ponts, les bustes de Chatillon.

    Chatillon faisait tous les soirs, sur son cheval blanc, le tour de la prairie de la Reine, fréquentée des gens à la mode. Les dracophiles apostaient sur le passage de l'émiral une multitude de Pingouins nécessiteux, qui chantaient: «C’est Chatillon qu’il nous faut». La bourgeoisie d’Alca en concevait une admiration profonde pour l'émiral. Les dames du commerce murmuraient: «Il est beau». Les femmes élégantes, dans leurs autos ralenties, lui envoyaient, en passant, des baisers, au milieu des hourrahs d’un peuple en délire.

    Un jour, comme il entrait dans un bureau de tabac, deux Pingouins qui mettaient des lettres dans la boîte, reconnurent Chatillon et crièrent à pleine bouche: «Vive l'émiral! À bas les chosards!» Tous les passants s’arrêtèrent devant la boutique. Chatillon alluma son cigare au regard d’une foule épaisse de citoyens éperdus, agitant leurs chapeaux et poussant des acclamations. Cette foule ne cessait de s’accroître; la ville entière, marchant à la suite de son héros, le reconduisit, en chantant des hymnes, jusqu’au pavillon de l’Amirauté.

    L'émiral avait un vieux compagnon d’armes dont les états de service étaient superbes, le sub-émiral Volcanmoule. Franc comme l’or, loyal comme son épée, Volcanmoule, qui se targuait d’une farouche indépendance, fréquentait les partisans de Crucho et les ministres de la république et disait aux uns et aux autres leurs vérités. M. Bigourd prétendait méchamment qu’il disait aux uns les vérités des autres. En effet il avait commis plusieurs fois des indiscrétions fâcheuses où l’on se plaisait à voir la liberté d’un soldat étranger aux intrigues. Il se rendait tous les matins chez Chatillon, qu’il traitait avec la rudesse cordiale d’un frère d’armes.

    —Eh bien, mon vieux canard, te voilà populaire, lui disait-il. On vend ta gueule en têtes de pipe et en bouteilles de liqueur, et tous les ivrognes d’Alca rotent ton nom dans les ruisseaux…. Chatillon, héros des Pingouins! Chatillon défenseur de la gloire et de la puissance pingouines!… Qui l’eût dit? Qui l’eût cru?

    Et il riait d’un rire strident. Puis changeant de ton:

    —Blague à part, est-ce que tu n’es pas un peu surpris de ce qui t’arrive?

    —Mais non, répondait Chatillon.

    Et le loyal Volcanmoule sortait en faisant claquer les portes.

    Cependant, Chatillon avait loué, pour recevoir la vicomtesse Olive, un petit rez-de-chaussée au fond de la cour, au numéro 18 de la rue Johannès-Talpa. Ils se voyaient tous les jours. Il l’aimait éperdument. En sa vie martiale et neptunienne, il avait possédé des multitudes de femmes, rouges, noires, jaunes ou blanches, et quelques-unes fort belles; mais avant d’avoir connu celle-là, il ne savait pas ce que c’est qu’une femme. Quand la vicomtesse Olive l’appelait son ami, son doux ami, il se sentait au ciel, et il lui semblait que les étoiles se prenaient dans ses cheveux.

    Elle entrait, un peu en retard, posait son petit sac sur le guéridon et disait avec recueillement:

    —Laissez-moi me mettre là, à vos genoux.

    Et elle lui tenait des propos inspirés par le pieux Agaric; et elle les entrecoupait de baisers et de soupirs. Elle lui demandait d'éloigner tel officier, de donner un commandement à tel autre, d’envoyer l’escadre ici ou là.

    Et elle s'écriait à point:

    —Comme vous êtes jeune, mon ami!

    Et il faisait tout ce qu’elle voulait, car il était simple, car il avait envie de porter l'épée de connétable et de recevoir une riche dotation, car il ne lui déplaisait pas de jouer un double jeu, car il avait vaguement l’idée de sauver la Pingouinie, car il était amoureux.

    Cette femme délicieuse l’amena à dégarnir de troupes le port de La Crique, où devait débarquer Crucho. On était de la sorte assuré que le prince entrerait sans obstacle en Pingouinie.

    Le pieux Agaric organisait des réunions publiques, afin d’entretenir l’agitation. Les dracophiles en donnaient chaque jour une ou deux ou trois dans un des trente-six districts d’Alca, et, de préférence, dans les quartiers populaires. On voulait conquérir les gens de petit état, qui sont le plus grand nombre. Il fut donné notamment, le quatre mai, une très belle réunion dans la vieille halle aux grains, au coeur d’un faubourg populeux plein de ménagères assises sur le pas des portes et d’enfants jouant dans les ruisseaux. Il était venu là deux mille personnes, à l’estimation des républicains, et six mille au compte des dracophiles. On reconnaissait dans l’assistance la fleur de la société pingouine, le prince et la princesse des Boscénos, le comte Cléna, M. de la Trumelle, M. Bigourd et quelques riches dames israélites.

    Le généralissime de l’armée nationale était venu en uniforme. Il fut acclamé.

    Le bureau se constitua laborieusement. Un homme du peuple, un ouvrier, mais qui pensait bien, M. Rauchin, secrétaire des syndicats jaunes, fut appelé à présider, entre le comte Cléna et M. Michaud, garçon boucher.

    En plusieurs discours éloquents, le régime que la Pingouinie s'était librement donné reçut les noms d'égout et de dépotoir. Le président Formose fut ménagé. Il ne fut question ni de Crucho ni des prêtres.

    La réunion était contradictoire; un défenseur de l'État moderne et de la république, homme de profession manuelle, se présenta.

    —Messieurs, dit le président Rauchin, nous avons annoncé que la réunion serait contradictoire. Nous n’avons qu’une parole; nous ne sommes pas comme nos contradicteurs, nous sommes honnêtes. Je donne la parole au contradicteur. Dieu sait ce que vous allez entendre! Messieurs, je vous prie de contenir le plus longtemps qu’il vous sera possible l’expression de votre mépris, de votre dégout et de votre indignation.

    —Messieurs, dit le contradicteur….

    Aussitôt il fut renversé, foulé aux pieds par la foule indignée et ses restes méconnaissables jetés hors de la salle.

    Le tumulte grondait encore lorsque le comte Cléna monta à la tribune. Aux huées succédèrent les acclamations et, quand le silence se fut rétabli, l’orateur prononça ces paroles:

    —Camarades, nous allons voir si vous avez du sang dans les veines. Il s’agit d'égorger, d'étriper, de décerveler les chosards.

    Ce discours déchaîna un tel tonnerre d’applaudissements que le vieux hangar en fut ébranlé et qu’une épaisse poussière, sortie des murs sordides et des poutres vermoulues, enveloppa l’assistance de ses acres et sombres nuées.

    On vota un ordre du jour flétrissant le gouvernement et acclamant

    Chatillon. Et les assistants sortirent en chantant l’hymne libérateur:

    «C’est Chatillon qu’il nous faut».

    La vieille halle n’avait pour issue qu’une longue allée boueuse, resserrée entre des remises d’omnibus et des magasins de charbon. La nuit était sans lune; une bruine froide tombait. Les gardes de police, assemblés en grand nombre, fermaient l’allée au niveau du faubourg et obligeaient les dracophiles à s'écouler par petits groupes. Telle était en effet la consigne qu’ils avaient reçue de leur chef, qui s'étudiait à rompre l'élan d’une foule en délire.

    Les dracophiles maintenus dans l’allée marquaient le pas en chantant: «C’est Chatillon qu’il nous faut». Bientôt, impatients de ces lenteurs, dont ils ne connaissaient pas la cause, ils commencèrent à pousser ceux qui se trouvaient devant eux. Ce mouvement, propagé le long de l’allée, jetait les premiers sortis contre les larges poitrines des gardes de police. Ceux-ci n’avaient point de haine contre les dracophiles; dans le fond de leur coeur ils aimaient Chatillon; mais il est naturel de résister à l’agression et d’opposer la violence à la violence; les hommes forts sont portés à se servir de leur force. C’est pourquoi les gardes de police recevaient les dracophiles à grands coups de bottes ferrées. Il en résultait des refoulements brusques. Les menaces et les cris se mêlaient aux chants.

    —Assassins! Assassins!… «C’est Chatillon qu’il nous faut!» Assassins!

    Assassins!

    Et, dans la sombre allée: «Ne poussez pas,» disaient les plus sages. Parmi ceux-là, dominant de sa haute taille la foule agitée, déployant parmi les membres foulés et les côtes défoncées, ses larges épaules et ses poumons robustes, doux, inébranlable, placide, se dressait dans les ténèbres le prince des Boscénos. Il attendait, indulgent et serein. Cependant, la sortie s’opérant par intervalles réguliers entre les rangs des gardes de police, les coudes, autour du prince, commençaient à s’imprimer moins profondément dans les poitrines; on se reprenait à respirer.

    —Vous voyez bien que nous finirons par sortir, dit ce bon géant avec un doux sourire. Patience et longueur de temps….

    Il tira un cigare de son étui, le porta à ses lèvres et frotta une allumette. Soudain il vit à la clarté de la flamme la princesse Anne, sa femme, pâmée dans les bras du comte Cléna. À cette vue, il se précipita sur eux et les frappa à grands coups de canne, eux et les personnes qui se trouvaient alentour. On le désarma, non sans peine. Mais on ne put le séparer de son adversaire. Et, tandis que la princesse évanouie passait, de bras en bras, sur la foule émue et curieuse, jusqu'à sa voiture, les deux hommes se livraient à une lutte acharnée. Le prince des Boscénos y perdit son chapeau, son lorgnon, son cigare, sa cravate, son portefeuille bourré de lettres intimes et de correspondances politiques; il y perdit jusqu’aux médailles miraculeuses qu’il avait reçues du bon père Cornemuse. Mais il asséna dans le ventre de son adversaire un coup si formidable, que le malheureux en traversa un grillage de fer et passa, la tête la première, par une porte vitrée, dans un magasin de charbon.

    Attirés par le bruit de la lutte et les clameurs des assistants, les gardes de police se précipitèrent sur le prince, qui leur opposa une furieuse résistance. Il en étala trois pantelants à ses pieds, en fit fuir sept autres, la mâchoire fracassée, la lèvre fendue, le nez versant des flots vermeils, le crâne ouvert, l’oreille décollée, la clavicule démise, les côtes défoncées. Il tomba pourtant, et fut traîné sanglant, défiguré, ses vêtements en lambeaux, au poste voisin, où il passa la nuit, bondissant et rugissant.

    Jusqu’au jour, des groupes de manifestants parcoururent la ville en chantant: «C’est Chatillon qu’il nous faut», et en brisant les vitres des maisons habitées par les ministres de la chose publique.

    Cette nuit marqua l’apogée du mouvement dracophile. Les monarchistes ne doutaient plus du triomphe. Les principaux d’entre eux envoyaient au prince Crucho des félicitations par télégraphe sans fil. Les dames lui brodaient des écharpes et des pantoufles. M. de Plume avait trouvé le cheval vert.

    Le pieux Agaric partageait la commune espérance. Toutefois, il travaillait encore à faire des partisans au prétendant.

    —Il faut, disait-il, atteindre les couches profondes.

    Dans ce dessein, il s’aboucha avec trois syndicats ouvriers.

    En ce temps-là, les artisans ne vivaient plus, comme au temps des Draconides, sous le régime des corporations. Ils éîaient libres, mais ils n’avaient pas de gain assuré. Après s'être longtemps tenus isolés les uns des autres, sans aide et sans appui, ils s'étaient constitués en syndicats. Les caisses de ces syndicats étaient vides, les syndiqués n’ayant pas coutume de payer leur cotisation. Il y avait des syndicats de trente mille membres; il y en avait de mille, de cinq cents, de deux cents. Plusieurs comptaient deux ou trois membres seulement, ou même un peu moins. Mais les listes des adhérents n'étant point publiées, il n'était pas facile de distinguer les grands syndicats des petits.

    Après de sinueuses et ténébreuses démarches, le pieux Agaric fut mis en rapport, dans une salle du Moulin de la Galette, avec les camarades Dagobert, Tronc et Balafille, secrétaires de trois syndicats professionnels, dont le premier comptait quatorze membres, le second vingt-quatre et le troisième un seul. Agaric déploya, dans cette entrevue, une extrême habileté.

    —Messieurs, dit-il, nous n’avons pas, à beaucoup d'égards, vous et moi, les mêmes idées politiques et sociales; mais il est des points sur lesquels nous pouvons nous entendre. Nous avons un ennemi commun. Le gouvernement vous exploite et se moque de vous. Aidez-nous à le renverser; nous vous en fournissons autant que possible les moyens; et vous pourrez, au surplus, compter sur notre reconnaissance.

    —Compris. Aboulez la galette, dit Dagobert.

    Le révérend père posa sur la table un sac que lui avait remis, les larmes aux yeux, le distillateur des Conils.

    —Topez là, firent les trois compagnons.

    Ainsi fut scellé ce pacte solennel.

    Aussitôt que le moine fut parti, emportant la joie d’avoir acquis à sa cause les masses profondes, Dagobert, Tronc et Balafille sifflèrent leurs femmes, Amélie, Reine et Mathilde, qui, dans la rue, guettaient le signal, et tous les six, se tenant par la main, dansèrent autour du sac en chantant:

    J’ai du bon pognon;

    Tu n' l’auras pas, Chatillon!

    Hou! hou! la calotte!

    Et ils commandèrent un saladier de vin chaud.

    Le soir, ils allèrent tous les six, de troquet en troquet, modulant leur chanson nouvelle. Elle plut, car les agents de la police secrète rapportèrent que le nombre croissait chaque jour des ouvriers chantant dans les faubourgs:

    J’ai du bon pognon;

    Tu n' l’auras pas, Chatillon!

    Hou! hou! la calotte!

    L’agitation dracophile ne s'était pas propagée dans les provinces. Le pieux Agaric en cherchait la raison, sans pouvoir la découvrir, quand le vieillard Cornemuse vint la lui révéler.

    —J’ai acquis la preuve, soupira le religieux des Conils, que le trésorier des dracophiles, le duc d’Ampoule, a acheté des immeubles en Marsouinie avec les fonds qu’il avait reçus pour la propagande.

    Le parti manquait d’argent. Le prince de Boscénos avait perdu son portefeuille dans une rixe, et il était réduit à des expédients pénibles, qui répugnaient à son caractère impétueux. La vicomtesse Olive coûtait très cher. Cornemuse conseilla de limiter les mensualités de cette dame.

    —Elle nous est très utile, objecta le pieux Agaric.

    —Sans doute, répliqua Cornemuse. Mais, en nous ruinant, elle nous nuit.

    Un schisme déchirait les dracophiles. La mésintelligence régnait dans leurs conseils. Les uns voulaient que, fidèle à la politique de M. Bigourd et du pieux Agaric, on affectât jusqu’au bout le dessein de réformer la république; les autres, fatigués d’une longue contrainte, étaient résolus à acclamer la crête du Dragon et juraient de vaincre sous ce signe.

    Ceux-ci alléguaient l’avantage des situations nettes et l’impossibilité de feindre plus longtemps. Dans le fait, le public commençait à voir où tendait l’agitation et que les partisans de l'émiral voulaient détruire jusque dans ses fondements la chose commune.

    Le bruit se répandait que le prince devait débarquer à La Crique et faire son entrée à Alca sur un cheval vert.

    Ces rumeurs exaltaient les moines fanatiques, ravissaient les gentilshommes pauvres, contentaient les riches dames juives et mettaient l’espérance au coeur des petits marchands. Mais bien peu d’entre eux étaient disposés à acheter ces bienfaits au prix d’une catastrophe sociale et d’un effondrement du crédit public; et ils étaient moins nombreux encore ceux qui eussent risqué dans l’affaire leur argent, leur repos, leur liberté ou seulement une heure de leurs plaisirs. Au contraire les ouvriers se tenaient prêts, comme toujours, à donner une journée de travail à la république; une sourde résistance se formait dans les faubourgs.

    —Le peuple est avec nous, disait le pieux Agaric.

    Pourtant à la sortie des ateliers, hommes, femmes, enfants, hurlaient d’une seule voix:

    À bas Chatillon!

    Hou! hou! la calotte!

    Quant au gouvernement, il montrait cette faiblesse, cette indécision, cette mollesse, cette incurie ordinaires à tous les gouvernements, et dont aucun n’est jamais sorti que pour se jeter dans l’arbitraire et la violence. En trois mots, il ne savait rien, ne voulait rien, ne pouvait rien. Formose, au fond du palais présidentiel, demeurait aveugle, muet, sourd, énorme, invisible, cousu dans son orgueil comme dans un édredon.

    Le comte Olive conseilla de faire un dernier appel de fonds et de tenter un grand coup tandis qu’Alca fermentait encore.

    Un comité exécutif, qui s'était lui-même élu, décida d’enlever la

    Chambre des députés et avisa aux voies et moyens.

    L’affaire fut fixée au 28 juillet. Ce jour-là le soleil se leva radieux sur la ville. Devant le palais législatif les ménagères passaient avec leurs paniers, les marchands ambulants criaient les pêches, les poires et les raisins, et les chevaux de fiacre, le nez dans leur musette, broyaient leur avoine. Personne ne s’attendait à rien; non que le secret eût été gardé, mais la nouvelle n’avait trouvé que des incrédules. Personne ne croyait à une révolution, d’où l’on pouvait induire que personne n’en souhaitait une. Vers deux heures, les députés commencèrent à passer, rares, inaperçus, sous la petite porte du palais. À trois heures, quelques groupes d’hommes mal habillés se formèrent. À trois heures et demie des masses noires, débouchant des rues adjacentes, se répandirent sur la place de la Révolution. Ce vaste espace fut bientôt submergé par un océan de chapeaux mous, et la foule des manifestants, sans cesse accrue par les curieux, ayant franchi le pont, battait de son flot sombre les murs de l’enceinte législative. Des cris, des grondements, des chants montaient vers le ciel serein. «C’est Chatillon qu’il nous faut! À bas les députés! À bas la république! Mort aux chosards!» Le bataillon sacré des dracophiles, conduit par le prince des Boscénos, entonna le cantique auguste:

    Vive Crucho,

    Vaillant et sage,

    Plein de courage

    Dès le berceau!

    Derrière le mur le silence seul répondait.

    Ce silence et l’absence de gardes encourageait et effrayait tout à la fois la foule. Soudain, une voix formidable cria:

    —À l’assaut!

    Et l’on vit le prince des Boscénos dressant sur le mur armé de pointes et d’artichauts de fer sa forme gigantesque. Derrière lui ses compagnons s'élancèrent et le peuple suivit. Les uns frappaient dans le mur pour y faire des trous, d’autres s’efforçaient de desceller les artichauts et d’arracher les pointes. Ces défenses avaient cédé par endroits. Quelques envahisseurs chevauchaient déjà le pignon dégarni. Le prince des Boscénos agitait un immense drapeau vert. Tout à coup la foule oscilla et il en sortit un long cri de terreur. La garde de police et les carabiniers de la république, sortant à la fois par toutes les issues du palais, se formaient en colonne sous le mur en un moment désassiégé. Après une longue minute d’attente, on entendit un bruit d’armes, et la garde de police, la baïonnette au fusil, chargea la foule. Un instant après, sur la place déserte, jonchée de cannes et de chapeaux, régnait un silence sinistre. Deux fois encore les dracophiles essayèrent de se reformer, deux fois ils furent repoussés. L'émeute était vaincue. Mais le prince des Boscénos, debout sur le mur du palais ennemi, son drapeau à la main, repoussait l’assaut d’une brigade entière. Il renversait tous ceux qui s’approchaient. Enfin, secoué, déraciné, il tomba sur un artichaut de fer, et y demeura accroché, étreignant encore l'étendard des Draconides.

    Le lendemain de cette journée, les ministres de la république et les membres du parlement résolurent de prendre des mesures énergiques. En vain, cette fois, le président Formose essaya-t-il d'éluder les responsabilités. Le gouvernement examina la question de destituer Chatillon de ses grades et dignités et de le traduire devant la Haute- Cour comme factieux, ennemi du bien public, traître, etc.

    À cette nouvelle, les vieux compagnons d’armes de l'émiral, qui l’obsédaient la veille encore de leurs adulations, ne dissimulèrent pas leur joie. Cependant Chatillon restait populaire dans la bourgeoisie d’Alca et l’on entendait encore retentir sur les boulevards l’hymne libérateur: «C’est Chatillon qu’il nous faut.»

    Les ministres étaient embarrassés. Ils avaient l’intention de traduire Chatillon devant la Haute-Cour. Mais ils ne savaient rien; ils demeuraient dans cette totale ignorance réservée à ceux qui gouvernent les hommes. Ils se trouvaient incapables de relever contre Chatillon des charges de quelque poids. Ils ne fournissaient à l’accusation que les mensonges ridicules de leurs espions. La participation de Chatillon au complot, ses relations avec le prince Crucho, restaient le secret de trente mille dracophiles. Les ministres et les députés avaient des soupçons, et même des certitudes; ils n’avaient pas de preuves. Le procureur de la république disait au ministre de la justice: «Il me faut bien peu pour intenter des poursuites politiques, mais je n’ai rien du tout; ce n’est pas assez.» L’affaire ne marchait pas. Les ennemis de la chose en triomphaient.

    Le 18 septembre, au matin, la nouvelle courut dans Alca que Chatillon avait pris la fuite L'émoi, la surprise étaient partout. On doutait, on ne pouvait comprendre.

    Voici ce qui s'était passé:

    Un jour qu’il se trouvait, comme par hasard, dans le cabinet de M. Barbotan, ministre des affaires internes, le brave subémiral Volcanmoule dit avec sa franchise coutumière:

    —Monsieur Barbotan, vos collègues ne me paraissent pas bien dégourdis; on voit qu’ils n’ont pas commandé en mer. Cet imbécile de Chatillon leur donne une frousse de tous les diables.

    Le ministre, en signe de dénégation, fendit avec son couteau à papier l’air sur toute l'étendue de son bureau.

    —Ne niez pas, répliqua Volcanmoule. Vous ne savez pas comment vous débarrasser de Chatillon. Vous n’osez pas le traduire devant la Haute- Cour, parce que vous n'êtes pas sûr de réunir des charges suffisantes. Bigourd le défendra, et Bigourd est un habile avocat…. Vous avez raison, monsieur Barbotan, vous avez raison. Ce procès serait dangereux….

    —Ah! mon ami, fit le ministre d’un ton dégagé, si vous saviez comme nous sommes tranquilles…. Je reçois de mes préfets les nouvelles les plus rassurantes. Le bon sens des Pingouins fera justice des intrigues d’un soldat révolté. Pouvez-vous supposer un moment qu’un grand peuple, un peuple intelligent, laborieux, attaché aux institutions libérales qui….

    Volcanmoule l’interrompit par un grand soupir:

    —Ah! si j’en avais le loisir, je vous tirerais d’affaire; je vous escamoterais mon Chatillon comme une muscade. Je vous l’enverrais d’une pichenette en Marsouinie.

    Le ministre dressa l’oreille.

    —Ce ne serait pas long, poursuivit l’homme de mer. En un tournemain je vous débarasserais de cet animal…. Mais en ce moment, j’ai d’autres chiens à fouetter…. Je me suis flanqué une forte culotte au bec. Il faut que je trouve une grosse somme. L’honneur avant tout, que diable!…

    Le ministre et le subémiral se regardèrent un moment en silence. Puis

    Barbotan dit avec autorité:

    —Subémiral Volcanmoule, débarrassez-nous d’un soldat séditieux. Vous rendrez un grand service à la Pingouinie et le ministre des affaires internes vous assurera les moyens de payer vos dettes de jeu.

    Le soir même, Volcanmoule se présenta devant Chatillon et le contempla longtemps avec une expression de douleur et de mystère.

    —Pourquoi fais-tu cette tête-là? demanda l'émiral inquiet.

    Alors Volcanmoule lui dit avec une mâle tristesse:

    —Mon vieux frère d’armes, tout est découvert. Depuis une demi-heure, le gouvernement sait tout.

    À ces mots, Chatillon atterré s'écroula.

    Volcanmoule poursuivit:

    —Tu peux être arrêté d’un moment à l’autre. Je te conseille de ficher le camp.

    Et, tirant sa montre:

    —Pas une minute à perdre.

    —Je peux tout de même passer chez la vicomtesse Olive?

    —Ce serait une folie, dit Volcanmoule, qui lui tendit un passeport et des lunettes bleues et lui souhaita du courage.

    —J’en aurai, dit Chatillon.

    —Adieu! vieux frère.

    —Adieu et merci! Tu m’as sauvé la vie….

    —Cela se doit.

    Un quart d’heure après, le brave émiral avait quitté la ville d’Alca.

    Il s’embarqua de nuit, à La Crique, sur un vieux cotre, et fit voile pour la Marsouinie. Mais, à huit milles de la côte, il fut capturé par un aviso qui naviguait sans feux, sous le pavillon de la reine des Iles- Noires. Cette reine nourrissait depuis longtemps pour Chatillon un amour fatal.

    Nunc est bibendum. Délivré de ses craintes, heureux d’avoir échappé à un si grand péril, le gouvernement résolut de célébrer par des fêtes populaires l’anniversaire de la régénération pingouine et de l'établissement de la république.

    Le président Formose, les ministres, les membres de la Chambre et du

    Sénat étaient présents à la cérémonie.

    Le généralissime des armées pingouines s’y rendit en grand uniforme. Il fut acclamé.

    Précédées du drapeau noir de la misère et du drapeau rouge de la révolte, les délégations des ouvriers défilèrent, farouches et tutélaires.

    Président, ministres, députés, fonctionnaires, chefs de la magistrature et de l’armée, en leur nom et au nom du peuple souverain, renouvelèrent l’antique serment de vivre libres ou de mourir. C'était une alternative dans laquelle ils se mettaient résolument. Mais ils préféraient vivre libres. Il y eut des jeux, des discours et des chants.

    Après le départ des représentants de l'État, la foule des citoyens s'écoula à flots lents et paisibles, en criant: «Vive la république! Vive la liberté! Hou! hou! la calotte!»

    Les journaux ne signalèrent qu’un fait regrettable dans cette belle journée. Le prince des Boscénos fumait tranquillement un cigare sur la prairie de la Reine quand y défila le cortège de l'État. Le prince s’approcha de la voiture des ministres et dit d’une voix retentissante: «Mort aux chosards!» Il fut immédiatement appréhendé par les agents de police, auxquels il opposa la plus désespérée résistance. Il en abattit une multitude à ses pieds; mais il succomba sous le nombre et fut traîné, contus, écorché, tuméfié, scarifié, méconnaissable, enfin, à l’oeil même d’une épouse, par les rues joyeuses, jusqu’au fond d’une prison obscure.

    Les magistrats instruisirent curieusement le procès de Chatillon. On trouva dans le pavillon de l’Amirauté des lettres qui révélaient la main du révérend père Agaric dans le complot. Aussitôt l’opinion publique se déchaîna contre les moines; et le parlement vota coup sur coup une douzaine de lois qui restreignaient, diminuaient, limitaient, délimitaient, supprimaient, tranchaient et retranchaient leurs droits, immunités, franchises, privilèges et fruits, et leur créaient des incapacités multiples et dirimantes.

    Le révérend père Agaric supporta avec constance la rigueur des lois par lesquelles il était personnellement visé, atteint, frappé, et la chute épouvantable de l'émiral, dont il était la cause première. Loin de se soumettre à la mauvaise fortune, il la regardait comme une étrangère de passage. Il formait de nouveaux desseins politiques, plus audacieux que les premiers.

    Quand il eut suffisamment mûri ses projets, il s’en alla un matin par le bois des Conils. Un merle sifflait dans un arbre, un petit hérisson traversait d’un pas maussade le sentier pierreux. Agaric marchait à grandes enjambées en prononçant des paroles entrecoupées.

    Parvenu au seuil du laboratoire où le pieux industriel avait, au cours de tant de belles années, distillé la liqueur dorée de Sainte-Orberose, il trouva la place déserte et la porte fermée. Ayant longé les bâtiments, il rencontra sur le derrière le vénérable Cornemuse, qui, sa robe troussée, grimpait à une échelle appuyée au mur.

    —C’est vous, cher ami? lui dit-il. Que faites-vous là?

    —Vous le voyez, répondit d’une voix faible le religieux des Conils, en tournant sur Agaric un regard douloureux. Je rentre chez moi.

    Ses prunelles rouges n’imitaient plus l'éclat triomphal du rubis; elles jetaient des lueurs sombres et troubles. Son visage avait perdu sa plénitude heureuse. Le poli de son crâne ne charmait plus les regards; une sueur laborieuse et des plaques enflammées en altéraient l’inestimable perfection.

    —Je ne comprends pas, dit Agaric.

    —C’est pourtant facile à comprendre. Et vous voyez ici les conséquences de votre complot. Visé par une multitude de lois, j’en ai éludé le plus grand nombre. Quelques-unes, pourtant, m’ont frappé. Ces hommes vindicatifs ont fermé mes laboratoires et mes magasins, confisqué mes bouteilles, mes alambics et mes cornues; ils ont mis les scellés sur ma porte. Il me faut maintenant rentrer par la fenêtre. C’est à peine si je puis extraire en secret, de temps en temps, le suc des plantes, avec des appareils dont ne voudrait pas le plus humble des bouilleurs de cru.

    —Vous souffrez la persécution, dit Agaric. Elle nous frappe tous.

    Le religieux des Conils passa la main sur son front désolé:

    —Je vous l’avais bien dit, frère Agaric; je vous l’avais bien dit que votre entreprise retomberait sur nous.

    —Notre défaite n’est que momentanée, répliqua vivement Agaric. Elle tient à des causes uniquement accidentelles; elle résulte de pures contingences. Chatillon était un imbécile; il s’est noyé dans sa propre ineptie. Écoutez-moi, frère Cornemuse. Nous n’avons pas un moment à perdre. Il faut affranchir le peuple pingouin, il faut le délivrer de ses tyrans, le sauver de lui-même, restaurer la crête du Dragon, rétablir l’ancien État, le Bon-État, pour l’honneur de la religion et l’exaltation de la foi catholique. Chatillon était un mauvais instrument; il s’est brisé dans nos mains. Prenons, pour le remplacer, un instrument meilleur. Je tiens l’homme par qui la démocratie impie sera détruite. C’est un civil; c’est Gomoru. Les Pingouins en raffolent. Il a déjà trahi son parti pour un plat de riz. Voilà l’homme qu’il nous faut!

    Dès le début de ce discours, le religieux des Conils avait enjambé sa fenêtre et tiré l'échelle.

    —Je le prévois, répondit-il, le nez entre les deux châssis de la croisée: vous n’aurez pas de cesse que vous ne nous ayez fait tous expulser jusqu’au dernier de cette belle, amène et douce terre de Pingouinie. Bonsoir, Dieu vous garde!

    Agaric, planté devant le mur, adjura son bien cher frère de l'écouter un moment:

    —Comprenez mieux votre intérêt, Cornemuse! La Pingouinie est à nous. Que nous faut-il pour la conquérir? Encore un effort, … encore un léger sacrifice d’argent, et….

    Mais, sans en entendre davantage, le religieux des Conils retira son nez et ferma sa fenêtre.

    LIVRE VI

    LES TEMPS MODERNES

    L’AFFAIRE DES QUATRE-VINGT MILLE BOTTES DE FOIN

    Zeu pater, alla su rusai up aeeros uias Axhkion,
    poiaeson d’aithraen, dos d’ophthai
    moisin idesthai en de phaei kai olesson,
    epei nu toi euaden outos.
    (Iliad., XVII, v. 645 et seq.)

    Peu de temps après la fuite de l'émiral, un juif de condition médiocre, nommé Pyrot, jaloux de frayer avec l’aristocratie et désireux de servir son pays, entra dans l’armée des Pingouins. Le ministre de la guerre, qui était alors Greatauk, duc du Skull, ne pouvait le souffrir: il lui reprochait son zèle, son nez crochu, sa vanité, son goût pour l'étude, ses lèvres lippues et sa conduite exemplaire. Chaque fois qu’on cherchait l’auteur d’un méfait, Greatauk disait:

    —Ce doit être Pyrot!

    Un matin, le général Panther, chef d'état-major, instruisit Greatauk d’une affaire grave. Quatre-vingt mille bottes de foin, destinées à la cavalerie, avaient disparu; on n’en trouvait plus trace.

    Greatauk s'écria spontanément:

    —Ce doit être Pyrot qui les a volées!

    Il demeura quelque temps pensif et dit:

    —Plus j’y songe et plus je me persuade que Pyrot a volé ces quatre- vingt mille bottes de foin. Et où je le reconnais, c’est qu’il les a dérobées pour les vendre à vil prix aux Marsouins, nos ennemis acharnés. Trahison infâme!

    —C’est certain, répondit Panther; il ne reste plus qu'à le prouver.

    Ce même jour, passant devant un quartier de cavalerie, le prince des

    Boscénos entendit des cuirassiers qui chantaient en balayant la cour;

    Boscénos est un gros cochon;

    On en va faire des andouilles,

    Des saucisses et du jambon

    Pour le réveillon des pauv' bougres

    Il lui parut contraire à toute discipline que des soldats chantassent ce refrain, à la fois domestique et révolutionnaire, qui jaillissait, aux jours d'émeute, du gosier des ouvriers goguenards. À cette occasion, il déplora la déchéance morale de l’armée et songea avec un âpre sourire que son vieux camarade Greatauk, chef de cette armée déchue, la livrait bassement aux rancunes d’un gouvernement antipatriote. Et il se promit d’y mettre bon ordre, avant peu.

    —Ce coquin de Greatauk, se disait-il, ne restera pas longtemps ministre.

    Le prince des Boscénos était le plus irréconciliable adversaire de la démocratie moderne, de la libre pensée et du régime que les Pingouins s'étaient librement donné. Il nourrissait contre les juifs une haine vigoureuse et loyale et travaillait en public, en secret, nuit et jour, à la restauration du sang des Draconides. Son royalisme ardent s’exaltait encore par la considération de ses affaires privées, dont le mauvais état empirait d’heure en heure; car il ne pensait voir la fin de ses embarras pécuniaires qu'à l’entrée de l’héritier de Draco le Grand dans sa ville d’Alca.

    De retour en son hôtel, le prince tira de son coffre-fort une liasse de vieilles lettres, correspondance privée, très secrète, qu’il tenait d’un commis infidèle, et de laquelle il résultait que son vieux camarade Greatauk, duc du Skull, avait tripoté dans les fournitures et reçu d’un industriel, nommé Maloury, un pot-de-vin, qui n'était pas énorme et dont la modicité même ôtait toute excuse au ministre qui l’avait accepté.

    Le prince relut ces lettres avec une âpre volupté, les remit soigneusement dans le coffre-fort et courut au ministère de la guerre. Il était d’un caractère résolu. Sur cet avis que le ministre ne recevait pas, il renversa les huissiers, culbuta les ordonnances, foula aux pieds les employés civils et militaires, enfonça les portes et pénétra dans le cabinet de Greatauk étonné.

    —Parlons peu, mais parlons bien, lui dit-il. Tu es une vieille crapule. Mais ce ne serait encore rien. Je t’ai demandé de fendre l’oreille au général Monchin, l'âme damnée des chosards, tu n’as pas voulu. Je t’ai demandé de donner un commandement au général des Clapiers qui travaille pour les Draconides et qui m’a obligé personnellement; tu n’as pas voulu. Je t’ai demandé de déplacer le général Tandem, qui commande à Port-Alca, qui m’a volé cinquante louis au bac et m’a fait mettre les menottes quand j’ai été traduit devant la Haute-Cour comme complice de l'émiral Chatillon; tu n’as pas voulu. Je t’ai demandé la fourniture de l’avoine et du son; tu n’as pas voulu. Je t’ai demandé une mission secrète en Marsouinie; tu n’as pas voulu. Et non content de m’opposer un invariable refus, tu m’as signalé à tes collègues du gouvernement comme un individu dangereux qu’il faut surveiller, et je te dois d'être filé par la police, vieux traître! Je ne te demande plus rien et je n’ai qu’un seul mot à te dire: Fous le camp; on t’a trop vu. D’ailleurs, pour te remplacer, nous imposerons à ta sale chose publique quelqu’un des nôtres. Tu sais que je suis homme de parole. Si dans vingt-quatre heures tu n’as pas donné ta démission, je publie dans les journaux le dossier Maloury.

    Mais Greatauk, plein de calme et de sérénité:

    —Tiens-toi donc tranquille, idiot. Je suis en train d’envoyer un juif au bagne. Je livre Pyrot à la justice comme coupable d’avoir volé quatre-vingt mille bottes de foin.

    Le prince des Boscénos, dont la fureur tomba comme un voile, sourit.

    —C’est vrai?…

    —Tu le verras bien.

    —Mes compliments, Greatauk. Mais comme avec toi il faut toujours prendre ses précautions, je publie immédiatement la bonne nouvelle. On lira ce soir dans tous les journaux d’Alca l’arrestation de Pyrot….

    Et il murmura en s'éloignant:

    —Ce Pyrot! je me doutais qu’il finirait mal.

    Un instant après, le général Panther se présenta devant Greatauk.

    —Monsieur le ministre, je viens d’examiner l’affaire des quatre-vingt mille bottes de foin. On n’a pas de preuves contre Pyrot.

    —Qu’on en trouve, répondit Greatauk, la justice l’exige. Faites immédiatement arrêter Pyrot.

    Toute la Pingouinie apprit avec horreur le crime de Pyrot; en même temps, on éprouvait une sorte de satisfaction à savoir que ce détournement, compliqué de trahison et confinant au sacrilège, avait été commis par un petit juif. Pour comprendre ce sentiment, il faut connaître l'état de l’opinion publique à l'égard des grands et des petits juifs. Comme nous avons eu déjà l’occasion de le dire dans cette histoire, la caste financière, universellement exécrée et souverainement puissante, se composait de chrétiens et de juifs. Les juifs qui en faisaient partie, et sur lesquels le peuple ramassait toute sa haine, étaient les grands juifs; ils possédaient d’immenses biens et détenaient, disait-on, plus d’un cinquième de la fortune pingouine. En dehors de cette caste redoutable, il se trouvait une multitude de petits juifs d’une condition médiocre, qui n'étaient pas plus aimés que les grands et beaucoup moins craints. Dans tout État policé, la richesse est chose sacrée; dans les démocraties elle est la seule chose sacrée. Or l'État pingouin était démocratique; trois ou quatre compagnies financières y exerçaient un pouvoir plus étendu et surtout plus effectif et plus continu que celui des ministres de la république, petits seigneurs qu’elles gouvernaient secrètement, qu’elles obligeaient, par intimidation ou par corruption, à les favoriser aux dépens de l'État, et qu’elles détruisaient par les calomnies de la presse, quand ils restaient honnêtes. Malgré le secret des caisses, il en paraissait assez pour indigner le pays, mais les bourgeois pingouins, des plus gros aux moindres, conçus et enfantés dans le respect de l’argent, et qui tous avaient du bien, soit beaucoup, soit peu, sentaient fortement la solidarité des capitaux et comprenaient que la petite richesse n’est assurée que par la sûreté de la grande. Aussi concevaient-ils pour les milliards israélites comme pour les milliards chrétiens un respect religieux et, l’intérêt étant plus fort chez eux que l’aversion, ils eussent craint autant que la mort de toucher à un seul des cheveux de ces grands juifs qu’ils exécraient. Envers les petits, ils se sentaient moins vérécondieux, et s’ils voyaient quelqu’un de ceux-là à terre, ils le trépignaient. C’est pourquoi la nation entière apprit avec un farouche contentement que le traître était un juif, mais petit. On pouvait se venger sur lui de tout Israël, sans craindre de compromettre le crédit public.

    Que Pyrot eût volé les quatre-vingt mille bottes de foin, personne autant dire n’hésita un moment à le croire. On ne douta point, parce que l’ignorance où l’on était de cette affaire ne permettait pas le doute qui a besoin de motifs, car on ne doute pas sans raisons comme on croit sans raisons. On ne douta point parce que la chose était partout répétée et qu'à l’endroit du public répéter c’est prouver. On ne douta point parce qu’on désirait que Pyrot fût coupable et qu’on croit ce qu’on désire, et parce qu’enfin la faculté de douter est rare parmi les hommes; un très petit nombre d’esprits en portent en eux les germes, qui ne se développent pas sans culture. Elle est singulière, exquise, philosophique, immorale, transcendante, monstrueuse, pleine de malignité, dommageable aux personnes et aux biens, contraire à la police des États et à la prospérité des empires, funeste à l’humanité, destructive des dieux, en horreur au ciel et à la terre. La foule des Pingouins ignorait le doute: elle eut foi dans la culpabilité de Pyrot, et cette foi devint aussitôt un des principaux articles de ses croyances nationales et une des vérités essentielles de son symbole patriotique.

    Pyrot fut jugé secrètement et condamné.

    Le général Panther alla aussitôt informer le ministre de la guerre de l’issue du procès.

    —Par bonheur, dit-il, les juges avaient une certitude, car il n’y avait pas de preuves.

    —Des preuves, murmura Greatauk, des preuves, qu’est-ce que cela prouve?

    Il n’y a qu’une preuve certaine, irréfragable: les aveux du coupable.

    Pyrot a-t-il avoué?

    —Non, mon général.

    —Il avouera: il le doit. Panther, il faut l’y résoudre; dites-lui que c’est son intérêt. Promettez-lui que, s’il avoue, il obtiendra des faveurs, une réduction de peine, sa grâce; promettez-lui que, s’il avoue, on reconnaîtra son innocence; on le décorera. Faites appel à ses bons sentiments. Qu’il avoue par patriotisme, pour le drapeau, par ordre, par respect de la hiérarchie, sur commandement spécial du ministre de la guerre, militairement…. Mais dites-moi, Panther, est-ce qu’il n’a pas déjà avoué? Il y a des aveux tacites; le silence est un aveu.

    —Mais, mon général, il ne se tait pas; il crie comme un putois qu’il est innocent.

    —Panther, les aveux d’un coupable résultent parfois de la véhémence de ses dénégations. Nier désespérément c’est avouer. Pyrot a avoué; il nous faut des témoins de ses aveux, la justice l’exige.

    Il y avait dans la Pingouinie occidentale un port de mer nommé La Crique, formé de trois petites anses, autrefois fréquentées des navires, maintenant ensablées et désertes; des lagunes recouvertes de moisissures s'étendaient tout le long des côtes basses, exhalant une odeur empestée, et la fièvre planait sur le sommeil des eaux. Là, s'élevait au bord de la mer une haute tour carrée, semblable à l’ancien Campanile de Venise, au flanc de laquelle, près du laîte, au bout d’une chaîne attachée à une poutre transversale, pendait une cage à claire voie dans laquelle, au temps des Draconides, les inquisiteurs d’Alca mettaient les clercs hérétiques. Dans cette cage, vide depuis trois cents ans, Pyrot fut enfermé, sous la garde de soixante argousins qui, logés dans la tour, ne le perdaient de vue ni jour ni nuit, épiant ses aveux, pour en faire, à tour de rôle, un rapport au ministre de la guerre, car, scrupuleux et prudent, Greatauk voulait des aveux et des suraveux. Greatauk, qui passait pour un imbécile, était, en réalité, plein de sagesse et d’une rare prévoyance.

    Cependant Pyrot, brûlé du soleil, dévoré de moustiques, trempé de pluie, de grêle et de neige, glacé de froid, secoué furieusement par la tempête, obsédé par les croassements sinistres des corbeaux perchés sur sa cage, écrivait son innocence sur des morceaux de sa chemise avec un cure-dents trempé de sang. Ces chiffons se perdaient dans la mer ou tombaient aux mains des geôliers. Quelques-uns pourtant furent mis sous les yeux du public. Mais les protestations de Pyrot ne touchaient personne, puisqu’on avait publié ses aveux.

    Les moeurs des petits juifs n'étaient pas toujours pures; le plus souvent, ils ne se refusaient à aucun des vices de la civilisation chrétienne, mais ils gardaient de l'âge patriarcal la reconnaissance des liens de famille et l’attachement aux intérêts de la tribu. Les frères, demi-frères, oncles, grands-oncles, cousins et petits-cousins, neveux et petits-neveux, agnats et cognats de Pyrot, au nombre de sept cents, d’abord accablés du coup qui frappait un des leurs, s’enfermèrent dans leurs maisons, se couvrirent de cendre et, bénissant la main qui les châtiait, durant quarante jours gardèrent un jeûne austère. Puis ils prirent un bain et résolurent de poursuivre, sans repos, au prix de toutes les fatigues, à travers tous les dangers, la démonstration d’une innocence dont ils ne doutaient pas. Et comment en eussent-ils douté? L’innocence de Pyrot leur était révélée comme était révélé son crime à la Pingouinie chrétienne; car ces choses, étant cachées, revêtaient un caractère mystique et prenaient l’autorité des vérités religieuses. Les sept cents pyrots se mirent à l’oeuvre avec autant de zèle que de prudence et firent secrètement des recherches approfondies. Ils étaient partout; on ne les voyait nulle part; on eût dit que, comme le pilote d’Ulysse, ils cheminaient librement sous terre. Ils pénétrèrent dans les bureaux de la guerre, approchèrent, sous des déguisements, les juges, les greffiers, les témoins de l’affaire. C’est alors que parut la sagesse de Greatauk: les témoins ne savaient rien, les juges, les greffiers ne savaient rien. Des émissaires parvinrent jusqu'à Pyrot et l’interrogèrent anxieusement dans sa cage, aux longs bruits de la mer et sous les croassements rauques des corbeaux. Ce fut en vain: le condamné ne savait rien. Les sept cents pyrots ne pouvaient détruire les preuves de l’accusation, parce qu’ils ne pouvaient les connaître et ils ne pouvaient les connaître parce qu’il n’y en avait pas. La culpabilité de Pyrot était indestructible par son néant même. Et c’est avec un légitime orgueil que Greatauk, s’exprimant en véritable artiste, dit un jour au général Panther: «Ce procès est un chef-d’oeuvre: il est fait de rien». Les sept cents pyrots désespéraient d'éclaircir jamais cette ténébreuse affaire quand tout à coup ils découvrirent, par une lettre volée, que les quatre-vingt mille bottes de foin n’avaient jamais existé, qu’un gentilhomme des plus distingués, le comte de Maubec, les avait vendues à l'État, qu’il en avait reçu le prix, mais qu’il ne les avait jamais livrées, attendu que, issu des plus riches propriétaires fonciers de l’ancienne Pingouinie, héritier des Maubec de la Dentdulynx, jadis possesseurs de quatre duchés, de soixante comtés, de six cent douze marquisats, baronnies et vidamies, il ne possédait pas de terres la largeur de la main et qu’il aurait été bien incapable de couper seulement une fauchée de fourrage sur ses domaines. Quant à se faire livrer un fétu d’un propriétaire ou de quelque marchand, c’est ce qui lui eût été tout à fait impossible, car tout le monde, excepté les ministres de l'État et les fonctionnaires du gouvernement, savait qu’il était plus facile de tirer de l’huile d’un caillou qu’un centime de Maubec.

    Les sept cents pyrots ayant procédé à une enquête minutieuse sur les ressources financières du comte de Maubec de la Dentdulynx, constatèrent que ce gentilhomme tenait ses principales ressources d’une maison où des dames généreuses donnaient à tout venant deux jambons pour une andouille. Ils le dénoncèrent publiquement comme coupable du vol des quatre-vingt mille bottes de foin pour lequel un innocent avait été condamné et mis en cage.

    Maubec était d’une illustre famille, alliée aux Draconides. Il n’y a rien que les démocraties estiment plus que la noblesse de naissance. Maubec avait servi dans l’armée pingouine et les Pingouins, depuis qu’ils étaient tous soldats, aimaient leur armée jusqu'à l’idolâtrie. Maubec avait, sur les champs de bataille, reçu la croix, qui est le signe de l’honneur chez les Pingouins, et qu’ils préfèrent même au lit de leurs épouses. Toute la Pingouinie se déclara pour Maubec et la voix du peuple, qui commençait à gronder, réclama des châtiments sévères contre les septs cents pyrots calomniateurs.

    Maubec était gentilhomme: il défia les sept cents pyrots à l'épée, au sabre, au pistolet, à la carabine, au bâton.

    «Sales youpins, leur écrivit-il dans une lettre fameuse, vous avez crucifié mon Dieu et vous voulez ma peau; je vous préviens que je ne serai pas aussi couillon que lui et que je vous couperai les quatorze cents oreilles. Recevez mon pied dans vos sept cents derrières.»

    Le chef du gouvernement était alors un villageois nommé Robin Mielleux, homme doux aux riches et aux puissants et dur aux pauvres gens, de petit courage et ne connaissant que son intérêt. Par une déclaration publique, il se porta garant de l’innocence et de l’honneur de Maubec et déféra les sept cents pyrots aux tribunaux correctionnels, qui les condamnèrent, comme diffamateurs, à des peines afflictives, à d'énormes amendes et à tous les dommages et intérêts que réclamait leur innocente victime.

    Il semblait que Pyrot dût rester à jamais enfermé dans sa cage où se perchaient les corbeaux. Cependant tous les Pingouins voulant savoir et prouver que ce juif était coupable, les preuves qu’on en donnait n'étaient pas toutes bonnes et il y en avait de contradictoires. Les officiers de l'état-major montraient du zèle et certains manquaient de prudence. Tandis que Greatauk gardait un admirable silence, le général Panther se répandait en intarissables discours et démontrait tous les matins, dans les journaux, la culpabilité du condamné. Il aurait peut- être mieux fait de n’en rien dire: elle était évidente; l'évidence ne se démontre pas. Tant de raisonnements troublaient les esprits; la foi, toujours vive, devenait moins sereine. Plus on apportait de preuves à la foule, plus elle en demandait.

    Toutefois le danger de trop prouver n’eût pas été grand s’il ne s'était trouvé en Pingouinie, comme il s’en trouve partout ailleurs, des esprits formés au libre examen, capables d'étudier une question difficile, et enclins au doute philosophique. Il y en avait peu; ils n'étaient pas tous disposés à parler; le public n'était nullement préparé à les entendre. Pourtant ils ne devaient pas rencontrer que des sourds. Les grands juifs, tous les milliardaires israélites d’Alca, quand on leur parlait de Pyrot, disaient: «Nous ne connaissons point cet homme»; mais ils songeaient à le sauver. Ils gardaient la prudence où les attachait leur fortune et souhaitaient que d’autres fussent moins timides. Leur souhait devait s’accomplir.

    Quelques semaines après la condamnation des sept cents pyrots, un petit homme myope, renfrogné, tout en poil, sortit un matin de sa maison avec un pot de colle, une échelle et un paquet d’affiches et s’en alla par les rues collant sur les murs des placards où se lisait en gros caractères: Pyrot est innocent, Maubec est coupable. Son état n'était pas de coller des affiches; il s’appelait Colomban; auteur de cent soixante volumes de sociologie pingouine, il comptait parmi les plus laborieux et les plus estimés des écrivains d’Alca. Après y avoir suffisamment réfléchi, ne doutant plus de l’innocence de Pyrot, il la publiait de la manière qu’il jugeait la plus éclatante. Il posa sans encombre quelques affiches dans les rues peu fréquentées; mais arrivé aux quartiers populeux, chaque fois qu’il montait sur son échelle, les curieux amassés sous lui, muets de surprise et d’indignation, lui jetaient des regards menaçants qu’il supportait avec le calme que donnent le courage et la myopie. Tandis que sur ses talons les concierges et tes boutiquiers arrachaient ses affiches, il allait traînant son attirail et suivi par les petits garçons qui, leur panier sous le bras et leur gibecière sur le dos, n'étaient pas pressés d’arriver à l'école: et il placardait studieusement. Aux indignations muettes se joignaient maintenant contre lui les protestations et les murmures. Mais Colomban ne daignait rien voir ni rien entendre. Comme il apposait, à l’entrée de la rue Sainte-Orberose, un de ses carrés de papier portant imprimé: Pyrot est innocent, Maubec est coupable, la foule ameutée donna les signes de la plus violente colère. «Traître, voleur, scélérat, canaille», lui criait-on; une ménagère, ouvrant sa fenêtre, lui versa une boîte d’ordures sur la tête, un cocher de fiacre lui fit sauter d’un coup de fouet son chapeau de l’autre côté de la rue, aux acclamations de la foule vengée; un garçon boucher le fit tomber avec sa colle, son pinceau et ses affiches, du haut de son échelle dans le ruisseau et les Pingouins enorgueillis sentirent alors la grandeur de leur patrie. Colomban se releva luisant d’immondices, estropié du coude et du pied, tranquille et résolu.

    —Viles brutes, murmura-t-il en haussant les épaules.

    Puis il se mit à quatre pattes dans le ruisseau pour y chercher son lorgnon qu’il avait perdu dans sa chute. Il apparut alors que son habit était fendu depuis le col jusqu’aux basques et son pantalon foncièrement disloqué. L’animosité delà foule à son égard s’en accrut.

    De l’autre côté de la rue s'étendait la grande épicerie Sainte-Orberose. Des patriotes saisirent à la devanture tout ce qu’ils trouvaient sous la main, et le jetèrent sur Colomban, oranges, citrons, pots de confitures, tablettes de chocolat, bouteilles de liqueurs, boîtes de sardines, terrines de foie gras, jambons, volailles, stagnons d’huile et sacs de haricots. Couvert de débris alimentaires, contus et déchiré, boiteux, aveugle, il prit la fuite suivi de garçons de boutique, de mitrons, de rôdeurs, de bourgeois, de polissons dont le nombre grossissait de minute en minute et qui hurlaient «À l’eau! à mort le traître! à l’eau!» Ce torrent de vulgaire humanité roula tout le long des boulevards et s’engouffra dans la rue Saint-Maël. La police faisait son devoir; de toutes les voies adjacentes débouchaient des agents qui, la main gauche sur le fourreau de leur sabre, prenaient au pas de course la tête des poursuivants. Ils allongeaient déjà des mains énormes sur Colomban, quand il leur échappa soudain en tombant, par un regard ouvert, au fond d’un égout.

    Il y passa la nuit, assis dans les ténèbres, au bord des eaux fangeuses, parmi les rats humides et gras. Il songeait à sa tâche; son coeur agrandi s’emplissait de courage et de pitié. Et quand l’aube mit un pâle rayon au bord du soupirail, il se leva et dit, se parlant à lui-même:

    —Je discerne que la lutte sera rude.

    Incontinent, il composa un mémoire où il exposait clairement que Pyrot n’avait pu voler au ministère de la guerre quatre-vingt mille bottes de foin qui n’y étaient jamais entrées, puisque Maubec ne les avait jamais fournies, bien qu’il en eût touché le prix. Colomban fit distribuer ce factum par les rues d’Alca. Le peuple refusait de le lire et le déchirait avec colère. Les boutiquiers montraient le poing aux distributeurs qui décampaient, poursuivis, le balai dans les reins, par des furies ménagères. Les têtes s'échauffèrent et l’effervescence dura toute la journée. Le soir, des bandes d’hommes farouches et déguenillés parcouraient les rues en hurlant: «Mort à Colomban!» Des patriotes arrachaient aux camelots des paquets entiers du factum, qu’ils brûlaient sur les places publiques, et ils dansaient autour de ces feux de joie des rondes éperdues avec des filles troussées jusqu’au ventre.

    Les plus ardents allèrent casser les carreaux de la maison où Colomban vivait depuis quarante ans de son travail dans la douceur d’une paix profonde.

    Les Chambres s'émurent et demandèrent au chef du gouvernement quelles mesures il comptait prendre pour réprimer les odieux attentats commis par Colomban contre l’honneur de l’armée nationale et la sûreté de la Pingouinie. Robin Mielleux flétrit l’audace impie de Colomban et annonça, aux applaudissements des législateurs, que cet homme serait traduit devant les tribunaux pour y répondre de son infâme libelle.

    Le ministre de la guerre, appelé à la tribune, y parut transfiguré. Il n’avait plus l’air, comme autrefois, d’une oie sacrée des citadelles pingouines; maintenant hérissé, le cou tendu, le bec en croc, il semblait le vautour symbolique attaché au foie des ennemis de la patrie.

    Dans le silence auguste de l’assemblée, il prononça ces seuls mots:

    —Je jure que Pyrot est un scélérat.

    Cette parole de Greatauk, répandue dans toute la Pingouinie, soulagea la conscience publique.

    Colomban portait avec surprise et douceur le poids de la réprobation générale; il ne pouvait sortir de chez lui sans être lapidé; aussi ne sortait-il point; il écrivait dans son cabinet, avec un entêtement magnifique, de nouveaux mémoires en faveur de l’encagé innocent. Cependant parmi le peu de lecteurs qu’il trouva, quelques-uns, une douzaine, furent frappés de ses raisons et commencèrent à douter de la culpabilité de Pyrot. Ils s’en ouvrirent à leurs proches, s’efforcèrent de répandre autour d’eux la lumière qui naissait dans leur esprit. L’un d’eux était un ami de Robin Mielleux à qui il confia ses perplexités et qui dès lors refusa de le recevoir. Un autre demanda, par lettre ouverte, des explications au ministre de la guerre; un troisième publia un pamphlet terrible: celui-là, Kerdanic, était le plus redouté des polémistes. Le public en demeura stupide. On disait que ces défenseurs du traître étaient soudoyés par les grands juifs; on les flétrit du nom de pyrotins et les patriotes jurèrent de les exterminer. Il n’y avait que mille ou douze cents pyrotins dans la vaste république; on croyait en voir partout; on craignait d’en trouver dans les promenades, dans les assemblées, dans les réunions, dans les salons mondains, à la table de famille, dans le lit conjugal. La moitié de la population était suspecte à l’autre moitié. La discorde mit le feu dans Alca.

    Or, le père Agaric, qui dirigeait une grande école de jeunes nobles, suivait les événements avec une anxieuse attention. Les malheurs de l'Église pingouine ne l’avaient point abattu; il restait fidèle au prince Crucho et conservait l’espoir de rétablir sur le trône de Pingouinie l’héritier des Draconides. Il lui parut que les événements qui s’accomplissaient ou se préparaient dans le pays, l'état d’esprit dont ils seraient en même temps l’effet et la cause, et les troubles, leur résultat nécessaire, pourraient, dirigés, conduits, tournés et détournés avec la sagesse profonde d’un religieux, ébranler la république et disposer les Pingouins à restaurer le prince Crucho dont la piété promettait des consolations aux fidèles. Coiffé de son vaste chapeau noir, dont les bords étaient pareils aux ailes de la Nuit, il s’achemina par le bois des Conils vers l’usine où son vénérable ami, le père Cornemuse, distillait la liqueur hygiénique de Sainte-Orberose. L’industrie du bon moine, si cruellement frappée au temps de l'émiral Chatillon, se relevait de ses ruines. On entendait les trains de marchandises rouler à travers les bois et l’on voyait sous les hangars des centaines d’orphelins bleus envelopper des bouteilles et clouer des caisses.

    Agaric trouva le vénérable Cornemuse devant ses fourneaux, au milieu des cornues. Les prunelles glissantes du vieillard avaient retrouvé l'éclat du rubis; le poli de son crâne était redevenu suave et précieux.

    Agaric félicita d’abord le pieux distillateur de l’activité qui renaissait dans ses laboratoires et dans ses ateliers.

    —Les affaires reprennent. J’en rends grâces à Dieu, répondit le vieillard des Conis. Hélas! elles étaient bien tombées, frère Agaric, Vous avez vu la désolation de cet établissement. Je n’en dis pas davantage.

    Agaric détourna la tête.

    —La liqueur de Sainte-Orberose, poursuivit Cornemuse, triomphe de nouveau. Mon industrie n’en demeure pas moins incertaine et précaire. Les lois de ruine et de désolation qui l’ont frappée ne sont point abrogées: elles ne sont que suspendues….

    Et le religieux, des Conils leva vers le cîel ses prunelles de rubis.

    Agaric lui mit la main sur l'épaule:

    —Quel spectacle, Cornemuse, nous offre la malheureuse Pingouinie! Partout la désobéissance, l’indépendance, la liberté! Nous voyons se lever les orgueilleux, les superbes, les hommes de révolte. Après avoir bravé les lois divines, ils se dressent contre les lois humaines, tant il est vrai que, pour être un bon citoyen, il faut être un bon chrétien. Colomban tâche à imiter Satan. De nombreux criminels suivent son funeste exemple; ils veulent, dans leur rage, briser tous les freins, rompre tous les jougs, s’affranchir des liens les plus sacrés, échapper aux contraintes les plus salutaires. Ils frappent leur patrie pour s’en faire obéir. Mais ils succomberont sous l’animadversion, la vitupération, l’indignation, la fureur, l’exécration et l’abomination publiques. Voilà l’abîme où les a conduits l’athéisme, la libre pensée, le libre examen, la prétention monstrueuse de juger par eux-mêmes, d’avoir une opinion propre.

    —Sans doute, sans doute, répliqua le père Cornemuse en secouant la tête; mais-je vous avoue que le soin de distiller des simples m’a détourné de suivre les affaires publiques. Je sais seulement qu’on parle beaucoup d’un certain Pyrot. Les uns soutiennent qu’il est coupable, les autres affirment qu’il est innocent, et je ne saisis pas bien les motifs qui poussent les uns et les autres à s’occuper d’une affaire qui ne les regarde pas.

    Le pieux Agaric demanda vivement:

    —Vous ne doutez pas du crime de Pyrot?

    —Je n’en puis douter, très cher Agaric, répondit le religieux des Conils; ce serait contraire aux lois de mon pays, qu’il faut respecter tant qu’elles ne sont pas en opposition avec les lois divines. Pyrot est coupable puisqu’il est condamné. Quant à en dire davantage pour ou contre sa culpabilité, ce serait substituer mon autorité à celle des juges, et je me garderai bien de le faire. C’est d’ailleurs inutile, puisque Pyrot est condamné. S’il n’est pas condamné parce qu’il est coupable, il est coupable parce qu’il est condamné; cela revient au même. Je crois à sa culpabilité comme tout bon citoyen doit y croire; et j’y croirai tant que la justice établie m’ordonnera d’y croire, car il n’appartient pas à un particulier, mais au juge, de proclamer l’innocence d’un condamné. La justice humaine est respectable jusque dans les erreurs inhérentes à sa nature faillible et bornée. Ces erreurs ne sont jamais irréparables; si les juges ne les réparent pas sur la terre, Dieu les réparera dans le ciel. D’ailleurs j’ai grande confiance en ce général Greatauk, qui me semble plus intelligent, sans en avoir l’air, que tous ceux qui l’attaquent.

    —Bien cher Cornemuse, s'écria le pieux Agaric, l’affaire Pyrot, poussée au point où nous saurons la conduire avec le secours de Dieu et les fonds nécessaires, produira les plus grands biens. Elle mettra à nu les vices de la république anti-chrétienne et disposera les Pingouins à restaurer le trône des Draconides et les prérogatives de l'Église. Mais il faut pour cela que le peuple voie ses lévites au premier rang de ses défenseurs. Marchons contre les ennemis de l’armée, contre les insulteurs des héros, et tout le monde nous suivra.

    —Tout le monde, ce sera trop, murmura en hochant la tête le religieux des Conils. Je vois que les Pingouins ont envie de se quereller. Si nous nous mêlons de leur querelle, ils se réconcilieront à nos dépens et nous payerons les frais de la guerre. C’est pourquoi, si vous m’en croyez, très cher Agaric, vous n’engagerez pas l'Église dans cette aventure.

    —Vous connaissez mon énergie; vous connaîtrez ma prudence. Je ne compromettrai rien…. Bien cher Cornemuse, je ne veux tenir que de vous les fonds nécessaires à notre entrée en campagne.

    Longtemps Cornemuse refusa de faire les frais d’une entreprise qu’il jugeait funeste. Agaric fut tour à tour pathétique et terrible. Enfin, cédant aux prières, aux menaces, Cornemuse, à pas traînants et la tête penchée, gagna son austère cellule où tout décelait la pauvreté évangélique. Au mur blanchi à la chaux, sous un rameau de buis bénit, un coffre-fort était scellé. Il l’ouvrit en soupirant et en tira une petite liasse de valeurs que, d’un bras raccourci et d’une main hésitante, il tendit au pieux Agaric.

    —N’en doutez pas, très cher Cornemuse, dit celui-ci, en plongeant les papiers dans la poche de sa douillette, cette affaire Pyrot nous a été envoyée par Dieu pour la gloire et l’exaltation de l'Église de Pingouinie.

    —Puissiez-vous avoir raison! soupira le religieux des Conils.

    Et, resté seul dans son laboratoire, il contempla, de ses yeux exquis, avec une tristesse ineffable, ses fourneaux et ses cornues.

    Les sept cents pyrots inspiraient au public une aversion croissante. Chaque jour, dans les rues d’Alca, on en assommait deux ou trois; l’un d’eux fut fessé publiquement, um autre jeté dans la rivière; un troisième, enduit de goudron, roulé dans des plumes et promené sur les boulevards à travers une foule hilare; un quatrième eut le nez coupé par un capitaine de dragons. Ils n’osaient plus se montrer à leur cercle, au tennis, aux courses; ils se dissimulaient pour aller à la Bourse. Dans ces circonstances il parut urgent au prince des Boscénos de refréner leur audace et de réprimer leur insolence. S'étant, à cet effet, réuni au comte Cléna, à M. de la Trumelle, au vicomte Olive, à M. Bigourd, il fonda avec eux la grande association des antipyrots à laquelle les citoyens par centaines de mille, les soldats par compagnies, par régiments, par brigades, par divisions, par corps d’armée, les villes, les districts, les provinces, apportèrent leur adhésion.

    Environ ce temps, le ministre de la guerre, se rendant auprès de son chef d'état-major, vit avec surprise que la vaste pièce où travaillait le général Panther, naguère encore toute nue, portait maintenant sur chaque face, depuis le plancher jusqu’au plafond, en de profonds casiers, un triple et quadruple rang de dossiers de tout format et de toutes couleurs, archives soudaines et monstrueuses, ayant atteint en quelques jours la croissance des chartriers séculaires.

    —Qu’est-ce que cela? demanda le ministre étonné

    —Des preuves contre Pyrot, répondit avec une patriotique satisfaction le général Panther. Nous n’en possédions pas quand nous l’avons condamné: nous nous sommes bien rattrapés depuis.

    La porte était ouverte; Greatank vit déboucher du palier une longue file de portefaix, qui venaient décharger dans la salle leurs crochets lourds de papiers, et il aperçut l’ascenseur qui s'élevait en gémissant, ralenti par le poids des dossiers.

    —Qu’est-ce que cela encore? fit-il.

    —Ce sont de nouvelles preuves contre Pyrot, qui nous arrivent, dit Panther. J’en ai demandé dans tous les cantons de Pingouinie, dans tous les états-majors et dans toutes les cours d’Europe; j’en ai commandé dans toutes les villes d’Amérique et d’Australie et dans toutes les factoreries d’Afrique; j’en attends des ballots de Brême et une cargaison de Melbourne.

    Et Panther tourna vers le ministre le regard tranquille et radieux d’un héros. Cependant Greatauk, son carreau sur l’oeil, regardait ce formidable amas de papiers avec moins de satisfaction que d’inquiétude:

    —C’est fort bien, dit-il, c’est fort bien! Mais je crains qu’on n'ôte à l’affaire Pyrot sa belle simplicité. Elle était limpide; ainsi que le cristal de roche, son prix était dans sa transparence. On y eût vainement cherché à la loupe une paille, une faille, une tache, le moindre défaut. Au sortir de mes mains, elle était pure comme le jour; elle était le jour même. Je vous donne une perle et vous en faites une montagne. Pour tout vous dire, je crains qu’en voulant trop bien faire, vous n’ayez fait moins bien. Des preuves! sans doute il est bon d’avoir des preuves, mais il est peut-être meilleur de n’en avoir pas. Je vous l’ai déjà dit, Panther: il n’y a qu’une preuve irréfutable, les aveux du coupable (ou de l’innocent, peu importe!). Telle que je l’avais établie l’affaire Pyrot ne prêtait pas à la critique; il n’y avait pas un endroit par où on pût l’atteindre. Elle défiait les coups; elle était invulnérable parce qu’elle était invisible. Maintenant elle donne une prise énorme à la discussion. Je vous conseille, Panther, de vous servir de vos dossiers avec réserve. Je vous serai surtout reconnaissant de modérer vos communications aux journalistes. Vous parlez bien, mais vous parlez trop. Dites moi, Panther, parmi ces pièces, en est-il de fausses?

    Panther sourit:

    —Il y en a d’appropriées.

    —C’est ce que je voulais dire. Il y en a d’appropriées, tant mieux! Ce sont les bonnes. Comme preuves, les pièces fausses, en général, valent mieux que les vraies, d’abord parce qu’elles ont été faites exprès, pour les besoins de la cause, sur commande et sur mesure, et qu’elles sont enfin exactes et justes. Elles sont préférables aussi parce qu’elles transportent les esprits dans un monde idéal et les détournent de la réalité qui, en ce monde, hélas! n’est jamais sans mélange…. Toutefois, j’aimerais peut-être mieux, Panther, que nous n’eussions pas de preuves du tout.

    Le premier acte de l’association des antipyrots fut d’inviter le gouvernement à traduire immédiatement devant une haute cour de justice, comme coupables de haute trahison, les sept cents pyrots et leurs complices. Le prince des Boscénos, chargé de porter la parole au nom de l’Association, se présenta devant le conseil assemblé pour le recevoir et exprima le voeu que la vigilance et la fermeté du gouvernement s'élevassent à la hauteur des circonstances. Il serra la main à chacun des ministres et, passant devant le général Greatauk, il lui souffla à l’oreille:

    —Marche droit, crapule, ou je publie le dossier Maloury!

    Quelques jours après, par un vote unanime des Chambres, émis sur un projet favorable du gouvernement, l’association des antipyrots fut reconnue d’utilité publique.

    Aussitôt, l’association envoya en Marsouinie, au château de Chitterlings, où Grucho mangeait le pain amer de l’exil, une délégation chargée d’assurer le prince de l’amour et du dévouement des ligueurs antipyrots.

    Cependant les pyrotins croissaient en nombre; on en comptait maintenant dix mille. Ils avaient, sur les boulevards, leurs cafés attitrés. Les patriotes avaient les leurs, plus riches et plus vastes; tous les soirs d’une terrasse à l’autre jaillissaient les bocks, les soucoupes, les porte-allumettes, les carafes, les chaises et les tables; les glaces volaient en éclats; l’ombre, en confondant les coups, corrigeait l’inégalité du nombre et les brigades noires terminaient la lutte en foulant indifféremment les combattants des deux parties sous leurs semelles aux clous acérés.

    Une de ces nuits glorieuses, comme le prince des Boscénos sortait, on compagnie de quelques patriotes, d’un cabaret à la mode, M. de la Trumelle, lui désignant un petit houmme à binocle, barbu, sans chapeau, n’ayant qu’une manche à son habit, et qui se traînait péniblement sur le trottoir jonché de débris:

    —Tenez! fit-il, voici Colomban!

    Avec la force, le prince avait la douceur; il était plein de mansuétude; mais au nom de Colomban son sang ne fit qu’un tour. Il bondit sur le petit homme à binocle et le renversa d’un coup de poing dans le nez.

    de la Trumelle s’aperçut alors, que, trompé par une ressemblance imméritée, il avait pris pour Colomban M. Bazile, ancien avoué, secrétaire de l’association des antipyrots, patriote ardent et généreux. Le prince des Boscénos était de ces âmes antiques, qui ne plient jamais; pourtant il savait reconnaître ses torts.

    —Monsieur Bazile, dit-il en soulevant son chapeau, si je vous ai effleuré le visage, vous m’excuserez et vous me comprendrez, vous m’approuverez, que dis-je, vous me complimenterez, vous me congratulerez et me féliciterez quand vous saurez la cause de cet acte. Je vous prenais pour Colomban.

    Bazile, tamponnant avec son mouchoir ses narines jaillissantes et soulevant un coude tout éclatant de sa manche absente:

    —Non, monsieur, répondit-il sèchement, je ne vous féliciterai pas, je ne vous congratulerai pas, je ne vous complimenterai pas, je ne vous approuverai pas, car votre action était pour le moins superflue; elle était, dirai-je, surérogatoire. On m’avait, ce soir, déjà pris trois fois pour Colomban et traité suffisamment comme il le mérite. Les patriotes lui avaient sur moi défoncé les côtes et cassé les reins, et j’estimais, monsieur, que c'était assez.

    À peine avait-il achevé ce discours que les pyrotins apparurent en bande, et trompés, à leur tour, par cette ressemblance insidieuse, crurent que des patriotes assommaient Colomban. Ils tombèrent à coups de canne plombée et de nerfs de boeufs sur le prince des Boscénos et ses compagnons, qu’il laissèrent pour morts sur la place, et, s’emparant de l’avoué Bazile, le portèrent en triomphe, malgré ses protestations indignées, aux cris de «Vive Colomban! vive Pyrot!» le long des boulevards, jusqu'à ce que la brigade noire, lancée à leur poursuite, les eût assaillis, terrassés, traînés indignement au poste, où l’avoué Bazile fut, sous le nom de Colomban, trépigné par des semelles épaisses, aux clous sans nombre.

    LES SOCIALISTES

    Or, tandis qu’un vent de colère et de haine soufflait dans Alca, Eugène Bidault-Coquille, le plus pauvre et le plus heureux des astronomes, installé sur une vieille pompe à feu du temps des Draconides, observait le ciel à travers une mauvaise lunette et enregistrait photographiquement sur des plaques avariées les passages d'étoiles filantes. Son génie corrigeait les erreurs des instruments et son amour de la science triomphait de la dépravation des appareils. Il observait avec une inextinguible ardeur aérolithes, météorites et bolides, tous les débris ardents, toutes les poussières enflammées qui traversent d’une vitesse prodigieuse l’atmosphère terrestre, et recueillait, pour prix de ses veilles studieuses, l’indifférence du public, l’ingratitude de l'État et l’animadversion des corps savants. Abîmé dans les espaces célestes, il ignorait les accidents advenus à la surface de la terre; il ne lisait jamais les journaux et tandis qu’il marchait par la ville, l’esprit occupé des astéroïdes de novembre, il se trouva plus d’une fois dans le bassin d’un jardin public ou sous les roues d’un autobus.

    Très haut de taille et de pensée, il avait un respect de lui-même et d’autrui qui se manifestait par une froide politesse ainsi que par une redingote noire très mince et un chapeau de haute forme, dont sa personne se montrait émaciée et sublimée. Il prenait ses repas dans un petit restaurant déserté par tous les clients moins spiritualistes que lui, où seule désormais sa serviette reposait, ceinte de son coulant de buis, au casier désolé. En cette gargotte, un soir, le mémoire de Colomban en faveur de Pyrot lui tomba sous les yeux; il le lut en cassant des noisettes creuses, et tout à coup, exalté d'étonnement d’admiration, d’horreur et de pitié, il oublia les chutes de météores et les pluies d'étoiles et ne vit plus que l’innocent balancé par les vents dans sa cage où perchaient les corbeaux.

    Cette image ne le quittait plus. Il était depuis huit jours sous l’obsession du condamné innocent quand, au sortir de sa gargotte, il vit une foule de citoyens s’engouffrer dans un bastringue où se tenait une réunion publique. Il entra; la réunion était contradictoire; on hurlait, on s’invectivait, on s’assommait dans la salle fumeuse. Les pyrots et les antipyrots parlaient, tour à tour acclamés et conspués. Un enthousiasme obscur et confus soulevait les assistants. Avec l’audace des hommes timides et solitaires, Bidault-Coquille bondit sur l’estrade et parla trois quarts d’heure. Il parla très vite, sans ordre, mais avec véhémence et dans toute la conviction d’un mathématicien mystique. Il fut acclamé. Quand il descendit de l’estrade, une grande femme sans âge, tout en rouge, portant à son immense chapeau des plumes héroïques, se jeta sur lui, à la fois ardente et solennelle, l’embrassa et lui dit:

    —Vous êtes beau!

    Il pensa dans sa simplicité qu’il devait y avoir à cela quelque chose de vrai.

    Elle lui déclara qu’elle ne vivait plus que pour la défense de Pyrot et dans le culte de Colomban. Il la trouva sublime et la crut belle. C'était Maniflore, une vieille cocotte pauvre, oubliée, hors d’usage, et devenue tout à coup grande citoyenne.

    Elle ne le quitta plus. Ils vécurent ensemble des heures inimitables dans les caboulots et les garnis transfigurés, dans les bureaux de rédaction, dans les salles de réunions et de conférences. Comme il était idéaliste, il persistait à la croire adorable, bien qu’elle lui eût donné amplement l’occasion de s’apercevoir qu’elle ne conservait de charmes en nul endroit ni d’aucune manière. Elle gardait seulement de sa beauté passée la certitude de plaire et une hautaine assurance à réclamer les hommages. Pourtant, il faut le reconnaître, cette affaire Pyrot, féconde en prodiges, revêtait Maniflore d’une sorte de majesté civique et la transformait, dans les réunions populaires, en un symbole auguste de la justice et de la vérité.

    Chez aucun antipyrot, chez aucun défenseur de Greatauk, chez aucun ami du sabre, Bidault-Coquille et Maniflore n’inspiraient la moindre pointe d’ironie et de gaieté. Les dieux, dans leur colère, avaient refusé à ces hommes le don précieux du sourire. Ils accusaient gravement la courtisane et l’astronome d’espionnage, de trahison, de complot contre la patrie. Bidault-Coquille et Maniflore grandissaient à vue d’oeil sous l’injure, l’outrage et la calomnie.

    La Pingouinie était, depuis de longs mois, partagée en deux camps, et, ce qui peut paraître étrange au premier abord, les socialistes n’avaient pas encore pris parti. Leurs groupements comprenaient presque tout ce que le pays comptait de travailleurs manuels, force éparse, confuse, rompue, brisée, mais formidable. L’affaire Pyrot jeta les principaux chefs de groupes dans un singulier embarras: ils n’avaient pas plus envie de se mettre du côté des financiers que du côté des militaires. Ils regardaient les grands et les petits juifs comme des adversaires irréductibles. Leurs principes n'étaient point en jeu, leurs intérêts n'étaient point engagés dans cette affaire. Cependant, ils sentaient, pour la plupart, combien il devenait difficile de demeurer étranger à des luttes où la Pingouinie se jetait tout entière.

    Les principaux d’entre eux se réunirent au siège de leur fédération, rue de la Queue-du-diable-Saint Maël, pour aviser à la conduite qu’il leur conviendrait de tenir dans les conjonctures présentes et les éventualités futures.

    Le compagnon Phoenix prit le premier la parole:

    —Un crime, dit-il, le plus odieux et le plus lâche des crimes, un crime judiciaire a été commis. Des juges militaires, contraints ou trompés par leurs chefs hiérarchiques, ont condamné un innocent à une peine infamante et cruelle. Ne dites pas que la victime n’est pas des nôtres; qu’elle appartient à une caste qui nous fut et nous sera toujours ennemie. Notre parti est le parti de la justice sociale; il n’est pas d’iniquité qui lui soit indifférente.

    »Quelle honte pour nous si nous laissions un radical, Kerdanic, un bourgeois, Colomban, et quelques républicains modérés poursuivre seuls les crimes du sabre. Si la victime n’est pas des nôtres, ses bourreaux sont bien les bourreaux de nos frères et Greatauk, avant de frapper un militaire, a fait fusiller nos camarades grévistes.

    »Compagnons, par un grand effort intellectuel, moral et matériel, vous arracherez Pyrot au supplice; et, en accomplissant cet acte généreux, vous ne vous détournerez pas de la tâche libératrice et révolutionnaire que vous avez assumée, car Pyrot est devenu le symbole de l’opprimé et toutes les iniquités sociales se tiennent; en en détruisant une, on ébranle toutes les autres.

    Quand Phoenîx eut achevé, le compagnon Sapor parla en ces termes:

    —On vous conseille d’abandonner votre tâche pour accomplir une besogne qui ne vous concerne pas. Pourquoi vous jeter dans une mêlée où, de quelque côté que vous vous portiez, vous ne trouverez que des adversaires naturels, irréductibles, nécessaires? Les financiers ne vous sont-ils pas moins haïssables que les militaires? Quelle caisse allez- vous sauver: celle des Bilboquet de la Banque ou celle des Paillasse de la Revanche? Quelle inepte et criminelle générosité vous ferait voler au secours des sept cents pyrots que vous trouverez toujours en face de vous dans la guerre sociale?

    »On vous propose de faire la police chez vos ennemis et de rétablir parmi eux l’ordre que leurs crimes ont troublé. La magnanimité poussée à ce point change de nom.

    »Camarades, il y a un degré où l’infamie devient mortelle pour une société; la bourgeoisie pingouine étouffe dans son infamie, et l’on vous demande de la sauver, de rendre l’air respirable autour d’elle. C’est se moquer de vous.

    »Laissons-la crever, et regardons avec un dégoût plein de joie ses dernières convulsions, en regrettant seulement qu’elle ait si profondément corrompu le sol où elle a bâti, que nous n’y trouverons qu’une boue empoisonnée pour poser les fondements d’une société nouvelle.»

    Sapor ayant terminé son discours, le camarade Lapersonne prononça ce peu de mots:

    —Phoenix nous appelle au secours de Pyrot pour cette raison que Pyrot est innocent. Il me semble que c’est une bien mauvaise raison. Si Pyrot est innocent, il s’est conduit en bon militaire et il a toujours fait consciencieusement son métier, qui consiste principalement à tirer sur le peuple. Ce n’est pas un motif pour que le peuple prenne sa défense, en bravant tous les périls. Quand il me sera démontré que Pyrot est coupable et qu’il a volé le foin de l’armée, je marcherai pour lui.

    Le camarade Larrivée prit ensuite la parole:

    —Je ne suis pas de l’avis de mon ami Phoenix; je ne suis pas non plus de l’avis de mon ami Sapor; je ne crois pas que le parti doive embrasser une cause dès qu’on nous dit que cette cause est juste. Je crains qu’il n’y ait là un fâcheux abus de mots et une dangereuse équivoque. Car la justice sociale n’est pas la justice révolutionnaire. Elles sont toutes deux en antagonisme perpétuel: servir l’une, c’est combattre l’autre. Quant à moi, mon choix est fait: je suis pour la justice révolutionnaire contre la justice sociale. Et pourtant, dans le cas présent, je blâme l’abstention. Je dis que lorsque le sort favorable vous apporte une affaire comme celle-ci, il faudrait être des imbéciles pour ne pas en profiter.

    »Comment? l’occasion nous est offerte d’asséner au militarisme des coups terribles, peut-être mortels. Et vous voulez que je me croise les bras? Je vous en avertis, camarades; je ne suis pas un fakir; je ne serai jamais du parti des fakirs; s’il y a ici des fakirs, qu’ils ne comptent pas sur moi pour leur tenir compagnie. Se regarder le nombril est une politique sans résultats, que je ne ferai jamais.

    »Un parti comme le nôtre doit s’affirmer sans cesse; il doit prouver son existence par une action continue. Nous interviendrons dans l’affaire Pyrot; mais nous y interviendrons révolutionnairement; nous exercerons une action violente…. Croyez-vous donc que la violence soit un vieux procédé, une invention surannée, qu’il faille mettre au rancart avec les diligences, la presse à bras et le télégraphe aérien? Vous êtes dans l’erreur. Aujourd’hui comme hier, on n’obtient rien que par la violence; c’est l’instrument efficace; il faut seulement savoir s’en servir. Quelle sera notre action? Je vais vous le dire: ce sera d’exciter les classes dirigeantes les unes contre les autres, de mettre l’armée aux prises avec la finance, le gouvernement avec la magistrature, la noblesse et le clergé avec les juifs, de les pousser, s’il se peut, à s’entre-détruire; ce sera d’entretenir cette agitation qui affaiblit les gouvernements comme la fièvre épuise les malades.

    »L’affaire Pyrot, pour peu qu’on sache s’en servir, hâtera de dix ans la croissance du parti socialiste et l'émancipation du prolétariat par le désarmement, la grêve générale et la révolution.»

    Les chefs du parti ayant de la sorte exprimé chacun un avis différent, la discussion ne se prolongea pas sans vivacité; les orateurs, comme il arrive toujours en ce cas, reproduisirent les arguments qu’ils avaient déjà présentés et les exposèrent avec moins d’ordre et de mesure que la première fois. On disputa longtemps et personne ne changea d’avis. Mais ces avis, en dernière analyse, se réduisaient à deux, celui de Sapor et de Lapersonne qui conseillaient l’abstention, et celui de Phoenix et de Larrivée qui voulaient intervenir. Encore ces deux opinions contraires se confondaient-elles en une commune haine des chefs militaires et de leur justice et dans une commune croyance à l’innocence de Pyrot. L’opinion publique ne se trompa donc guère en considérant tous les chefs socialistes comme des pyrotins très pernicieux.

    Quant aux masses profondes au nom desquelles ils parlaient, et qu’ils représentaient autant que la parole peut représenter l’inexprimable, quant aux prolétaires enfin, dont il est difficile de connaître la pensée qui ne se connaît point elle-même, il semble que l’affaire Pyrot ne les intéressait pas. Elle était pour eux trop littéraire, d’un goût trop classique, avec un ton de haute bourgeoisie et de haute finance, qui ne leur plaisait guère.

    Quand s’ouvrit le procès Colomban, les pyrotins n'étaient pas beaucoup plus de trente mille; mais il y en avait partout, et il s’en trouvait même parmi les prêtres et les militaires. Ce qui leur nuisait le plus c'était la sympathie des grands juifs. Au contraire, ils devaient à leur faible nombre de précieux avantages et en premier lieu de compter parmi eux moins d’imbéciles que leurs adversaires qui en étaient surchargés. Ne comprenant qu’une infime minorité, ils se concertaient facilement, agissaient avec harmonie, n'étaient point tentés de se diviser et de contrarier leurs efforts; chacun d’eux sentait la nécessité de bien faire et se tenait d’autant mieux qu’il se trouvait plus en vue. Enfin tout leur permettait de croire qu’ils gagneraient de nouveaux adhérents, tandis que leurs adversaires, ayant réuni du premier coup les foules, ne pouvaient plus que décroître.

    Traduit devant ses juges, en audience publique, Colomban s’aperçut tout de suite que ses juges n'étaient pas curieux. Dès qu’il ouvrait la bouche, le président lui ordonnait de se taire, dans l’intérêt supérieur de l'État. Pour la même raison, qui est la raison suprême, les témoins à décharge ne furent point entendus. Le général Panther, chef d'état- major, parut à la barre, en grand uniforme et décoré de tous ses ordres. Il déposa en ces termes:

    —L’infâme Colomban prétend que nous n’avons pas de preuves contre Pyrot. Il en a menti: nous en avons; j’en garde dans mes archives sept cent trente-deux mètres carrés, qui, à cinq cents kilos chaque, font trois cent soixante-six mille kilos.

    Cet officier supérieur donna ensuite, avec élégance et facilité, un aperçu de ces preuves.

    —Il y en a de toutes couleurs et de toutes nuances, dit-il en substance; il y en a de tout format, pot, couronne, écu, raisin, colombier, grand aigle, etc. La plus petite a moins d’un millimètre carré; la plus grande mesure 70 mètres de long sur 0 m. 90 de large.

    À cette révélation l’auditoire frémit d’horreur.

    Greatauk vint déposer à son tour. Plus simple et, peut-être, plus grand, il portait un vieux veston gris, et tenait les mains jointes derrière le dos.

    —Je laisse, dit-il avec calme et d’une voix peu élevée, je laisse à monsieur Colomban la responsabilité d’un acte qui a mis notre pays à deux doigts de sa perte. L’affaire Pyrot est secrète; elle doit rester secrète. Si elle était divulguée, les maux les plus cruels, guerres, pillages, ravages, incendies, massacres, épidémies, fondraient immédiatement sur la Pingouinie. Je m’estimerais coupable de haute trahison si je prononçais un mot de plus.

    Quelques personnes connues pour leur expérience politique, entre autres M. Bigourd, jugèrent la déposition du ministre de la guerre plus habile et de plus de portée que celle de son chef d'état-major.

    Le témoignage du colonel de Boisjoli fit une grande impression:

    —Dans une soirée au ministère de la guerre, dit cet officier, l’attaché militaire d’une puissance voisine me confia que, ayant visité les écuries de son souverain, il avait admiré un foin souple et parfumé, d’une jolie teinte verte, le plus beau qu’il eût jamais vu! «D’où venait-il?» lui demandai-je. Il ne me répondit pas; mais l’origine ne m’en parut pas douteuse. C'était le foin volé par Pyrot. Ces qualités de verdeur, de souplesse et d’arôme sont celles de notre foin national. Le fourrage de la puissance voisine est gris, cassant; il sonne sous la fourche et sent la poussière. Chacun peut conclure.

    Le lieutenant-colonel Hastaing vint dire, à la barre, au milieu des huées, qu’il ne croyait pas Pyrot coupable. Aussitôt il fut appréhendé par la gendarmerie et jeté dans un cul de basse-fosse où, nourri de vipères, de crapauds et de verre pilé, il demeura insensible aux promesses comme aux menaces.

    L’huissier appela:

    —Le comte Pierre Maubec de la Dentdulynx.

    Il se fit un grand silence et l’on vit s’avancer vers la barre un gentihomme magnifique et dépenaillé, dont les moustaches menaçaient le ciel et dont les prunelles fauves jetaient des éclairs.

    Il s’approche de Colomban, et lui jetant un regard d’ineffable mépris:

    —Ma déposition, dit-il, la voici: Merde!

    À ces mots la salle entière éclata en applaudissements enthousiastes et bondit, soulevée par un de ces transports qui exaltent les coeurs et portent les âmes aux actions extraordinaires. Sans ajouter une parole, le comte Maubec de la Dentdulynx se retira.

    Quittant avec lui le prétoire, tous les assistants lui firent cortège. Prosternée à ses pieds, la princesse des Boscénos lui tenait les cuisses éperdument embrassées; il allait, impassible et sombre, sous une pluie de mouchoirs et de fleurs. La vicomtesse Olive, crispée à son cou, n’en put être détachée et le calme héros l’emporta flottante sur sa poitrine comme une écharpe légère.

    Quand l’audience qu’il avait dû suspendre fut reprise, le président appela les experts.

    L’illustre expert en écriture, Vermillard, exposa le résultat de ses recherches.

    —Ayant étudié attentivement, dit-il, les papiers saisis chez Pyrot, notamment ses livres de dépense et ses cahiers de blanchissage, j’ai reconnu que, sous une banale apparence, ils constituent un cryptogramme impénétrable dont j’ai pourtant trouvé la clé. L’infamie du traître s’y voit à chaque ligne. Dans ce système d'écriture ces mots «Trois books et vingt francs pour Adèle» signifient: «J’ai livré trente mille bottes de foin à une puissance voisine». D’après ces documents j’ai pu même établir la composition du foin livré par cet officier: En effet, les mots chemise, gilet, caleçon, mouchoirs de poche, faux-cols, apéritif, tabac, cigares, veulent dire trèfle, paturin, luzerne, pimprenelle, avoine, ivraie, flouve odorante et fléole des prés. Et ce sont là précisément les plantes aromatiques qui composaient le foin odorant fourni par le comte Maubec à la cavalerie pingouine. Ainsi Pyrot faisait mention de ses crimes dans un langage qu’il croyait à jamais indéchiffrable. On est confondu de tant d’astuce uni à tant d’inconscience.

    Colomban, reconnu coupable sans circonstances atténuantes, fut condamné au maximum de la peine. Les jurés signèrent aussitôt un recours en rigueur.

    Sur la place du Palais, au bord du fleuve dont les rives avaient vu douze siècles d’une grande histoire, cinquante mille personnes attendaient dans le tumulte l’issue du procès. Là s’agitaient les dignitaires de l’association des antipyrots, parmi lesquels on remarquait le prince des Boscénos, le comte Cléna, le vicomte Olive, M. de la Trumelle; là se pressaient le révérend père Agaric et les professeurs de l'école Saint-Maël avec tous leurs élèves; là, le moine Douillard et le généralissime Caraguel, en se tenant embrassés, formaient un groupe sublime, et l’on voyait accourir par le Pont-Vieux les dames de la halle et des lavoirs, avec des broches, des pelles, des pincettes, des battoirs et des chaudrons d’eau de Javel; devant les portes de bronze, sur les marches, était rassemblé tout ce qu’Alca comptait de défenseurs de Pyrot, professeurs, publicistes, ouvriers, les uns conservateurs, les autres radicaux ou révolutionnaires, et l’on reconnaissait, à leur tenue négligée et à leur aspect farouche, les camarades Phoenix, Larrivée, Lapersonne, Dagobert et Varambille.

    Serré dans sa redingote funèbre et coiffé de son chapeau cérémonieux, Bidault-Coquille invoquait en faveur de Colomban et du colonel Hastaing les mathématiques sentimentales. Sur la plus haute marche resplendissait, souriante et farouche, Maniflore, courtisane héroïque, jalouse de mériter, comme Léena un monument glorieux ou, comme Epicharis, les louanges de l’histoire.

    Les sept cents pyrots, déguisés en marchands de limonade, en camelots, en ramasseurs de mégots et en antipyrots, erraient autour du vaste édifice.

    Quand Colomban parut, une clameur telle s'éleva que, frappés par la commotion de l’air et de l’eau, les oiseaux en tombèrent des arbres et les poissons en remontèrent sur le ventre à la surface du fleuve. On hurlait de toutes parts:

    —À l’eau, Colomban! à l’eau! à l’eau!

    Quelques cris jaillissaient:

    —Justice et vérité!

    Une voix même fut entendue vociférant:

    —À bas l’armée!

    Ce fut le signal d’une effroyable mêlée. Les combattants tombaient par milliers et formaient de leurs corps entassés des tertres hurlants et mouvants sur lesquels de nouveaux lutteurs se prenaient à la gorge. Les femmes, ardentes, échevelées, pâles, les dents agacées et les ongles frénétiques, se ruaient sur l’homme avec des transports qui donnait à leur visage, au grand jour de la place publique, une expression délicieuse qu’on n’avait pu surprendre jusque-là que dans l’ombre des rideaux, au creux des oreillers. Elles vont saisir Colomban, le mordre, l'étrangler, l'écarteler, le déchirer et s’en disputer les lambeaux, lorsque Maniflore, grande, chaste dans sa tunique rouge, se dresse, sereine et terrible, devant ces furies qui reculent épouvantées. Colomban semblait sauvé; ses partisans étaient parvenus à lui frayer un chemin à travers la place du Palais et à l’introduire dans un fiacre aposté au coin du Pont-Vieux. Déjà le cheval filait au grand trot, mais le prince des Boscénos, le comte Cléna, M. de la Trumelle, jetèrent le cocher à bas de son siège; puis poussant l’animal à reculons et faisant marcher les grandes roues devant les petites acculèrent l’attelage au parapet du pont, d’où ils le firent basculer dans le fleuve, aux applaudissements de la foule en délire. Avec un clapotement sonore et frais, l’eau jaillit en gerbe; puis on ne vit plus qu’un léger remous à la surface étincelante du fleuve.

    Presque aussitôt, les compagnons Dagobert et Varambille, aidés des sept cents pyrots déguisés, envoyèrent le prince des Boscénos, la tête la première, dans un bateau de blanchisseuses où il s’abîma lamentablement.

    La nuit sereine descendit sur la place du Palais, et versa sur les débris affreux dont elle était jonchée le silence et la paix. Cependant, à trois kilomètres en aval, sous un pont, accroupi, tout dégouttant, au côté d’un vieux cheval estropié, Colomban méditait sur l’ignorance et l’injustice des foules.

    —L’affaire, se disait-il, est plus rude encore que je ne croyais. Je prévois de nouvelles difficultés.

    Il se leva, s’approcha du malheureux animal:

    —Que leur avais-tu fait? pauvre ami, lui dit-il. C’est à cause de moi qu’ils t’ont si cruellement traité.

    Il embrassa la bête infortunée et mit un baiser sur l'étoile blanche de son front. Puis il la tira par la bride, et, boitant, l’emmena boitant à travers la ville endormie jusqu'à sa maison, où le sommeil leur fit oublier les hommes.

    Dans leur infinie mansuétude, à la suggestion du père commun des fidèles, les évêques, chanoines, curés, vicaires, abbés et prieurs de Pingouinie, résolurent de célébrer un service solennel dans la cathédrale d’Alca, pour obtenir de la miséricorde divine qu’elle daignât mettre un terme aux troubles qui déchiraient une des plus nobles contrées de la Chrétienté et accorder au repentir de la Pingouinie le pardon de ses crimes envers Dieu et les ministres du culte.

    La cérémonie eut lieu le quinze juin. Le généralissime Caraguel se tenait au banc d’oeuvre, entouré de son état-major. L’assistance était nombreuse et brillante; selon l’expression de M. Bigourd, c'était à la fois une foule et une élite. On y remarquait au premier rang M. de la Berthoseille, chambellan de monseigneur le prince Crucho. Près de la chaire où devait monter le révérend père Douillard, de l’ordre de Saint- François, se tenaient debout, dans une attitude recueillie, les mains croisées sur leurs gourdins, les grands dignitaires de l’association des antipyrots, le vicomte Olive, M. de la Trumelle, le comte Cléna, le duc d’Ampoule, le prince des Boscénos. Le père Agaric occupait l’abside, avec les professeurs et les élèves de l'école Saint-Maël. Le croisillon et le bas-côté de droite étaient réservés aux officiers et soldats en uniforme comme le plus honorable, puisque c’est de ce côté que le Seigneur pencha la tête en expirant sur la croix. Les dames de l’aristocratie, et parmi elles la comtesse Cléna, la vicomtesse Olive, la princesse des Boscénos, occupaient les tribunes. Dans l’immense vaisseau et sur la place du Parvis se pressaient vingt mille religieux de toutes robes et trente mille laïques.

    Après la cérémonie expiatoire et propitiatoire, le révérend père Douillard monta en chaire. Le sermon avait été donné d’abord au révérend père Agaric; mais jugé, malgré ses mérites, au-dessous des circonstances pour le zèle et la doctrine, on lui préféra l'éloquent capucin qui depuis six mois allait prêcher dans les casernes contre les ennemis de Dieu et de l’autorité.

    Le révérend père Douillard, prenant pour texte Deposuit potentes de sede, établit que toute-puissance temporelle a Dieu pour principe et pour fin et qu’elle se perd et s’abîme elle-même quand elle se détourne de la voie que la Providence lui a tracée et du but qu’elle lui a assigné.

    Faisant application de ces règles sacrées au gouvernement de la Pingouinie, il traça un tableau effroyable des maux que les maîtres de ce pays n’avaient su ni prévoir ni empêcher.

    —Le premier auteur de tant de misères et de hontes, dit-il, vous ne le connaissez que trop, mes frères. C’est un monstre dont le nom annonce providentiellement la destinée, car il est tiré du grec pyros, qui veut dire feu, la sagesse divine, qui parfois est philologue, nous avertissant par cette étymologie qu’un juif devait allumer l’incendie dans la contrée qui l’avait accueilli.

    Il montra la patrie, persécutée par les persécuteurs de l'Église, s'écriant sur son calvaire:

    «Ô douleur! ô gloire! Ceux qui ont crucifié mon dieu me crucifient!»

    À ces mots un long frémissement agita l’auditoire.

    Le puissant orateur souleva plus d’indignation encore en rappelant l’orgueilleux Colomban, plongé, noir de crimes, dans le fleuve dont toute l’eau ne le lavera pas. Il ramassa toutes les humiliations, tous les périls de la Pingouinie pour en faire un grief au président de la république et à son premier ministre.

    —Ce ministre, dit-il, ayant commis une lâcheté dégradante en n’exterminant pas les sept cents pyrots avec leurs alliés et leurs défenseurs, comme Saül extermina les Philistins dans Gabaon, s’est rendu indigne d’exercer le pouvoir que Dieu lui avait délégué, et tout bon citoyen peut et doit désormais insulter à sa méprisable souveraineté. Le Ciel regardera favorablement ses contempteurs. Deposuit patentes de sede. Dieu déposera les chefs pusillanimes et il mettra à leur place les hommes forts qui se réclameront de Lui. Je vous en préviens, messieurs; je vous en préviens, officiers, sous-officiers, soldats qui m'écoutez; je vous en préviens, généralissime des armées pingouines, l’heure est venue! Si vous n’obéissez pas aux ordres de Dieu, si vous ne déposez pas en son nom les possédants indignes, si vous ne constituez pas sur la Pingouinie un gouvernement religieux et fort, Dieu n’en détruira pas moins ce qu’il a condamné, il n’en sauvera pas moins son peuple; il le sauvera, à votre défaut, par un humble artisan ou par un simple caporal. L’heure sera bientôt passée. Hâtez-vous!

    Soulevés par cette ardente exhortation, les soixante mille assistants se levèrent frémissants; des cris jaillirent: «Aux armes! aux armes! Mort aux pyrots! Vive Crucho!» et tous, moines, femmes, soldats, gentilshommes, bourgeois, larbins, sous le bras surhumain levé dans la chaire de vérité pour les bénir, entonnant l’hymne: Sauvons la Pingouinie! s'élancèrent impétueusement hors de la basilique et marchèrent, par les quais du fleuve, sur la Chambre des députés.

    Resté seul dans la nef désertée, le sage Cornemuse, levant les bras au ciel, murmura d’une voix brisée:

    —Agnosco fortunam ecclesiae pinguicanae! Je ne vois que trop où tout cela nous conduira.

    L’assaut que donna la foule sainte au palais législatif fut repoussé. Vigoureusement chargés par les brigades noires et les gardes d’Alca, les assaillants fuyaient en désordre quand les camarades accourus des faubourgs, ayant à leur tête Phoenix, Dagobert, Lapersonne et Varambille, se jetèrent sur eux et achevèrent leur déconfiture. MM. de la Trumelle et d’Ampoule furent traînés au poste. Le prince des Boscénos, après avoir lutté vaillamment, tomba la tête fendue sur le pavé ensanglanté.

    Dans l’enthousiasme de la victoire, les camarades, mêlés à d’innombrables camelots, parcoururent, toute la nuit, les boulevards, portant Maniflore en triomphe et brisant les glaces des cafés et les vitres des lanternes aux cris de: «À bas Crucho! Vive la sociale!» Les antipyrots passaient à leur tour, renversant les kiosques des journaux et les colonnes de publicité.

    Spectacles auxquels la froide raison ne saurait applaudir et propres à l’affliction des édiles soucieux de la bonne police des chemins et des rues; mais ce qui était plus triste pour les gens de coeur, c'était l’aspect de ces cafards qui, de peur des coups, se tenaient à distance égale des deux camps, et tout égoïstes et lâches qu’ils se laissaient voir, voulaient qu’on admirât la générosité de leurs sentiments et la noblesse de leur âme; ils se frottaient les yeux avec des oignons, se faisaient une bouche en gueule de merlan, se mouchaient en contrebasse, tiraient leur voix des profondeurs de leur ventre, et gémissaient: «Ô Pingouins, cessez ces luttes fratricides; cessez de déchirer le sein de votre mère!», comme si les hommes pouvaient vivre en société sans disputes et sans querelles, et comme si les discordes civiles n'étaient pas les conditions nécessaires de la vie nationale et du progrès des moeurs, pleutres hypocrites qui proposaient des compromis entre le juste et l’injuste, offensant ainsi le juste dans ses droits et l’injuste dans son courage. L’un de ceux-là, le riche et puissant Machimel, beau de couardise, se dressait sur la ville en colosse de douleur; ses larmes formaient à ses pieds des étangs poissonneux et ses soupirs y chaviraient les barques des pêcheurs.

    Pendant ces nuits agitées, au faîte de sa vieille pompe à feu, sous le ciel serein, tandis que les étoiles filantes s’enregistraient sur les plaques photographiques, Bidault-Coquille se glorifiait en son coeur. Il combattait pour la justice; il aimait, il était aimé d’un amour sublime. L’injure et la calomnie le portaient aux nues. On voyait sa caricature avec celle de Colomban, de Kerdanic et du colonel Hastaing dans les kiosques des journaux; les antipyrots publiaient qu’il avait reçu cinquante mille francs des grands financiers juifs. Les reporters des feuilles militaristes consultaient sur sa valeur scientifique les savants officiels qui lui refusaient toute connaissance des astres, contestaient ses observations les plus solides, niaient ses découvertes les plus certaines, condamnaient ses hypothèses les plus ingénieuses et les plus fécondes. Sous les coups flatteurs de la haine et de l’envie, il exultait.

    Contemplant à ses pieds l’immensité noire percée d’une multitude de lumières, sans songer à tout ce qu’une nuit de grande ville renferme de lourds sommeils, d’insomnies cruelles, de songes vains, de plaisirs toujours gâtés et de misères infiniment diverses:

    —C’est dans cette énorme cité, se disait-il, que le juste et l’injuste se livrent bataille.

    Et, substituant à la réalité multiple et vulgaire une poésie simple et magnifique, il se représentait l’affaire Pyrot sous l’aspect d’une lutte des bons et des mauvais anges; il attendait le triomphe éternel des Fils de la lumière et se félicitait d'être un Enfant du jour terrassant les Enfants de la nuit.

    Aveuglés jusque-là par la peur, imprudents et stupides, les républicains, devant les bandes du capucin Douillard et les partisans du prince Crucho, ouvrirent les yeux et comprirent enfin le véritable sens de l’affaire Pyrot. Les députés que, depuis deux ans, les hurlements des foules patriotes faisaient pâlir, n’en devinrent pas plus courageux, mais ils changèrent de lâcheté et s’en prirent au ministère Robin Mielleux des désordres qu’ils avaient eux-mêmes favorisés par leur complaisance et dont ils avaient plusieurs fois, en tremblant, félicité les auteurs; ils lui reprochaient d’avoir mis en péril la république par sa faiblesse qui était la leur et par des complaisances qu’ils lui avaient imposées; certains d’entre eux commençaient à douter si leur intérêt n'était pas de croire à l’innocence de Pyrot plutôt qu'à sa culpabilité et dès lors ils éprouvèrent de cruelles angoisses à la pensée que ce malheureux pouvait n’avoir pas été condamné justement, et expiait dans sa cage aérienne les crimes d’un autre. «Je n’en dors pas!» disait en confidence à quelques membres de la majorité le ministre Guillaumette, qui aspirait à remplacer son chef.

    Ces généreux législateurs renversèrent le cabinet, et le président de la république mit à la place de Robin Mielleux un sempiternel républicain, à la barbe fleurie, nommé La Trinité, qui, comme la plupart des Pingouins, ne comprenait pas un mot à l’affaire mais trouvait que, vraiment, il s’y mettait trop de moines.

    Le général Greatauk, avant de quitter le ministère, fit ses dernières recommandations au chef d'état-major, Panther.

    —Je pars et vous restez, lui dit-il en lui serrant la main. L’affaire Pyrot est ma fille; je vous la confie; elle est digne de votre amour et de vos soins; elle est belle. N’oubliez pas que sa beauté cherche l’ombre, se plaît dans le mystère et veut rester voilée. Ménagez sa pudeur. Déjà trop de regards indiscrets ont profané ses charmes … Panther, vous avez souhaité des preuves et vous en avez obtenu. Vous en possédez beaucoup; vous en possédez trop. Je prévois des interventions importunes et des curiosités dangereuses. À votre place, je mettrais au pilon tous ces dossiers. Croyez-moi, la meilleure des preuves, c’est de n’en pas avoir. Celle-là est la seule qu’on ne discute pas.

    Hélas! le général Panther ne comprit pas la sagesse de ces conseils. L’avenir ne devait donner que trop raison à la clairvoyance de Greatauk. Dès son entrée au ministère, La Trinité demanda le dossier de l’affaire Pyrot. Péniche, son ministre de la guerre, le lui refusa au nom de l’intérêt supérieur de la défense nationale, lui confiant que ce dossier constituait à lui seul, sous la garde du général Panther, les plus vastes archives du monde. La Trinité étudia le procès comme il put et, sans le pénétrer à fond, le soupçonna d’irrégularité. Dès lors, conformément à ses droits et prérogatives, il en ordonna la révision. Immédiatement Péniche, son ministre de la guerre, l’accusa d’insulter l’armée et de trahir la patrie et lui jeta son portefeuille à la tête. Il fut remplacé par un deuxième qui en fit autant, et auquel succéda un troisième qui imita ces exemples, et les suivants, jusqu'à soixante-dix, se comportèrent comme leurs prédécesseurs, et le vénérable La Trinité gémit, obrué sous les portefeuilles belliqueux. Le septante-unième ministre de la guerre, van Julep, resta en fonctions; non qu’il fût en désaccord avec tant et de si nobles collègues, mais il était chargé par eux de trahir généreusement son président du conseil, de le couvrir d’opprobre et de honte et de faire tourner la révision à la gloire de Greatauk, à la satisfaction des anti-pyrots, au profit des moines et pour le rétablissement du prince Crucho.

    Le général van Julep, doué de hautes vertus militaires, n’avait pas l’esprit assez fin pour employer les procédés subtils et les méthodes exquises de Greatauk. Il pensait, comme le général Panther, qu’il fallait des preuves tangibles contre Pyrot, qu’on n’en aurait jamais trop, qu’on n’en aurait jamais assez. Il exprima ces sentiments à son chef d'état-major, qui n'était que trop enclin à les partager.

    —Panther, lui dit-il, nous touchons au moment où il nous va falloir des preuves abondantes et surabondantes.

    —Il suffit, mon général, répondit Panther; je vais compléter mes dossiers.

    Six mois plus tard, les preuves contre Pyrot remplissaient deux étages du ministère de la guerre. Le plancher s'écroula sous le poids des dossiers et les preuves éboulées écrasèrent sous leur avalanche deux chefs de service, quatorze chefs de bureau et soixante expéditionnaires, qui travaillaient, au rez-de-chaussée, à modifier les guêtres des chasseurs. Il fallut étayer les murs du vaste édifice. Les passants voyaient avec stupeur d'énormes poutres, de monstrueux étançons, qui, dressés obliquement contre la fière façade, maintenant disloquée et branlante, obstruaient la rue, arrêtaient la circulation des voitures et des piétons et offraient aux autobus un obstacle contre lequel ils se brisaient avec leurs voyageurs.

    Les juges qui avaient condamné Pyrot n'étaient pas proprement des juges, mais des militaires. Les juges qui avaient condamné Colomban étaient des juges, mais de petits juges, vêtus d’une souquenille noire comme des balayeurs de sacristie, des pauvres diables de juges, des judicaillons faméliques. Au-dessus d’eux siégeaient de grands juges qui portaient sur leur robe rouge la simarre d’hermine. Ceux-là, renommés pour leur science et leur doctrine, composaient une cour dont le nom terrible exprimait la puissance. On la nommait Cour de cassation pour faire entendre qu’elle était le marteau suspendu sur les jugements et les arrêts de toutes les autres juridictions.

    Or, un de ces grands juges rouges de la cour suprême, nommé Chaussepied, menait alors, dans un faubourg d’Alca, une vie modeste et tranquille. Son âme était pure, son coeur honnête, son esprit juste. Quand il avait fini d'étudier ses dossiers, il jouait du violon et cultivait des jacinthes. Il dînait le dimanche chez ses voisines, les demoiselles Helbivore. Sa vieillesse était souriante et robuste et ses amis vantaient l’aménité de son caractère.

    Depuis quelques mois pourtant il se montrait irritable et chagrin et, s’il ouvrait un journal, sa face rose et pleine se tourmentait de plis douloureux et s’assombrissait des pourpres de la colère. Pyrot en était la cause. Le conseiller Chaussepied ne pouvait comprendre qu’un officier eût commis une action si noire, que de livrer quatre-vingt mille bottes de foin militaire à une nation voisine et ennemie; et il concevait encore moins que le scélérat eût trouvé des défenseurs officieux en Pingouinie. La pensée qu’il existait dans sa patrie un Pyrot, un colonel Hastaing, un Colomban, un Kerdanic, un Phoenix, lui gâtait ses jacinthes, son violon, le ciel et la terre, toute la nature et ses dîners chez les demoiselles Helbivore.

    Or, le procès Pyrot étant porté par le garde des sceaux devant la cour suprême, ce fut le conseiller Chaussepied à qui il échut de l’examiner et d’en découvrir les vices, au cas où il en existât. Bien qu’intègre et probe autant qu’on peut l'être et formé par une longue habitude à exercer sa magistrature sans haine ni faveur, il s’attendait à trouver dans les documents qui lui seraient soumis les preuves d’une culpabilité certaine et d’une perversité tangible. Après de longues difficultés et les refus réitérés du général van Julep, le conseiller Chaussepied obtint communication des dossiers. Cotés et paraphés, ils se trouvèrent au nombre de quatorze millions six cent vingt six mille trois cent douze. En les étudiant, le juge fut d’abord surpris puis étonné, puis stupéfait, émerveillé, et, si j’ose dire, miraculé. Il trouvait dans les dossiers des prospectus de magasins de nouveautés, des journaux, des gravures de modes, des sacs d'épicier, de vieilles correspondances commerciales, des cahiers d'écoliers, des toiles d’emballage, du papier de verre pour frotter les parquets, des cartes à jouer, des épures, six mille exemplaires de la Clef des songes, mais pas un seul document où il fût question de Pyrot.

    Le procès fut cassé et Pyrot descendu de sa cage. Les antipyrots ne se tinrent point pour battus. Les juges militaires rejugèrent Pyrot. Greatauk, dans cette seconde affaire, se montra supérieur à lui-même. Il obtint une seconde condamnation; il l’obtint en déclarant que les preuves communiquées à la cour suprême ne valaient rien et qu’on s'était bien gardé de donner les bonnes, celles-là devant rester secrètes. De l’avis des connaisseurs, il n’avait jamais déployé tant d’adresse. Au sortir de l’audience, comme il traversait, au milieu des curieux, d’un pas tranquille, les mains derrière le dos, le vestibule du tribunal, une femme vêtue de rouge, le visage couvert d’un voile noir, se jeta sur lui et, brandissant un couteau de cuisine:

    —Meurs, scélérat! s'écria-t-elle.

    C'était Maniflore. Avant que les assistants eussent compris ce qui se passait, le général lui saisit le poignet et, avec une douceur apparente, le serra d’une telle force que le couteau tomba de la main endolorie.

    Alors il le ramassa et le tendit à Maniflore.

    —Madame, lui dit-il en s’inclinant, vous avez laissé tomber un ustensile de ménage.

    Il ne put empêcher que l’héroïne ne fût conduite au poste; mais il la fit relâcher aussitôt et il employa, plus tard, tout son crédit à arrêter les poursuites.

    La seconde condamnation de Pyrot fut la dernière victoire de Greatauk.

    Le conseiller Chaussepied, qui avait jadis tant aimé les soldats et tant estimé leur justice, maintenant, enragé contre les juges militaires, cassait toutes leurs sentences comme un singe casse des noisettes. Il réhabilita Pyrot une seconde fois; il l’aurait, s’il eût fallu, réhabilité cinq cents fois.

    Furieux d’avoir été lâches et de s'être laissé tromper et moquer, les républicains se retournèrent contre les moines et les curés; les députés firent contre eux des lois d’expulsion, de séparation et de spoliation. Il advint ce que le père Cornemuse avait prévu. Ce bon religieux fut chassé du bois des Conils. Les agents du fisc confisquèrent ses alambics et ses cornues, et les liquidateurs se partagèrent les bouteilles de la liqueur de Sainte-Orberose. Le pieux distillateur y perdit les trois millions cinq cent mille francs de revenu annuel que lui procuraient ses petits produits. Le père Agaric prit le chemin de l’exil, abandonnant son école à des mains laïques qui la laissèrent péricliter. Séparée de l'État nourricier, l'Église de Pingouinie sécha comme une fleur coupée.

    Victorieux, les défenseurs de l’innocent se déchirèrent entre eux et s’accablèrent réciproquement d’outrages et de calomnies. Le véhément Kerdanic se jeta sur Phoenix, prêt à le dévorer. Les grands juifs et les sept cents pyrots se détournèrent avec mépris des camarades socialistes dont naguère ils imploraient humblement le secours:

    —Nous ne vous connaissons plus, disaient-ils; fichez-nous la paix avec votre justice sociale. La justice sociale, c’est la défense des richesses.

    Nommé député et devenu chef de la nouvelle majorité, le camarade Larrivée fut porté par la Chambre et l’opinion à la présidence du Conseil. Il se montra l'énergique défenseur des tribunaux militaires qui avaient condamné Pyrot. Comme ses anciens camarades socialistes réclamaient un peu plus de justice et de liberté pour les employés de l'État ainsi que pour les travailleurs manuels, il combattit leurs propositions dans un éloquent discours:

    —La liberté, dit-il, n’est pas la licence. Entre l’ordre et le désordre, mon choix est fait: la révolution c’est l’impuissance; le progrès n’a pas d’ennemi plus redoutable que la violence. On n’obtient rien par la violence. Messieurs, ceux qui, comme moi, veulent des réformes doivent s’appliquer avant tout à guérir cette agitation qui affaiblit les gouvernements comme la fièvre épuise les malades. Il est temps de rassurer les honnêtes gens.

    Ce discours fut couvert d’applaudissements. Le gouvernement de la république demeura soumis au contrôle des grandes compagnies financières, l’armée consacrée exclusivement à la défense du capital, la flotte destinée uniquement à fournir des commandes aux métallurgistes; les riches refusant de payer leur juste part des impôts, les pauvres, comme par le passé, payèrent pour eux.

    Cependant, du haut de sa vieille pompe à feu, sous l’assemblée des astres de la nuit, Bidault-Coquille contemplait avec tristesse la ville endormie. Maniflore l’avait quitté; dévorée du besoin de nouveaux dévouements et de nouveaux sacrifices, elle s’en était allée en compagnie d’un jeune Bulgare porter à Sofia la justice et la vengeance. Il ne la regrettait pas, l’ayant reconnue, après l’affaire, moins belle de forme et de pensée qu’il ne se l'était imaginé d’abord. Ses impressions s'étaient modifiées dans le même sens sur bien d’autres formes et bien d’autres pensées. Et, ce qui lui était le plus cruel, il se jugeait moins grand, moins beau lui-même qu’il n’avait cru.

    Et il songeait:

    —Tu te croyais sublime, quand tu n’avais que de la candeur et de la bonne volonté. De quoi t’enorgueillissais-tu, Bidault-Coquille? D’avoir su des premiers que Pyrot était innocent et Greatauk un scélérat. Mais les trois quarts de ceux qui défendaient Greatauk contre les attaques des sept cents pyrots le savaient mieux que toi. Ce n'était pas la question. De quoi te montrais-tu donc si fier? d’avoir osé dire ta pensée? C’est du courage civique, et celui-ci, comme le courage militaire, est un pur effet de l’imprudence. Tu as été imprudent. C’est bien, mais il n’y a pas de quoi te louer outre mesure. Ton imprudence était petite; elle t’exposait à des périls médiocres; tu n’y risquais pas ta tête. Les Pingouins ont perdu cette fierté cruelle et sanguinaire qui donnait autrefois à leurs révolutions une grandeur tragique: c’est le fatal effet de l’affaiblissement des croyances et des caractères. Pour avoir montré sur un point particulier un peu plus de clairvoyance que le vulgaire, doit-on te regarder comme un esprit supérieur? Je crains bien, au contraire, que tu n’aies fait preuve, Bidault-Coquille, d’une grande inintelligence des conditions du développement intellectuel et moral des peuples. Tu te figurais que les injustices sociales étaient enfilées comme des perles et qu’il suffisait d’en tirer une pour égrener tout le chapelet. Et c’est là une conception très naïve. Tu te flattais d'établir d’un coup la justice en ton pays et dans l’univers. Tu fus un brave homme, un spiritualiste honnête, sans beaucoup de philosophie expérimentale. Mais rentre en toi-même et tu reconnaîtras que tu as eu pourtant ta malice et que, dans ton ingénuité, tu n'étais pas sans ruse. Tu croyais faire une bonne affaire morale. Tu te disais: «Me voilà juste et courageux une fois pour toutes. Je pourrai me reposer ensuite dans l’estime publique et la louange des historiens.» Et maintenant que tu as perdu tes illusions, maintenant que tu sais qu’il est dur de redresser les torts et que c’est toujours à recommencer, tu retournes à tes astéroïdes. Tu as raison; mais retournes-y modestement, Bidault- Coquille!

    Il n’y a de supportable que les choses extrêmes.
    COMTE ROBERT DE MONTESQUIOU.

    Madame Clarence, veuve d’un haut fonctionnaire de la république, aimait à recevoir: elle réunissait tous les jeudis des amis de condition modeste et qui se plaisaient à la conversation. Les dames qui fréquentaient chez elle, très diverses d'âge et d'état, manquaient toutes d’argent et avaient toutes beaucoup souffert. Il s’y trouvait une duchesse qui avait l’air d’une tireuse de cartes et une tireuse de cartes qui avait l’air d’une duchesse. Madame Clarence, assez belle pour garder de vieilles liaisons, ne l'était plus assez pour en faire de nouvelles et jouissait d’une paisible considération. Elle avait une fille très jolie et sans dot, qui faisait peur aux invités; car les Pingouins craignaient comme le feu les demoiselles pauvres. Éveline Clarence s’apercevait de leur réserve, en pénétrait la cause et leur servait le thé d’un air de mépris. Elle se montrait peu, d’ailleurs, aux réceptions, ne causait qu’avec les dames ou les très jeunes gens; sa présence abrégée et discrète ne gênait pas les causeurs qui pensaient ou qu'étant une jeune fille elle ne comprenait pas, ou qu’ayant vingt-cinq ans elle pouvait tout entendre.

    Un jeudi donc, dans le salon de madame Clarence, on parlait de l’amour; les dames en parlaient avec fierté, délicatesse et mystère; les hommes avec indiscrétion et fatuité; chacun s’intéressait à la conversation pour ce qu’il y disait. Il s’y dépensa beaucoup d’esprit; on lança de brillantes apostrophes et de vives réparties. Mais quand le professeur Haddock se mit à discourir, il assomma tout le morde.

    —Il en est de nos idées sur l’amour comme sur le reste, dit-il; elles reposent sur des habitudes antérieures dont le souvenir même est effacé. En matière de morale, les prescriptions qui ont perdu leur raison d'être, les obligations les plus inutiles, les contraintes les plus nuisibles, les plus cruelles, sont, à cause de leur antiquité profonde et du mystère de leur origine, les moins contestées et les moins contestables, les moins examinées, les plus vénérées, les plus respectées et celles qu’on ne peut transgresser sans encourir les blâmes les plus sévères. Toute la morale relative aux relations des sexes est fondée sur ce principe que la femme une fois acquise appartient à l’homme, qu’elle est son bien comme son cheval et ses armes. Et cela ayant cessé d'être vrai, il en résulte des absurdités, telles que le mariage ou contrat de vente d’une femme à un homme, avec clauses restrictives du droit de propriété, introduites par suite de l’affaiblissement graduel du possesseur.

    »L’obligation imposée à une fille d’apporter sa virginité à son époux vient des temps où les filles étaient épousées dès qu’elles étaient nubiles; il est ridicule qu’une fille qui se marie à vingt-cinq ou trente ans soit soumise à cette obligation. Vous direz que c’est un présent dont son mari, si elle en rencontre enfin un, sera flatté; mais nous voyons à chaque instant des hommes rechercher des femmes mariées et se montrer bien contents de les prendre comme ils les trouvent.

    »Encore aujourd’hui le devoir des filles est déterminé, dans la morale religieuse, par cette vieille croyance que Dieu, le plus puissant des chefs de guerre, est polygame, qu’il se réserve tous les pucelages, et qu’on ne peut en prendre que ce qu’il en a laissé. Cette croyance, dont les traces subsistent dans plusieurs métaphores du langage mystique, est aujourd’hui perdue chez la plupart des peuples civilisés; pourtant elle domine encore l'éducation des filles, non seulement chez nos croyants, mais encore chez nos libres penseurs qui, le plus souvent, ne pensent pas librement pour la raison qu’ils ne pensent pas du tout.

    »Sage veut dire savant. On dit qu’une fille est sage quand elle ne sait rien. On cultive son ignorance. En dépit de tous les soins, les plus sages savent, puisqu’on ne peut leur cacher ni leur propre nature, ni leurs propres états, ni leurs propres sensations. Mais elles savent mal, elles savent de travers. C’est tout ce qu’on obtient par une culture attentive….

    —Monsieur, dit brusquement d’un air sombre Joseph Boutourlé, trésorier- payeur général d’Alca, croyez-le bien: il y a des filles innocentes, parfaitement innocentes, et c’est un grand malheur. J’en ai connu trois; elles se marièrent: ce fut affreux. L’une, quand son mari s’approcha d’elle, sauta du lit, épouvantée et cria par la fenêtre: «Au secours; monsieur est devenu fou!» Une autre fut trouvée, le matin de ses noces, en chemise, sur l’armoire à glace et refusant de descendre. La troisième eut la même surprise, mais elle souffrit tout sans se plaindre. Seulement, quelques semaines après son mariage, elle murmura à l’oreille de sa mère: «Il se passe entre mon mari et moi des choses inouies, des choses qu’on ne peut pas s’imaginer, des choses dont je n’oserais pas parler même à toi.» Pour ne pas perdre son âme, elle les révéla à son confesseur et c’est de lui qu’elle apprit, peut-être avec un peu de déception, que ces choses n'étaient pas extraordinaires.

    —J’ai remarqué, reprit le professeur Haddock, que les Européens en général et les Pingouins en particulier, avant les sports et l’auto, ne s’occupaient de rien autant que de l’amour. C'était donner bien de l’importance à ce qui en a peu.

    —Alors, monsieur, s'écria madame Crémeur suffoquée, quand une femme s’est donnée tout entière, vous trouvez que c’est sans importance?

    —Non, madame, cela peut avoir son importance, répondit le professeur Haddock, encore faudrait-il voir si, en se donnant, elle offre un verger délicieux ou un carré de chardons et de pissenlits. Et puis, n’abuse-t- on pas un peu de ce mot donner? Dans l’amour, une femme se prête plutôt qu’elle ne se donne. Voyez la belle madame Pensée….

    —C’est ma mère! dit un grand jeune homme blond.

    —Je la respecte infiniment, monsieur, répliqua le professeur Haddock; ne craignez pas que je tienne sur elle un seul propos le moins du monde offensant. Mais permettez-moi de vous dire que, en général, l’opinion des fils sur leurs mères est insoutenable: ils ne songent pas assez qu’une mère n’est mère que parce qu’elle aima et qu’elle peut aimer encore. C’est pourtant ainsi, et il serait déplorable qu’il en fût autrement. J’ai remarqué que les filles, au contraire, ne se trompent pas sur la faculté d’aimer de leurs mères ni sur l’emploi qu’elles en font: elles sont des rivales: elles en ont le coup d’oeil.

    L’insupportable professeur parla longtemps encore, ajoutant les inconvenances aux maladresses, les impertinences aux incivilités, accumulant les incongruités, méprisant ce qui est respectable, respectant ce qui est méprisable; mais personne ne l'écoutait.

    Pendant ce temps, dans sa chambre d’une simplicité sans grâce, dans sa chambre triste de n'être pas aimée, et qui, comme toutes les chambres de jeunes filles, avait la froideur d’un lieu d’attente, Éveline Clarence compulsait des annuaires de clubs et des prospectus d’oeuvres, pour y acquérir la connaissance de la société. Certaine que sa mère, confinée dans un monde intellectuel et pauvre, ne saurait ni la mettre en valeur ni la produire, elle se décidait à rechercher elle-même le milieu favorable à son établissement, tout à la fois obstinée et calme, sans rêves, sans illusions, ne voyant dans le mariage qu’une entrée de jeu et un permis de circulation et gardant la conscience la plus lucide des hasards, des difficultés et des chances de son entreprise. Elle possédait des moyens de plaire et une froideur qui les lui laissait tous. Sa faiblesse était de ne pouvoir regarder sans éblouissement tout ce qui avait l’air aristocratique.

    Quand elle se retrouva seule avec sa mère:

    —Maman, nous irons demain à la retraite du père Douillard.

    La retraite de révérend père Douillard réunissait, chaque vendredi, à neuf heures du soir, dans l’aristocratique église de Saint-Maël, l'élite de la société d’Alca. Le prince et la princesse des Boscénos, le vicomte et la vicomtesse Olive, madame Bigourd, monsieur et madame de la Trumelle n’en manquaient pas une séance; on y voyait la fleur de l’aristocratie et les belles baronnes juives y jetaient leur éclat, car les baronnes juives d’Alca étaient chrétiennes.

    Cette retraite avait pour objet, comme toutes les retraites religieuses, de procurer aux gens du monde un peu de recueillement pour penser à leur salut; elle était destinée aussi à attirer sur tant de nobles et illustres familles la bénédiction de sainte Orberose, qui aime les Pingouins. Avec un zèle vraiment apostolique, le révérend père Douillard poursuivait l’accomplissement de son oeuvre: rétablir sainte Orberose dans ses prérogatives de patronne de la Pingouinie et lui consacrer, sur une des collines qui dominent la cité, une église monumentale. Un succès prodigieux avait couronné ses efforts, et pour l’accomplissement de cette entreprise nationale, il réunissait plus de cent mille adhérents et plus de vingt millions de francs.

    C’est dans le choeur de Saint-Maël que se dresse reluisante d’or, étincelante de pierreries, entourée de cierges et de fleurs, la nouvelle châsse de sainte Orberose.

    Voici ce qu’on lit dans l’Histoire des miracles de la patronne d’Alca, par l’abbé Plantain:

    «L’ancienne châsse fut fondue pendant la Terreur et les précieux restes de la sainte jetés dans un feu allumé sur la place de Grève; mais une pauvre femme, d’une grande piété, nommée Rouquin, alla, de nuit, au péril de sa vie, recueillir dans le brasier les os calcinés et les cendres de la bienheureuse; elle les conserva dans un pot de confiture et, lors du rétablissement du culte, les porta au vénérable curé de Saint-Maël. La dame Rouquin finit pieusement ses jours dans la charge de vendeuse de cierges et de loueuse de chaises en la chapelle de la sainte.»

    Il est certain que, du temps du père Douillard, au déclin de la foi, le culte de sainte Orberose, tombé depuis trois cents ans sous la critique du chanoine Princeteau et le silence des docteurs de l'Église, se relevait et s’environnait de plus de pompe, de plus de splendeur, de plus de ferveur que jamais. Maintenant les théologiens ne retranchaient plus un iota de la légende; ils tenaient pour avérés tous les faits rapportés par l’abbé Simplicissimus et professaient notamment, sur la foi de ce religieux, que le diable, ayant pris la forme d’un moine, avait emporté la sainte dans une caverne et lutté avec elle jusqu'à ce qu’elle eût triomphé de lui. Ils ne s’embarrassaient ni de lieux ni de dates; ils ne faisaient point d’exégèse et se gardaient bien d’accorder à la science ce que lui concédait jadis le chanoine Princeteau; ils savaient trop où cela conduisait.

    L'église étincelait de lumières et de fleurs. Un ténor de l’opéra chantait le cantique célèbre de sainte Orberose.

    Vierge du Paradis,

    Viens, viens dans la nuit brune,

    Et sur nous resplendis

    Comme la lune.

    Mademoiselle Clarence se plaça au côté de sa mère, devant le vicomte Cléna, et elle se tint longtemps agenouillée sur son prie-Dieu, car l’attitude de la prière est naturelle aux vierges sages et fait valoir les formes.

    Le révérend père Douillard monta en chaire. C'était un puissant orateur; il savait toucher, surprendre, émouvoir. Les femmes se plaignaient seulement qu’il s'élevât contre les vices avec une rudesse excessive, en des termes crus qui les faisaient rougir. Elles ne l’en aimaient pas moins.

    Il traita, dans son sermon, de la septième épreuve de sainte Orberose qui fut tentée par le dragon qu’elle allait combattre. Mais elle ne succomba pas et elle désarma le monstre.

    L’orateur démontra sans peine qu’avec l’aide de sainte Orberose et forts des vertus qu’elle nous inspire, nous terrasserons à notre tour les dragons qui fondent sur nous, prêts à nous dévorer, le dragon du doute, le dragon de l’impiété, le dragon de l’oubli des devoirs religieux. Il en tira la preuve que l’oeuvre de la dévotion à sainte Orberose était une oeuvre de régénération sociale et il conclut par un ardent appel «aux fidèles soucieux de se faire les instruments de la miséricorde divine, jaloux de devenir les soutiens et les nourriciers de l’oeuvre de sainte Orberose et de lui fournir tous les moyens dont elle a besoin pour prendre son essor et porter ses fruits salutaires [Note: Cf. J. Ernest-Charles, le Censeur, mai-août 1907, p. 582, col. 2. ]».

    À l’issue de la cérémonie, le révérend père Douillard se tenait, dans la sacristie, à la disposition des fidèles désireux d’obtenir des renseignements sur l’oeuvre ou d’apporter leur contribution. Mademoiselle Clarence avait un mot à dire au révérend père Douillard; le vicomte Cléna aussi; la foule était nombreuse; on faisait la queue. Par un hasard heureux, le vicomte Cléna et mademoiselle Clarence se trouvèrent l’un contre l’autre, un peu serrés, peut-être. Éveline avait distingué ce jeune homme élégant, presque aussi connu que son père dans le monde des sports. Cléna l’avait remarquée, et comme elle lui paraissait jolie, il la salua, s’excusa, et feignit de croire qu’il avait déjà été présenté à ces dames, mais qu’il ne se rappelait plus où. Elles feignirent de le croire aussi.

    Il se présenta la semaine suivante chez madame Clarence qu’il imaginait un peu entremetteuse, ce qui n'était pas pour lui déplaire et, en revoyant Éveline, il reconnut qu’il ne s'était pas trompé et qu’elle était extrêmement jolie.

    Le vicomte Cléna avait le plus bel auto d’Europe. Trois mois durant, il y promena les dames Clarence, tous les jours, par les collines, les plaines, les bois et les vallées; avec elles il parcourut les sites et visita les châteaux. Il dit à Éveline tout ce qu’on peut dire et fit de son mieux. Elle ne lui cacha pas qu’elle l’aimait, qu’elle l’aimerait toujours et n’aimerait que lui. Elle demeurait à son côté, palpitante et grave. À l’abandon d’un amour fatal elle faisait succéder, quand il le fallait, la défense invincible d’une vertu consciente du danger. Au bout de trois mois, après l’avoir fait monter, descendre, remonter, redescendre, et promenée durant les pannes innombrables, il la connaissait comme le volant de sa machine, mais pas autrement. Il combinait les surprises, les aventures, les arrêts soudains dans le fond des forêts et devant les cabarets de nuit, et n’en était pas plus avancé. Il se disait que c'était stupide, et furieux, la reprenant dans son auto, faisait de rage du cent vingt à l’heure, prêt à la verser dans un fossé ou à la briser avec lui contre un arbre.

    Un jour, venu la prendre chez elle pour quelque excursion, il la trouva plus délicieuse encore qu’il n’eût cru et plus irritante; il fondit sur elle comme l’ouragan sur les joncs, au bord d’un étang. Elle plia avec une adorable faiblesse, et vingt fois fut près de flotter, arrachée, brisée, au souffle de l’orage, et vingt fois se redressa souple et cinglante, et, après tant d’assauts, on eût dit qu'à peine un souffle léger avait passé sur sa tige charmante; elle souriait, comme prête à s’offrir à la main hardie. Alors son malheureux agresseur, éperdu, enragé, aux trois quarts fou, s’enfuit pour ne pas la tuer, se trompe de porte, pénètre dans la chambre à coucher où madame Clarence mettait son chapeau devant l’armoire à glace, la saisit, la jette sur le lit et la possède avant qu’elle s’aperçoive de ce qui lui arrive.

    Le même jour Éveline, qui faisait son enquête, apprit que le vicomte Cléna n’avait que des dettes, vivait de l’argent d’une vieille grue et lançait les nouvelles marques d’un fabricant d’autos. Ils se séparèrent d’un commun accord et Éveline recommença à servir le thé avec malveillance aux invités de sa mère.

    Dans le salon de madame Clarence, on parlait de l’amour; et l’on en disait des choses délicieuses.

    —L’amour, c’est le sacrifice, soupira madame Crémeur.

    —Je vous crois, répliqua vivement M. Boutourlé.

    Mais le professeur Haddock étala bientôt sa fastidieuse insolence:

    —Il me semble, dit-il, que les Pingouines font bien des embarras depuis que, par l’opération de saint Maël, elles sont devenues vivipares. Pourtant il n’y a pas là de quoi s’enorgueillir: c’est une condition qu’elles partagent avec les vaches et les truies, et même avec les orangers et les citronniers, puisque les graines de ces plantes germent dans le péricarpe.

    —L’importance des Pingouines ne remonte pas si haut, répliqua M. Boutourlé; elle date du jour où le saint apôtre leur donna des vêtements; encore cette importance, longtemps contenue, n'éclata qu’avec le luxe de la toilette, et dans un petit coin de la société. Car allez seulement à deux lieues d’Alca, dans la campagne, pendant la moisson, et vous verrez si les femmes sont façonnières et se donnent de l’importance.

    Ce jour-là M. Hippolyte Cérès se fit présenter; il était député d’Alca et l’un des plus jeunes membres de la Chambre; on le disait fils d’un mastroquet, mais lui-même avocat, parlant bien, robuste, volumineux, l’air important et passant pour habile.

    —Monsieur Cérès, lui dit la maîtresse de maison, vous représentez le plus bel arrondissement d’Alca.

    —Et qui s’embellit tous les jours, madame.

    —Malheureusement, on ne peut plus y circuler, s'écria M. Boutourlé.

    —Pourquoi? demanda M. Cérès.

    —À cause des autos, donc!

    —N’en dites pas de mal, répliqua le député; c’est notre grande industrie nationale.

    —Je le sais, monsieur. Les Pingouins d’aujourd’hui me font penser aux Égyptiens d’autrefois. Les Égyptiens, à ce que dit Taine, d’après Clément d’Alexandrie, dont il a d’ailleurs altéré le texte, les Égyptiens adoraient les crocodiles qui les dévoraient; les Pingouins adorent les autos qui les écrasent. Sans nul doute, l’avenir est à la bête de métal. On ne reviendra pas plus au fiacre qu’on n’est revenu à la diligence. Et le long martyre du cheval s’achève. L’auto, que la cupidité frénétique des industriels lança comme un char de Jagernat sur les peuples ahuris et dont les oisifs et les snobs faisaient une imbécile et funeste élégance, accomplira bientôt sa fonction nécessaire, et, mettant sa force au service du peuple tout entier, se comportera en monstre docile et laborieux. Mais pour que, cessant de nuire, elle devienne bienfaisante, il faudra lui construire des voies en rapport avec ses allures, des chaussées qu’elle ne puisse plus déchirer de ses pneus féroces et dont elle n’envoie plus la poussière empoisonnée dans les poitrines humaines. On devra interdire ces voies nouvelles aux véhicules d’une moindre vitesse, ainsi qu'à tous les simples animaux, y établir des garages et des passerelles, enfin créer l’ordre et l’harmonie dans la voirie future. Tel est le voeu d’un bon citoyen.

    Madame Clarence ramena la conversation sur les embellissements de l’arrondissement représenté par M. Cérès, qui laissa paraître son enthousiasme pour les démolitions, percements, constructions, reconstructions et toutes autres opérations fructueuses.

    —On bâtit aujourd’hui d’une façon admirable, dit-il; partout s'élèvent des avenues majestueuses. Vit-on jamais rien de si beau que nos ponts à pylônes et nos hôtels à coupoles?

    —Vous oubliez ce grand palais recouvert d’une immense cloche à melon, grommela avec une rage sourde M. Daniset, vieil amateur d’art. J’admire à quel degré de laideur peut atteindre une ville moderne, Alca s’américanise; partout on détruit ce qui restait de libre, d’imprévu, de mesuré, de modéré, d’humain, de traditionnel; partout on détruit cette chose charmante, un vieux mur au-dessus duquel passent des branches; partout on supprime un peu d’air et de jour, un peu de nature, un peu de souvenirs qui restaient encore, un peu de nos pères, un peu de nous- même, et l’on élève des maisons, épouvantables, énormes, infâmes, coiffées à la viennoise de coupoles ridicules ou conditionnées à l’art nouveau, sans moulures ni profils, avec des encorbellements sinistres et des faîtes burlesques, et ces monstres divers grimpent au-dessus des toits environnants, sans vergogne. On voit traîner sur des façades avec une mollesse dégoûtante des protubérances bulbeuses; ils appellent cela les motifs de l’art nouveau. Je l’ai vu, l’art nouveau, dans d’autres pays, il n’est pas si vilain; il a de la bonhomie et de la fantaisie. C’est chez nous que, par un triste privilège, on peut contempler les architectures les plus laides, les plus nouvellement et les plus diversement laides; enviable privilège!

    —Ne craignez-vous pas, demanda sévèrement M. Cérès, ne craignez-vous pas que ces critiques amères ne soient de nature à détourner de notre capitale les étrangers qui y affluent de tous les points du monde et y laissent des milliards?

    —Soyez tranquille, répondit M. Daniset: les étrangers ne viennent point admirer nos bâtisses; ils viennent voir nos cocottes, nos couturiers et nos bastringues.

    —Nous avons une mauvaise habitude, soupira M. Cérès, c’est de nous calomnier nous-mêmes.

    Madame Clarence jugea, en hôtesse accomplie, qu’il était temps d’en revenir à l’amour, et demanda à M. Jumel ce qu’il pensait du livre récent où M. Léon Blum se plaint….

    —… Qu’une coutume irraisonnée, acheva le professeur Haddock, prive les demoiselles du monde de faire l’amour qu’elles feraient avec plaisir, tandis que les filles mercenaires le font trop, et sans goût. C’est déplorable en effet; mais que monsieur Léon Blum ne s’afflige pas outre mesure; si le mal est tel qu’il dit dans notre petite société bourgeoise, je puis lui certifier, que, partout ailleurs, il verrait un spectacle plus consolant. Dans le peuple, dans le vaste peuple des villes et des campagnes les filles ne se privent pas de faire l’amour.

    —C’est de la démoralisation! monsieur, dit madame Crémeur.

    Et elle célébra l’innocence des jeunes filles en des termes pleins de pudeur et de grâce. C'était ravissant!

    Les propos du professeur Haddock sur le même sujet furent, au contraire, pénibles à entendre:

    —Les jeunes filles du monde, dit-il, sont gardées et surveillées; d’ailleurs les hommes n’en veulent pas, par honnêteté, de peur de responsabilités terribles et parce que la séduction d’une jeune fille ne leur ferait pas honneur. Encore ne sait-on point ce qui se passe, pour cette raison que ce qui est caché ne se voit pas. Condition nécessaire à l’existence de toute société. Les jeunes filles du monde seraient plus faciles que les femmes si elles étaient autant sollicitées et cela pour deux raisons: elles ont plus d’illusions et leur curiosité n’est pas satisfaite. Les femmes ont été la plupart du temps si mal commencées par leur mari, qu’elles n’ont pas le courage de recommencer tout de suite avec un autre. Moi qui vous parle, j’ai rencontré plusieurs fois cet obstacle dans mes tentatives de séduction.

    Au moment où le professeur Haddock achevait ces propos déplaisants, mademoiselle Éveline Clarence entra au salon et servit le thé nonchalamment avec cette expression d’ennui qui donnait un charme oriental à sa beauté.

    —Moi, dit Hippolyte Cérès en la regardant, je me proclame le champion des demoiselles.

    «C’est un imbécile,» songea la jeune fille.

    Hippolyte Cérès, qui n’avait jamais mis le pied hors de son monde politique, électeurs et élus, trouva le salon de madame Clarence très distingué, la maîtresse de maison exquise, sa fille étrangement belle; il devint assidu près d’elles et fit sa cour à l’une et à l’autre. Madame Clarence, que maintenant les soins touchaient, l’estimait agréable. Éveline ne lui montrait aucune bienveillance et le traitait avec une hauteur et des dédains qu’il prenait pour façons aristocratiques et manières distinguées, et il l’en admirait davantage.

    Cet homme répandu s’ingéniait à leur faire plaisir et y réussissait quelquefois. Il leur procurait des billets pour les grandes séances et des loges à l’Opéra. Il fournit à mademoiselle Clarence plusieurs occasions de se mettre en vue très avantageusement et en particulier dans une fête champêtre, qui, bien que donnée par un ministre, fut regardée comme vraiment mondaine et valut à la république son premier succès auprès des gens élégants.

    À cette fête, Éveline, très remarquée, attira notamment l’attention d’un jeune diplomate nommé Roger Lambilly qui, s’imaginant qu’elle appartenait à un monde facile, lui donna rendez-vous dans sa garçonnière. Elle le trouvait beau et le croyait riche: elle alla chez lui. Un peu émue, presque troublée, elle faillit être victime de son courage, et n'évita sa défaite que par une manoeuvre offensive, audacieusement exécutée. Ce fut la plus grande folie de sa vie de jeune fille.

    Entrée dans l’intimité des ministres et du président, Éveline y portait des affectations d’aristocratie et de piété qui lui acquirent la sympathie du haut personnel de la république anticléricale et démocratique. M. Hippolyte Cérès, voyant qu’elle réussissait et lui faisait honneur, l’en aimait davantage; il en devint éperdument amoureux.

    Dès lors, elle commença malgré tout à l’observer avec intérêt, curieuse de voir si cela augmentait. Il lui paraissait sans élégance, sans délicatesse, mal élevé, mais actif, débrouillard, plein de ressources et pas très ennuyeux. Elle se moquait encore de lui, mais elle s’occupait de lui.

    Un jour elle voulut mettre son sentiment à l'épreuve.

    C'était en période électorale, pendant qu’il sollicitait, comme on dit, le renouvellement de son mandat. Il avait un concurrent peu dangereux au début, sans moyens oratoires, mais riche et qui gagnait, croyait-on, tous les jours des voix. Hippolyle Cérès, bannissant de son esprit et l'épaisse quiétude et les folles alarmes, redoublait de vigilance. Son principal moyen d’action c'étaient ses réunions publiques où il tombait, à la force du poumon, la candidature rivale. Son comité donnait de grandes réunions contradictoires le samedi soir et le dimanche à trois heures précises de l’après-midi. Or, un dimanche, étant allé faire visite aux dames Clarence, il trouva Éveline seule dans le salon. Il causait avec elle depuis vingt ou vingt cinq minutes quand, tirant sa montre, il s’aperçut qu’il était trois heures moins un quart. La jeune fille se fit aimable, agaçante, gracieuse, inquiétante, pleine de promesses. Cérès, ému, se leva.

    —Encore un moment! lui dit-elle d’une voix pressante et douce qui le fit retomber sur sa chaise.

    Elle lui montra de l’intérêt, de l’abandon, de la curiosité, de la faiblesse. Il rougit, pâlit et de nouveau, se leva.

    Alors, pour le retenir, elle le regarda avec des yeux dont le gris devenait trouble et noyé, et, la poitrine haletante, ne parla plus. Vaincu, éperdu, anéanti, il tomba à ses pieds; puis, ayant une fois encore tiré sa montre, bondit et jura effroyablement:

    —B…! quatre heures moins cinq! il n’est que temps de filer.

    Et aussitôt il sauta dans l’escalier.

    Depuis lors elle eut pour lui une certaine estime.

    Elle ne l’aimait guère, mais elle voulait bien qu’il l’aimât. Elle était d’ailleurs très réservée avec lui, non pas seulement à cause de son peu d’inclination: car, parmi les choses de l’amour il en est qu’on fait avec indifférence, par distraction, par instinct de femme, par usage et esprit traditionnel, pour essayer son pouvoir et pour la satisfaction d’en découvrir les effets. La raison de sa prudence, c’est qu’elle le savait très «mufle», capable de prendre avantage sur elle de ses familiarités et de les lui reprocher ensuite grossièrement si elle ne les continuait pas.

    Comme il était, par profession, anticlérical et libre penseur, elle jugeait bon d’affecter devant lui des façons dévotes, de se montrer avec des paroissiens reliés en maroquin rouge, de grand format, tels que les Quinzaine de Pâques de la reine Marie Leczinska et de la dauphine Marie-Josèphe; et elle lui mettait constamment sous les yeux les souscriptions qu’elle recueillait en vue d’assurer le culte national de sainte Orberose. Éveline n’agissait point ainsi pour le taquiner, par espièglerie ni par esprit contrariant, ni même par snobisme, quoi qu’elle en eût bien une pointe; elle s’affirmait de cette manière, s’imprimait un caractère, se grandissait et, pour exciter le courage du député, s’enveloppait de religion, comme Brunhild, pour attirer Sigurd, s’entourait de flammes. Son audace réussit. Il la trouvait plus belle de la sorte. Le cléricalisme, à ses yeux, était une élégance.

    Réélu à une énorme majorité, Cérès entra dans une Chambre qui se montrait plus portée à gauche, plus avancée que la précédente et, semblait-il, plus ardente aux réformes. S'étant tout de suite aperçu qu’un si grand zèle cachait la peur du changement et un sincère désir de ne rien faire, il se promit de suivre une politique qui répondît à ces aspirations. Dès le début de la session, il prononça un grand discours, habilement conçu et bien ordonné, sur cette idée que toute réforme doit être longtemps différée; il se montra chaleureux, bouillant même, ayant pour principe que l’orateur doit recommander la modération avec une extrême véhémence. Il fut acclamé par l’assemblée entière. Dans la tribune présidentielle, les dames Clarence l'écoutaient; Éveline tressaillait malgré elle au bruit solennel des applaudissements. Sur la même banquette, la belle madame Pensée frissonnait aux vibrations de cette voix mâle.

    Aussitôt descendu de la tribune, Hippolyle Cérès, sans prendre le temps de changer de chemise, alors que les mains battaient encore et qu’on demandait l’affichage, alla saluer les dames Clarence dans leur tribune. Éveline lui trouva la beauté du succès et, tandis que, penché sur ces dames, il recevait leurs compliments d’un air modeste, relevé d’un grain de fatuité, en s'épongeant le cou avec son mouchoir, la jeune fille, jetant un regard de côté sur madame Pensée, la vit qui respirait avec ivresse la sueur du héros, haletante, les paupières lourdes, la tête renversée, prête à défaillir. Aussitôt Éveline sourit tendrement à M. Cérès.

    Le discours du député d’Alca eut un grand retentissement. Dans les «sphères» politiques il fut jugé très habile. «Nous venons d’entendre enfin un langage honnête», écrivait le grand journal modéré. «C’est tout un programme!» disait-on à la Chambre. On s’accordait à y reconnaître un énorme talent.

    Hippolyte Cérès s’imposait maintenant comme chef aux radicaux, socialistes, anticléricaux, qui le nommèrent président de leur groupe, le plus considérable de la Chambre. Il se trouvait désigné pour un portefeuille dans la prochaine combinaison ministérielle.

    Après une longue hésitation, Éveline Clarence accepta l’idée d'épouser M. Hippolyte Cérès. Pour son goût, le grand homme était un peu commun; rien ne prouvait encore qu’il atteindrait un jour le point où la politique rapporte de grosses sommes d’argent; mais elle entrait dans ses vingt-sept ans et connaissait assez la vie pour savoir qu’il ne faut pas être trop dégoûtée ni se montrer trop exigeante.

    Hippolyte Cérès était célèbre; Hippolyte Cérès était heureux. On ne le reconnaissait plus; les élégances de ses habits et de ses manières augmentaient terriblement; il portait des gants blancs avec excès; maintenant, trop homme du monde, il faisait douter Éveline si ce n'était pas pis que de l'être trop peu. Madame Clarence regarda favorablement ces fiançailles, rassurée sur l’avenir de sa fille et satisfaite d’avoir tous les jeudis des fleurs pour son salon.

    La célébration du mariage souleva toutefois des difficultés. Éveline était pieuse et voulait recevoir la bénédiction de l'Église. Hippolyte Cérès, tolérant mais libre penseur, n’admettait que le mariage civil. Il y eut à ce sujet des discussions et même des scènes déchirantes. La dernière se déroula dans la chambre de la jeune fille, au moment de rédiger les lettres d’invitation. Éveline déclara que, si elle ne passait pas par l'église, elle ne se croirait pas mariée. Elle parla de rompre, d’aller à l'étranger avec sa mère, ou de se retirer dans un couvent. Puis elle se fit tendre, faible, suppliante; elle gémit. Et tout gémissait avec elle dans sa chambre virginale, le bénitier et le rameau de buis au-dessus du lit blanc, les livres de dévotion sur la petite étagère et sur le marbre de la cheminée la statuette blanche et bleue de sainte Orberose enchaînant le dragon de Cappadoce. Hippolyte Cérès était attendri, amolli, fondu.

    Belle de douleur, les yeux brillants de larmes, les poignets ceints d’un chapelet de lapis lazuli et comme enchaînée par sa foi, tout à coup elle se jeta aux pieds d’Hippolyte et lui embrassa les genoux, mourante, échevelée.

    Il céda presque; il balbutia:

    —Un mariage religieux, un mariage à l'église, on pourra encore faire digérer ça à mes électeurs; mais mon comité n’avalera pas la chose aussi facilement…. Enfin, je leur expliquerai, … la tolérance, les nécessités sociales…. Ils envoient tous leurs filles au catéchisme…. Quant à mon portefeuille, bigre! je crois bien, ma chérie, que nous allons le noyer dans l’eau bénite.

    À ces mots, elle se leva grave, généreuse, résignée, vaincue à son tour.

    —Mon ami, je n’insiste plus.

    —Alors, pas de mariage religieux! Ça vaut mieux, beaucoup mieux!

    —Si! Mais laissez-moi faire. Je vais tâcher de tout arranger pour votre satisfaction et la mienne.

    Elle alla trouver le révérend père Douillard et lui exposa la situation.

    Plus encore qu’elle n’espérait il se montra accommodant et facile.

    —Votre époux est un homme intelligent, un homme d’ordre et de raison: il nous viendra. Vous le sanctifierez; ce n’est pas en vain que Dieu lui a accordé le bienfait d’une épouse chrétienne. L'Église ne veut pas toujours pour ses bénédictions nuptiales les pompes et l'éclat des cérémonies. Maintenant qu’elle est persécutée, l’ombre des cryptes et les détours des catacombes conviennent à ses fêtes. Mademoiselle, quand vous aurez accompli les formalités civiles, venez ici, dans ma chapelle particulière, en toilette de ville, avec monsieur Cérès; je vous marierai en observant la plus absolue discrétion. J’obtiendrai de l’archevêque les dispenses nécessaires et toutes les facilités pour ce qui concerne les bans, le billet de confession, etc.

    Hippolyte, tout en trouvant la combinaison un peu dangereuse, accepta, assez flatté au fond:

    —J’irai en veston, dit-il.

    Il y alla en redingote, avec des gants blancs et des souliers vernis, et fit les génuflexions.

    —Quand les gens sont polis!…

    Le ménage Cérès, d’une modestie décente, s'établit dans un assez joli appartement d’une maison neuve. Cérès adorait sa femme avec rondeur et tranquillité, souvent retenu d’ailleurs à la commission du budget et travaillant plus de trois nuits par semaine à son rapport sur le budget des postes dont il voulait faire un monument. Éveline le trouvait «muffle», et il ne lui déplaisait pas. Le mauvais côté de la situation, c’est qu’ils n’avaient pas beaucoup d’argent; ils en avaient très peu. Les serviteurs de la république ne s’enrichissent pas à son service autant qu’on le croit. Depuis que le souverain n’est plus là pour dispenser les faveurs, chacun prend ce qu’il peut et ses déprédations, limitées par les déprédations de tous, sont réduites à des proportions modestes. De là cette austérité de moeurs qu’on remarque dans les chefs de la démocratie. Ils ne peuvent s’enrichir que dans les périodes de grandes affaires, et se trouvent alors en butte à l’envie de leurs collègues moins favorisés. Hippolyte Cérès prévoyait pour un temps prochain une période de grandes affaires; il était de ceux qui en préparaient la venue; en attendant il supportait dignement une pauvreté dont Éveline, en la partageant, souffrait moins qu’on eût pu croire. Elle était en rapports constants avec le révérend père Douillard et fréquentait la chapelle de Sainte-Orberose où elle trouvait une société sérieuse et des personnes capables de lui rendre service. Elle savait les choisir et ne donnait sa confiance qu'à ceux qui la méritaient. Elle avait gagné de l’expérience depuis ses promenades dans l’auto du vicomte Cléna, et surtout elle avait acquis le prix d’une femme mariée.

    Le député s’inquiéta d’abord de ces pratiques pieuses que raillaient les petits journaux démagogiques; mais il se rassura bientôt en voyant autour de lui tous les chefs de la démocratie se rapprocher avec joie de l’aristocratie et de l’Eglise.

    On se trouvait dans une de ces périodes (qui revenaient souvent) où l’on s’apercevait qu’on était allé trop loin. Hippolyte Cérès en convenait avec mesure. Sa politique n'était pas une politique de persécution, mais une politique de tolérance. Il en avait posé les bases dans son magnifique discours sur la préparation des réformes. Le ministère passait pour trop avancé; soutenant des projets reconnus dangereux pour le capital, il avait contre lui les grandes compagnies financières et, par conséquent, les journaux de toutes les opinions. Voyant le danger grossir, le cabinet abandonna ses projets, son programme, ses opinions, mais trop tard un nouveau gouvernement était prêt; sur une question insidieuse de Paul Visire, aussitôt transformée en interpellation, et un très beau discours d’Hippolyte Cérès, il tomba.

    Le président de la république choisit pour former un nouveau cabinet ce même Paul Visire, qui, très jeune encore, avait été deux fois ministre, homme charmant, habitué du foyer de la danse et des coulisses des théâtres, très artiste, très mondain, spirituel, d’une intelligence et d’une activité merveilleuses. Paul Visire, ayant constitué un ministère destiné à marquer un temps d’arrêt et à rassurer l’opinion alarmée, Hippolyte Cérès fut appelé à en faire partie.

    Les nouveaux ministres, appartenant à tous les groupes de la majorité, représentaient les opinions les plus diverses et les plus opposées, mais ils étaient tous modérés et résolument conservateurs [Note: Ce ministère ayant exercé une action considérable sur les destinées du pays et du monde, nous croyons devoir en donner la composition: intérieur et présidence du Conseil, Paul Visire; justice, Pierre Bouc; affaires étrangères, Victor Crombile; finances, Terrasson; instruction publique, Labillette; commerce, postes et télégraphes, Hippolyte Cérès; agriculture, Aulac; travaux publics, Lapersonne; guerre, général Débonnaire; marine, amiral Vivier des Murènes.] On garda le ministre des affaires étrangères de l’ancien cabinet, petit homme noir nommé Crombile, qui travaillait quatorze heures par jour dans le délire des grandeurs, silencieux, se cachant de ses propres agents diplomatiques, terriblement inquiétant, sans inquiéter personne, car l’imprévoyance des peuples est infinie et celle des gouvernants l'égale.

    On mit aux travaux publics un socialiste. Fortuné Lapersonne. C'était alors une des coutumes les plus solennelles, les plus sévères, les plus rigoureuses, et, j’ose dire, les plus terribles et les plus cruelles de la politique, de mettre dans tout ministère destiné à combattre le socialisme un membre du parti socialiste, afin que les ennemis de la fortune et de la propriété eussent la honte et l’amertume d'être frappés par un des leurs et qu’ils ne pussent se réunir entre eux sans chercher du regard celui qui les châtierait le lendemain. Une ignorance profonde du coeur humain permettrait seule de croire qu’il était difficile de trouver un socialiste pour occuper ces fonctions. Le citoyen Fortuné Lapersonne entra dans le cabinet Visire de son propre mouvement, sans contrainte aucune; et il trouva des approbateurs même parmi ses anciens amis, tant le pouvoir exerçait de prestige sur les Pingouins!

    Le général Débonnaire reçut le portefeuille de la guerre; il passait pour un des plus intelligents généraux de l’armée; mais il se laissait conduire par une femme galante, madame la baronne de Bildermann, qui, belle encore dans l'âge des intrigues, s'était mise aux gages d’une puissance voisine et ennemie.

    Le nouveau ministre de la marine, le respectable amiral Vivier des Murènes, reconnu généralement pour un excellent marin, montrait une piété qui eût paru excessive dans un ministère anticlérical, si la république laïque n’avait reconnu la religion comme d’utilité maritime. Sur les instructions du révérend père Douillard, son directeur spirituel, le respectable amiral Vivier des Murènes voua les équipages de la flotte à sainte Orberose et fit composer par des bardes chrétiens des cantiques en l’honneur de la vierge d’Alca qui remplacèrent l’hymne national dans les musiques de la marine de guerre.

    Le ministère Visire se déclara nettement anticlérical, mais respectueux des croyances; il s’affirma sagement réformateur. Paul Visire et ses collaborateurs voulaient des réformes, et c'était pour ne pas compromettre les réformes qu’ils n’en proposaient pas; car ils étaient vraiment des hommes politiques et savaient que les réformes sont compromises dès qu’on les propose. Ce gouvernement fut bien accueilli, rassura les honnêtes gens et fit monter la rente.

    Il annonça la commande de quatre cuirassés, des poursuites contre les socialistes et manifesta son intention formelle de repousser tout impôt inquisitorial sur le revenu. Le choix du ministre des finances, Terrasson, fut particulièrement approuvé de la grande presse. Terrasson, vieux ministre fameux par ses coups de Bourse, autorisait toutes les espérances des financiers et faisait présager une période de grandes affaires. Bientôt se gonfleraient du lait de la richesse ces trois mamelles des nations modernes: l’accaparement, l’agio et la spéculation frauduleuse. Déjà l’on parlait d’entreprises lointaines, de colonisation, et les plus hardis lançaient dans les journaux un projet de protectorat militaire et financier sur la Nigritie.

    Sans avoir encore donné sa mesure, Hippolyte Cérès était considéré comme un homme de valeur; les gens d’affaires l’estimaient. On le félicitait de toutes parts d’avoir rompu avec les partis extrêmes, les hommes dangereux, d'être conscient des responsabilités gouvernementales.

    Madame Cérès brillait seule entre toutes les dames du ministère. Crombile séchait dans le célibat; Paul Visire s'était marié richement, dans le gros commerce du Nord, à une personne comme il faut, mademoiselle Blampignon, distinguée, estimée, simple, toujours malade, et que l'état de sa santé retenait constamment chez sa mère, au fond d’une province reculée. Les autres ministresses n'étaient point nées pour charmer les regards; et l’on souriait en lisant que madame Labillette avait paru au bal de la présidence coiffée d’oiseaux de paradis. Madame l’amirale Vivier des Murènes, de bonne famille, plus large que haute, le visage sang de boeuf, la voix d’un camelot, faisait son marché elle-même. La générale Débonnaire, longue, sèche, couperosée, insatiable de jeunes officiers, perdue de débauches et de crimes, ne rattrapait la considération qu'à force de laideur et d’insolence.

    Madame Cérès était le charme du ministère et son porte-respect. Jeune, belle, irréprochable, elle réunissait, pour séduire l'élite sociale et les foules populaires, à l'élégance des toilettes la pureté du sourire.

    Ses salons furent envahis par la grande finance juive. Elle donnait les garden-parties les plus élégants de la république; les journaux décrivaient ses toilettes et les grands couturiers ne les lui faisaient pas payer. Elle allait à la messe, protégeait contre l’animosité populaire la chapelle de Sainte-Orberose et faisait naître dans les coeurs aristocratiques l’espérance d’un nouveau concordat.

    Des cheveux d’or, des prunelles gris de lin, souple, mince avec une taille ronde, elle était vraiment jolie; elle jouissait d’une excellente réputation, qu’elle aurait gardée intacte jusque dans un flagrant délit, tant elle se montrait adroite, calme, et maîtresse d’elle-même.

    La session s’acheva sur une victoire du cabinet, qui repoussa, aux applaudissements presque unanimes de la Chambre, la proposition d’un impôt inquisitorial, et sur un triomphe de madame Cérès qui donna des fêtes à trois rois de passage.

    Le président du conseil invita, pendant les vacances, monsieur et madame Cérès à passer une quinzaine de jours à la montagne, dans un petit château qu’il avait loué pour la saison et qu’il habitait seul. La santé vraiment déplorable de madame Paul Visire ne lui permettait pas d’accompagner son mari: elle restait avec ses parents au fond d’une province septentrionale.

    Ce château avait appartenu à la maîtresse d’un des derniers rois d’Alca; le salon gardait ses meubles anciens, et il s’y trouvait encore le sopha de la favorite. Le pays était charmant; une jolie rivière bleue, l’Aiselle, coulait au pied de la colline que dominait le château. Hippolyte Cérès aimait à pêcher à la ligne; il trouvait, en se livrant à cette occupation monotone, ses meilleures combinaisons parlementaires et ses plus heureuses inspirations oratoires. La truite foisonnait dans l’Aiselle; il la pêchait du matin au soir, dans une barque que le président du conseil s'était empressé de mettre à sa disposition.

    Cependant Éveline et Paul Visire faisaient quelquefois ensemble un tour de jardin, un bout de causerie dans le salon. Éveline, tout en reconnaissant la séduction qu’il exerçait sur les femmes, n’avait encore déployé pour lui qu’une coquetterie intermittente et superficielle, sans intentions profondes ni dessein arrêté. Il était connaisseur et la savait jolie; la Chambre et l’Opéra lui étaient tout loisir, mais, dans le petit château, les yeux gris de lin et la taille ronde d'Éveline prenaient du prix à ses yeux. Un jour qu’Hippolyte Cérès péchait dans l’Aiselle, il la fit asseoir près de lui sur le sopha de la favorite. À travers les fentes des rideaux, qui la protégeaient contre la chaleur et la clarté d’un jour ardent, de longs rayons d’or frappaient Éveline, comme les flèches d’un Amour caché. Sous la mousseline blanche, toutes ses formes, à la fois arrondies et fuselées, dessinaient leur grâce et leur jeunesse. Elle avait la peau moite et fraîche et sentait le foin coupé. Paul Visire se montra tel que le voulait l’occasion; elle ne se refusa pas aux jeux du hasard et de la société. Elle avait cru que ce ne serait rien ou peu de chose: elle s'était trompée.

    «Il y avait, dit la célèbre ballade allemande, sur la place de la ville, du côté du soleil, contre le mur où courait la glycine, une jolie boîte aux lettres, bleue comme les bleuets, souriante et tranquille.

    »Tout le jour venaient à elle, dans leurs gros souliers, petits marchands, riches fermiers, bourgeois et le percepteur et les gendarmes, qui lui mettaient des lettres d’affaires, des factures, des sommations et des contraintes d’avoir à payer l’impôt, des rapports aux juges du tribunal et des convocations de recrues: elle demeurait souriante et tranquille.

    »Joyeux ou soucieux, s’acheminaient vers elle journaliers et garçons de ferme, servantes et nourrices, comptables, employés de bureau, ménagères tenant leur petit enfant dans les bras; ils lui mettaient des faire-part de naissances, de mariages et de mort, des lettres de fiancés et de fiancées, des lettres d'époux et d'épouses, de mères à leurs fils, de fils à leurs mère: elle demeurait souriante et tranquille.

    »À la brune, des jeunes garçons et des jeunes filles se glissaient furtivement jusqu'à elle et lui mettaient des lettres d’amour, les unes mouillées de larmes qui faisaient couler l’encre, les autres avec un petit rond pour indiquer la place du baiser, et toutes très longues; elle demeurait souriante et tranquille.

    »Les riches négociants venaient eux-mêmes, par prudence, à l’heure de la levée, et lui mettaient des lettres chargées, des lettres à cinq cachets rouges pleines de billets de banque ou de chèques sur les grands établissements financiers de l’Empire: elle demeurait souriante et tranquille.

    »Mais un jour Gaspar, qu’elle n’avait jamais vu et qu’elle ne connaissait ni d'Ève ni d’Adam, vint lui mettre un billet dont on ne sait rien sinon qu’il était plié en petit chapeau. Aussitôt la jolie boîte aux lettres tomba pâmée. Depuis lors elle ne tient plus en place; elle court les rues, les champs, les bois, ceinte de lierre et couronnée de roses. Elle est toujours par monts et par vaux; le garde champêtre l’a surprise dans les blés entre les bras de Gaspar et le baisant sur la bouche.»

    Paul Visire avait repris toute sa liberté d’esprit; Éveline demeurait étendue sur le divan de la favorite dans un étonnement délicieux.

    Le révérend père Douillard, excellent en théologie morale, et qui, dans la décadence de l'Église, gardait les principes, avait bien raison d’enseigner, conformément à la doctrine des Pères, que, si une femme commet un grand péché en se donnant pour de l’argent, elle en commet un bien plus grand en se donnant pour rien; car, dans le premier cas, elle agit pour soutenir sa vie et elle est parfois, non pas excusable, mais pardonnable et digne encore de la grâce divine, puisque, enfin, Dieu défend le suicide et ne veut pas que ses créatures, qui sont ses temples, se détruisent elles-mêmes; d’ailleurs en se donnant pour vivre elle reste humble et ne prend pas de plaisir, ce qui diminue le péché. Mais une femme qui se donne pour rien pèche avec volupté, exulte dans la faute. L’orgueil et les délices dont elle charge son crime en augmentent le poids mortel.

    L’exemple de madame Hippolyte Cérès devait faire paraître la profondeur de ces vérités morales. Elle s’aperçut qu’elle avait des sens; jusque-là elle ne s’en était pas doutée; il ne fallut qu’une seconde pour lui faire faire cette découverte, changer son âme, bouleverser sa vie. Ce lui fut d’abord un enchantement que d’avoir appris à se connaître. Le gnothi seauthon de la philosophie antique n’est pas un précepte dont l’accomplissement au moral procure du plaisir, car on ne goûte guère de satisfaction à connaître son âme; il n’en est pas de même de la chair où des sources de volupté peuvent nous être révélées. Elle voua tout de suite à son révélateur une reconnaissance égale au bienfait et elle s’imagina que celui qui avait découvert les abîmes célestes en possédait seul la clé. Était-ce une erreur et n’en pouvait-elle pas trouver d’autres qui eussent aussi la clé d’or? Il est difficile d’en décider; et le professeur Haddock, quand les faits furent divulgués (ce qui ne tarda pas, comme nous l’allons voir), eu traita au point de vue expérimental, dans une revue scientifique et spéciale, et conclut que les chances qu’aurait madame C… de retrouver l’exacte équivalence de M. V… étaient dans les proportions de 3,05 sur 975,008. Autant dire qu’elle ne le retrouverait pas. Sans doute elle en eut l’instinct car elle s’attacha éperdument à lui.

    J’ai rapporté ces faits avec toutes les circonstances qui me semblent devoir attirer l’attention des esprits méditatifs et philosophiques. Le sopha de la favorite est digne de la majesté de l’histoire; il s’y décida des destinées d’un grand peuple; que dis-je, il s’y accomplit un acte dont le retentissement devait s'étendre sur les nations voisines, amies ou ennemies, et sur l’humanité tout entière. Trop souvent les événements de cette nature, bien que d’une conséquence infinie, échappent aux esprits superficiels, aux âmes légères qui assument inconsidérément la tâche d'écrire l’histoire. Aussi les secrets ressorts des événements nous demeurent cachés, la chute des empires, la transmission des dominations nous étonnent et nous demeurent incompréhensibles, faute d’avoir découvert le point imperceptible, touché l’endroit secret qui, mis en mouvement, a tout ébranlé et tout renversé. L’auteur de cette grande histoire sait mieux que personne ses défauts et ses insuffisances, mais il peut se rendre ce témoignage qu’il a toujours gardé cette mesure, ce sérieux, cette austérité qui plaît dans l’exposé des affaires d'État, et ne s’est jamais départi de la gravité qui convient au récit des actions humaines.

    Quand Éveline confia à Paul Visire qu’elle n’avait jamais éprouvé rien de semblable, il ne la crut pas. Il avait l’habitude des femmes et savait qu’elles disent volontiers ces choses aux hommes pour les rendre très amoureux. Ainsi son expérience, comme il arrive parfois, lui fit méconnaître la vérité. Incrédule, mais tout de même flatté, il ressentit bientôt pour elle de l’amour et quelque chose de plus. Cet état parut d’abord favorable à ses facultés intellectuelles; Visire prononça dans le chef-lieu de sa circonscription un discours plein de grâce, brillant, heureux, qui passa pour son chef-d’oeuvre.

    La rentrée fut sereine; c’est à peine, à la Chambre, si quelques rancunes isolées, quelques ambitions encore timides levèrent la tête. Un sourire du président du conseil suffit à dissiper ces ombres. Elle et lui se voyaient deux fois par jour et s'écrivaient dans l’intervalle. Il avait l’habitude des liaisons intimes, était adroit et savait dissimuler; mais Éveline montrait une folle imprudence; elle s’affichait avec lui dans les salons, au théâtre, à la Chambree et dans les ambassades; elle portait son amour sur son visage, sur toute sa personne, dans les éclairs humides de son regard, dans le sourire mourant de ses lèvres, dans la palpitation de sa poitrine, dans la mollesse de ses hanches, dans toute sa beauté avivée, irritée, éperdue. Bientôt le pays tout entier sut leur liaison; les cours étrangères en étaient informées; seuls le président de la république et le mari d'Éveline l’ignoraient encore. Le président l’apprit à la campagne par un rapport de police égaré, on ne sait comment, dans sa valise.

    Hippolyte Cérès, sans être ni très délicat ni très perspicace, s’apercevait bien que quelque chose était changé dans son ménage: Éveline, qui naguère encore s’intéressait à ses affaires et lui montrait sinon de la tendresse, du moins une bonne amitié, désormais ne lui laissait voir que de l’indifférence et du dégoût. Elle avait toujours eu des périodes d’absence, fait des visites prolongées à l’oeuvre de Sainte-Orberose; maintenant, sortie dès le matin et toute la journée dehors, elle se mettait à table à neuf heures du soir avec un visage de somnambule. Son mari trouvait cela ridicule; pourtant il n’aurait peut- être jamais su; une ignorance profonde des femmes, une épaisse confiance dans son mérite et dans sa fortune lui auraient peut-être toujours dérobé la vérité, si les deux amants ne l’eussent, pour ainsi dire, forcé à la découvrir.

    Quand Paul Visire allait chez Éveline et l’y trouvait seule, ils disaient en s’embrassant: «Pas ici! pas ici!» et aussitôt ils affectaient l’un vis-à-vis de l’autre une extrême réserve. C'était leur règle inviolable. Or, un jour, Paul Visire se rendit chez son collègue Cérès, à qui il avait donné rendez-vous; ce fut Éveline qui le reçut: le ministre des postes était retenu dans «le sein» d’une commission.

    —Pas ici! se dirent en souriant les amants.

    Ils se le dirent la bouche sur la bouche, dans des embrassements, des enlacements et des agenouillements. Ils se le disaient encore quand Hippolyte Cérès entra dans le salon.

    Paul Visire retrouva sa présence d’esprit; il déclara à madame Cérès qu’il renonçait à lui retirer la poussière qu’elle avait dans l’oeil. Par cette attitude il ne donnait pas le change au mari, mais il sauvait sa sortie.

    Hippolyte Cérès s’effondra. La conduite d'Éveline lui paraissait incompréhensible; il lui en demandait les raisons.

    —Pourquoi? pourquoi? répétait-il sans cesse, pourquoi?

    Elle nia tout, non pour le convaincre, car il les avait vus, mais par commodité et bon goût et pour éviter les explications pénibles.

    Hippolyte Cérès souffrait toutes les tortures de la jalousie. Il se l’avouait à lui-même; il se disait: «Je suis un homme fort; j’ai une cuirasse; mais la blessure est dessous: elle est au coeur.»

    Et se retournant vers sa femme toute parée de volupté et belle de son crime, il la contemplait douloureusement et lui disait:

    —Tu n’aurais pas dû avec celui-là.

    Et il avait raison. Éveline n’aurait pas dû aimer dans le gouvernement.

    Il souffrait tant qu’il prit son revolver en criant: «Je vais le tuer!» Mais il songea qu’un ministre des postes et télégraphes ne peut pas tuer le président du conseil, et il remit son revolver dans le tiroir de sa table de nuit.

    Les semaines se passaient sans calmer ses souffrances. Chaque matin, il bouclait sur sa blessure sa cuirasse d’homme fort et cherchait dans le travail et les honneurs la paix qui le fuyait. Il inaugurait tous les dimanches des bustes, des statues, des fontaines, des puits artésiens, des hôpitaux, des dispensaires, des voies ferrées, des canaux, des halles, des égouts, des arcs de triomphe, des marchés et des abattoirs, et prononçait des discours frémissants. Son activité brûlante dévorait les dossiers; il changea en huit jours quatorze fois la couleur des timbres-poste. Cependant il lui poussait des rages de douleur et de fureur qui le rendaient fou; durant des jours entiers sa raison l’abandonnait. S’il avait tenu un emploi dans une administration privée on s’en serait tout de suite aperçu; mais il est beaucoup plus difficile de reconnaître la démence ou le délire dans l’administration des affaires de l'État. À ce moment, les employés du gouvernement formaient des associations et des fédérations, au milieu d’une effervescence dont s’effrayaient le parlement et l’opinion; les facteurs se signalaient entre tous par leur ardeur syndicaliste.

    Hippolyte Cérès fit connaître par voie de circulaire que leur action était strictement légale. Le lendemain, il lança une seconde circulaire, qui interdisait comme illégale toute association des employés de l'État. Il révoqua cent quatre-vingts facteurs, les réintégra, leur infligea un blâme et leur donna des gratifications. Au conseil des ministres il était toujours sur le point d'éclater; c'était à peine si la présence du chef de l'État le contenait dans les bornes des bienséances, et comme il n’osait pas sauter à la gorge de son rival, il accablait d’invectives, pour se soulager, le chef respecté de l’armée, le général Débonnaire, qui ne les entendait pas, étant sourd et occupé à composer des vers pour madame la baronne de Bildermann. Hippolyte Cérès s’opposait indistinctement à tout ce que proposait M. le président du conseil. Enfin il était insensé. Une seule faculté échappait au désastre de son esprit: il lui restait le sens parlementaire, le tact des majorités, la connaissance approfondie des groupes, la sûreté des pointages.

    La session s’achevait dans le calme, et le ministère ne découvrait, sur les bancs de la majorité, nul signe funeste. On voyait cependant par certains articles des grands journaux modérés que les exigences des financiers juifs et chrétiens croissaient tous les jours, que le patriotisme des banques réclamait une expédition civilisatrice en Nigritie et que le trust de l’acier, plein d’ardeur à protéger nos côtes et à défendre nos colonies, demandait avec frénésie des cuirassés et des cuirassés encore. Des bruits de guerre couraient: de tels bruits s'élevaient tous les ans avec la régularité des vents alisés; les gens sérieux n’y prêtaient pas l’oreille et le gouvernement pouvait les laisser tomber d’eux-mêmes à moins qu’ils ne vinssent à grossir et à s'étendre; car alors le pays se serait alarmé. Les financiers ne voulaient que des guerres coloniales; le peuple ne voulait pas de guerres du tout; il aimait que le gouvernement montrât de la fierté et même de l’arrogance; mais au moindre soupçon qu’un conflit européen se préparait, sa violente émotion aurait vite gagné la Chambre. Paul Visire n'était point inquiet, la situation européenne, à son avis, n’offrait rien que de rassurant. Il était seulement agacé du silence maniaque de son ministre des affaires étrangères. Ce gnôme arrivait au conseil avec un portefeuille plus gros que lui, bourré de dossiers, ne disait rien, refusait de répondre à toutes les questions, même à celles que lui posait le respecté président de la république et, fatigué d’un travail opiniâtre, prenait, dans son fauteuil, quelques instants de sommeil et l’on ne voyait plus que sa petite houppe noire au-dessus du tapis vert.

    Cependant Hippolyte Cérès redevenait un homme fort; il faisait en compagnie de son collègue Lapersonne des noces fréquentes avec des filles de théâtre; on les voyait tous deux entrer, de nuit, dans des cabarets à la mode, au milieu de femmes encapuchonnées, qu’ils dominaient de leur haute taille et de leurs chapeaux neufs, et on les compta bientôt parmi les figures les plus sympathiques du boulevard. Ils s’amusaient; mais ils souffraient. Fortuné Lapersonne avait aussi sa blessure sous sa cuirasse; sa femme, une jeune modiste qu’il avait enlevée à un marquis, était allée vivre avec un chauffeur. Il l’aimait encore; il ne se consolait pas de l’avoir perdue et, bien souvent, dans un cabinet particulier, au milieu des filles qui riaient en suçant des écrevisses, les deux ministres, échangeant un regard plein de leurs douleurs, essuyaient une larme.

    Hippolyte Cérès, bien que frappé au coeur, ne se laissait point abattre.

    Il fit serment de se venger.

    Madame Paul Visire, que sa déplorable santé retenait chez ses parents, au fond d’une sombre province, reçut une lettre anonyme, spécifiant que M. Paul Visire, qui s'était marié sans un sou, mangeait avec une femme mariée, E… C… (cherchez!) sa dot, à elle madame Paul, donnait à cette femme des autos de trente mille francs, des colliers de perles de quatre-vingt mille et courait à la ruine, au déshonneur et à l’anéantissement. Madame Paul Visire lut, tomba d’une attaque de nerfs et tendit la lettre à son père.

    —Je vais lui frotter les oreilles, à ton mari, dit M. Blampignon; c’est un galopin qui, si l’on n’y prend garde, te mettra sur la paille. Il a beau être président du Conseil, il ne me fait pas peur.

    Au sortir du train M. Blampignon se présenta au ministère de l’intérieur et fut reçu tout de suite. Il entra furieux dans le cabinet du président.

    —J’ai à vous parler, monsieur!

    Et il brandit la lettre anonyme.

    Paul Visire l’accueillit tout souriant.

    —Vous êtes le bienvenu, mon cher père. J’allais vous écrire…. Oui, pour vous annoncer votre nomination au grade d’officier de la Légion d’honneur. J’ai fait signer le brevet ce matin.

    Blampignon remercia profondément son gendre et jeta au feu la lettre anonyme.

    Rentré dans sa maison provinciale, il y trouva sa fille irritée et languissante.

    —Eh bien! je l’ai vu, ton mari; il est charmant. Mais voilà! tu ne sais pas le prendre.

    Vers ce temps, Hippolyte Cérès apprit par un petit journal de scandales (c’est toujours par les journaux que les ministres apprennent les affaires d'État) que le président du Conseil dînait tous les soirs chez mademoiselle Lysiane, des Folies Dramatiques, dont le charme semblait l’avoir vivement frappé. Dès lors Cérès se faisait une sombre joie d’observer sa femme. Elle rentrait tous les soirs très en retard, pour dîner ou s’habiller, avec un air de fatigue heureuse et la sérénité du plaisir accompli.

    Pensant qu’elle ne savait rien, il lui envoya des avis anonymes. Elle les lisait à table, devant lui et demeurait alanguie et souriante.

    Il se persuada alors qu’elle ne tenait aucun compte de ces avertissements trop vagues et que, pour l’inquiéter, il fallait lui donner des précisions, la mettre en état de vérifier par elle-même l’infidélité et la trahison. Il avait au ministère des agents très sûrs, chargés de recherches secrètes intéressant la défense nationale et qui précisément surveillaient alors des espions qu’une puissance voisine et ennemie entretenait jusque dans les postes et télégraphes de la république. M. Cérès leur donna l’ordre de suspendre leurs investigations et de s’enquérir où, quand et comment M. le ministre de l’intérieur voyait mademoiselle Lysiane. Les agents accomplirent fidèlement leur mission et instruisirent le ministre qu’ils avaient plusieurs fois surpris M. le président du Conseil avec une femme, mais que ce n'était pas mademoiselle Lysiane. Hippolyte Cérès ne leur en demanda pas davantage. Il eut raison: Les amours de Paul Visire et de Lysiane n'étaient qu’un alibi imaginé par Paul Visire lui-même, à la satisfaction d'Éveline, importunée de sa gloire et qui soupirait après l’ombre et le mystère.

    Ils n'étaient pas filés seulement par les agents du ministère des postes; ils l'étaient aussi par ceux du préfet de police et par ceux mêmes du ministère de l’intérieur qui se disputaient le soin de les protéger; ils l'étaient encore par ceux de plusieurs agences royalistes, impérialistes et cléricales, par ceux de huit ou dix officines de chantage, par quelques policiers amateurs, par une multitude de reporters et par une foule de photographes qui, partout où ils abritaient leurs amours errantes, grands hôtels, petits hôtels, maisons de ville, maisons de campagne, appartements privés, châteaux, musées, palais, bouges, apparaissaient à leur venue, et les guettaient dans la rue, dans les maisons environnantes, dans les arbres, sur les murs, dans les escaliers, sur les paliers, sur les toits, dans les appartements contigus, dans les cheminées. Le ministre et son amie voyaient avec effroi tout autour de la chambre à coucher les vrilles percer les portes et les volets, les violons faire des trous dans les murs. On avait obtenu, faute de mieux, un cliché de madame Cérès en chemise, boutonnant ses bottines.

    Paul Visire, impatienté, irrité, perdait par moments sa belle humeur et sa bonne grâce; il arrivait furieux au Conseil et couvrait d’invectives, lui aussi, le général Débonnaire, si brave au feu, mais qui laissait l’indiscipline s'établir dans les armées, et il accablait de sarcasmes, lui aussi, le vénérable amiral Vivier des Murènes, dont les navires coulaient à pic sans cause apparente.

    Fortuné Lapersonne l'écoutait, narquois, les yeux tout ronds, et grommelait entre ses dents:

    —Il ne lui suffit pas de prendre à Hippolyte Cérès sa femme; il lui prend aussi ses tics.

    Ces algarades, connues par les indiscrétions des ministres et par les plaintes des deux vieux chefs, qui annonçaient qu’ils foutraient leur portefeuille au nez de ce coco-là et qui n’en faisaient rien, loin de nuire à l’heureux chef du cabinet, produisirent le meilleur effet sur le parlement et l’opinion qui y voyaient les marques d’une vive sollicitude pour l’armée et la marine nationales. Le président du Conseil recueillit l’approbation générale. Aux félicitations des groupes et des personnages notables, il répondait avec une ferme simplicité:

    —Ce sont mes principes!

    Et il fit mettre en prison sept ou huit socialistes.

    La session close, Paul Visire, très fatigué, alla prendre les eaux. Hippolyte Cérès refusa de quitter son ministère où s’agitait tumultueusement le syndicat des demoiselles téléphonistes. Il les frappa avec une violence inouie car il était devenu misogyne. Le dimanche, il allait dans la banlieue pêcher à la ligne avec son collègue Lapersonne, coiffé du chapeau de haute forme qu’il ne quittait plus depuis qu’il était ministre. Et tous deux, oubliant le poisson, se plaignaient de l’inconstance des femmes et mêlaient leurs douleurs.

    Hippolyte aimait toujours Éveline et souffrait toujours. Cependant l’espoir s'était glissé dans son coeur. Il la tenait séparée de son amant et, pensant la pouvoir reprendre, il y dirigea tous ses efforts, y déploya toute son habileté, se montra sincère, prévenant, affectueux, dévoué, discret même; son coeur lui enseignait toutes les délicatesses. Il disait à l’infidèle des choses charmantes et des choses touchantes et, pour l’attendrir, lui avouait tout ce qu’il avait souffert.

    Croisant sur son ventre la ceinture de son pantalon:

    —Vois, lui disait-il, j’ai maigri.

    Il lui promettait tout ce qu’il pensait qui pût flatter une femme, des parties de campagne, des chapeaux, des bijoux.

    Parfois il croyait l’avoir apitoyée. Elle ne lui montrait plus un visage insolemment heureux; séparée de Paul, sa tristesse avait un air de douceur; mais dès qu’il faisait un geste pour la reconquérir, elle se refusait, farouche et sombre, ceinte de sa faute comme d’une ceinture d’or.

    Il ne se lassait pas, se faisait humble, suppliant, déplorable.

    Un jour il alla trouver Lapersonne, et lui dit, les larmes aux yeux:

    —Parle-lui, toi!

    Lapersonne s’excusa, ne croyant pas son intervention efficace, mais il donna des conseils à son ami.

    —Fais-lui croire que tu la dédaignes, que tu en aimes une autre, et elle te reviendra.

    Hippolyte, essayant de ce moyen, fit mettre dans les journaux qu’on le rencontrait à toute heure chez mademoiselle Guinaud de l’Opéra. Il rentrait tard, ou ne rentrait pas; affectait, devant Éveline, les apparences d’une joie intérieure impossible à contenir; pendant le dîner, il tirait de sa poche une lettre parfumée qu’il feignait de lire avec délices et ses lèvres semblaient baiser, dans un songe, des lèvres invisibles. Rien ne fit. Éveline ne s’apercevait même pas de ce manège. Insensible à tout ce qui l’entourait, elle ne sortait de sa léthargie que pour demander quelques louis à son mari; et, s’il ne les lui donnait pas, elle lui jetait un regard de dégoût, prête à lui reprocher la honte dont elle l’accablait devant le monde entier. Depuis qu’elle aimait, elle dépensait beaucoup pour sa toilette; il lui fallait de l’argent et elle n’avait que son mari pour lui en procurer: elle était fidèle.

    Il perdit patience, devint enragé, la menaça de son revolver. Il dit un jour devant elle à madame Clarence:

    —Je vous fais compliment, madame; vous avez élevé votre fille comme une grue.

    —Emmène-moi, maman, s'écria Éveline. Je veux divorcer!

    Il l’aimait plus ardemment que jamais.

    Dans sa jalouse rage, la soupçonnant, non sans vraisemblance, d’envoyer et de recevoir des lettres, il jura de les intercepter, rétablit le cabinet noir, jeta le trouble dans les correspondances privées, arrêta les ordres de Bourse, fit manquer les rendez-vous d’amour, provoqua des ruines, traversa des passions, causa des suicides. La presse indépendante recueillit les plaintes du public, et les soutint de toute son indignation. Pour justifier ces mesures arbitraires les journaux ministériels parlèrent à mots couverts de complot, de danger public et firent croire à une conspiration monarchique. Des feuilles moins bien informées donnèrent des renseignements plus précis, annoncèrent la saisie de cinquante mille fusils et le débarquement du prince Crucho. L'émotion grandissait dans le pays; les organes républicains demandaient la convocation immédiate des Chambres. Paul Visire revint à Paris, rappela ses collègues, tint un important conseil de cabinet et fit savoir par ses agences qu’un complot avait été effectivement ourdi contre la représentation nationale, que le président du conseil en tenait les fils et qu’une information judiciaire était ouverte.

    Il ordonna immédiatement l’arrestation de trente socialistes, et tandis que le pays entier l’acclamait comme un sauveur, déjouant la surveillance de ses six cents agents, il conduisait furtivement Éveline dans un petit hôtel, près de la gare du Nord, où ils restèrent jusqu'à la nuit. Après leur départ, la fille de l’hôtel, en changeant les draps du lit, vit sept petites croix tracées avec une épingle à cheveux, près du chevet, sur le mur de l’alcôve.

    C’est tout ce qu’Hippolyte Cérès obtint pour prix de ses efforts.

    La jalousie est une vertu des démocraties qui les garantit des tyrans. Les députés commençaient à envier la clé d’or du président du conseil. Il y avait un an que sa domination sur la belle madame Cérès était connue de tout l’univers; la province, où les nouvelles et les modes ne parviennent qu’après une complète révolution de la terre autour du soleil, apprenait enfin les amours illégitimes du cabinet. La province garde des moeurs austères; les femmes y sont plus vertueuses que dans la capitale. On en allègue diverses raisons: l'éducation, l’exemple, la simplicité de la vie. Le professeur Haddock prétend que leur vertu tient uniquement à leur chaussure dont le talon est bas. «Une femme, dit-il dans un savant article de la Revue anthropologique, une femme ne produit sur un homme civilisé une sensation nettement érotique qu’autant que son pied fait avec le sol un angle de vingt-cinq degrés. S’il en fait un de trente-cinq degrés, l’impression érotique qui se dégage du sujet devient aiguë. En effet, de la position des pieds sur le sol dépend, dans la station droite, la situation respective des différentes parties du corps et notamment du bassin, ainsi que les relations réciproques et le jeu des reins et des masses musculaires qui garnissent postérieurement et supérieurement la cuisse. Or, comme tout homme civilisé est atteint de perversion génésique et n’attache une idée de volupté qu’aux formes féminines (tout au moins dans la station droite) disposées dans les conditions de volume et d'équilibre commandées par l’inclinaison du pied que nous venons de déterminer, il en résulte que les dames de province, ayant des talons bas, sont peu convoitées (du moins dans la station droite) et gardent facilement leur vertu.» Ces conclusions ne furent pas généralement adoptées. On objecta que, dans la capitale même, sous l’influence des modes anglaises et américaines, l’usage des talons bas s’introduisit sans produire les effets signalés par le savant professeur; qu’au reste, la différence qu’on prétend établir entre les moeurs de la métropole et celles de la province est, peut-être, illusoire et que, si elle existe, elle est due apparemment à ce que les grandes villes offrent à l’amour des avantages et des facilités que les petites n’ont pas. Quoi qu’il en soit, la province commença à murmurer contre le président du conseil et à crier au scandale. Ce n'était pas encore un danger, mais ce pouvait en devenir un.

    Pour le moment, le péril n'était nulle part et il était partout. La majorité restait ferme, mais les leaders devenaient exigeants et moroses. Peut-être Hippolyte Cérès n’eût-il jamais sacrifié ses intérêts à sa vengeance. Mais, jugeant qu’il pouvait désormais, sans compromettre sa propre fortune, contrarier secrètement celle de Paul Visire, il s'étudiait à créer, avec art et mesure, des difficultés et des périls au chef du gouvernement. Très loin d'égaler son rival par le talent, le savoir et l’autorité, il le surpassait de beaucoup en habileté dans les manoeuvres de couloirs. Les plus fins parlementaires attribuaient à son abstention les récentes défaillances de la majorité. Dans les commissions, faussement imprudent, il accueillait sans défaveur des demandes de crédits auxquelles il savait que le président du conseil ne saurait souscrire. Un jour, sa maladresse calculée souleva un brusque et violent conflit entre le ministre de l’intérieur et le rapporteur du budget de ce département. Alors Cérès s’arrêta effrayé. C’eut été dangereux pour lui de renverser trop tôt le ministère. Sa haine ingénieuse trouva une issue par des voies détournées. Paul Visire avait une cousine pauvre et galante qui portait son nom. Cérès, se rappelant à propos cette demoiselle Céline Visire, la lança dans la grande vie, lui ménagea des liaisons avec des hommes et des femmes étranges et lui procura des engagements dans des cafés-concerts. Bientôt, à son instigation, elle joua en des Eldorados des pantomimes unisexuelles, sous les huées. Une nuit d'été, elle exécuta, sur une scène des Champs- Élysées, devant une foule en tumulte, des danses obscènes, aux sons d’une musique enragée qu’on entendait jusque dans les jardins où le président de la république donnait une fête à des rois. Le nom de Visire, associé à ces scandales, couvrait les murs de la ville, emplissait les journaux, volait sur des feuilles à vignettes libertines par les cafés et les bals, éclatait sur les boulevards en lettres de feu.

    Personne ne rendit le président du conseil responsable de l’indignité de sa parente; mais on prenait mauvaise idée de sa famille et le prestige de l’homme d'État s’en trouva diminué.

    Il eut presque aussitôt une alerte assez vive. Un jour à la Chambre, sur une simple question, le ministre de l’instruction publique et des cultes, Labillette, souffrant du foie et que les prétentions et les intrigues du clergé commençaient à exaspérer, menaça de fermer la chapelle de Sainte-Orberose et parla sans respect de la vierge nationale. La droite se dressa tout entière indignée; la gauche parut soutenir à contre-coeur le ministre téméraire. Les chefs de la majorité ne se souciaient pas d’attaquer un culte populaire qui rapportait trente millions par an au pays: le plus modéré des hommes de la droite, M. Bigourd, transforma la question en interpellation et mit le cabinet en péril. Heureusement le ministre des travaux public, Fortuné Lapersonne, toujours conscient des obligations du pouvoir, sut réparer, en l’absence du president du conseil, la maladresse et l’inconvenance de son collègue des cultes. Il monta à la tribune pour y témoigner des respects du gouvernement à l’endroit de la céleste patronne du pays, consolatrice de tant de maux que la science s’avoue impuissante à soulager.

    Quand Paul Visire, enfin arraché des bras d'Éveline, parut à la Chambre, le ministère était sauvé; mais le président du conseil se vit obligé d’accorder à l’opinion des classes dirigeantes d’importantes satisfactions; il proposa au parlement la mise en chantier de six cuirassés et reconquit ainsi les sympathies de l’acier; il assura de nouveau que la rente ne serait pas imposée et fit arrêter dix-huit socialistes.

    Il devait bientôt se trouver aux prises avec des difficultés plus redoutables. Le chancelier de l’empire voisin, dans un discours sur les relations extérieures de son souverain, glissa, au milieu d’aperçus ingénieux et de vues profondes, une allusion maligne aux passions amoureuses dont s’inspirait la politique d’un grand pays. Cette pointe, accueillie par les sourires du parlement impérial, ne pouvait qu’irriter une république ombrageuse. Elle y éveilla la susceptibilité nationale qui s’en prit au ministre amoureux; les députés saisirent un prétexte frivole pour témoigner leur mécontentement. Sur un incident ridicule: une sous-préfète venue danser au Moulin-Rouge, la Chambre obligea le ministère à engager sa responsabilité et il s’en fallut de quelques voix seulement qu’il ne tombàt. De l’aveu général, Paul Visire n’avait jamais été si faible, si mou, si terne, que dans cette déplorable séance.

    Il comprit qu’il ne pouvait se maintenir que par un coup de grande politique et décida l’expédition de Nigritie, réclamée par la haute finance, la haute industrie et qui assurait des concessions de forêts immenses à des sociétés de capitalistes, un emprunt de huit milliards aux établissements de crédit, des grades et des décorations aux officiers de terre et de mer. Un prétexte s’offrit: une injure à venger, une créance à recouvrer. Six cuirassés, quatorze croiseurs et dix-huit transports pénétrèrent dans l’embouchure du fleuve des Hippopotames; six cents pirogues s’opposèrent en vain au débarquement des troupes. Les canons de l’amiral Vivier des Murènes produisirent un effet foudroyant sur les noirs qui répondirent par des volées de flèches et, malgré leur courage fanatique, furent complètement défaits. Échauffé par les journaux aux gages des financiers, l’enthousiasme populaire éclata. Quelques socialistes seuls protesterent contre une entreprise barbare, équivoque et dangereuse; ils furent immédiatement arrêtés.

    À cette heure où le ministère, soutenu par la richesse et cher maintenant aux simples, semblait inébranlable, Hippolyte Cérès, éclairé par la haine, voyait seul le danger, et, contemplant son rival avec une joie sombre, murmurait entre ses dents: «Il est foutu, le forban!»

    Tandis que le pays s’enivrait de gloire et d’affaires, l’empire voisin protestait contre l’occupation de la Nigritie par une puissance européenne et ces protestations, se succédant à des intervalles de plus en plus courts, devenaient de plus en plus vives. Les journaux de la république affairée dissimulaient toutes les causes d’inquiétude; mais Hippolyte Cérès écoutait grossir la menace et, résolu enfin à tout risquer pour perdre son ennemi, même le sort du ministère, travaillait dans l’ombre. Il fit écrire par des hommes à sa dévotion et insérer dans plusieurs journaux officieux des articles qui, semblant exprimer la pensée même de Paul Visire, prêtaient au chef du gouvernement des intentions belliqueuses.

    En même temps qu’ils éveillaient un écho terrible à l'étranger, ces articles alarmaient l’opinion chez un peuple qui aimait les soldats mais n’aimait pas la guerre. Interpellé sur la politique extérieure du gouvernement, Paul Visire fit une déclaration rassurante, promit de maintenir une paix compatible avec la dignité d’une grande nation; le ministre des affaires étrangères, Crombile, lut une déclararation tout à fait inintelligible puisqu’elle était rédigée en langage diplomatique; le ministère obtint une forte majorité.

    Mais les bruits de guerre ne cessèrent pas et, pour éviter une nouvelle et dangereuse interpellation, le président du conseil distribua entre les députés quatre-vingt mille hectares de forêts en Nigritie et fit arrêter quatorze socialistes. Hippolyte Cérès allait dans les couloirs, très sombre, et confiait aux députés de son groupe qu il s’efforçait de faire prévaloir au conseil une politique pacifique et qu’il espérait encore y réussir.

    De jour en jour, les rumeurs sinistres grossissaient, pénétraient dans le public, y semaient le malaise et l’inquiétude. Paul Visire lui-même commençait à prendre peur. Ce qui le troublait, c'était le silence et l’absence du ministre des affaires étrangères. Crombile maintenant ne venait plus au conseil; levé à cinq heures du matin, il travaillait dix- huit heures à son bureau et tombait épuisé dans sa corbeille où les huissiers le ramassaient avec les papiers qu’ils allaient vendre aux attachés militaires de l’empire voisin.

    Le général Débonnaire croyait qu’une entrée en campagne était imminente; il s’y préparait. Loin de craindre la guerre, il l’appelait de ses voeux et confiait ses généreuses espérances à la baronne de Bildermann, qui en avertissait la nation voisine qui, sur son avis, procédait à une mobilisation rapide.

    Le ministre des finances, sans le vouloir, précipita les événements. En ce moment il jouait à la baisse: pour déterminer une panique, il fit courir à la Bourse le bruit que la guerre était désormais inévitable. L’empereur voisin, trompé par cette manoeuvre et s’attendant à voir son territoire envahi, mobilisa ses troupes en toute hâte. La Chambre épouvantée renversa le ministère Visire à une énorme majorité (814 voix contre 7 et 28 abstentions). Il était trop tard; le jour même de cette chute, la nation voisine et ennemie rappelait son ambassadeur et jetait huit millions d’hommes dans la patrie de madame Cérès; la guerre devint universelle et le monde entier fut noyé dans des flots de sang.

    Un demi-siècle après les événements que nous venons de raconter, madame Cérès mourut entourée de respect et de vénération, en la soixante-dix- neuvième année de son âge et depuis longtemps veuve de l’homme d'État dont elle portait dignement le nom. Ses obsèques modestes et recueillies furent suivies par les orphelins de la paroisse et les soeurs de la Sacrée Mansuétude.

    La défunte laissait tous ses biens à l’oeuvre de Sainte-Orberose.

    —Hélas! soupira M. Monnoyer, chanoine de Saint-Maël, en recevant ce legs pieux, il était grand temps qu’une généreuse fondatrice subvînt à nos nécessités. Les riches et les pauvres, les savants et les ignorants se détournent de nous. Et, lorsque nous nous efforçons de ramener les âmes égarées, menaces, promesses, douceur, violence, rien ne nous réussit plus. Le clergé de Pingouinie gémit dans la désolation; nos curés de campagne, réduits pour vivre à exercer les plus vils métiers, traînent la savate et mangent des rogatons. Dans nos églises en ruines la pluie du ciel tombe sur les fidèles et l’on entend durant les saints offices les pierres des voûtes choir. Le clocher de la cathédrale penche et va s'écrouler. Sainte Orberose est oubliée des Pingouins, son culte aboli, son sanctuaire déserté. Sur sa châsse, dépouillée de son or et de ses pierreries, l’araignée tisse silencieusement sa toile.

    Oyant ces lamentations, Pierre Mille qui, à l'âge de quatre-vingt-dix- huit ans, n’avait rien perdu de sa puissance intellectuelle et morale, demanda au chanoine s’il ne pensait pas que sainte Orberose sortît un jour de cet injurieux oubli.

    —Je n’ose l’espérer, soupira M. Monnoyer.

    —C’est dommage! répliqua Pierre Mille. Orberose est une charmante figure; sa légende a de la grâce. J’ai découvert, l’autre jour, par grand hasard, un de ses plus jolis miracles, le miracle de Jean Violle. Vous plairaît-il l’entendre, monsieur Monnoyer?

    —Je l’entendrai volontiers, monsieur Mille.

    —Le voici donc tel que je l’ai trouvé dans un manuscrit du xive siècle:

    »Cécile, femme de Nicolas Gaubert, orfèvre sur le Pont-au-Change, après avoir mené durant de longues années une vie honnête et chaste, et déjà sur le retour, s'éprit de Jean Violle, le petit page de madame la comtesse de Maubec, qui habitait l’hôtel du Paon sur la Grève. Il n’avait pas encore dix-huit ans, sa taille et sa figure étaient très mignonnes. Ne pouvant vaincre son amour, Cécile résolut de le satisfaire. Elle attira le page dans sa maison, lui fit toutes sortes de caresses, lui donna des friandises et finalement en fit à son plaisir avec lui.

    »Or, un jour qu’ils étaient couchés tous deux ensemble dans le lit de l’orfèvre, maître Nicolas rentra au logis plus tôt qu’on ne l’attendait. Il trouva le verrou tiré et entendit au travers de la porte, sa femme qui soupirait: «Mon coeur! mon »ange! mon rat!» La soupçonnant alors de s'être enfermée avec un galant, il frappa de grands coups à l’huis et se mit à hurler: «Gueuse, paillarde, »ribaude, vaudoise, ouvre que je te coupe »le nez et les oreilles!» En ce péril, l'épouse de l’orfèvre se voua à sainte Orberose et lui promit une belle chandelle si elle la tirait d’affaire, elle et le petit page qui se mourait de peur tout nu dans la ruelle.

    »La sainte exauça ce voeu. Elle changea immédiatement Jean Violle en fille. Ce que voyant, Cécile, bien rassurée, se mit à crier à son mari: «Oh! le vilain brutal, le méchant jaloux! Parlez »doucement si vous voulez qu’on vous ouvre.»

    Et tout en grondant de la sorte, elle courait à sa garde-robe et en tirait un vieux chaperon, un corps de baleine et une longue jupe grise dont elle affublait en grande hâte le page métamorphosé. Puis, quand ce fut fait: «Catherine, ma »mie, Catherine, mon petit chat, fit-elle tout »haut, allez ouvrir à votre oncle: il est plus »bête que méchant, et ne vous fera point de »mal.» Le garçon devenu fille obéit. Maître Nicolas, entré dans la chambre, y trouva une jeune pucelle qu’il ne connaissait point et sa bonne femme au lit. «Grand bénêt, lui dit celle-ci, »ne t'ébahis pas de ce que tu vois. Comme je »venais de me coucher à cause d’un mal au »ventre, j’ai reçu la visite de Catherine, la fille »à ma soeur Jeanne de Palaiseau, avec qui nous »étions brouillés depuis quinze ans. Mon homme, »embrasse notre nièce! elle en vaut la peine.» L’orfèvre accola Violle, dont la peau lui sembla douce; et dès ce moment il ne souhaita rien tant que de se tenir un moment seul avec elle, afin de l’embrasser tout à l’aise. C’est pourquoi, sans tarder, il l’emmena dans la salle basse, sous prétexte de lui offrir du vin et des cerneaux, et il ne fut pas plus tôt en bas avec elle qu’il se mit à la caresser très amoureusement. Le bonhomme ne s’en serait pas tenu là, si sainte Orberose n’eût inspiré à son honnête femme l’idée de l’aller surprendre. Elle le trouva qui tenait la fausse nièce sur ses genoux, le traita de paillard, lui donna des soufflets et l’obligea à lui demander pardon. Le lendemain, Violle reprit sa première forme.»

    Ayant entendu ce récit, le vénérable chanoine Monnoyer remercia Pierre Mille de le lui avoir fait, et, prenant la plume, se mit à rédiger les pronostics des chevaux gagnants aux prochaines courses. Car il tenait les écritures d’un bookmaker.

    Cependant la Pingouinie se glorifiait de sa richesse. Ceux qui produisaient les choses nécessaires à la vie en manquaient; chez ceux qui ne les produisaient pas, elles surabondaient. «Ce sont là, comme le disait un membre de l’Institut, d’inéluctables fatalités économiques.» Le grand peuple pingouin n’avait plus ni traditions, ni culture intellectuelle, ni arts. Les progrès de la civilisation s’y manifestaient par l’industrie meurtrière, la spéculation infâme, le luxe hideux. Sa capitale revêtait, comme toutes les grandes villes d’alors, un caractère cosmopolite et financier: il y régnait une laideur immense et régulière. Le pays jouissait d’une tranquillité parfaite. C'était l’apogée.

    LIVRE VIII

    LES TEMPS FUTURS

    L’HISTOIRE SANS FIN

    “Tae Hellasi peniae men aie chote suntrophos esti, haretae
    de hepachtos esti, hapo te sophiaes chatergaomenae chai
    nomoy ischyroy.”
    (Heròdot. Hist., VII. cii)
    
    “Vous n’aviez donc pas vu que c'étaient des anges.”
    (Liber terribilis)
    
    “Bqsft tfusf tpvtusbjuf b mbvupsjuf eft
    spjt fu oft fnqfsfvst bqsft bxpjs qspdmbnf
    uspjt gpjt tb mjelsu f mb gsbodf tftu tpvnjtf b
    eft dpnqbhojft gjobodjfsft rvj cjtqptfou
    ef. sjdiftift ev qbzt fu qbs mf npzfo
    evof qsfttf bdifulf ejsjhfou mpq jo jno qvcmjrvf
    fyffsdfou vof qvjttbodf b mbrvfmmf
    obuuf jho jsfou kbnöjt mpvjt rvbupsaf pv obqpmfno.”
    (Vo ufnpjo xfsjejrvf)“
    Estem a l’inici d’una química que s’ocuparà
    dels canvis produïts per un cos que
    conté una quantitat d’energia tal que encara
    no en tenim cap altre de semblant a la
    nostra disposició.”
    
    SIR WILLIAM RAMSAY.

    On ne trouvait jamais les maisons assez hautes; on les surélevait sans cesse, et l’on en construisait de trente à quarante étages, où se superposaient bureaux, magasins, comptoirs de banques, sièges de sociétés; et l’on creusait dans le sol toujours plus profondément des caves et des tunnels.

    Quinze millions d’hommes travaillaient dans la ville géante, à la lumière des phares, qui jetaient leurs feux le jour comme la nuit. Nulle clarté du ciel ne perçait les fumées des usines dont la ville était ceinte; mais on voyait parfois le disque rouge d’un soleil sans rayons glisser dans un firmament noir, sillonné de ponts de fer, d’où tombait une pluie éternelle de suie et d’escarbilles. C'était la plus industrielle de toutes les cités du monde et la plus riche. Son organisation semblait parfaite; il n’y subsistait rien des anciennes formes aristocratiques ou démocratiques des sociétés; tout y était subordonné aux intérêts des trusts. Il se forma dans ce milieu ce que les anthropologistes appellent le type du milliardaire. C'étaient des hommes à la fois énergiques et frêles, capables d’une grande puissance de combinaisons mentales, et qui fournissaient un long travail de bureau, mais dont la sensibilité subissait des troubles héréditaires qui croissaient avec l'âge.

    Comme tous les vrais aristocrates, comme les patriciens de la Rome républicaine, comme les lords de la vieille Angleterre, ces hommes puissants affectaient une grande sévérité de moeurs.

    On vit les ascètes de la richesse: dans les assemblées des trusts apparaissaient des faces glabres, des joues creuses, des yeux cayes, des fronts plissés. Le corps plus sec, le teint plus jaune, les lèvres plus arides, le regard plus enflammé que les vieux moines espagnols, les milliardaires se livraient avec une inextinguible ardeur aux austérités de la banque et de l’industrie. Plusieurs, se refusant toute joie, tout plaisir, tout repos, consumaient leur vie misérable dans une chambre sans air ni jour, meublée seulement d’appareils électriques, y soupaient d’oeufs et de lait, y dormaient sur un lit de sangles. Sans autre occupation que de pousser du doigt un bouton de nickel, ces mystiques, amassant des richesses dont ils ne voyaient pas même les signes, acquéraient la vaine possibilité d’assouvir des désirs qu’ils n'éprouveraient jamais.

    Le culte de la richesse eut ses martyrs. L’un de ces milliardaires, le fameux Samuel Box, aima mieux mourir que de céder la moindre parcelle de son bien. Un de ses ouvriers, victime d’un accident de travail, se voyant refuser toute indemnité, fit valoir ses droits devant les tribunaux, mais rebuté par d’insurmontables difficultés de procédure, tombé dans une cruelle indigence, réduit au désespoir, il parvint, à force de ruse et d’audace, à tenir son patron sous son revolver, menaçant de lui brûler la cervelle s’il ne le secourait point: Samuel Box ne donna rien et se laissa tuer pour le principe.

    L’exemple est suivi quand il vient de haut. Ceux qui possédaient peu de capitaux (et c'était naturellement le plus grand nombre), affectaient les idées et les moeurs des milliardaires pour être confondus avec eux. Toutes les passions qui nuisent à l’accroissement ou à la conservation des biens passaient pour déshonorantes; on ne pardonnait ni la mollesse, ni la paresse, ni le goût des recherches désintéressées, ni l’amour des arts, ni surtout la prodigalité; la pitié était condamnée comme une faiblesse dangereuse. Tandis que toute inclination à la volupté soulevait la réprobation publique, on excusait au contraire la violence d’un appétit brutalement assouvi: la violence en effet semblait moins nuisible aux moeurs, comme manifestant une des formes de l'énergie sociale. L'État reposait fermement sur deux grandes vertus publiques: le respect pour le riche et le mépris du pauvre. Les âmes faibles que troublait encore la souffrance humaine n’avaient d’autre ressource que de se réfugier dans une hypocrisie qu’on ne pouvait blâmer puisqu’elle contribuait au maintien de l’ordre et à la solidité des institutions.

    Ainsi, parmi les riches, tons étaient dévoués à la société ou le paraissaient; tous donnaient l’exemple, s’ils ne le suivaient pas tous. Certains sentaient cruellement la rigueur de leur état; mais ils le soutenaient par orgueil ou par devoir. Quelques-uns tentaient d’y échapper un moment en secret et par subterfuge. L’un d’eux, Édouard Martin, président du trust des fers, s’habillait parfois en pauvre, allait mendier son pain et se faisait rudoyer par les passants. Un jour qu’il tendait la main sur un pont il se prit de querelle avec un vrai mendiant et, saisi d’une fureur envieuse, l'étrangla.

    Comme ils employaient toute leur intelligence dans les affaires, ils ne recherchaient pas les plaisirs de l’esprit. Le théâtre, qui avait été jadis très florissant chez eux, se réduisait maintenant à la pantomime et aux danses comiques. Les pièces à femmes étaient elles-mêmes abandonnées; le goût s'était perdu des jolies formes et des toilettes brillantes; on y préférait les culbutes des clowns et la musique des nègres et l’on ne s’enthousiasmait plus qu'à voir défiler sur la scène des diamants au cou des figurantes et des barres d’or portées en triomphe.

    Les dames de la richesse étaient assujetties autant que les hommes à une vie respectable. Selon une tendance commune à toutes les civilisations, le sentiment public les érigeait en symboles; elles devaient représenter par leur faste austère à la fois la grandeur de la fortune et son intangibilité. On avait réformé les vieilles habitudes de galanterie; mais aux amants mondains d’autrefois succédaient sourdement de robustes masseurs ou quelque valet de chambre. Toutefois les scandales étaient rares: un voyage à l'étranger les dissimulait presque tous et les princesses des trusts restaient l’objet de la considération générale.

    Les riches ne formaient qu’une petite minorité, mais leurs collaborateurs, qui se composaient de tout le peuple, leur étaient entièrement acquis ou soumis entièrement. Ils formaient deux classes, celle des employés de commerce et de banque et celle des ouvriers des usines. Les premiers fournissaient un travail énorme et recevaient de gros appointements. Certains d’entre eux parvenaient à fonder des établissements; l’augmentation constante de la richesse publique et la mobilité des fortunes privées autorisaient toutes les espérances chez les plus intelligents ou les plus audacieux. Sans doute on aurait pu découvrir dans la foule immense des employés, ingénieurs ou comptables, un certain nombre de mécontents et d’irrités; mais cette société si puissante avait imprimé jusque dans les esprits de ses adversaires sa forte discipline. Les anarchistes eux-mêmes s’y montraient laborieux et réguliers.

    Quant aux ouvriers, qui travaillaient dans les usines, aux environs de la ville, leur déchéance physique et morale était profonde; ils réalisaient le type du pauvre établi par l’anthropologie. Bien que chez eux le développement de certains muscles, dû à la nature particulière de leur activité, pût tromper sur leurs forces, ils présentaient les signes certains d’une débilité morbide. La taille basse, la tête petite, la poitrine étroite, ils se distinguaient encore des classes aisées par une multitude d’anomalies physiologiques et notamment par l’asymétrie fréquente de la tête ou des membres. Et ils étaient destinés à une dégénérescence graduelle et continue, car des plus robustes d’entre eux l'État faisait des soldats, dont la santé ne résistait pas longtemps aux filles et aux cabaretiers postés autour des casernes. Les prolétaires se montraient de plus en plus débiles d’esprit. L’affaiblissement continu de leurs facultés intellectuelles n'était pas dû seulement à leur genre de vie; il résultait aussi d’une sélection méthodique opérée par les patrons. Ceux-ci, craignant les ouvriers d’un cerveau trop lucide comme plus aptes à formuler des revendications légitimes, s'étudiaient à les éliminer par tous les moyens possibles et embauchaient de préférence les travailleurs ignares et bornés, incapables de défendre leurs droits et encore assez intelligents pour s’acquitter de leur besogne que des machines perfectionnées rendaient extrêmement facile.

    Aussi les prolétaires ne savaient-ils rien tenter en vue d’améliorer leur sort. À peine parvenaient-ils par des grèves à maintenir le taux de leurs salaires. Encore ce moyen commençait-il à leur échapper. L’intermittence de la production, inhérente au régime capitaliste, causait de tels chômages que, dans plusieurs branches d’industrie, sitôt la grève déclarée, les chômeurs prenaient la place des grévistes. Enfin ces producteurs misérables demeuraient plongés dans une sombre apathie que rien n'égayait, que rien n’exaspérait. C'était pour l'état social des instruments nécessaires et bien adaptés.

    En résumé, cet état social semblait le mieux assis qu’on eût encore vu, du moins dans l’humanité, car celui des abeilles et des fourmis est incomparable pour la stabilité; rien ne pouvait faire prévoir la ruine d’un régime fondé sur ce qu’il y a de plus fort dans la nature humaine, l’orgueil et la cupidité. Pourtant les observateurs avisés découvraient plusieurs sujets d’inquiétude. Les plus certains, bien que les moins apparents, étaient d’ordre économique et consistaient dans la surproduction toujours croissante, qui entraînait les longs et cruels chômages auxquels les industriels reconnaissaient, il est vrai, l’avantage de rompre la force ouvrière en opposant les sans-travail aux travailleurs. Une sorte de péril plus sensible résultait de l'état physiologique de la population presque toute entière. «La santé des pauvres est ce qu’elle peut être, disaient les hygiénistes; mais celle des riches laisse à désirer.» Il n'était pas difficile d’en trouver les causes. L’oxygène nécessaire à la vie manquait dans la cité; on respirait un air artificiel; les trusts de l’alimentation, accomplissant les plus hardies synthèses chimiques, produisaient des vins, de la chair, du lait, des fruits, des légumes factices. Le régime qu’ils imposaient causait des troubles dans les estomacs et dans les cerveaux. Les milliardaires étaient chauves à dix-huit ans; quelques-uns trahissaient par moment une dangereuse faiblesse d’esprit; malades, inquiets, ils donnaient des sommes énormes à des sorciers ignares et l’on voyait éclater tout à coup dans la ville la fortune médicale ou théologique de quelque ignoble garçon de bain devenu thérapeute ou prophète. Le nombre des aliénés augmentait sans cesse; les suicides se multipliaient dans le monde de la richesse et beaucoup s’accompagnaient de circonstances atroces et bizarres, qui témoignaient d’une perversion inouie de l’intelligence et de la sensibilité.

    Un autre symptôme funeste frappait fortement le commun des esprits. La catastrophe, désormais périodique, régulière, rentrait dans les prévisions et prenait dans les statistiques une place de plus en plus large. Chaque jour des machines éclataient, des maisons sautaient, des trains bondés de marchandises tombaient sur un boulevard, démolissant des immeubles entiers, écrasant plusieurs centaines de passants et, à travers le sol défoncé, broyaient deux ou trois étages d’ateliers et de docks où travaillaient des équipes nombreuses.

    Dans la partie sud-ouest de la ville, sur une hauteur qui avait gardé son ancien nom de Fort Saint-Michel, s'étendait un square où de vieux arbres allongeaient encore au-dessus des pelouses leurs bras épuisés. Sur le versant nord, des ingénieurs paysagistes avaient construit une cascade, des grottes, un torrent, un lac, des îles. De ce côté l’on découvrait toute la ville avec ses rues, ses boulevards, ses places, la multitude de ses toits et de ses dômes, ses voies aériennes, ses foules d’hommes recouvertes de silence et comme enchantées par l'éloignement. Ce square était l’endroit le plus salubre de la capitale; les fumées n’y voilaient point le ciel, et l’on y menait jouer les enfants. L'été, quelques employés des bureaux et des laboratoires voisins, après leur déjeuner, s’y reposaient, un moment, sans en troubler la paisible solitude.

    C’est ainsi qu’un jour de juin, vers midi, une télégraphiste, Caroline Meslier, vint s’asseoir sur un banc à l’extrémité de la terrasse du nord. Pour se rafraîchir les yeux d’un peu de verdure, elle tournait le dos à la ville. Brune, avec des prunelles fauves, robuste et placide, Caroline paraissait âgée de vingt-cinq à vingt-huit ans. Presque aussitôt un commis au trust de l'électricité, Georges Clair, prit place à côté d’elle. Blond, mince, souple, il avait des traits d’une finesse féminine; il n'était guère plus âgé qu’elle et paraissait plus jeune. Se rencontrant presque tous les jours à cette place, ils éprouvaient de la sympathie l’un pour l’autre et prenaient plaisir à causer ensemble. Cependant leur conversation n’avait jamais rien de tendre, d’affectueux, ni d’intime. Caroline, bien qu’il lui fût advenu, dans le passé, de se repentir de sa confiance, aurait peut-être laissé voir plus d’abandon; mais Georges Clair se montrait toujours extrêmement réservé dans ses termes comme dans ses façons; il ne cessait de donner à la conversation un caractère purement intellectuel et de la maintenir dans les idées générales, s’exprimant d’ailleurs sur tous les sujets avec la liberté la plus âpre.

    Il l’entretenait volontiers de l’organisation de la société et des conditions du travail.

    —La richesse, disait-il, est un des moyens de vivre heureux; ils en ont fait la fin unique de l’existence.

    Et cet état de choses à tous deux paraissait monstrueux.

    Ils en revenaient sans cesse à certains sujets scientifiques qui leur étaient familiers.

    Ce jour-là, ils firent des remarques sur l'évolution de la chimie.

    —Dès l’instant, dit Clair, où l’on vit le radium se transformer en hélium, on cessa d’affirmer l’immutabilité des corps simples; ainsi furent supprimées toutes ces vieilles lois des rapports simples et de la conservation de la matière.

    —Pourtant, dit-elle, il y a des lois chimiques.

    Car, étant femme, elle avait besoin de croire.

    Il reprit avec nonchalance:

    —Maintenant qu’on peut se procurer du radium en suffisante quantité, la science possède d’incomparables moyens d’analyse; dès à présent on entrevoit dans ce qu’on nomme les corps simples des composés d’une richesse extrême et l’on découvre dans la matière des énergies qui semblent croître en raison même de sa ténuité.

    Tout en causant, ils jetaient des miettes de pain aux oiseaux; des enfants jouaient autour d’eux.

    Passant d’un sujet à un autre:

    —Cette colline, à l'époque quaternaire, dit Clair, était habitée par des chevaux sauvages. L’année passée, en y creusant des conduites d’eau, on a trouvé une couche épaisse d’ossements d’hémiones.

    Elle s’inquiéta de savoir si, à cette époque reculée, l’homme s'était montré déjà.

    Il lui dit que l’homme chassait l’hémione avant d’essayer de le domestiquer.

    —L’homme, ajouta-t-il, fut d’abord chasseur, puis il devint pasteur, agriculteur, industriel…. Et ces diverses civilisations se succédèrent à travers une épaisseur de temps que l’esprit ne peut concevoir.

    Il tira sa montre.

    Caroline demanda s’il était déjà l’heure de rentrer au bureau.

    —Il répondit que non, qu’il était à peine midi et demi.

    Une fillette faisait des pâtés de sable au pied de leur banc; un petit garçon de sept à huit ans passa devant eux en gambadant. Tandis que sa mère cousait sur un banc voisin, il jouait tout seul au cheval échappé, et, avec la puissance d’illusion dont sont capables les enfants, il se figurait qu’il était en même temps le cheval et ceux qui le poursuivaient et ceux qui fuyaient épouvantés devant lui. Il allait se démenant et criant: «Arrêtez, hou! hou! Ce cheval est terrible; il a pris le mors aux dents.»

    Caroline fit cette question:

    —Croyez-vous que les hommes étaient heureux autrefois?

    Son compagnon lui répondit:

    —Ils souffraient moins quand ils étaient plus jeunes. Ils faisaient comme ce petit garçon: ils jouaient; ils jouaient aux arts, aux vertus, aux vices, à l’héroïsme, aux croyances, aux voluptés; ils avaient des illusions qui les divertissaient. Ils faisaient du bruit; ils s’amusaient. Mais maintenant….

    Il s’interrompit et regarda de nouveau à sa montre.

    L’enfant qui courait buta du pied contre le seau de la fillette et tomba de son long sur le gravier. Il demeura un moment étendu immobile, puis se souleva sur ses paumes; son front se gonfla, sa bouche s'élargit, et soudain il éclata en sanglots. Sa mère accourut, mais Caroline l’avait soulevé de terre, et elle lui essuyait les yeux et la bouche avec son mouchoir. L’enfant sanglotait encore; Clair le prit dans ses bras:

    —Allons! ne pleure pas, mon petit! Je vais te conter une histoire.

    »Un pêcheur, ayant jeté ses filets dans la mer, en tira un petit pot de cuivre fermé; il l’ouvrit avec son couteau. Il en sortit une furnée qui s'éleva jusqu’aux nues et cette fumée, en s'épaississant, forma un géant qui éternua si fort, si fort que le monde entier fut réduit en poussière….»

    Clair s’arrêta, poussa un rire sec et brusquement remit l’enfant à sa mère. Puis il tira de nouveau sa montre et, agenouillé sur le banc, les coudes au dossier, regarda la ville.

    À perte de vue, la multitude des maisons se dressaient dans leur énormité minuscule.

    Caroline tourna le regard vers le même cotê.

    —Que le temps est beau! dit-elle. Le soleil brille et change en or les fumées de l’horizon. Ce qu’il y a de plus pénible dans la civilisation, c’est d'être privé de la lumière du jour.

    Il ne répondait pas; son regard restait fixé sur un point de la ville.

    Après quelques secondes de silence, ils virent, à une distance de trois kilomètres environ, au delà de la rivière, dans le quartier le plus riche, s'élever une sorte de brouillard tragique. Un moment après, une détonation retentit jusqu'à eux, tandis que montait vers le ciel pur un immense arbre de fumée. Et peu à peu l’air s’emplissait d’un imperceptible bourdonnement formé des clameurs de plusieurs milliers d’hommes. Des cris éclataient tout proches dans le square.

    —Qu’est-ce qui saute?

    La stupeur était grande; car, bien que les catastrophes fussent fréquentes, on n’avait jamais vu une explosion d’une telle violence et chacun s’apercevait d’une terrible nouveauté.

    On essayait de définir le lieu du sinistre; on nommait des quartiers, des rues, divers édifices, clubs, théâtres, magasins. Les renseignements topographiques se précisèrent, se fixèrent.

    —C’est le trust de l’acier qui vient de sauter. Clair remit sa montre dans sa poche. Caroline le regardait avec une attention tendue et ses yeux s’emplissaient d'étonnement. Enfin, elle lui muramra à l’oreille.

    —Vous le saviez? Vous attendiez?… C’est vous qui….

    Il répondit, très calme:

    —Cette ville doit périr.

    Elle reprit avec une douceur rêveuse:

    —Je le pense aussi.

    Et ils retournèrent tous deux tranquillement à leur travail.

    À compter de ce jour les attentats anarchistes se succédèrent durant une semaine sans interruption. Les victimes furent nombreuses, elles appartenaient presque toutes aux classes pauvres. Ces crimes soulevaient la réprobation publique. Ce fut parmi les gens de maison, les hôteliers, les petits employés et dans ce que les trusts laissaient subsister du petit commerce que l’indignation éclata le plus vivement. On entendait, dans les quartiers populeux, les femmes réclamer des supplices inusités pour les dynamiteurs. (On les appelait ainsi d’un vieux nom qui leur convenait mal, car, pour ces chimistes inconnus, la dynamite était une matière innocente, bonne seulement pour détruire des fourmilières et ils considéraient comme un jeu puéril de faire détoner la nitroglycérine au moyen d’une amorce de fulminate de mercure.) Les affaires cessèrent brusquement et les moins riches se sentirent atteints les premiers. Ils parlaient de faire justice eux-mêmes des anarchistes. Cependant les ouvriers des usines restaient hostiles ou indifférents à l’action violente. Menacés, par suite du ralentissement des affaires, d’un prochain chômage ou même d’un lock-out étendu à tous les ateliers, ils eurent à répondre à la fédération des syndicats qui proposait la grève générale comme le plus puissant moyen d’agir sur les patrons et l’aide la plus efficace aux révolutionnaires; tous les corps de métiers, à l’exception des doreurs, se refusèrent à cesser le travail.

    La police fit de nombreuses arrestations. Des troupes, appelées de tous les points de la confédération nationale, gardèrent les immeubles des trusts, les hôtels des milliardaires, les établissements publics, les banques et les grands magasins. Une quinzaine se passa sans une seule explosion. On en conclut que les dynamiteurs, une poignée selon toute vraisemblance, peut-être moins encore, étaient tous tués, pris, cachés ou en fuite. La confiance revint; elle revint d’abord chez les plus pauvres. Deux ou trois cent mille soldats, logés dans les quartiers populeux, y firent aller le commerce; on cria «Vive l’armée!»

    Les riches, qui s'étaient alarmés moins vite, se rassuraient plus lentement. Mais à la Bourse le groupe à la hausse sema les nouvelles optimistes, et par un puissant effort enraya la baisse; les affaires reprirent. Les journaux à grand tirage secondèrent le mouvement; ils montrèrent, avec une patriotique éloquence, l’intangible capital se riant des assauts de quelques lâches criminels et la richesse publique poursuivant, en dépit des vaines menaces, sa sereine ascension; ils étaient sincères et ils y trouvaient leur compte. On oublia, on nia les attentats. Le dimanche, aux courses, les tribunes se garnirent de femmes chargées, apesanties de perles, de diamants. On s’aperçut avec joie que les capitalistes n’avaient pas souffert. Les milliardaires, au pesage, furent acclamés.

    Le lendemain la gare du sud, le trust du pétrole et la prodigieuse église bâtie aux frais de Thomas Morcellet sautèrent; trente maisons brûlèrent; un commencement d’incendie se déclara dans les docks. Les pompiers furent admirables de dévouement et d’intrépidité. Ils manoeuvraient avec une précision automatique leurs longues échelles de fer et montaient jusqu’au trentième étage des maisons pour arracher des malheureux aux flammes. Les soldats firent avec entrain le service d’ordre et reçurent une double ration de café. Mais ces nouveaux sinistres déchaînèrent la panique. Des millions de personnes, qui voulaient partir tout de suite en emportant leur argent, se pressaient dans les grands établissements de crédit qui, après avoir payé pendant trois jours, fermèrent leurs guichets sous les grondements de l'émeute. Une foule de fuyards, chargée de bagages, assiégeait les gares et prenait les trains d’assaut. Beaucoup, qui avaient hâte de se réfugier dans les caves avec des provisions de vivres, se ruaient sur les boutiques d'épicerie et de comestibles que gardaient les soldats, la baïonnette au fusil. Les pouvoirs publics montrèrent de l'énergie. On fit de nouvelles arrestations; des milliers de mandats furent lancés contre les suspects.

    Pendant les trois semaines qui suivirent il ne se produisit aucun sinistre. Le bruit courut qu’on avait trouvé des bombes dans la salle de l’Opéra, dans les caves de l’Hôtel de Ville et contre une colonne de la Bourse. Mais on apprit bientôt que c'était des boîtes de conserves déposées par de mauvais plaisants ou des fous. Un des inculpés, interrogé par le juge d’instruction, se déclara le principal auteur des explosions qui avaient coûté la vie, disait-il, à tous ses complices. Ces aveux, publiés par les journaux, contribuèrent à rassurer l’opinion publique. Ce fut seulement vers la fin de l’instruction que les magistrats s’aperçurent qu’ils se trouvaient en présence d’un simulateur absolument étranger à tout attentat.

    Les experts désignés par les tribunaux ne découvraient aucun fragment qui leur permît de reconstituer l’engin employé à l’oeuvre de destruction. Selon leurs conjectures, l’explosif nouveau émanait du gaz que dégage le radium; et l’on supposait que des ondes électriques, engendrées par un oscillateur d’un type spécial, se propageant à travers l’espace, causaient la détonation; mais les plus habiles chimistes ne pouvaient rien dire de précis ni de certain. Un jour enfin, deux agents de police, en passant devant l’hôtel Meyer, trouvèrent sur le trottoir, près d’un soupirail, un oeuf de métal blanc, muni d’une capsule à l’un des bouts; ils le ramassèrent avec précaution, et, sur l’ordre de leur chef, le portèrent au laboratoire municipal. À peine les experts s'étaient-ils réunis pour l’examiner, que l’oeuf éclata, renversant l’amphithéâtre et la coupole. Tous les experts périrent et avec eux le général d’artillerie Collin et l’illustre professeur Tigre.

    La société capitaliste ne se laissa point abattre par ce nouveau désastre. Les grands établissements de crédit rouvrirent leurs guichets, annonçant qu’ils opéreraient leurs versements partie en or, partie en papiers d'État. La bourse des valeurs et celle des marchandises, malgré l’arrêt total des transactions, décidèrent de ne pas suspendre leurs séances.

    Cependant l’instruction concernant les premiers prévenus était close. Peut-être les charges réunies contre eux eussent, en d’autres circonstances, paru insuffisantes; mais le zèle des magistrats et l’indignation publique y suppléaient. La veille du jour fixé pour les débats, le Palais de Justice sauta; huit cents personnes y périrent, dont un grand nombre de juges et d’avocats. La foule furieuse envahit les prisons et lyncha les prisonniers. La troupe envoyée pour rétablir l’ordre fut accueillie à coups de pierres et de revolvers; plusieurs officiers furent jetés à bas de leur cheval et foulés aux pieds. Les soldats firent feu; il y eut de nombreuses victimes. La force publique parvint à rétablir la tranquillité. Le lendemain la Banque sauta.

    Dès lors, on vit des choses inouïes. Les ouvriers des usines, qui avaient refusé de faire grève, se ruaient en foule sur la ville et mettaient le feu aux maisons. Des régiments entiers, conduits par leurs officiers, se joignirent aux ouvriers incendiaires, parcoururent avec eux la ville en chantant des hymnes révolutionnaires et s’en furent prendre aux docks des tonnes de pétrole pour en arroser le feu. Les explosions ne discontinuaient pas. Un matin, tout à coup, un arbre monstrueux, un fantôme de palmier haut de trois kilomètres s'éleva sur l’emplacement du palais géant des télégraphes, tout à coup anéanti.

    Tandis que la moitié de la ville flambait, en l’autre moitié se poursuivait la vie régulière. On entendait, le matin, tinter dans les voitures des laitiers les boîtes de fer blanc. Sur une avenue déserte, un vieux cantonnier, assis contre un mur, sa bouteille entre les jambes, mâchait lentement des bouchées de pain avec un peu de fricot, Les présidents des trusts restaient presque tous à leur poste. Quelques-uns accomplirent leur devoir avec une simplicité héroïque. Raphaël Box, le fils du milliardaire martyr, sauta en présidant l’assemblée générale du trust des sucres. On lui fit des funérailles magnifiques; le cortège dut six fois gravir des décombres ou passer sur des planches les chaussées effondrées.

    Les auxiliaires ordinaires des riches, commis, employés, courtiers, agents, leur gardèrent une fidélité inébranlable. À l'échéance, les garçons survivants de la banque sinistrée allèrent présenter leurs effets par les voies bouleversées, dans les immeubles fumants, et plusieurs, pour effectuer leurs encaissements, s’abîmèrent dans les flammes.

    Néanmoins, on ne pouvait conserver d’illusions: l’ennemi invisible était maître de la ville. Maintenant le bruit des détonations régnait continu comme le silence, à peine perceptible et d’une insurmontable horreur. Les appareils d'éclairage étant détruits, la ville demeurait plongée toute la nuit dans l’obscurité, et il s’y commettait des violences d’une monstruosité inouïe. Seuls les quartiers populeux, moins éprouvés, se défendaient encore. Des volontaires de l’ordre y faisaient des patrouilles; ils fusillaient les voleurs et l’on se heurtait à tous les coins de rue contre un corps couché dans une flaque de sang, les genoux pliés, les mains liées derrière le dos, avec un mouchoir sur la face et un écriteau sur le ventre.

    Il devenait impossible de déblayer les décombres et d’ensevelir les morts. Bientôt la puanteur que répandaient les cadavres fut intolérable. Des épidémies sévirent, qui causèrent d’innombrables décès et laissèrent les survivants débiles et hébétés. La famine emporta presque tout ce qui restait. Cent quarante et un jours après le premier attentat, alors qu’arrivaient six corps d’armée avec de l’artillerie de campagne et de l’artillerie de siège, la nuit, dans le quartier le plus pauvre de la ville, le seul encore debout, mais entouré maintenant d’une ceinture de flamme et de fumée, Caroline et Clair, sur le toit d’une haute maison, se tenaient par la main et regardaient. Des chants joyeux montaient de la rue, où la foule, devenue folle, dansait.

    —Demain, ce sera fini, dit l’homme, et ce sera mieux ainsi.

    La jeune femme, les cheveux défaits, le visage brillant des reflets de l’incendie, contemplait avec une joie pieuse le cercle de feu qui se resserrait autour d’eux:

    —Ce sera mieux ainsi, dit-elle à son tour.

    Et, se jetant dans les bras du destructeur, elle lui donna un baiser éperdu.

    Les autres villes de la fédération souffrirent aussi de troubles et de violences, puis l’ordre se rétablit. Des réformes furent introduites dans les institutions; de grands changements survinrent dans les moeurs; mais le pays ne se remit jamais entièrement de la perte de sa capitale et ne retrouva pas son ancienne prospérité. Le commerce, l’industrie dépérirent; la civilisation abandonna ces contrées qu’elle avait longtemps préférées à toutes les autres. Elles devinrent stériles et malsaines; le territoire qui avait nourri tant de millions d’hommes ne fut plus qu’un désert. Sur la colline du Fort Saint-Michel, les chevaux sauvages paissaient l’herbe grasse.

    Les jours coulèrent comme l’onde des fontaines et les siècles s'égouttèrent comme l’eau à la pointe des stalactites. Des chasseurs vinrent poursuivre les ours sur les collines qui recouvraient la ville oubliée; des pâtres y conduisirent leurs troupeaux; des laboureurs y poussèrent la charrue; des jardiniers y cultivèrent des laitues dans des clos et greffèrent des poiriers. Ils n'étaient pas riches; ils n’avaient pas d’arts; un pied de vigne antique et des buissons de roses revêtaient le mur de leur cabane; une peau de chèvre couvrait leurs membres hâlés; leurs femmes s’habillaient de la laine qu’elles avaient filée. Les chevriers pétrissaient dans l’argile de petites figures d’hommes et d’animaux ou disaient des chansons sur la jeune fille qui suit son amant dans les bois et sur les chèvres qui paissent tandis que les pins bruissent et que l’eau murmure. Le maître s’irritait contre les scarabées qui mangeaient ses figues; il méditait des pièges pour défendre ses poules du renard à la queue velue, et il versait du vin à ses voisins en disant:

    —Buvez! Les cigales n’ont pas gâté ma vendange; quand elles sont venues les vignes étaient sèches.

    Puis, au cours des âges, les villages remplis de biens, les champs lourds de blé furent pillés, ravagés par des envahisseurs barbares. Le pays changea plusieurs fois de maîtres. Les conquérants élevèrent des châteaux sur les collines; les cultures se multiplièrent; des moulins, des forges, des tanneries, des tissages s'établirent; des routes s’ouvrirent à travers les bois et les marais; le fleuve se couvrit de bateaux. Les villages devinrent de gros bourgs et, réunis les uns aux autres, formèrent une ville qui se protégea par des fossés profonds et de hautes murailles. Plus tard, capitale d’un grand État, elle se trouva à l'étroit dans ses remparts désormais inutiles et dont elle fit de vertes promenades.

    Elle s’enrichit et s’accrut démesurément. On ne trouvait jamais les maisons assez hautes; on les surélevait sans cesse et l’on en construisait de trente à quarante étages, où se superposaient bureaux, magasins, comptoirs de banques, sièges de sociétés, et l’on creusait dans le sol toujours plus profondément des caves et des tunnels. Quinze millions d’hommes travaillaient dans la ville géante.

    Table des matières

    PREFACI
    I.
    64. VIDA DE SANT MAËL
    65. VOCACIÓ APOSTÒLICA DE SANT MAËL
    66. LES TEMPTACIONS DE SANT MAËL
    67. NAVEGACIÓ DE SANT MAËL PER DAMUNT L’OCEÀ DE GEL
    68. BAPTISME DELS PINGÜINS
    69. UNA ASSEMBLEA AL PARADÍS
    70. UNA ASSEMBLEA AL PARADÍS (continuació i final)
    71. METAMORFOSI DELS PINGÜINS
    II.
    72. ELS PRIMERS VELS
    73. ELS PRIMERS VELS (continuació i final)
    74. LA DELIMITACIÓ DE LES TERRES I L’ORIGEN DEL DRET DE PROPIETAT
    75. LA PRIMERA ASSEMBLEA DEL PARLAMENT DE PINGÜÍNIA
    76. LES NOCES DE KRAKEN I D’ORBEROSE
    77. EL DRAGÓ D’ALCA
    78. EL DRAGÓ D’ALCA (continuació)
    79. EL DRAGÓ D’ALCA (continuació)
    80. EL DRAGÓ D’ALCA (continuació)
    81. EL DRAGÓ D’ALCA (continuació)
    82. EL DRAGÓ D’ALCA (continuació)
    83. EL DRAGÓ D’ALCA (continuació)
    84. EL DRAGÓ D’ALCA (continuació i final)
    III.
    85. BRIAN EL PIETÓS I LA REINA GLAMORGANE
    86. DRACO EL GRAN. TRASLLAT DE LES RELÍQUIES DE SANTA ORBEROSE
    87. LA REINA CRUXA
    88. LES LLETRES: JOHANNES TALPA
    89. LES ARTS: ELS PRIMITIUS DE LA PINTURA PINGÜINA
    90. MARBODE
    91. SENYALS A LA LLUNA
    IV.
    92. LA ROUQINA
    93. TRINCO
    94. VIATGE DEL DOCTOR OBNUBILE
    V. LLIBRE CINQUÈ ELS TEMPS MODERNS CHATILLON
    95. ELS REVERENDS PARES AGARIC I CORNEMUSE
    96. EL PRÍNCEP CRUXO
    97. EL CONCILIABUL
    98. LA VESCOMTESSA OLIVE
    99. EL PRÍNCEP DELS BOSCÉNOS
    100. LA CAIGUDA DE L’ELMIRALL
    101. CONCLUSIÓ
    VI.
    102. EL GENERAL GREATAUK, DUC DE L’SKULL
    103. PYROT
    104. EL COMTE DE MAUBEC DE LA DENTDULYNX
    105. COLOMBAN
    106. ELS REVERENDS PARES AGARIC I CORNEMUSE
    107. ELS SET-CENS PYROTS
    108. BIDAULT-COQUILLE I MANIFLORE
    109. EL PROCÉS COLOMBAN
    110. EL PARE DOUILLARD
    111. EL CONSELER CHAUSSEPIED
    112. CONCLUSIÓ
    VII. LLIBRE SETÈ ELS TEMPS MODERNS LA SENYORA CÉRÈS
    113. EL SALÓ DE LA SENYORA CLARENCE
    114. L’OBRA DE SANTA ORBEROSE
    115. HIPÒLIT CÉRÈS
    116. EL CASAMENT D’UN POLÍTIC
    117. EL MINSITERI VISIRE
    118. EL SOFÀ DE LA FAVORITA
    119. LES PRIMERES CONSEQÜÈNCIES
    120. NOVES CONSEQÜÈNCIES
    121. LES DARRERES CONSEQÜÈNCIES
    122. APOGEU DE LA CIVILITZACIÓ PINGÜINA
    VIII.
    123. -1-
    124. -2-
    125. -3-
    126. -4-
    Anatole FranceJ.F. Vidal Jové

    Malgrat la diversitat aparent dels entreteniments que sembla que m’atreuen, la meva vida no té més que un objecte. Tota ella està bolcada vers l’acompliment d’una gran dèria. Escric la història dels pingüins. Hi treballo assíduament, sense deixar-me descoratjar per les sovintejants dificultats que, a vegades, semblen insuperables.

    He cavat la terra per descobrir-hi els monuments enterrats d’aquest poble. Els primers llibres dels homes foren les pedres. He estudiat les pedres que hom pot considerar com els annals primicers dels pingüins. He desenterrat a la riba de l’oceà, un túmul no violat; hi he trobat, com passa sempre, destrals de sílex, espases de bronze, monedes romanes i una peça de vint sous amb l’efígie de Lluís Felip I, rei dels francesos.

    Pel que fa als temps històrics, la crònica de Johannes Talpa, monjo del monestir de Beargarden, em fou de gran ajuda. M’hi he abeurat bo i més abundosament quan hom no pot descobrir cap altra font de la història pingüina en l’alta edat mitjana.

    Som més rics a partir del segle XIII, més rics però no pas més afortunats. La història és endiastradament difícil d’escriure. Hom no sap mai exactament com varen ocórrer les coses i el desori de l’historiador creix amb l’abundor dels documents. Quan un fet ens és només conegut per un sol testimoniatge, hom l’admet sense gaires escarafalls. Les perplexitats comencen quan els esdeveniments són contats per dos o més testimonis, car llurs testimoniatges són sempre contradictoris i sempre irreconciliables.

    És veritat que les raons científiques que fan preferir un testimoniatge a l’altre són, de vegades, molt fortes. Però no ho són mai prou com per prevaldre sobre les nostres passions, els nostres prejudicis, els nostres interessos, ni per vèncer aquesta lleugeresa d’esperit comuna a tots els homes de seny. I és per això que sempre presentem els fets d’una manera interessada i frèvola.

    Vaig exposar a molts savis arqueòlegs i paleògrafs del meu país i de països estrangers, les dificultats amb què em topava per compondre la història dels pingüins. He hagut d’aguantar el seu menyspreu. Em miraven amb un somriure de llàstima que semblava voler dir: “És que per ventura nosaltres escrivim la història? És que nosaltres provem d’extreure d’un text, d’un document, ni un sol bri de vida o de veritat? Nosaltres publiquem pura i simplement els textos. Ens atenim només a la lletra. Únicament la lletra és apreciable i definida. L’esperit no ho és pas; les idees són fantasies. Cal ésser ben frèvol per escriure la història: cal tenir imaginació.”

    Hi havia tot això en l’esguard i en el somriure dels nostres mestres de paleografia i llur conversa em decebia profundament. Un dia que, després d’una conversa amb un sigil·lògraf eminent jo em sentia més abatut encara que de costum, em vaig fer de sobte aquesta reflexió i em vaig dir:

    “Amb tot, n’hi ha d’historiadors; llur nissaga no ha desaparegut del tot. A l’Acadèmia de Ciències Morals, hom en conserva cinc o sis. Aquests no publiquen textos: escriuen la història. Aquests no m’aniran a dir que cal ésser un frèvol per lliurar-se a aquesta mena de treball.”

    Aquesta idea em va animar.

    Al dia següent, com hom diu (o l’endemà, com hom hauria de dir) em vaig presentar a casa d’un d’ells, un ancià eixerit.

    —Vinc —li diguí—, senyor, a demanar consell de la vostra experiència. Vaig de mal borràs per compondre una història i no me’n surto ni poc ni molt.

    Em respongué arronsant-se d’espatlles:

    —I per què, pobre senyor meu, us doneu tanta pena? I per què compondre una història quan només us cal copiar les més conegudes, tal com s’estila? Si vós teniu un punt de vista nou, una idea original, si presenteu els homes i les coses sota un aspecte inesperat deixareu parat el lector. I, al lector, no li agrada que el sorprenguin. En les històries no hi cerca mai altra cosa que les bestieses que ja coneix. Si intenteu instruir-lo no fareu més que humiliar-lo i fer-lo enfadar. No proveu d’aclarir-li les coses: us escridassarà que esteu insultant les seves creences.

    ”Els historiadors es copien els uns als altres. Així s’estalvien de fadigar-se i eviten de semblar pretensiosos. Imiteu-los i no vulgueu ésser original. Un historiador original és objecte de la malfiança, del menyspreu i de l’aversió universals.

    ”Us figureu, senyor —afegí—, que jo fóra considerat, honorat com sóc, si hagués ficat novetats en els meus llibres d’història? I, què són les novetats? Res més que impertinències.

    S’aixecà. Jo el vaig remerciar per la seva atenció i me n’aní cap a la porta. Em va cridar:

    —Encara una paraula. Si voleu que el vostre llibre sigui ben acollit, no desaprofiteu cap avinentesa de lloar-hi les virtuts damunt les quals reposen les societats: la veneració per la riquesa, els sentiments pietosos i, especialment, la resignació del pobre, que és la base de tot bon ordre. Afirmeu, senyor, que els principis de la propietat, de la noblesa, de la gendarmeria, seran tractats en la vostra història amb tot el respecte que es mereixen les tals institucions. Feu saber que, quan es presenti, no rebutjareu el sobrenatural. Amb aquesta condició, sobresortireu en la millor de les companyonies.

    He meditat aquests assenyades observacions i he posat la més gran cura en seguir-les.

    No cal parlar aquí dels pingüins abans de llur metamorfosi. No em pertanyen fins al moment precís en què surten de la zoologia per penetrar en la història i en la teologia. Eren ben bé pingüins aquells que el gran sant Maël va canviar en homes. Però cal encara aclarir-ho car, fins i tot avui dia, el terme podria donar lloc a confusions.

    Anomenen pingüí, en francès, un ocell de les regions àrtiques que pertany a la família dels alcedínids: anomenen manxol el tipus dels esfenisciformes que habiten les mars antàrtiques. Així ho fa, per exemple, el Sr. G. Lecointe, en la seva relació del viatge de La Bèlgica1: “De tots els ocells que poblen l’estret de Gerlache —diu— són, de segur, els manxols els més interessants. Incorrectament, de vegades, són designats com a pingüins del sud.” El doctor J. B. Charcot afirma, al contrari, que els veritables i els únics pingüins són aquests ocells de l’Antàrtida que nosaltres anomenem manxols i dóna com a raó que ells reberen dels holandesos, que arribaren el 1598 al cap Magallanes, el nom de “pingüinos” a causa, segurament, de llur greix. Però si els manxols s’anomenen pingüins, com s’anomenaran aleshores els pingüins? El doctor J. B. Charcot no ens ho diu pas i no té l’aire de preocupar-se’n gens ni mica.2

    Doncs bé, que aquests manxols es converteixin o es reconverteixin en pingüins és el que hem d’admetre. En donar-los a conèixer obtingué el dret de donar-los nom. Però, almenys, que permeti als pingüins septentrionals de romandre pingüins. Així hi hauria els pingüins del sud i els del nord, els antàrtics i els àrtics, els alcedínids o vells pingüins i els esfenisciformes o vells manxols. És possible que això atabali els ornitòlegs preocupats en descriure i classificar els palmípedes; segur que ells es preguntaran si veritablement és escaient que un mateix nom serveixi per a dues famílies que es troben al pol oposat l’una de l’altra i que difereixen en diferents indrets, especialment al bec, als alots i a les potes. Pel que a mi fa, m’avinc perfectament en aquesta confusió. Entre els meus pingüins i els del Sr. J. B. Charcot, siguin les que siguin les diferències, les semblances apareixen molt més nombroses i molt més profundes. Tant aquests com aquells es fan notar per un aire greu i plàcid, una dignitat còmica, una familiaritat confiada, una bonhomia sorneguera, unes maneres ensems pocatraça i solemnials. Uns i altres són pacífics, abundosament discrets, àvids d’espectacles, preocupats pels afers públics i, tal volta, una mica gelosos de jerarquia.

    Els meus hiperboris, si hem de dir la veritat, tenen els alots no pas escamosos sinó més aviat coberts amb curtes plomes; encara que llurs potes estiguin plantades una mica menys enrere que les dels meridionals, caminen igualment, amb el bust arrogant, el cap enlaire, balancejant el cos de manera igualment digna i llur bec sublim no és el motiu més petit de l’error en què caigué l’apòstol quan els va prendre per homes.

    He de reconèixer que, el present llibre pertany al gènere de l’antiga història, d’aquella que presenta la rècula dels esdeveniments dels quals s’ha servat record i que n’indica, sempre que és possible, les causes i els efectes; cosa que és un art més que no una ciència. Hom diu que aquesta manera de fer ja no complau els esperits exactes i que l’antiga Clio és tinguda avui dia per una xafardera. És ben possible que, a l’avenir, existeixi una història més segura, una història de les condicions de la vida, per ensenyar-nos el que un poble tal en una època tal produïa i consumia dins de totes les formes de la seva activitat. Aquesta història ja no serà un art sinó una ciència i ens procurarà l’exactitud que manca a l’antiga. Però, per a produir-se, li calen una multitud d’estadístiques que fins ara han mancat respecte a tots els pobles i molt particularment entre els pingüins. És ben possible que les nacions forneixin un dia els elements d’una història d’aquesta mena; però pel que fa referència a la humanitat passada, em temo que haurem d’acontentar-nos amb una explicació a la manera antiga. L’interès d’una tal narració depèn, per damunt de tot, de la perspicàcia i de la bona fe del contaire.

    Com ha dit un gran escriptor d’Alca, la vida d’un poble és un teixit de crims, de misèries i de follies. No és altrament per la Pingüínia que per les altres nacions; amb tot, la meva història presenta detalls admirables que espero haver sabut fer relluir.

    Per molt temps els pingüins seguiren essent bel·licosos. Un d’ells, Jacquot el Filòsof, ha pintat llur caràcter en un quadre de costums que jo reprodueixo aquí i que, ben segur, haurà de complaure-us:

    El savi Gracià recorria la Pingüínia en temps dels darrers Dracònides. Un dia que creuava una fresca vall on les esquelles de les vaques dringaven en l’aire pur, s’assegué en un banc al peu d’una alzina, vora d’una cabanya. Al llindar de la porta una dona donava el pit a un infant; un minyó jove jugava amb un gros ca; un vell orb, assegut al sol amb els llavis entreoberts, xuclava la llum del dia.

    L’amo de la casa, un home jove i fornit, ofrenà a Gracià pa i llet.

    Després de prendre aquest repàs camperol, el filòsof morsuí digué:

    —Amables habitants d’un país amable, us dono mercès. Aquí tot respira la joia, la bona avinença i la pau.

    Mentre així parlava, passà un pastor tocant una marxa amb el seu sac de gemecs.

    —Quina és aquesta tonada tan viva? —preguntà Gracià.

    —És l’himne de guerra contra els morsuins —respongué el pagès—. Aquí tothom el taral·leja. Els més menuts, abans de parlar, ja se’l saben de cor. Nosaltres som tots uns bons pingüins.

    —No us agraden els morsuins?

    —Els odiem.

    —Per quin motiu els odieu?

    —I ho pregunteu? És que els morsuins no són els veïns dels pingüins?

    —Segur.

    —Aleshores! És per això que els pingüins odien els morsuins!

    —I aquest és el motiu?

    —Ben cert. Qui diu veïns diu enemics. Mireu l’hort que llinda amb el meu. És de l’home que odio més del món. Després d’ell els meus pitjors enemics són la gent del poblet que s’enfila a l’altre vessant de la vall, al peu d’aquest bosc de bedolls. En aquesta estreta vall, closa per totes bandes, no hi ha més que aquest poblet i el meu: ells són els enemics. Cada cop que els nostres minyons es topen amb els del davant, s’entrecreuen insults i cops. I vós voldríeu que els pingüins no fossin els enemics dels morsuins! És que no sabeu què és el patriotisme? Pel que fa a mi, aquí teniu els dos crits que se m’escapen del pit: Visquin els pingüins! Morin els morsuins!

    Tretze segles arreu, els pingüins feren la guerra a tots els pobles del món, amb un coratge constant i diversa fortuna. Després, anys a venir, es lassaren del que durant tant de temps els havia agradat i demostraren una gran dèria per la pau que defensaven amb dignitat, no hi ha dubte, però amb la major sinceritat. Llurs generals s’avingueren plenament a la nova jeia: tot llur exèrcit, oficials, sotsoficials i soldats, sorges i veterans hi trobaren gust; foren els gratapapers, les rates de biblioteca només els que se’n dolgueren i els esguerrats no se’n saberen conhortar.

    Fou aquest mateix Jacquot el Filòsof el que va compondre una mena de conte moral on hi representava de manera còmica i valenta les diverses accions dels homes. Va barrejar-hi molts episodis de la història del seu mateix país. Algunes persones li preguntaren per què havia escrit aquella història arranjada i quin profit es creia que en podria pervenir a la seva pàtria.

    —Un de molt gran —respongué el filòsof—. Quan ells veuran llurs accions així estrafetes i nues de tot allò que els afalaga, els pingüins les jutjaran millor i, potser, posaran més seny.

    M’hauria agradat no ometre res en aquesta història de tot el que pot complaure els artistes. Hom hi trobarà un capítol sobre la pintura pingüina a l’edat mitjana i, si aquest capítol és menys complert del que jo hauria volgut, no és pas per culpa meva, com podrà convèncer-se’n aquell que llegeixi el terrible conte amb el que vull acabar aquest prefaci.

    Se m’ocorregué la idea, al mes de juny de l’any passat, d’anar a consultar sobre els orígens i el progressos de l’art pingüí a l’enyorat Sr. Fulgenci Tapir, el savi autor dels Annals universals de la pintura, l’escultura i l’arquitectura.

    Un cop que em feren entrar en el seu despatx, el vaig trobar assegut davant del seu escriptori cilíndric, sota un pilot esfereïdor de paperots, un homenet meravellosament miop les parpelles del qual guinyaven darrera les ulleres d’or.

    Per suplir el defecte dels seus ulls, el seu nas llargarut i bellugadís, dotat d’un tacte exquisit, explorava el món sensible. Per mitjà d’aquest òrgan, Fulgenci Tapir entrava en contacte amb l’art i la bellesa. És cosa sabuda que a França, ben sovint, els crítics musicals són sords i els crítics d’art cecs. Això els procura el recolliment necessari per a les idees estètiques. ¿Us penseu que amb els ulls hàbils per percebre les formes i els colors amb què s’envolta la misteriosa natura, Fulgenci Tapir hauria pogut sobreeixir per damunt d’una muntanya de documents impresos i manuscrits fins al cim d’un espiritualisme doctrinal i hauria pogut concebre aquesta puixant teoria que feia convergir les arts de tots els països i de tots els temps, vers l’Institut de França, llur fi suprem?

    El terra i les parets del despatx, fins i tot el sostre, estaven curulls de lligalls desbordants, de carpetes desmesuradament inflades, de capses on s’amuntegaven una multitud innombrable de fitxes i jo contemplava, amb una admiració barrejada d’espant, aquelles cascades de l’erudició a punt de rebentar.

    —Mestre —diguí amb veu emocionada—, recorro a la vostra bonesa i al vostre saber, ambdós inesgotables. No voldríeu guiar-me en les meves recerques àrdues sobre els orígens de l’art pingüí?

    —Senyor —em respongué el mestre—, posseeixo tot l’art, m’enteneu? Tot l’art posat en fitxes classificades alfabèticament i per matèries. És per a mi un deure el posar a la vostra disposició tot el que fa referència als pingüins. Enfileu-vos amb aquesta escala i estireu aquesta capsa que veieu allí dalt. Hi trobareu tot el que us cal.

    Vaig obeir tremolant. Però tot just si havia obert la capsa fatal que començaren a escapar-se’n les fitxes blaves, lliscant entre els meus dits i vinga ploure’n. Gairebé ensems, per simpatia, les capses veïnes s’obriren i en lliscaren rierols de fitxes roses, verdes i blanques i, de banda i banda, de totes les capses les fitxes diferentment acolorides s’escolaren mormolejant, talment com per l’abril les cascades sobre els flancs de les muntanyes. En un minut cobriren el terra d’una capa espessa de paper. Sorgint de llurs inesgotables dipòsits, amb un brogit cada cop més fort, es precipitaren, segon a segon, en llur davallada torrencial. Banyat fins als genolls, Fulgenci Tapir, amb nas amatent, observava el cataclisme: en comprengué la causa i empal·lidí d’espant.

    —Quant d’art! —exclamà.

    Jo el cridava, m’acotava per ajudar-lo a pujar l’escala que es plegava sota el xàfec. Era massa tard. Mentrestant, atabalat, desesperat, lamentable, perduts el seu casquet de vellut i les seves ulleres d’or, oposava endebades els seus braços curts a l’onatge que li muntava fins a les aixelles. De sobte una tromba paorosa de fitxes s’aixecà embolcallant-lo en un terbolí gegantesc. Vaig veure, per l’espai d’un segon, en l’abís, el crani lluent del savi i les seves menudes mans grassonetes. Després l’abís es clogué de nou i el diluvi s’escampà en el silenci i la immobilitat. Amenaçat jo mateix de veure’m engolit amb escala i tot, vaig fugir a través del vidre més alt de la finestra.

    Quiberon, 1 de setembre de 1907

    LLIBRE PRIMER

    ELS ORÍGENS

    Maël, eixit d’una família reial de Cambrie, entrà quan tenia nou anys a l’abadia d’Yvern per estudiar-hi lletres sagrades i profanes. A l’edat de catorze anys renuncià a la seva herència i féu vots de servir el Senyor. Repartia les seves hores com comana la Regla, entre el cant dels himnes, l’estudi de la gramàtica i la meditació de les veritats eternes.

    Una flaire celestial descobrí aviat en el claustre les virtuts d’aquest monjo i quan el benaventurat Gal, abat d’Yvern, traspassà d’aquest món a l’altre, el jove Maël el succeí en el governament del monestir. Hi instal·là una escola, una infermeria, una casa d’hostes, una forja, tallers de tota mena i drassanes per a la construcció de navilis i ordenà als religiosos cultivar les terres de l’entorn. Amb les seves pròpies mans cultivava l’hort de l’abadia, treballava els metalls, instruïa els novicis i la seva vida s’escolava dolçament com un rierol que reflecteix el cel i fecunda els camps.

    Al caure el dia, aquest servent de Déu tenia per costum d’asseure’s damunt de l’espadat a l’indret que, avui encara, és conegut amb el nom de la Cadira de sant Maël. Als seus peus, els roquissers semblaven negres dragons tots peluts d’algues verdes i de verat lleonat, oposant a l’escuma de les ones, llurs pitralls monstruosos. Esguardava com el sol descendia vers l’oceà, talment una hòstia roja que, amb la seva sang gloriosa, emporprés els núvols del cel i la crinera de les ones. I el sant baró hi veia la imatge del misteri de la Creu, pel qual la sang divina ha recobert la terra d’una porpra reial. Al lluny, una línia d’un blau obscur, marcava les platges de l’illa de Gad, on santa Brígida, que havia rebut el vel de sant Malo, regia un monestir de dones.

    I vet aquí que Brígida, assabentada dels mereixements del venerable Maël, li féu demanar, com si fos un ric present, alguna cosa eixida de les seves mans. Maël fongué per a ella una campaneta d’aram i, quan fou acabada, la va beneir i la llençà al mar. I la campaneta anà tot dringant vers la riba de Gad, on santa Brígida, advertida pel sonar de l’aram, la recollí pietosament i, seguida de les seves filles, la portà en solemne processó i cantant els salms, vers la capella del monestir.

    D’aquesta guisa, el sant baró Maël caminava de virtut en virtut. Ja havia recorregut els dos terços del camí de la vida i esperava atènyer la seva fi terrenal enmig dels seus germans espirituals, quan comprengué, per un senyal precís, que la saviesa divina n’havia decidit altrament i que el Senyor el cridava per uns treballs menys tranquils però no menys meritoris.

    Un jorn que anava meditant per l’extrem d’una cala tranquil·la a la qual els roquissars allargassats en el mar feien com un dic salvatge, veié un abeurador de pedra que nedava, talment una barca, damunt les aigües.

    Era en una tina parella que sant Guirec, el gran sant Colomban i tants d’altres monjos d’Escòcia i d’Irlanda, havien anat a evangelitzar l’Armòrica. No feia gaire encara que, sant Avoye, vingut d’Anglaterra, remuntava el riu d’Auray, dins d’un morter de granit rosa, on més enllà hom ficarà els infants per a fer-los forts. Sant Vouga passava d’Hibernia a Cornouailles damunt d’una roca, els fragments de la qual, conservats a Penmarch, guariran de la febre els pelegrins que hi posin el cap. Sant Samson abordava la badia del Mont Saint-Michel, dins d’una tina de granit que, un dia, serà coneguda com l’escudella de sant Samson. Fou per això que el sant home Maël, en veure l’abeurador de pedra, comprengué que el Senyor el destinava a l’apostolat dels pagans que poblaven encara la costa i les illes dels bretons.

    Donà la seva crossa al bon monjo Budoc, investint-lo així amb el governament de l’abadia. Després, proveït d’un pa, un barril d’aigua i del llibre dels Sants Evangelis, entrà a l’abeurador de pedra que el portà, suaument, fins a l’illa d’Hoedic.

    Aquesta illa està sempre sota l’escomesa dels vents. Uns homes mísers hi pesquen peix entre els esvorancs de les roques i cultiven amb angúnies els llegums en unes hortes plenes de sorra i de palets, protegides per marges de pedra seca i bardissars de tamarius. Una esplendorosa figuera arrelava en un aiguavés de l’illa i escampava amplament les seves branques. Els habitants de l’illa l’adoraven.

    I el sant baró Maël els digué:

    —Vosaltres adoreu aquest arbre perquè és bell. Aleshores vol dir que sou sensibles a la beutat. Jo vinc a revelar-vos la beutat amagada.

    I els ensenyà l’Evangeli. I, després d’haver-los instruït, els batejà amb la sal i amb l’aigua.

    Les illes del Morbihan eren, en aquell temps, més nombroses que no ho són ara. Car, des d’aleshores, a moltes les ha engolit la mar. Sant Maël n’evangelitzà seixanta. Després, amb el seu abeurador de granit, remuntà la riera d’Auray i, després de tres hores de navegació, posà peu a terra davant d’una casa romana. S’aixecava del seu sostre una fumerola lleugera. El sant home creuà el llindar sobre el qual un mosaic representava un gos amb les potes fermes i els llaviots recargolats. Hi fou acollit per un vell matrimoni, Marcus Combabus i Valeria Moerens, que allí vivien del rendiment de llur hisenda. A l’entorn del pati interior dominava un pòrtic amb les pilastres pintades de vermell des de la base fins a mitja altura. Hi havia al mur una fontanella de petxines i, dessota del pòrtic, s’aixecava un altar amb un nínxol on, l’amo de la casa havia plaçat uns ídols menuts de terrissa, emblanquinats amb beurada de calç. Els uns representaven infantons alats, d’altres Apol·lo o Mercuri i molts tenien la forma d’una fembra nua que es cargolava els cabells. Però el sant baró Maël, contemplant aquestes figures, descobrí entre elles la imatge d’una mare jovençana que duia un nadó a la falda.

    Tot seguit digué, assenyalant aquesta imatge:

    —Aquesta és la Verge, Mare de Déu. Virgili, el poeta, l’anuncià en carmes sibil·lins abans que ella fos nada i, amb una veu angelical, cantà Jam redit et virgo. I hom féu d’ella, en la gentilitat, imatges profètiques, talment aquesta que tu has posat, oh Marcus, damunt d’aquest altar. I no hi ha pas dubte que ella ha protegit la teva llar modesta. És així com aquells que observen la llei natural es preparen per al coneixement de les veritats revelades.

    Marcus Combabus i Valeria Moerens, assabentats per aquest discurs, es convertiren a la fe cristiana i reberen el baptisme junt amb la seva jove lliberta, Caelia Avitella, que els era més cara que la nineta dels seus ulls. Tots llurs colons renunciaren al paganisme i foren batejats el mateix dia.

    Marcus Combabus, Valeria Moerens i Caelia Avitella menaren des d’aleshores una vida curulla de mereixements. Traspassaren en el Senyor i foren inclosos en el cànon dels sants.

    Durant trenta-set anys encara, el benaventurat Maël evangelitzà els pagans de les terres de l’interior. Aixecà dues-centes divuit capelles i setanta-quatre abadies.

    Però, un cert dia, a la ciutat de Vannes, on ell anunciava l’Evangeli, tingué esment que els monjos d’Yvern, en la seva absència, s’havien relaxat de la Regla de sant Gal. A cuita-corrents, amb el zel de la lloca que agombola els seus pollets, se n’anà prop dels seus fills esgarriats. Complia aleshores els seus noranta-set anys; la seva còrpora s’havia encorbat, però els seus braços encara eren potents i la seva paraula s’expandí abundosa, tal com la neu a l’hivern per les fondalades de les valls.

    L’abat Budoc tornà a sant Maël la crossa de freixe i l’instruí sobre l’estat malaurat en què es trobava l’abadia. Els monjos s’havien barallat respecte la data en què s’esqueia la celebració de la festa de Pasqua. Els uns eren partidaris del calendari romà i d’altres, del calendari grec; els horrors d’un cisma cronològic destrossaven el monestir.

    Predominava encara una altra causa de desordre. Les monges de l’illa de Gad, llastimosament fallida llur virtut primicera, arribaven a cada instant amb barca a la costa d’Yvern. Els monjos les rebien al departament dels hostes i d’aquí pervenien els escàndols que omplien de desconhort les ànimes pietoses.

    En acabar aquesta fidel informació, l’abat Budoc conclogué amb aquestes paraules:

    —Des de la vinguda de les monges, res no resta de la innocència i de la tranquil·litat dels nostres monjos.

    —Res em costa de creure-ho —respongué el benaventurat Maël—. Car la dona és un parany traçudament agençat: hom hi resta pres només d’ensumar-lo. Ai las! L’atractiu delitós d’aquests criatures es produeix de lluny, més poderosament que de prop. Inspiren tant més el desig com menys el satisfan. D’aquí vénen els versos d’un poeta, dedicats a una d’elles: “Present, us refuso; absent us retrobo.”

    ”Per això, fill meu, és ben vistent que les blaneses de l’amor carnal son més atractívoles per als solitaris i els monjos que per a aquells homes que viuen en el segle. El dimoni de la luxúria m’ha temptat tota la vida de diferent manera i les més terribles temptacions no em vingueren pas a l’encontre d’una fembra, fins i tot bonica i perfumada. Em vingueren per la imatge d’una dona absent. Encara ara, carregat d’anys i a la llinda dels noranta-vuit, sovint sóc induït per l’Enemic a pecar contra la castedat, almenys de pensament. A la nit, quan tinc fred al llit i els meus ossos gelats s’entrexoquen, oeixo veus que reciten el segon versicle del Tercer llibre dels Reis: “Dixerunt ergo et servi sui: Quaeramus domino nostro regi adolescentulam virginem, et stet coram rege, et foveat eum, dormiatque in sinu suo, et calefaciat dominum nostrum regem.” I el diable em mostra una minyoneta poncella que em diu: “Jo sóc la teva Abisag: jo sóc la teva Sunamita. Oh el meu senyor, fes-me lloc al teu llit.”

    ”Em podeu creure —afegí l’ancià—; no és més que gràcies a un socors especial del Cel que el monjo pot guardar la seva castedat, de fet i d’intenció.

    Dedicant-se tot seguit a restablir la innocència i la pau en el monestir, esmenà el calendari d’acord amb els càlculs de la cronologia i l’astronomia i el féu acceptar per tots els religiosos; tornà al monestir de santa Brígida totes les monges pecadores però, enlloc de treure-les barroerament, les féu conduir a llur navili tot cantant els salms i les lletanies.

    —Respectem en elles —digué— les filles de Brígida i les núvies del Senyor. Guardem-nos d’imitar els fariseus que es vantaven de llur menyspreu per les pecadores. Cal humiliar aquestes dones en llur pecat i no en llur persona i avergonyir-les del que elles han fet, però no del que elles són: car elles són criatures de Déu.

    I el sant baró exhortà els seus monjos a observar fidelment la regla de llur orde.

    —Quan el navili no obeeix el governall —els digué— l’escull el fa obeir.

    Tot just si el benaventurat Maël havia restablert l’ordre a l’abadia d’Yvern, quan s’assabentà que els habitants de l’illa d’Hoedic, els seus primers catecúmens i, de tots ells, els que duia més prop del cor, havien recaigut en el paganisme i que guarnien, amb corones de flors i banderoles de llana, les branques de llur figuera sagrada.

    El barquer que portava aquestes doloroses noves expressà la seva temença que, a no trigar gaire, aquests homes extraviats no destruïssin pel ferro i el foc, la capella aixecada a la costa de llur illa.

    El sant baró decidí visitar sense trigança els seus fills infidels, amb el designi de tornar-los a la fe i d’impedir que es lliuressin a violències sacrílegues. Quan ell es dirigia vers la feréstega cala on havia restat ancorada la seva barca de pedra, girà els ulls vers les drassanes que havia instal·lat trenta anys abans, al fons d’aquesta badia, per a la construcció de navilis i que retrunyien en aquesta hora amb el brogit de les serres i els martells.

    En aquest moment, el Diable, que mai no para, sortia de les drassanes i s’apropà al sant home, prenent la figura d’un monjo anomenat Samson, i el temptà d’aquesta guisa:

    —Pare meu, els habitants de l’illa d’Hoedic no paren de fer pecats. Cada moment que passa els allunya de Déu. Aviat passaran a ferro i foc la capella que vós heu aixecat amb les vostres mans venerables sobre la costa de l’illa. El temps apressa. ¿No us sembla que la vostra abeuradora de pedra us menaria més ràpidament si estigués agençada com una barca, munida d’un governall, d’un pal i d’una vela, car aleshores el vent us empenyeria? Els vostres braços encara són forts i adients per menar un navili. També aniria bé que hi poséssiu una quilla tallant al davant del vostre abeurador apostòlic. Vós sou massa intel·ligent com perquè aquesta idea no se us hagi ocorregut.

    —És ben cert que el temps apressa —respongué el sant baró—. Però procedir com dieu vós Samson, fill meu, no fóra fer-me semblant a aquests homes de poca fe, que no es refien del Senyor? No fóra un menyspreu pels dons d’Aquell que m’envià l’abeuradora de pedra, sense aparells ni veles?

    A aquesta pregunta, el Diable, que és un gran teòleg, respongué amb aquesta altra:

    —Pare meu, ¿és digne de lloança esperar amb les mans plegades, que ens vingui l’ajut de les altures i demanar-ho tot a Aquell que tot ho pot, enlloc d’obrar amb humana prudència i d’ajudar-se un mateix?

    —Ben cert que no —respongué el sant ancià Maël— i és temptar Déu negligir d’obrar amb humana prudència.

    —Aleshores —empenyé el Dimoni— la prudència no està, en aquest cas, en aparellar la barca?

    —Fóra prudència si no hi hagués altra manera d’arribar a destí.

    —Ei! Ei! Aleshores és que la vostra abeuradora és molt ràpida?

    —Ho és tant com Déu vol.

    —I vós què en sabeu? Salla com la mula de l’abat Budoc. Una veritable carraca. Us està prohibit de fer-la més ràpida?

    —Fill meu, els vostres raonaments són molt clars i convincents de sobres. Però no oblideu que aquesta barca de pedra és miraculosa.

    —Cert que ho és, pare meu. Un abeurador de pedra que sura damunt l’aigua com un tap de suro és un abeurador miraculós. En això no hi ha dubte. I què en traieu en clar?

    —Estic tan atabalat. És convenient perfeccionar per mitjans humans i naturals, una màquina tan miraculosa?

    —Pare meu, si perdéssiu el peu dret i Déu us el refeia, aquest peu fóra miraculós?

    —Ben cert que sí.

    —Us el calçaríeu?

    —Segur.

    —Doncs bé; si creieu que hom pot calçar amb una sabata natural un peu miraculós, també heu de creure que hom pot posar aparells naturals a una embarcació meravellosa. Això és clar i net. Ai las! Per què serà que els més sants personatges tenen moments de llangor i tenebres? Sou el més il·lustre dels apòstols de la Bretanya i podríeu acomplir gestes dignes d’eterna lloança… Però l’esperit és lent i la mà mandrosa! Adéu doncs, pare meu! Viatgeu a petites jornades i, quan a la fi sereu prop de les costes d’Hoedic, contemplareu les runes fumejants de la capella bastida i consagrada per les vostres mans. Els pagans l’hauran cremada amb el petit diaca que hi deixàreu i que quedarà escalivat com una botifarra.

    —La meva tribulació és extremada —digué el servent de Déu, eixugant-se amb la màniga la suor del front—. Però, escolta’m, Samson fill meu, no és una minsa tasca la d’aparellar aquesta barca de pedra. No ens succeirà, si emprenem aquesta feina, que perdrem temps enlloc de guanyar-ne?

    —Ai pare meu! —exclamà el Diable—. En un obrir i tancar d’ulls la cosa serà feta. Trobarem els aparells necessaris en aquests magatzems que vós instal·làreu temps enrere sobre la costa i en aquestes drassanes abundosament proveïdes per la vostra cura. Jo mateix ajustaré totes les peces navals. Abans d’ésser monjo he estat mariner i mestre d’aixa i encara he fet d’altres oficis. Mans a l’obra!

    A cuita-corrents emmenà el sant baró sota un cobert atapeït dels estris necessaris per a la navegació.

    —Tot és per a vós, mon pare!

    I li posà damunt l’esquena la vela i el pal, la botavara i l’arborada.

    Després, carregant-se ell mateix amb el morro de la quilla i un governall, amb la metxa i el timó, i arreplegant un sac de fuster ple d’eines, corregué vers la ribera, estirant rere seu el sant baró pels hàbits, doblegat, suant i esbufegant sota el feix de la vela i el fustam.

    El Diable, arromangant-se fins a les aixelles, arrossegà l’abeurador damunt l’arena i l’aparellà en menys d’una hora.

    Així que el sant baró Maël s’hagué embarcat, aquella barca, amb totes les veles desplegades, sallà les aigües amb una tal rapidesa que la costa es perdé de vista tot seguit. L’ancià governava vers el sud per doblar el cap Land’s End. Però un corrent irresistible el portava vers el sud-oest. Tocà la costa meridional d’Irlanda i tombà sobtadament vers el septentrió. Al vespre, el vent bufà més fort. Fou endebades que Maël provés d’arriar veles. L’abeuradora lliscava desesperadament vers les mars fabuloses.

    Al clar de lluna, les grassones sirenes del nord, de crineres de cànem, vingueren al seu entorn ensenyant llurs gorges blanques i llurs gropes rosa; i, batent amb llurs cues de maragda l’ona escumosa, cantaven en cadència:

    Vers on vas, mon dolç Maël,

    Desfermat, dins de la barca?

    La vela s’infla talment

    Com de Juno el pit potent

    Quan n’eixí la Via Làctia.

    Per un moment elles l’encalçaren, sota les estrelles, amb llurs rialles harmonioses. Però l’abeuradora fugia, cent vegades més ràpida que el navili roig d’un víking. I els petrells, sorpresos en llur vol, s’enredaven les potes amb la cabellera del sant baró.

    Aviat s’aixecà una tempesta, prenyada d’ombres i gemecs i l’abeuradora, empesa pel vent furiós, volà com una gavina entre la boira i l’onatge.

    Després d’una nit de tres vegades vint-i-quatre hores, les tenebres s’esquinçaren de cop. I el sant baró descobrí a l’horitzó una platja més brillant que un diamant. Aquesta riba s’engrandí ràpidament i, ben aviat, a la llum glacial d’un sol inert i baix, Maël veié muntar per damunt les ones una vila blanca, de carrers silents que, més vasta que la Tebes de les cent portes, estenia fins a perdre’s de vista les ruïnes del seu fòrum de neu, de cent palaus de gebre, dels seus arcs de cristall i dels seus obeliscs iridiscents.

    L’oceà estava cobert de gels flotants, a l’entorn dels quals nedaven homes marins d’esguard dolç i salvatgí. I Leviatan s’esmunyí llançant una columna d’aigua fins als núvols.

    Mentrestant, damunt d’un bloc de gel que nedava aparellat amb la barca de pedra, estava asseguda una ossa blanca que duia el seu menut als braços i Maël l’oí com mormolejava dolçament aquest vers de Virgili: “Incipe, parve puer.”

    I l’ancià, ple de tristesa i de torbament, plorà.

    L’aigua dolça, en gelar-se, havia fet esclatar el barril que la contenia. I, per apagar la seva set, Maël xuclava els trossets de gel. I es va menjar el seu pa, xop d’aigua salada. La seva barba i els seus cabells es trencaven com el vidre. El seu hàbit, recobert d’una capa de glaç, li tallava a cada moviment les articulacions dels membres. Les onades monstruoses s’enlairaven i llurs barres escumoses s’obrien enormes sobre l’ancià. Vint vegades l’escomesa de les ones negà la barca. I el llibre dels Sants Evangelis, que l’apòstol guardava curosament sota unes cobertes de porpra marcades amb una creu d’or, fou engolit per l’oceà.

    Després, al trentè dia, la mar es calmà. I vet aquí que amb un esgarrifós clamoreig del cel i de les aigües, una muntanya d’una blancor encegadora, alta de tres-cents peus, avançà vers la barca de pedra. Maël governà per evitar-la; el timó se li trencà entre les mans. Per amainar la seva embranzida vers l’escull, provà encara de plegar veles. Però quan ell volgué nuar les escotes, el vent les hi va arrencar i el calabrot, escapant-se, li cremà les mans. I veié tres dimonis d’ales de pell negra, proveïts de garfis que, penjats a l’eixàrcia, bufaven les veles.

    Comprenent en veure això que l’Enemic el menava en totes aquestes coses, s’armà del signe de la Creu. Immediatament un cop de vent furiós, ple de sanglots i de bramuls, aixecà l’abeurador de pedra, s’emportà els mastelers amb totes les veles i arrencà el governall i la quilla.

    I la barca se n’anà a la deriva, damunt la mar apaivagada. El sant baró, agenollant-se, donà gràcies al Senyor, que l’havia alliberat dels paranys del dimoni. Aleshores reconegué l’ossa mare, asseguda en un bloc de gel, que havia parlat en plena tempesta. Ella estrenyia contra el seu pit el seu fillet ben amat i tenia a la mà un llibre que, damunt la coberta de porpra, estava marcat amb una creu d’or. Havent acostat la barca de granit, ella saludà el sant baró amb aquestes paraules: “Fax tibi, Maël.”

    I li allargà el llibre.

    El sant home reconegué el seu evangeliari i, ple d’astorament, cantà en l’aire temperat un himne al Creador i a la Creació.

    Després d’anar una hora a la deriva, el sant baró abordà una platja estreta, tancada per unes muntanyes rostes. Caminà al llarg de la riba tot un dia i una nit, donant la volta als roquissars que formaven una muralla infranquejable. D’aquesta manera prengué esment que es tractava d’una illa rodona al mig de la qual s’aixecava una muntanya coronada de núvols. Respirà de gust l’alenada fresca de l’aire humit. La pluja queia i, era una pluja tan dolça, que el sant home digué al Senyor:

    —Senyor, vet aquí l’illa de les llàgrimes, l’illa de la contrició.

    La platja estava deserta. Extenuat de fatiga i de fam, s’assegué sobre una pedra a la conca de la qual reposaven uns ous grocs, pigats de negre, i grossos com els ous de cigne. Però ni els tocà, tot dient-se:

    “Els ocells són la lloança viva de Déu. No vull que per mi manqui ni una sola d’aquestes lloances.”

    I mastegà els líquens arrencats dels forats de les pedres.

    Ja havia, el sant baró, donat la volta a l’illa gairebé del tot, sense trobar-hi habitants, quan arribà a un ampli cercle format per roques esquerpes i roges, solcades de cascades sonores, les puntes de les quals blavejaven entre els núvols.

    La reverberació dels gels polars havia cremat els ulls de l’ancià. Amb tot, una feble clariana es filtrava encara entre les seves parpelles inflades. Llucà unes formes animades que s’amuntegaven de rengle sobre les roques, talment una multitud d’homes damunt les grades d’un amfiteatre. Al mateix temps, les seves oïdes eixordades pel persistent brogit de la mar oïren feblement unes veus. Pensant que es tractava d’homes que vivien segons la llei natural i que el Senyor l’havia encaminat cap a ells perquè els ensenyés la llei divina, va evangelitzar-los.

    Enfilat damunt d’una pedra alta, al bell mig del cercle agrest els digué:

    —Habitants d’aquesta illa, malgrat que sigueu de curta talla, més que una collada de pescadors i de mariners sembleu el senat d’una prudent república. Per la vostra gravetat, el vostre silenci, la vostra calmosa actitud, componeu damunt d’aquestes roques salvatges, una assemblea comparable a la dels Pares Conscriptes de Roma, deliberant al temple de la Victòria, o més aviat a la dels filòsofs d’Atenes, discutint als bancs de l’Aeròpag. Segur que vosaltres no posseïu ni llur ciència ni llur geni; però tal vegada als ulls de Déu, valgueu més que ells vosaltres. Endevino que sou bons i senzills. Recorrent els llindars de la vostra illa no hi he trobat cap imatge de l’assassinat, cap senyal de carnatge, ni testes ni cabelleres d’enemics penjades dalt d’un pal o clavades a les portes de les viles. Em sembla que no coneixeu cap art ni sabeu treballar els metalls. Però els vostres cors són purs i les vostres mans innocents. I la veritat penetrarà fàcilment a les vostres ànimes.

    Doncs, el que ell havia pres per homes de curta talla però de greu capteniment eren pingüins que la primavera acoblava i que estaven arrenglerats en grups sobre els graons naturals de la roca, dempeus amb la majestat de llurs grossos ventres blancs. De tant en tant agitaven com si fossin braços llurs alerons i engegaven una pacífica cridòria. No temien ni poc ni molt els homes perquè no els coneixien i mai n’havien rebut cap dany i, a més, en aquest monjo hi havia una tendresa que tranquil·litzava els animals més esquerps i que agradava de no dir a aquests pingüins. Voltaven al seu entorn amb una tafaneria amistosa, llur petit ull rodó perllongat cap endavant per una taca blanca oval, que donava a llur mirada un no sé què d’estrany i d’humà.

    Impressionat per llur recolliment, el sant home els ensenyà l’Evangeli.

    —Habitants d’aquesta illa, el jorn terrestre que acaba d’apuntar per damunt de les vostres roques és la imatge del jorn que s’apunta a les vostres ànimes. Car jo us porto la llum interior; jo us porto la llum i l’escalf de l’esperit. De la mateixa manera que el sol fa fondre el glaç de les vostres muntanyes, Jesucrist farà fondre els gels dels vostres cors.

    Així parlà l’ancià. I com passa sempre en la natura, que la veu crida la veu perquè tot quan respira a la llum del dia es complau amb els cants alternats, els pingüins respongueren a l’ancià amb el so de llurs gorges. I llurs veus es feren manyagues, car es trobaven en l’estació de l’amor.

    I el sant baró, convençut que pertanyien a algun poble idòlatra i que donaven, en llur llenguatge, llur adhesió a la fe cristiana, els invità a rebre el baptisme.

    —Em penso —els digué— que vosaltres us banyeu sovint. Tots els clots de les roques estan curulls d’aigua pura i, suara, tot venint a la vostra assemblea, he vist molts d’entre vosaltres ficats en aquestes banyeres naturals. Sapigueu que la netedat del cos és la imatge de la netedat de l’ànima.

    I els explicà l’origen, la naturalesa i els efectes del baptisme.

    —El baptisme —els digué— és Adopció, Redempció, Regeneració, Il·luminació.

    I, successivament, els explicà cadascun d’aquests punts.

    Després, havent beneït abans l’aigua que queia pels degotalls i recitant els exorcismes, batejà aquells que acabava d’instruir, abocant damunt del cap de cadascun d’ells, una gota d’aigua pura, tot pronunciant les paraules consagrades.

    I d’aquesta guisa, batejà els ocells durant tres dies i tres nits.

    Quan el baptisme dels pingüins fou conegut al Paradís, no fou causa de joia ni de tristesa, però motivà una extremada sorpresa. Fins i tot Nostre Senyor estava atabalat. Convocà una assemblea de llicenciats i doctors i els preguntà si consideraven com a vàlid aquell bateig.

    —És nul —digué sant Patrici.

    —I per què és nul? —preguntà sant Gal, que havia evangelitzat les Cornualles i format el sant baró Maël en els treballs apostòlics.

    —El sagrament del baptisme —respongué sant Patrici— és nul quan és atorgat als ocells, tal com el sagrament del maridatge ho és quan és donat a un eunuc.

    Però sant Gal:

    —Quina relació preteneu establir entre el baptisme d’un ocell i el maridatge d’un eunuc? No n’hi ha pas. El matrimoni és, si m’és permès de dir-ho, una mena de sagrament condicional, eventual. El sacerdot beneeix un acte a la bestreta; és veritat que, si l’acte no és consumat, la benedicció resta sense efecte. Això salta a la vista. Damunt de la Terra he conegut, a la vila d’Antrim, un home ric que es deia Sadoc i que vivia en concubinatge amb una dona a la que féu mare de nou fills. Ja a les acaballes dels seus dies, cedint a les seves admonicions, consentí a casar-se i jo vaig beneir aquella unió. Malauradament els molts anys del vell Sadoc no permeteren que es consumés el maridatge. Poc temps després, perdé tota la seva hisenda i, Germana (que aquest era el nom de la muller), no sentint-se disposta a suportar la indigència, demanà l’anulació d’un matrimoni que no tenia cap realitat. El Papa acceptà la demanda, car era justa. Així és pel que fa al matrimoni. Però el baptisme s’administra sense restriccions ni reserves de cap mena. No hi ha lloc a cap dubte: és un sagrament que els pingüins han rebut.

    Cridat a donar el seu parer, el papa sant Damas s’expressà en aquests termes:

    —Per saber si un bateig és vàlid i si produirà les seves conseqüències, és a dir, la santificació, cal considerar qui el dóna i no qui el rep. En efecte, la virtut santificant d’aquest sagrament resulta de l’acte exterior pel qual és conferit, sense que el batejat cooperi a la seva pròpia santificació amb cap acte personal; si d’altra manera fos, hom deixaria d’administrar-lo als nounats. No cal, per batejar, complir cap condició particular; no és necessari estar en estat de gràcia; n’hi ha prou en tenir la intenció de fer el que fa l’Església, pronunciar les paraules consagrades i observar les formes prescrites. Doncs nosaltres no podem dubtar que el venerable Maël va obrar dintre d’aquestes condicions. De manera que els pingüins estan batejats.

    —Us sembla? —preguntà sant Guénols—. I què us figureu que és el baptisme? El baptisme és una mena de regeneració per la qual l’home neix en l’aigua i en l’esperit, car entra a l’aigua cobert de crims i en surt neòfit, nova criatura, abundosa en fruits de justícia; el baptisme és el germen de la immortalitat; el baptisme és l’amortallament amb el Crist en la seva mort i la comunió a la sortida del sepulcre. Aquest no és un do que es pugui fer als ocells. Reflexioneu, pares meus. El baptisme esborra el pecat original; però els pingüins no han estat concebuts en el pecat; remet totes les penes del pecat; però els pingüins no han pas pecat; produeix la gràcia i el do de les virtuts unint els cristians amb Jesucrist, com els membres s’uneixen al cap i cau pel seu propi pes que els pingüins no podrien adquirir les virtuts dels confessors, de les verges i de les vídues, rebre la gràcia i unir-se a…

    Sant Damas no el deixà acabar.

    —Això prova —digué vivament— que el baptisme era inútil, però no prova que no fos efectiu.

    —Pensant així —replicà sant Guénols— hom batejaria en nom del Pare, del Fill i del Sant Esperit, per aspersió o per immersió, no solament un ocell o un quadrúpede, sinó també un objecte inanimat, una estàtua, una taula, una cadira, etc. Aquest animal fóra cristià, aquest ídol, aquesta taula, serien cristians! És absurd!

    Quan sant Agustí prengué la paraula, es féu un gran silenci.

    —Vaig —digué el fogós bisbe d’Hipona— a demostrar-vos amb un exemple la potència de les fórmules. És cert que es tracta d’una operació diabòlica, però si queda demostrat que les fórmules ensenyades pel Diable fan efecte sobre els animals privats d’intel·ligència i, fins i tot, sobre els objectes inanimats, ¿com dubtar encara que l’efecte de les fórmules sacramentals no recaiguin damunt l’esperit de les bèsties i sobre la matèria inerta? Aquí en teniu un exemple:

    “Quan jo vivia, habitava la vila de Madaura, pàtria del filòsof Apuleu, una bruixa que no li calia més que cremar sobre un trespeus, junt amb certes herbes i tot pronunciant certes paraules, uns quants cabells tallats del cap d’un home, per atreure de seguida aquest home, vers el seu llit. Doncs un dia que volia aconseguir d’aquesta manera l’amor d’un jove minyó, cremà enganyada per la seva minyona, en comptes dels cabells d’aquell adolescent, uns pèls arrencats d’un bot de pell de cabró que estava penjat a la tenda del taverner. I, a la nit, el bot ple de vi, saltà a través de la ciutat fins al llindar de casa la bruixa. El fet és cert. Amb els sagraments, tal com amb els encanteris, és la forma la que opera. L’efecte d’una fórmula divina no en pot valdre de menys, en força i extensió, que l’efecte d’una fórmula infernal.”

    Havent parlat d’aquesta guisa, el gran Agustí s’assegué enmig dels aplaudiments.

    Un benaventurat, d’edat avançada i d’aspecte malenconiós, demanà la paraula. Ningú no el coneixia. Es deia Probus i no estava pas inscrit al cànon dels sants.

    —Que em perdoni la companyia —digué—. Jo no tinc aurèola i és sense esclat que he guanyat la beatitud eterna. Però després del que acaba de dir-vos el gran sant Agustí, em penso que s’escau de contar-vos una cruel experiència que jo he tingut sobre les condicions necessàries per a la validesa d’un sagrament. El bisbe d’Hipona té tota la raó quan diu que un sagrament depèn de la forma. La seva virtut està en la forma: el seu vici està en la forma. Escolteu, confessors i pontífexs, la meva trista història:

    “Jo era capellà a Roma, sota el domini de l’emperador Gordià. Sense sobresortir com vosaltres per cap mereixement singular, exercia el sacerdoci pietosament. Durant quaranta anys vaig regentar la parròquia de Santa Modesta Extramurs. Els meus costums eren regulars. Cada dissabte anava a casa d’un taverner que es deia Barjas i que s’havia establert amb les seves àmfores sota la porta Capena i li comprava el vi que consagrava cada setmana. Ni una vegada, en aquest llarg període de temps, vaig deixar ni un sol matí, de celebrar el Sant Sacrifici de la Missa. No obstant això, jo em sentia sense gust i, amb el cor tenallat per l’angoixa, em preguntava als graons de l’altar: «Per què estàs trista ànima meva i per què em contorbes?» Els fidels, als que jo convidava a la santa taula, em donaven motiu d’aflicció car, tenint encara, per dir-ho així, sobre la llengua l’hòstia administrada per les meves mans, queien de nou en pecat, com si el sagrament fos per a ells sense força i sense eficàcia. Vaig arribar per fi a l’acabament de les meves proves terrenals i, havent-me adormit en el Senyor, em vaig despertar en el sojorn dels elegits. Aleshores vaig assabentar-me, per boca de l’àngel que m’havia transportat, que el taverner Barjas de la porta Capena venia, com si fos vi, una decocció d’arrels i d’escorces a la que no hi havia ni una gota del suc de la vinya i que jo no havia pogut transformar aquest vil beuratge en sang, ja que no era pas vi i que només el vi es canvia en la sang de Jesucrist i que, en conseqüència, totes les meves consagracions eren nul·les i que, sense saber-ho, ens havíem, els meus fidels i jo, des de feia quaranta anys, privat del sagrament de l’eucaristia i que estàvem, de fet, excomunicats. Amb aquesta revelació vaig sentir una estupefacció que encara em dura ara, al sojorn de la beatitud. És en va que el recorri en tota la seva extensió sense parar, car mai hi he trobat un sol dels cristians als quals en altre temps jo admetia a la santa taula de la basílica de la benaventurada Modesta.

    Privats del pa dels àngels, s’abandonaren tots, sense forces, als vicis més abominables i tots han anat a l’infern. M’agrada de pensar que el taverner Barjas s’hagi condemnat. En aquestes coses hi ha un lògica digna de l’autor de tota lògica. No obstant això, el meu malaventurat exemple prova que, de vegades, és enutjós que, en els sagraments, la forma prevalgui sobre el fons. I humilment em pregunto si la saviesa eternal no hi podria posar remei.”

    —No —respongué el Senyor—. El remei fóra pitjor que el mal. Si dintre les regles de la salvació el fons prevalia a la forma, això fóra la ruïna del sacerdoci.

    —Ai las! Déu meu —sospirà l’humil Probus—, creieu en la meva trista experiència: mentre Vós reduireu els sagraments a fórmules, la vostra justícia toparà amb terribles obstacles.

    —Ho sé millor que vós —replicà el Senyor—. Amb la mateixa mirada veig els problemes actuals, que són difícils, i els problemes futurs, que no ho seran menys. Per això puc anunciar-vos que així que el Sol haurà voltat encara dues-centes quaranta vegades a l’entorn de la Terra…

    —Llenguatge sublim! —exclamaren els àngels.

    —I digne del Creador del món —respongueren els pontífexs.

    —És —reprengué Nostre Senyor— una manera de parlar d’acord amb la meva antiga cosmogonia i de la que jo no em deseixiré sense dany per a la meva immutabilitat…

    Després doncs que el Sol haurà voltat dues-centes quaranta vegades a l’entorn de la Terra, ja no restarà a Roma ni un sol clergue que sàpiga llatí. I, cantant les lletanies a les esglésies, hom invocarà els sants Orixel, Roguel i Totixel que són, com vosaltres sabeu, dimonis i no àngels. Molts lladres, sentint el desig de combregar, però tement que per obtenir el perdó es veuran obligats a donar a l’Església els objectes robats, es confessaran amb capellans errívols que, desconeixent l’italià i el llatí, i no parlant altra cosa que el patuès de llur vilatge, aniran pels burgs i les ciutats, venent a vil preu, sovint per una garrafa de vi, la remissió dels pecats. Versemblantment no haurem de preocupar-nos d’aquestes absolucions a les que mancarà la contrició per a ésser vàlides; però podria ben ser que els bateigs ens siguin encara motiu de perplexitat. Els capellans esdevindran fins a tal punt ignars que batejaran els infants “in nomine patria et filia et spirita sancta”, tal com Louis de Potter es donarà el gust d’explicar-ho al volum III de la seva Histoire philosophique, politique et critique du christianisme. Serà un problema difícil el de decidir sobre la validesa de tals baptismes; car fet i fet, si jo em conhorto pels meus textos sagrats amb un grec menys elegant que el de Plató i amb un llatí que no ciceroneja gaire, jo no podré admetre com a fórmula litúrgica un pur galimaties. I hom s’estremeix en pensar que es procedirà amb aquesta inexactitud sobre milions de nadons. Però tornem als nostres pingüins.

    —Les vostres divines paraules, Senyor, ja ens hi han portat —digué sant Gal—. En els senyals de la religió i les regles de la salvació, la forma preval necessàriament contra el fons, i la validesa d’un sagrament depèn únicament de la seva forma. Tot el problema està en saber si sí o no, els pingüins han estat batejats segons les formes. I la resposta no té pas dubte.

    Els pares i els doctors estigueren d’acord i llur perplexitat esdevingué més cruel.

    —L’estat de cristià —digué sant Corneli— no deixa de tenir greus inconvenients per a un pingüí. Aquí teniu unes aus amb el deure de salvar-se. Com podran sortir-se’n? Els costums dels ocells són, en molts punts, contraris als manaments de l’Església. I els pingüins no tenen cap motiu per canviar de jeia. Vull dir que no són suficientment raonables per prendre’n de millors.

    —No poden pas —digué Nostre Senyor—. Els meus decrets els ho impedeixen.

    —De totes maneres —reprengué sant Corneli—, per virtut del baptisme, llurs accions deixen d’ésser indiferents. Des d’ara, seran bones o dolentes, susceptibles de premi o de càstig.

    —Així és com la qüestió es planteja —digué el Senyor.

    —No veig més que una solució —digué sant Agustí—. Els pingüins aniran a l’infern.

    —Però, com que no tenen ànima —féu observar sant Irineu.

    —És enutjós —sospirà Tertulià.

    —Ben cert —respongué sant Gal—. I reconec que el sant baró Maël, el meu deixeble, ha, amb el seu zel orb, creat grans dificultats teològiques a l’Esperit Sant i causat el desordre a l’economia dels misteris.

    —És un vell atabalat —exclamà arronsant-se d’espatlles sant Adjutor d’Alsàcia.

    Però Nostre Senyor, adreçant a Adjutor un esguard de retret:

    —Permeteu-me —digué—. El sant Maël no té com vós, volgut benaventurat, el do de la ciència infusa. Ell no em pot veure. És un vellet carregat de nafres: és mig sord i no hi clissa ni una quarta part del normal. Sou massa sever amb ell. No obstant això, reconec que la situació és enutjosa.

    —Benauradament no és més que un desordre passatger —digué sant Irineu—. Els pingüins han estat batejats, però llurs ous no ho seran pas. El mal només afecta la generació actual.

    —No parleu d’aquesta manera, Irineu fill meu —digué el Senyor—. Les regles que els físics estableixen sobre la Terra tenen excepcions perquè són imperfectes o no engalzen exactament amb la natura. Però les regles que jo estableixo són perfectes i no tenen cap excepció. Cal decidir sobre la sort dels pingüins batejats, sense conculcar cap llei divina i de conformitat amb el Decàleg com així també amb els manaments de l’Església.

    —Doneu-los una ànima immortal, Senyor —digué sant Gregori Nazianzè.

    —Ai las Senyor! I ells, què en farien? —sospirà Lactanci—. No tenen pas una veu harmoniosa per cantar les vostres lloances. No sabrien com celebrar els vostres misteris.

    —No hi ha dubte —digué sant Agustí— que no observaran la llei divina.

    —No podrien pas —digué el Senyor.

    —No podrien pas —repetí sant Agustí—. I si dins la vostra saviesa, Senyor, Vós els insuflàveu una ànima immortal, cremarien eternament a l’infern en virtut dels vostres decrets adorables. Així quedaria restablert l’ordre august, pertorbat per aquest vell cambrià.

    —Vós, fill de Mònica, em proposeu una solució correcta —digué el Senyor— i que s’acorda amb la meva saviesa. Però no està gens d’acord amb la meva clemència. I, per més que immutable en essència, a mesura que vaig durant, em decanto cada vegada més per la blanesa. Aquest canvi de caràcter es fa evident a qui llegeix els meus dos Testaments.

    Com que la discussió es perllongava sense aportar gaire llum i com que els benaventurats mostraven certa propensió a repetir sempre la mateixa cosa, hom decidí consultar a santa Caterina d’Alexandria. És el que es feia ordinàriament en els casos difícils. Santa Caterina havia confós, damunt la Terra, cinquanta doctors molt savis. Coneixia la filosofia de Plató tan bé com la Sagrada Escriptura i dominava la retòrica.

    Santa Caterina es presentà a l’assemblea el cap cenyit amb una corona de maragdes, de safirs i de perles i vestida amb una roba de teixit d’or. Duia al seu costat una roda flamejant, imatge d’aquella els esclats de la qual havien ferit els seus perseguidors.

    Havent-la invitat a parlar Nostre Senyor, s’expressà en aquests termes:

    —Senyor, per resoldre el problema a què us digneu sotmetre’m, jo no estudiaré pas els costums dels animals en general ni els dels ocells en particular. Faré notar solament, als doctors, confessors i pontífexs reunits en aquesta assemblea, que la separació entre l’home i l’animal no és pas tan complerta, tota vegada que es troben monstres que procedeixen, al mateix temps, de l’un i de l’altre.

    ”Tals són les quimeres, meitat nimfes i meitat serpents, les tres Gorgones, els caprípedes; tals són les escil·les i les sirenes que canten en el mar. Tenen el bust de dona i la cua de peix. Tals són, també, els centaures, homes fins a la cintura i cavalls per la resta. Noble raça de monstres. L’un d’ells, vosaltres no ho ignoreu pas, sabé, guiat només per la llum de la raó, encaminar-se vers la beatitud celestial, així veieu, de vegades, damunt de núvols d’or, encabritar-se la seva heroica pitrera. El centaure Quiró meresqué, pels seus treballs terrestres, compartir el sojorn dels benaventurats; ell educà Aquil·les i, aquest jove heroi, en sortir de les mans del centaure, visqué dos anys, habilitat a la faisó d’una jove verge entre les filles del rei Licomedes. Compartí llurs jocs i llur llit sense deixar-los sospitar, ni un moment, que ell no era una jove verge com elles. Quiró, que l’havia nodrit amb tan bones costums és, amb l’emperador Trajà, l’únic just que ha abastat la glòria celestial observant la llei natural. I, amb tot, no era més que un mig home.

    ”Crec que, amb aquest exemple, he provat que n’hi ha prou en posseir algunes parts d’home, sempre que siguin nobles, per pervenir a la beatitud eterna. I el que el centaure Quiró pogué obtenir sense ésser regenerat pel baptisme, com no s’ho mereixerien els pingüins, després d’haver estat batejats, si esdevenien meitat pingüins i meitat homes? És per això que us prego, Senyor, que doneu als pingüins de l’ancià Maël, una testa i un bust humans, a fi que puguin lloar-vos dignament i de concedir-los una ànima immortal, però petita.

    Així parlà Caterina, i els pares, els doctors, els confessors i els pontífexs deixaren oir un murmuri d’aprovació.

    Però sant Antoni, eremita, s’aixecà i, estirant vers l’Altíssim dos braços nuosos i colrats, exclamà:

    —No ho feu pas, Senyor Déu meu! En nom del vostre sant Paràclit, no ho feu pas!

    Parlava amb una vehemència tal que la seva llarga barba blanca s’agitava al seu mentó, com un morralet buit a la boca d’un cavall afamat.

    —Senyor, no ho feu pas. D’ocells amb cap d’home ja n’hi ha. Santa Caterina no ha inventat res de nou.

    —La imaginació ajusta i compara; mai no crea —replicà durament santa Caterina.

    —…Això ja està fet —prosseguí sant Antoni que no volia escoltar res—. Això s’anomena les harpies i són els més incongruents animals de la Creació. Un dia que, al desert, rebia a sopar a sant Pau, abat, vaig parar la taula al llindar de la meva cabana, sota un vell sicòmor. Les harpies vingueren a asseure’s a les branques; ens eixordaren amb llurs crits aguts i femtaren damunt tots els menjars. La inoportunitat d’aquests monstres no em deixà escoltar els ensenyaments de sant Pau, abat, i menjàrem femta d’ocell amb el nostre pa i les nostres lletugues. Com es pot creure que les harpies us lloaran dignament, Senyor?

    ”És veritat que, en les meves temptacions, he vist bon nombre d’éssers híbrids, no solament dones serpents i dones peixos, sinó d’altres éssers compostos encara amb una més gran incoherència, tal com homes el cos dels quals era fet d’una marmita, d’una campana, d’un rellotge, d’un bufet ple de menjar i de vaixells i fins i tot d’una casa, amb portes i finestres, per on es veien les persones ocupades en llurs treballs domèstics. No n’hi hauria prou amb l’eternitat si us hagués de descriure tots els monstres que m’han assetjat en la meva solitud, des de les balenes aparellades com navilis fins a la pluja de bestioles roges que canviaven en sang l’aigua de la meva font. Però cap era tan fastigós com aquestes harpies que cremaren, amb llurs excrements, les fulles del meu sicòmor.

    —Les harpies —féu notar Lactanci— són monstres femelles amb cos d’ocell. Tenen, de dona, el cap i la pitrera. Llur indiscreció, llur impudícia i llur obscenitat procedeixen de llur natura femenina, com ho ha demostrat el poeta Virgili en la seva Eneida. Participen de la maledicció d’Eva.

    —No en parlem més de la maledicció d’Eva —digué el Senyor—. La segona Eva ha redimit la primera.

    Pau Orose, autor d’una història universal, que Bossuet hauria d’imitar més tard, s’aixecà i pregà a Nostre Senyor:

    —Senyor, escolteu el meu prec i el d’Antoni. No fabriqueu més monstres a la manera dels centaures, les sirenes i els faunes, cars als grecs, inventors de faules. No en trauríeu cap goig. Aquesta mena de monstres tenen inclinacions paganes i llur doble natura no els predisposa a la puresa dels costums.

    El savi Lactanci replicà en aquests termes:

    —Aquest que acaba de parlar és, segurament, el millor historiador que tenim al Paradís, ja que Heròdot, Tucídides, Polibi, Titus Livi, Vel·lei Patercle, Corneli Nepos, Suetoni, Manethó, Diodor de Sicília, Dió Cassi, Lampridi estan privats de la visió de Déu i que Tàcit sofreix a l’infern els turments que escauen als blasfems. Però bon tros se’n falta perquè Pau Orose conegui tan bé els Cels com la Terra. Car ell no es recorda que els àngels, que procedeixen de l’home i de l’ocell, són la mateixa puresa.

    —Ens estem esgarriant —digué l’Etern—. A què vénen aquí aquests centaures, aquestes harpies i aquests àngels? Es tracta de pingüins.

    —Vós ho heu dit, Senyor; es tracta de pingüins —declarà el degà dels cinquanta doctors confosos en llur vida mortal per la verge d’Alexandria—. I m’atreveixo a exposar aquest parer que, per fer acabar l’escàndol que commou els Cels cal, com ho proposa santa Caterina, que ens confongué, donar als pingüins de l’ancià Maël, la meitat d’un cos humà, amb una ànima eternal, proporcionada a aquesta meitat.

    En oir aquestes paraules s’aixecà a l’assemblea un gran brogit de converses particulars i de disputes doctorals. Els pares grecs discutien vehementment amb els pares llatins, sobre la substància, la natura i les dimensions de l’ànima que era convenient de donar als pingüins.

    —Confessors i pontífexs —exclamà el Senyor—. No imiteu més els conclaves i sínodes de la Terra. I no fiqueu a l’Església triomfant les violències que torben l’Església militant. Car no és més que massa veritat que en tots els concilis celebrats sota la inspiració del meu esperit a Europa, a Àsia i a l’Àfrica, els pares han arrencat la barba i han tret els ulls als pares. De totes maneres foren infal·libles, perquè jo estava amb ells.

    L’ordre restablert, s’aixecà Hermes el Vell i pronuncià pausadament aquestes paraules:

    —Us glorifico, Senyor, perquè féreu néixer Safira, la meva mare, entre el vostre poble, el dia en què la rosada del cel refrescava la terra, preparant la collita del seu Salvador. Us glorifico, Senyor, per haver-me deixat veure amb els meus ulls mortals, els apòstols del vostre Fill diví. I parlaré en aquesta assemblea perquè Vós sempre heu volgut que la veritat surti de la boca dels humils. I jo diré: canvieu aquests pingüins en homes. És l’única determinació que convé a la vostra justícia i a la vostra misericòrdia.

    Molts doctors demanaven la paraula; d’altres la prenien. Ningú no escoltava ningú i tots els confessors agitaven tumultuosament llurs palmes i llurs corones.

    Nostre Senyor, amb un gest de la mà dreta, apaivagà les baralles dels seus elegits:

    —Que no se’n parli més —digué—. El parer donat pel dolç Hermes el Vell és l’únic que està d’acord amb els meus eternals designis. Aquests ocells seran canviats en homes. Preveig en això molts inconvenients. Molts d’entre aquests homes faran disbarats que mai no haurien fet com a pingüins. És cert que llur sort, per efecte d’aquest canvi, serà molt menys envejable que no hauria estat sense aquest baptisme i aquesta incorporació a la família d’Abraham. Però convé que la meva presciència no interfereixi llur lliure arbitri. A fi de no atemptar contra la llibertat humana, jo ignoro el que jo sé, jo espesseeixo davant dels meus ulls els vels que jo he foradat i, en la meva cega clarividència, jo em deixo sorprendre pel que jo he previst.

    I, tot seguit, cridant a l’arcàngel Rafael:

    —Vés a trobar —digué— el sant baró Maël; adverteix-lo de la seva errada i digues-li que, armat amb el meu Nom, canviï aquests pingüins en homes.

    L’arcàngel davallà a l’illa dels pingüins on trobà el sant baró endormiscat a la conca d’una roca, entremig dels seus nous deixebles. Li posà una mà damunt l’espatlla i, havent-lo despertat, digué amb una veu dolça:

    —Maël, no tinguis por.

    I, el sant home, enlluernat per una viva claror, embriagat per una olor delitosa, reconegué l’àngel del Senyor i es prosternà acotant el front fins a terra.

    I l’àngel digué encara:

    —Maël, reconeix el teu error: creient que eren fills d’Adam, has batejat els ocells. I així, per culpa teva, els pingüins són entrats a l’Església de Déu.

    En oir aquestes paraules, l’ancià devingué estupefacte.

    I l’àngel respongué:

    —Aixeca’t Maël; arma’t del Nom potent del Senyor i digues a aquests ocells: “Sigueu homes!”

    I el sant baró Maël, després de plorar a llàgrima viva i de resar, s’armà del Nom potent del Senyor i digué als ocells:

    —Sigueu homes!

    Tot seguit els pingüins es transformaren. Llur front s’eixamplà i llur cap s’arrodoní en cúpula, com santa Maria Rotonda de la ciutat de Roma. Llurs ulls ovals s’obriren més grans a l’univers; un nas carnós abillà les dues escletxes de llurs narius; llur bec es mudà en boca i d’aquesta boca n’eixí la paraula; llur coll s’escurçà i engruixí; llurs ales es tornaren braços i llurs potes, cames. Una ànima inquieta habità en llurs pits.

    Amb tot, els restaren senyals de llur primera natura. Eren enclins a mirar de gairell, balancejaven llurs cuixes massa curtes i llur cos seguia cobert d’un borrissol molt fi.

    I Maël donà gràcies al Senyor d’haver estat ell qui incorporés aquells pingüins a la família d’Abraham.

    S’afligí, però, en pensar que ben aviat deixaria aquesta illa per mai més tornar-hi i que, lluny d’ell, tal volta la fe dels pingüins defalliria, mancada de cura, talment una planta massa jove i massa tendra. I se li acudí la idea de transportar llur illa vers les costes de l’Armòrica.

    “Res no sé dels designis de l’eternal Saviesa —es digué—. Però si Déu vol que siguin transportats, qui podria impedir-ho?”

    I el sant baró, amb el lli de la seva estola, filà una corda molt fina, d’una llargària de quaranta peus. Nuà un extrem d’aquesta corda entorn la punta d’una roca que punxava l’arena de la platja i, aguantant amb la mà l’altre extrem de la corda, s’enfilà a l’abeurador de pedra.

    L’abeurador lliscà sobre el mar i remolcà l’illa dels pingüins. Després de nou jornades de navegació, abordà feliçment a les ribes dels bretons, portant l’illa amb ell.

    LLIBRE SEGON

    ELS TEMPS ANTICS

    Aquell dia, sant Maël s’assegué vora del mar, sobre una pedra que trobà que cremava. Cregué que era el sol el que l’havia escalfat i en donà gràcies al Creador del món, sense saber que era el Diable el que s’hi havia assegut abans.

    L’apòstol esperava els monjos d’Yvern, encarregats de portar un carregament de teixits i de pells per a vestir els habitants de l’illa d’Alca.

    Aviat veié desembarcar un religiós anomenat Magis, que portava un bagul a l’esquena. Aquest monjo tenia una gran fama de santedat.

    Quan s’hagué apropat a l’ancià, deixà el bagul per terra i digué, tot eixugant-se el front amb el revés de la màniga:

    —De manera, pare meu, que voleu vestir aquests pingüins?

    —No hi ha res que més apressi, fill meu —respongué l’ancià—. Des que han estat incorporats a la família d’Abraham, aquests pingüins participen de la maledicció d’Eva i saben que estan nus, cosa que abans ignoraven. I ja és hora de vestir-los car estan perdent el borrissol que els restava després de la metamorfosi.

    —És veritat —digué Magis donant una mirada a la costa on es veien els pingüins dedicats a pescar crancs, arrencar musclos, a cantar o a dormir—. Estan nus. Però, no us sembla pare, que més valdria deixar-los nus? Així que portaran vestits i seran sotmesos a la llei moral, agafaran un orgull immens, una mena d’hipocresia i una crueltat inútil.

    —És possible, fill meu —sospirà el vell— que us representeu tan malament els efectes de la llei moral a la que, fins i tot els gentils, es sotmeten?

    —La llei moral —replicà Magis— obliga els homes que són bèsties, a viure diferentment de les bèsties, cosa que segurament els fastigueja, però també els envaneix i els tranquil·litza. I, com que són superbiosos, acomodaticis i àvids de plaers, es sotmeten voluntàriament a unes molèsties que els donen vanitat i sobre les quals fonamenten llur assegurança present i l’esperança de llur felicitat futura. Aquest és el principi de tota moral… Però no ens esgarriem. Els meus companys estan desembarcant en aquesta illa llur carregament de teixits i de pells. Pare meu, penseu-vos-hi bé, ara que encara hi som a temps! És una cosa que portarà molta cua això d’abillar els pingüins. Ara, quan un pingüí desitja una pingüina, sap exactament el que desitja i les seves ànsies estan limitades pel coneixement exacte de l’objecte anhelat. En aquest moment, damunt la platja, dues o tres parelles de pingüins es fan l’amor a ple sol. Mireu amb quina simplicitat! Ningú no ho repara i, fins i tot, els que el fan no sembla que s’hi fixin gaire. Però quan les pingüines vagin tapades, els pingüins no veuran d’una manera tan clara allò que els atia vers elles. Llurs desitjos indeterminats s’esbarriaran en tota mena de somnis i d’il·lusions; és a dir, pare, que coneixeran l’amor i totes les seves folles penes. I, mentrestant, les pingüines, abaixant els ulls i pessigant-se els llavis, prendran uns fums com si sota llurs vels guardessin un tresor!…Quina llàstima!

    ”El mal es podrà aguantar mentre aquests pobles romandran incultes i pobres; però espereu-vos només un miler d’anys i veureu, pare meu, quines armes temibles haureu posat a l’abast de les mosses d’Alca. Si m’ho permeteu, puc donar-vos-en una idea per endavant. Tinc algunes futileses en aquest bagul. Prenem a l’atzar una d’aquestes pingüines de les que els pingüins fan tan poc cas i abillem-la el menys malament que puguem.

    ”Vet aquí una que precisament ve cap a nosaltres. No és ni més bella ni més lletja que les altres: és jove. Ningú no la mira. Camina indolentment per l’espadat, ficant-se els dits al nas i es grata l’esquena fins a la sofraja. Ja haureu notat, pare meu, que té les espatlles estretes, els pits caiguts, el ventre gros i grogós, les cames curtes. Els genolls, que vermellegen, fan una ganyota a cada pas que dóna i, a cada articulació de les cames sembla que se li facin sacsons. Els seus peus són amples i carregats de venes, s’arrapen a les roques amb quatre dits ganxuts mentre que els dos dits grossos s’aixequen pel camí com el cap de dues serpents plenes de prudència. No pensa més que en caminar, tots els seus músculs prenen interès per aquesta feina i, pel fet que els veiem funcionar destapats, ens fem d’ella una imatge com si fos només una màquina de caminar i no pas una màquina per fer l’amor, encara que sigui ben visible que és l’una cosa i l’altra i que disposa, encara, de molts més mecanismes. Doncs bé, venerable apòstol, ara veureu el que vaig a fer-ne.

    Dit això, el monjo Magis atrapà amb tres salts la dona pingüina, l’aixecà, se l’emportà replegada sota el braç, la cabellera arrossegant i la llençà esverada als peus del sant baró Maël.

    I, mentre ella ploriqueja i prega que no li facin cap mal, ell treu del bagul un parell de sandàlies i li mana que se les posi.

    —Estrets amb els cordons de llana —féu observar a l’ancià— els seus peus semblaran més petits. Les soles, de dos dits de gruix, allargaran elegantment les cames i la càrrega que elles porten semblarà magnífica.

    Tot nuant-se les sabates, la pingüina llençà un esguard tafaner dintre del bagul obert i, veient que estava ple de joies i guarniments, somrigué entre les llàgrimes.

    El monjo li cargolà els cabells sobre el clatell i els coronà amb un capell de flors, li rodejà els punys amb cercles d’or i, fent-la aixecar, li passà, per sota els pits i pel ventre, una ampla cinta de lli indicant que el pitrall en devindria més ferm i que els flancs quedarien minvats pel triomf de les anques.

    Per mitjà d’agulles, que es treia una a una de la boca, anava ajuntant aquesta cinta.

    —Podeu estrènyer més, encara —digué la pingüina.

    Quan d’aquesta guisa i amb molta cura hagué subjectat les parts flonges del bust, revestí tot el cos amb una túnica rosa, que en seguia suaument les línies.

    —Em cau bé? —preguntà la pingüina.

    I, tot vinclant la cintura, inclinant el caparró i recolzant la barbeta damunt l’espatlla, observà amb una mirada atenta la gràcia de la seva vestimenta.

    Com Magis li preguntés si no li semblava que la túnica quedava una mica llarga, ella, molt segura, respongué que no, que ja se l’aixecaria.

    Tot seguit, agafant-se amb la mà esquerra el volant per darrera, l’estrenyé obliquament per damunt les sofrages, prenent cura de mostrar tot just els talons. Després s’allunyà a passos menuts, remenant les anques.

    No va girar el cap però, en passar vora d’un rierol, s’hi mirà de cua d’ull.

    Un pingüí, que s’hi topà per atzar, es deturà sorprès i, retrocedint, començà a seguir-la. Com que ella caminava per la platja, els pingüins que tornaven de la pesca se li aproparen i, després de contemplar-la, li seguiren els passos. Els que estaven ajaguts damunt l’arena, s’aixecaren i s’ajuntaren als altres.

    Sense parar, a mesura que ella s’apropava, baixaven dels senders, sortien dels esvorancs de les roques, emergien del fons de les aigües, més i més pingüins que engrossien la comitiva. I tots, homes madurs de robustes espatlles i amb el pit pelut, flexibles adolescents, vellots gronxant els plecs abundosos de llur carn rosa i de blanques madeixes, o arrossegant les cames més magres i més seques que el bastó de ginebrera que els servia com a tercer puntal, s’estrenyien anhelosos i exhalaven una olor acre i un ronc esbufec. Mentrestant, ella seguia tranquil·la, com si no s’adonés de res.

    —Pare meu —exclamà Magis— admireu com tots caminen amb el nas dardant vers el centre esfèric d’aquesta jove damisel·la, ara que està cobert amb un vel rosa. L’esfera inspira les meditacions dels geòmetres pel nombre de les seves propietats; però quan procedeix de la natura física i vivent, n’adquireix de noves. I perquè l’atractiu d’aquesta figura fos plenament revelat als pingüins, ha calgut que, deixant de veure-la clarament amb llurs ulls, fossin emmenats a representar-se-la en esperit. Jo mateix em sento, en aquest moment, irresistiblement atret vers aquesta pingüina. I és perquè la seva faldilla l’ha dotada del cul essencial i que, simplificant-lo amb magnificència, l’ha revestit d’un caràcter sintètic i general i només en deixa veure la idea pura, el principi diví, no sabria com dir-ho; però em sembla que, si jo el besés, tindria entre les mans l’univers de les voluptats humanes. És ben cert que el pudor dóna a les dones un atractiu invencible. La meva torbació és tal, que fóra endebades que volgués ocultar-la.

    I, dit i fet, arromangant-se l’hàbit horriblement, es llença vers la cua dels pingüins, els empeny, els llença per terra, se’ls hi enfila, els trepitja, els aixafa i, encalçant la filla d’Alca, l’agafa d’un grapat pel vestit rosa que tot un poble forada amb la mirada i el desig i de cop desapareix en braços del monjo, dintre d’una gruta marina.

    Aleshores, als pingüins els semblà que el sol acabava de pondre’s. I el sant home Maël comprengué que el Diable havia pres l’aparença del monjo Magis per donar els vels a la filla d’Alca. Sentia la seva cara contorbada i la seva ànima estava trista. I, tornant a passos lents vers son ermitatge, veié petites pingüines de sis o set anys, amb el pit pla i les cuixes primes, que s’estaven fent cinyells d’algues i líquens i es passejaven per la platja llucant si els homes les seguien.

    L’illa no conservava ni poc ni gens l’aparença ruda d’altres temps, quan entremig de gels flotants acollia en un amfiteatre de roques un poble d’ocells. El seu cim nevat s’havia esfondrat i en restava, només, una lloma de dalt de la qual hom descobria les riberes d’Armòrica cobertes amb una eterna boira i l’oceà sembrat d’ombrívols esculls, semblants a monstres, emergint tot just dels abismes.

    Les seves costes eren molt extenses i profundament retallades i el seu aspecte feia pensar en una fulla de morera. De cop es cobrí d’un herbei salabrós que plaïa els ramats, de salzes, de figueres antigues i alzines augustes. En dóna testimoni el Venerable Beda i molts altres autors dignes de crèdit.

    La costa, al nord, formava una badia profunda que, en el futur, esdevingué un dels ports més importants de l’univers. A l’est, al llarg d’una costa rocosa batuda per la mar escumosa, s’estenia una landa deserta i perfumada. Era la riba de les Ombres on els habitants de l’illa mai no gosaven d’aventurar-se per temença als serpents que niaven als esvorancs de les roques i per por de topar-se amb les ànimes dels morts en forma de flames lívides. Al sud, les hortes i les boscúries vorejaven la badia dels Somorgolls. Sobre aquesta riba sortosa, l’ancià Maël construí una església i un monestir de troncs d’arbres. A l’oest, dos rierols, el Clange i el Surella, regaven les valls fèrtils de Dalles i Dombes.

    Doncs un matí de tardor, el benaventurat Maël, que es passejava per la vall del Clange en companyia d’un monjo d’Yvern que es deia Bulloc, veié passar pels camins un seguit d’homes enfurismats, carregats de pedres. Al mateix temps oí que muntaven, de totes bandes de la vall, crits i planys que s’elevaven vers el cel serè.

    I digué a Bulloc:

    —Observo amb pena, fill meu, que els habitants d’aquesta illa, des que s’han tornat homes, tenen menys enteniment del que abans tenien. Quan eren ocells, només es barallaven durant l’estació del festeig i ara, es barallen sempre. S’armen bronquina tant a l’estiu com a l’hivern. Com han desaprès aquella majestat tranquil·la que, característica de les assemblees dels pingüins, els feien semblar un senat d’una república entenimentada!

    ”Bulloc, fill meu, esguarda per la banda de Surella. En la fresca vall precisament, hi ha una dotzena d’homes pingüins que es dediquen a copejar-se els uns als altres amb pales i aixadons amb els que més valdria que treballessin la terra. Al mateix temps, encara més cruels que els homes, les dones esgarrapen amb les ungles la cara de llurs enemics. Ai las! Fill meu; per què s’escometen d’aquesta manera?

    —Per esperit d’associació, pare meu, i previsió de l’avenir —respongué Bulloc—. Car l’home és, per essència, previsor i sociable. Tal és el seu tarannà. No se sap entendre sense una certa apropiació de coses. Aquests pingüins que esteu veient, oh mestre, s’estan apropiant de les terres.

    —No podrien apropiar-se-les amb menys violència? —preguntà l’ancià—. Tot barallant-se, s’adrecen invectives i amenaces. No puc distingir les paraules, però a jutjar pel to, estan molt enfutismats.

    —S’acusen, recíprocament, de robatori i usurpació —respongué Bulloc—. Aquest és el sentit general de llur baladreig.

    En aquest instant, el sant baró Maël, ajuntant les mans, llançà un gran sospir:

    —No veieu, fill meu, aquell furiós que, amb les dents, arrenca el nas del seu adversari caigut i aquell altre que emmatxuca el cap d’una dona amb una pedra enorme?

    —Els veig —respongué Bulloc—. Creen el dret, instauren la propietat; estableixen els principis de la civilització, les bases de la societat i el suport de l’Estat.

    —Com és possible? —demanà l’ancià Maël.

    —Delimiten els camps. Aquest és l’origen de tota policia social. Els vostres pingüins, oh mestre, acompleixen la més augusta de les funcions. Llur obra serà consagrada a través dels segles, protegida i confirmada pels magistrats.

    Mentre el monjo Bulloc pronunciava aquestes paraules, un pingüí ganàpia, de pell blanca i pèl roig, baixava vers la vall amb un tronc d’arbre a l’esquena. S’apropà a un pingüí menut, cremat del sol, que regava les seves lletugues, i li cridà:

    —El teu camp és meu!

    I, havent pronunciat aquestes paraules de domini, pegà amb la massa el cap del petit pingüí que caigué estenallat damunt la terra conreada amb les seves mans.

    Davant d’aquest espectacle, el sant home Maël s’estremí tot ell de tristesa i plorà abundoses llàgrimes.

    I amb una veu ofegada per l’horror i la temença, adreçà al cel aquesta preguera:

    —Déu i Senyor meu, Tu que reberes els sacrificis del jove Abel, tu que maleïres Caïm, venja, Senyor, aquest pingüí innocent, immolat en el seu hort i deixa sentir damunt l’assassí el pes del teu braç. Hi pot haver crim més odiós i major ofensa a la teva justícia, Senyor, que aquest assassinat i aquest robatori?

    —Alerta, pare meu —digué Bulloc amb dolcesa—. Això que anomeneu assassinat i robatori és, en realitat, la guerra i la conquesta, fonaments sagrats dels imperis i font de totes les virtuts i de totes les grandeses humanes. Considereu sobretot que, blasmant el pingüí ganàpia, ataqueu la propietat en el seu origen i en els seus principis. No em costaria gens de demostrar-vos-ho. Cultivar la terra és una cosa: posseir-la n’és una altra. Aquestes dues coses no han d’ésser confoses. En matèria de propietat, el dret del primer ocupant és incert i mal establert. El dret de conquesta, al contrari, reposa damunt de fonaments ferms. I és l’únic respectable, car és l’únic que es fa respectar. La propietat té per únic i gloriós origen, la força. I aquesta és augusta i no cedeix més que davant d’una força més gran. Per això és just de dir que aquell que posseeix és noble. I aquest gran home roig, assassinant el pagès per a robar-li el seu hort, acaba de fundar, en aquest moment, una molt noble casa damunt d’aquesta terra. El vull felicitar.

    Després de parlar així, Bulloc s’apropà al gran pingüí que, dempeus a la llinda del solc ensagnat, es recolzava en el seu garrot.

    I, havent-se inclinat fins a terra:

    —Senyor Greatauk, príncep molt temut —li digué—, vinc a retre-us homenatge, com a fundador d’una potència legítima i d’una propietat hereditària. Soterrat en el vostre hort, el crani d’aquest vil pingüí, que vós heu abatut, atestarà per sempre els drets sagrats de la vostra posteritat sobre aquesta terra ennoblida per vós. Feliços els vostres fills i els fills dels vostres fills! Ells seran, Greatauk, ducs de l’Skull i dominaran damunt l’illa d’Alca.

    Després, aixecant la veu i girant-se vers el sant ancià Maël:

    —Beneïu, pare meu, Greatauk, car tot poder ve de Déu.

    Maël restava immòbil i mut, amb els ulls girats al cel: sentia una inseguretat dolorosa en jutjar la doctrina del monjo Bulloc. Amb tot, era aquesta la doctrina que hauria de prevaldre en les èpoques de la més alta civilització. Bulloc pot ésser considerat com el creador del dret civil a Pingüínia.

    —Bulloc, fill meu —digué l’ancià Maël—, hem d’establir el cens dels pingüins i apuntar el nom de cadascun en un llibre.

    —Res no apressa més —respongué Bulloc—. Sense això no hi pot haver cap bon ordre.

    Immediatament, l’apòstol, amb l’ajuda de dotze religiosos, féu procedir a l’empadronament del poble.

    I el vell Maël digué després:

    —Ara que tenim un registre de tots els habitants, convé, Bulloc, fill meu, establir un impost equitatiu, a fi d’atendre les despeses públiques i el manteniment de l’abadia. Cadascú ha de contribuir segons els seus mitjans. De manera que, fill meu, convoqueu els Ancians d’Alca i, d’acord amb ells, establirem l’import.

    Degudament convocats els Ancians es reuniren en nombre de trenta al pati del monestir de fusta, sota el gran sicòmor. Aquest fou el primer Parlament de Pingüínia. Estava constituït en les seves tres quartes parts, pels grans terratinents de la Surella i del Clange. Greatauk, com esqueia al més noble dels pingüins, s’asseia damunt la pedra més alta.

    El venerable Maël ocupà el seu lloc enmig dels seus monjos i pronuncià aquestes paraules:

    —Nostre Senyor, fills meus, dóna, quan li plau, les riqueses als homes i, quan li plau, els les pren. Aleshores, us he convocat per establir sobre el poble uns impostos a fi d’atendre les despeses públiques i el manteniment dels religiosos. Sóc de parer que aquestes contribucions han d’ésser proporcionades a la riquesa de cadascú. De manera que, aquell que té cent bous en donarà deu i aquell que en té deu en donarà un.

    Quan el sant home hagué parlat, Morio, agricultor d’Anis-sur-Clange, un dels homes més rics entre els pingüins, s’aixecà i digué:

    —Maël, pare meu, considero que és just que cadascú contribueixi a les despeses públiques i al manteniment de l’Església. Pel que a mi respecta estic disposat a despendre’m de tot el que posseeixo en interès dels meus germans pingüins i, si calgués, donaria de tot cor fins i tot la camisa. Tots els Ancians del poble estan disposats, com jo, a fer el sacrifici de llurs béns i hom no podrà dubtar de llur amor absolut pel país i per la religió. De manera que cal només prendre en compte l’interès públic i fer el que ell mani. Però el que ell mana, pare meu, el que ell exigeix és que no es demani molt als que molt posseeixen car aleshores els rics serien menys rics i els pobres més pobres. Els pobres viuen de les riqueses dels rics; per això llurs béns són sagrats. No els toquem pas; això fóra una maldat sense benefici. Si preneu als rics, no en traureu pas gran profit, car no són gaire nombrosos i, ans tot el contrari, us privareu de tota mena de recursos deixant el país a la misèria. Mentre que, si demaneu una mica d’ajuda a cada habitant sense prendre en compte els seus béns, recollireu prou per a les necessitats públiques i no haureu d’investigar el que posseeixen els ciutadans, que prendrien tota investigació en aquest sentit, com una vexació odiosa. Carregant a tothom igual i lleugerament, alleugerireu els pobres, car els deixareu la riquesa dels rics. I, a més, com fóra possible fer un impost proporcionat a la riquesa? Ahir jo tenia dos-cents bous; avui en tinc seixanta i demà en tindré cent. Clunic té tres vaques, però estan magres. Nicclu només en té dues, però estan grasses. Entre Clunic i Nicclu, quin és el més ric? Les mostres d’opulència són enganyadores. El que sí és cert és que tothom beu i menja. Imposeu a la gent segons el que consumeixen. Això fóra sensat i just.

    Així parlà Morio i es féu aplaudir pels Ancians.

    —Demano que hom gravi aquest discurs sobre planxes d’aram —exclamà el monjo Bulloc —. Ha estat dictat per a l’avenir; d’aquí quinze cents anys, els millors dels pingüins no parlaran d’altra manera.

    Els Ancians aplaudien encara, quan Greatauk, amb la mà al pom de l’espasa, féu aquesta breu declaració:

    —Com que sóc noble, jo no contribuiré; car contribuir és innoble. Pagar és cosa de gentussa.

    Després d’aquest parer, els Ancians es separaren en silenci.

    Igual que a Roma, es féu un cens cada cinc anys; i per aquest mitjà hom s’apercebé que la població creixia ràpidament. Encara que els infants es morissin amb una meravellosa abundor i que les fams i les pestes vinguessin amb una perfecta regularitat a despoblar vilatges sencers, nous pingüins, cada cop més nombrosos, contribuïen amb llur misèria privada a la prosperitat pública.

    En aquells temps, vivia a l’illa d’Alca, un home pingüí de braç robust i esperit alerta. Es deia Kraken i tenia el seu habitacle per la riba de les Ombres, on els habitants de l’illa no s’aventuraven mai per temor als serpents que niaven en els esvorancs de les roques i per la temença de topar-se amb les ànimes dels pingüins morts sense baptisme que, talment com flametes lívides i arrossegant llurs llargs gemecs, anaven errívols tota la nit damunt la platja desolada. Car hom creia comunament, encara que sense proves, que entre els pingüins canviats en homes a precs del benaventurat Maël, molts no havien rebut el baptisme i tornaven després de llur mort a plorar en les nits de tempesta. Kraken habitava a la costa salvatge, en una caverna inaccessible. Només s’hi podia entrar per un soterrani natural de cent peus de llargada del qual tapava l’entrada un bosc frondós.

    I vet aquí que un vespre que Kraken caminava a través de la campanya deserta, trobà per atzar una jove pingüina, plena de gràcia. Era la mateixa que, no feia gaire, el monjo Magis havia abillat amb les seves mans i, per tant, la primera que havia portat uns vels pudorosos. En record del dia en què la gentada meravellada dels pingüins l’havia vist fugir gloriosament amb el seu vestit color d’aurora, aquesta verge havia rebut el nom d’Orberose3.

    En veure Kraken, proferí un crit d’esglai i corregué per a fer-se escàpola. Però l’heroi l’agafà pels vels que voleiaven darrera seu i li dirigí aquestes paraules:

    —Verge, digue’m el teu nom, quina és la teva família i quin és el teu país.

    Mentrestant, Orberose esguardava Kraken amb paüra.

    —És a vós a qui veig, senyor —li preguntà tremolosa — o és la vostra ànima desesperada?

    Parlava així perquè els habitants d’Alca no havien sabut res de Kraken des que habitava la riba de les Ombres i el tenien per mort i engolit pels dimonis de la nit.

    —Deixa de témer, filla d’Alca —respongué Kraken —. Car tu no parles amb un esperit errívol, sinó amb un home ple de força i vigoria. Ben aviat seré posseïdor de grans riqueses.

    I la jove Orberose preguntà:

    —Com penses adquirir grans riqueses, Kraken, essent fill de pingüins?

    —Amb la meva intel·ligència —contestà Kraken.

    —Sé —féu Orberose— que mentre vivies entre nosaltres eres famós per la teva traça a la pesca i a la caça. Ningú no t’igualava en l’art d’agafar peix amb una xarxa o de colpir amb una sageta els ocells més ràpids.

    —Això no era més que un treball vulgar i fatigós, joveneta. He trobat la manera de procurar-me grans riqueses sense esforç. Però, tu, digue’m, qui ets?

    —Em dic Orberose —respongué la minyona.

    —I com és que ets tan lluny de casa teva en aquestes hores de la nit?

    —Kraken, això no fou sense el voler del Cel.

    —Què t’empatolles, Orberose?

    —Que el Cel, oh Kraken, m’ha posat al teu camí i no sé per quines raons.

    Kraken la contemplà llargament en un silenci esquívol.

    Després li digué tendrament:

    —Orberose, vine-te’n a casa meva. És la casa del més espavilat i més brau dels fills de pingüí. Si em vols seguir, tu seràs la meva companya.

    Aleshores, ella, abaixant els ulls, mormolà:

    —Us seguiré, senyor.

    Fou així que la bella Orberose es convertí en la companya de Kraken. Aquest himeneu no fou celebrat amb torxes i cantúries, perquè Kraken no volgué mostrar-se al poble dels pingüins; però amagat a la seva caverna, imaginava grans projectes.

    “Anàrem, després, a visitar el gabinet d’Història Natural… L’administrador ens mostrà una mena de fardell empallat que ens digué que contenia l’esquelet d’un dragó: prova —afegí— que el dragó no és un animal fabulós.” (Mémories de Jacques Casanova, París, 1843, t. IV, p. 404, 405)

    Mentrestant els habitants d’Alca es dedicaven a les feines de la pau. Els de la costa septentrional anaven amb llurs barques a pescar peix i marisc. Els pagesos de la vall de Dombes cultivaven la civada, el sègol i el forment. Els pingüins rics de Dalles criaven animals domèstics i els de la badia dels Somorgolls conreaven llurs hortes. Els mercaders del Port d’Alca feien comerç de pesca salada amb l’Armòrica i l’or de les dues Bretanyes començava a entrar a l’illa i facilitava el canvi. La població pingüina, en una tranquil·litat complerta, gaudia del seu treball quan, sobtadament, un rumor sinistre començà a córrer de poble en poble. Arreu, i al mateix temps, se sabé que un dragó horrible havia assolat dues masies a la badia dels Somorgolls.

    Pocs dies abans havia desaparegut la verge Orberose. De moment ningú no s’havia enfundat gaire per la seva absència, car ja havia estat raptada mantes vegades per homes agosarats i sadolls d’amor. I els assenyats no se’n feien, considerant que aquesta verge era la més bella de les pingüines. Es deia, fins i tot, que ella, a voltes, sortia a la recerca dels seus raptors, car ningú pot escapar al seu destí. Però aquesta vegada, veient que no tornava, hom temé que el dragó no l’hagués devorada.

    Ben aviat els habitants de la vall de Dalles s’adonaren que, aquest dragó, no era una faula inventada per les dones al voltant de la font car, una nit, el monstre devorà, a la vila d’Anis, sis gallines, un moltó i un petit minyó orfe anomenat el petit Elo. Ni de les bèsties ni de l’infant es trobà ni rastre l’endemà al matí.

    De seguida, els Ancians de la vila es reuniren en assemblea a la plaça pública i s’assegueren al banc de pedra per acordar el que era més pertinent de fer en aquestes terribles circumstàncies.

    I havent cridat tots aquells pingüins que havien vist el dragó durant la nit sinistra, els preguntaren:

    —No heu notat la forma que té i quines són les seves habituds?

    —La seva esquena fa com una cresta de punxes espinoses.

    —Tot el seu cos està recobert amb escames grogues.

    —El seu esguard fascina i fulmina. Vomita flames.

    —Empesta l’aire amb el seu alè.

    —Té cap de dragó, urpes de lleó i cua de peix.

    I, una dona d’Anis que era tinguda per sana d’esperit i molt assenyada, a la qual el dragó havia pres tres gallines, declarà el que segueix:

    —És fet igual que un home. Tant, que jo em vaig creure que era el meu marit i li vaig dir: “Vine a jeure, bestiota.”

    D’altres deien:

    —És igual que un núvol.

    —S’assembla a una muntanya.

    Per fi, vingué un jove i digué:

    —Jo l’he vist el dragó, que amagava la testa per fer un petó a ma germana Minnie.

    I els Ancians persistiren en demanar encara als habitants:

    —Com és de gran el dragó?

    I hom els respongué:

    —Gran com un bou.

    —Com una de les grans naus comercials dels bretons.

    —És de la talla d’un home.

    —És més alt que la figuera sota la qual esteu asseguts.

    —No és més gran que un ca.

    Interrogats, després, sobre el seu color, els habitants digueren:

    —Roig.

    —Verd.

    —Blau.

    —Groc.

    —Té el cap d’un verd agradós, les ales són ataronjades amb un ribet gris platejat; la gropa i la cua, ratllades a franges brunes i rosa; el ventre d’un groc viu, tacat de negre.

    —El seu color? No en té de color. És de color de gos com fuig.

    —És de color de dragó.

    Després d’haver escoltat aquests testimonis, els Ancians romangueren indecisos sobre el que calia fer. Els uns proposaren espiar el dragó, sorprendre’l i occir-lo amb una bona tongada de sagetes. D’altres, considerant que era endebades oposar-se per la força a un monstre tan potent, aconsellaven d’apaivagar-lo mitjançant ofrenes.

    —Paguem-li el tribut —digué un d’ells que era tingut per home de seny—. Podríem fer-nos-el propici fent-li presents agradosos de fruites, de vi, d’anyells i una verge jovençana.

    D’altres, en fi, eren partidaris d’enverinar les fonts on tenia costum d’abeurar-se o d’asfixiar-lo amb una bona fumera quan estigués arraulit a la seva caverna.

    Però cap d’aquests parers no va prevaldre. Hom discutí llargament i, els Ancians, es separaren sense haver arribat a cap acord.

    Durant tot el mes dedicat pels romans a llur fals déu Mart o Mavors, el dragó devastà les masies de Dalles i de Dombes, emportant-se cinquanta moltons, dotze porcells i tres joves minyons. Totes les famílies estaven de dol i s’oïen planys per tota l’illa. Per conjurar la catàstrofe, els Ancians dels desventurats vilatges que reguen el Clange i la Surella decidiren reunir-se i anar tots junts, a demanar ajuda al benaventurat Maël.

    El cinquè dia del mes el nom del qual, segons els llatins, significa obertura, perquè obre l’any, se n’anaren en processó al monestir de fusta que s’aixecava sobre la costa meridional de l’illa. Entrats que foren al claustre, deixaren oir llurs sanglots i llurs gemecs. Emocionat per aquells planys, l’ancià Maël, deixant la sala on es lliurava a l’estudi de l’astronomia i la meditació de les Escriptures, descendí vers ells amb el seu bastó pastoral a la mà. En veure’l, els Ancians es prosternaren i aixecaren ramells verds. I molts d’entre ells cremaren herbes aromàtiques.

    I el sant home, després d’asseure’s vora la fontana claustral, sota d’una vella figuera, pronuncià aquestes paraules:

    —Oh fills meus, posteritat dels pingüins, per què ploreu i gemegueu? Per què alceu al meu davant aquests ramells suplicants? Per què feu pujar vers el cel aquestes fumeroles aromàtiques? És que espereu que jo aparti de damunt les vostres testes alguna calamitat? Per què m’imploreu? Estic disposat a donar la meva vida per vosaltres. Digueu-me només què és el que espereu del vostre pare.

    A tals preguntes, el més vell dels Ancians respongué:

    —Pare dels fills d’Alca, oh Maël. Jo parlaré en nom de tots. Un dragó horripilant arrasa els nostres camps, despobla els nostres estables i emmena vers son antre la flor i nata de la nostra joventut. Ha devorat l’infant Elo i set joves minyons; ha trinxat, amb les seves dents famolenques, la verge Orberose, la més bella de les pingüines. No resta cap vilatge on no bufi el seu alè enverinador i que ell no ompli de desconhort.

    Davant d’aquest desastre terrible, nosaltres venim, oh Maël, a pregar-te, ja que ets el més intel·ligent entre nosaltres, que ens procuris la salvació dels habitants d’aquesta illa, perquè tenim la temença que, l’antiga raça dels pingüins no arribi a extingir-se.

    —Oh el primer dels Ancians d’Alca —replicà Maël—, el teu discurs em sumeix en la més profunda de les afliccions i deploro pensar que aquesta illa està a mercè dels furors d’un dragó. Un fet tal no és pas el primer i hom troba, als llibres, moltes històries de dragons molt ferotges. Aquests monstres habiten principalment les cavernes, vora les aigües i preferentment entre els pobles pagans. Podria ésser que, entre vosaltres, per més que hàgiu rebut el sant baptisme, i per més que fóssiu incorporats a la família d’Abraham, s’hi trobi qui hagi adorat els ídols, com feren els antics romans, o suspès imatges i tauletes votives, banderoles de llana i garlandes de flors, a les branques d’algun arbre sagrat. O potser encara, les pingüines han dansat a l’entorn d’una pedra màgica o begut a les fontanes habitades per les nimfes. Si fos així, pensaria que Nostre Senyor ha enviat aquest dragó per punir a tots, dels crims d’alguns, a fi d’induir-vos, oh fills dels pingüins, a exterminar d’entre vosaltres la blasfèmia, la superstició i la impietat. És per això que us assenyalaré, com a remei pel gran dany que sofriu, que cerqueu curosament la idolatria en les vostres llars i l’extirpeu. Penso que també serà eficient que pregueu i feu penitència.

    Així parlà el sant ancià Maël. I els Ancians del poble pingüí, després de besar-li els peus, retornaren a llurs vilatges amb una guspira d’esperança.

    Seguint els consells del sant baró Maël, els habitants d’Alca s’esforçaren en extirpar les supersticions que havien nascut entre ells. Vigilaren perquè les mossetes no anessin més a ballar entorn de l’arbre de les fades, pronunciant encanteris. Prohibiren severament a les mares primiceres que, per fer-los forts, refreguessin llurs nadons a les pedres erectes dels camps. Un vellet dels Dombes, que predeia l’avenir fent ballar uns grans d’ordi en un sedàs, fou llançat al pou.

    Mentrestant, el monstre seguia assolant cada nit els galliners i les estables. Els pagesos, esverats, es feien forts en llurs cases. Una dona embarassada que, per una lluerna, veié al clar de lluna l’ombra del dragó damunt del blau camí, s’espantà de tal guisa que, incontinent, donà a llum abans de terme.

    En aquests dies de prova, el sant baró Maël, no parava de meditar en la natura dels dragons i en els mitjans de combatre’ls. Després de sis mesos d’estudis i de pregueres, li semblà segur que havia trobat el que cercava. Una tarda, mentre es passejava per la platja vora el mar, en companyia d’un monjo jove anomenat Samuel, li exposà el seu pensament en aquests termes:

    —He estudiat llargament la història i els costums dels dragons, no per satisfer una vana curiositat, sinó a fi de trobar-hi els exemples a seguir en la present circumstància. Aquesta és, fill meu, la utilitat de la història.

    És un fet comprovat que els dragons són d’una vigilància extrema. No dormen mai. Per això, sovint, els trobem com a guardadors de tresors. A Colxis, un dragó guardava el toisó d’or que Jason li prengué. Un altre vigilava les pomes d’or del jardí de les Hespèrides. Fou matat per Hèrcules, i Juno el transformà en una estrella del cel. El fet el sabem pels llibres. Si és veritat, fou per la màgia que fou possible, car els déus pagans són, en realitat, diables. Un dragó prohibia als homes rudes i ignorants beure a la fontana de Castàlia. Recordem també el dragó d’Andròmeda, que fou matat per Perseu.

    Però deixem les faules dels pagans en què l’error va sempre barrejat amb la veritat. Retrobarem els dragons en les històries del gloriós arcàngel Miquel, dels sants Jordi, Felip, Jaume el Major i Patrici, de les santes Maria i Margarida. I és en aquestes contalles, dignes de tota fe, que hem de cercar reconfort i consell.

    La història del dragó de Silena ens ofereix els més preciosos exemples. Cal que sabeu, fill meu, que a la vora de l’estany veí d’aquesta vila, habitava un dragó temible que, de vegades, s’apropava a les muralles i amb el seu alè enverinava tots aquells que habitaven els suburbis. I, per a no ésser devorats pel monstre, els habitants de Silena li lliuraven un dels seus cada matí. Es designava la víctima per sorteig i, la sort, després de cent d’altres, designà la filla del rei.

    Doncs, sant Jordi, que era un tribú militar de pas per la vila de Silena, hagué esment que la filla del rei acabava d’ésser emmenada vers l’animal ferotge. Muntà altre cop, de seguida, a cavall i, armat amb la llança, corregué a l’encontre del dragó i l’abastà al moment just en què anava a devorar la verge reial. I quan sant Jordi hagué aterrat el dragó, la filla del rei nuà el seu cinyell entorn del coll de la bèstia, que la seguí com un gosset que hom mena amb una corretja.

    Aquest és un exemple del poder de les verges sobre els dragons. Marta ens en procura una prova més certa encara. Coneixeu aquesta història, Samuel, fill meu?

    —Sí pare meu —respongué Samuel.

    I el benaventurat Maël prosseguí:

    —En una boscúria de les vores del Ròdan, entre Arlés i Avinyó, hi havia un dragó barreja de quadrúpede i de peix, més gros que un bou, amb unes dents més punxegudes que els corns i amb unes grans ales a l’esquena. Enfonsava els vaixells i devorava els passatgers. Doncs santa Marta, a precs del poble, anà vers el dragó que trobà entretingut devorant un home: li passà el cinyell entorn del coll i el conduí fàcilment a la ciutat.

    Aquests dos exemples m’indueixen a pensar que caldria recórrer al poder d’alguna verge per vèncer el dragó que sembra l’espant i la mort a l’illa d’Alca.

    Per això fill meu, Samuel, cenyeix la corretja als ronyons i et prego que vagis, junt amb dos dels teus companys, per totes les viles d’aquesta illa, i publiquis arreu que tan sols una verge podrà alliberar l’illa del monstre que la despobla.

    Cantaràs els salms i els himnes i els diràs: “Oh fills dels pingüins! Si existeix entre vosaltres una verge molt pura, que s’aixequi i que, armada amb el senyal de la Creu, vagi a combatre el dragó!”

    Així parlà l’ancià i el jove Samuel prometé obediència. Des de l’endemà, cenyí la corretja als ronyons i, amb dos companys, partí per anunciar als habitants d’Alca, que només una verge era capaç d’alliberar els pingüins de la fúria del dragó.

    Orberose estimava el seu marit, però aquest no és l’únic que estimava. A l’hora en què Venus s’il·lumina en el cel pàl·lid, mentre Kraken anava escampant l’esglai pels poblats, ella visitava a la seva casa ambulant, un jove pastor de les Dalles, anomenat Marcel, la forma graciosa del qual cobria una inexhaurible vigoria. La bella Orberose compartia amb plaer el jaç aromàtic del pastor. Però, enlloc de donar-se a conèixer tal com era, es donava el nom de Brígida i es deia filla d’un hortolà de la badia dels Somorgolls. Quan s’esmunyia, a contracor, dels seus braços, caminava a través de les prades boiroses vers la riba de les Ombres i, si per atzar, es topava amb algun pagès ronsejaire, desplegava a pleret els seus vels com unes grans ales i exclamava:

    —Passant, acota els ulls per no haver de dir: “Ai las! Ai las, malaurat de mi, que he vist l’àngel del Senyor!”

    El vilatà, tremolós, s’agenollava amb el front fins a terra i molts deien que, de nits, passejaven pels camins els àngels i que hom moria si arribava a veure’ls.

    Kraken ignorava els amors d’Orberose i de Marcel, car ell era un heroi i els herois desconeixen sempre els secrets de llurs mullers. Però, amb tot i ignorar aquests amors, Kraken en gustava els preciosos avantatges. Cada nit retrobava la seva companya, més somrient i més bella, respirant, exhalant la voluptat i perfumant el llit conjugal d’una olor delitosa a fonoll i berbena. Ella amava Kraken amb un amor que mai no esdevenia ni inoportú ni avorrit perquè no era amb ell sol que el desfogava.

    I la sortosa infidelitat d’Orberose havia de salvar molt aviat l’heroi d’un gran perill que l’assetjava i assegurar per sempre més la seva bona fortuna i la seva glòria. Car, havent vist passar en caure la tarda, un bouer de Belmont, que picava els seus bous, li entrà el delit d’estimar-lo com mai no havia estimat el pastor Marcel. Era geperut, les seves espatlles li muntaven fins a les orelles, el seu cos es balancejava damunt les cames desiguals, els seus ulls esverats rodaven amb lluïssors feréstegues sota la cabellera esborifada. De la seva gola n’eixien una veu ronca i estridents riallades; feia olor d’establa. Però a ella li agradava. Com digué Gnathon: “Hi ha qui es plau d’una planta, hi ha qui es plau d’un rierol, hi ha qui es complau amb una bèstia.”

    Doncs un dia, en unes golfes d’un vilatge, ella sospirava, ajaguda i deseixida entre els braços del bouer quan, tot de cop, el so d’una trompa, un rumoreig i un soroll de passes, sorprengueren les seves oïdes. Mirà per la lluerna i veié els habitants del poble reunits a la plaça del mercat a l’entorn d’un jove religiós que, enfilat dalt d’una pedra, pronunciava amb veu molt clara aquestes paraules:

    —Habitants de Belmont, el nostre pare, l’abat Maël, us fa saber per boca meva que, ni la força dels braços ni el poder de les armes no prevaldran contra el dragó; per això la bèstia serà amansida per una verge. De manera que, si hom troba entre vosaltres una verge molt neta i perfectament intacta, que s’aixequi i vagi a l’enfront del monstre. I quan ella l’haurà encontrat, li passarà el cinyell entorn del coll i el menarà tan fàcilment com si es tractés d’un gos cadell.

    I el jove fraret, després d’encaputxar-se la cogulla al cap, se n’anà a portar a d’altres viles el manament del benaventurat Maël.

    Ja era lluny quan, arraulida a l’amorosa palla, amb una mà damunt del genoll i la barbeta recolzada a la mà, Orberose anava meditant el que acabava d’oir. Encara que ella temia menys per Kraken el poder d’una verge que la força dels homes armats, no se sentia tranquil·la pel manament del benaventurat Maël. Un instint vague i segur que guiava el seu esperit l’advertia que adesiara Kraken no podia ésser més dragó amb plena seguretat.

    I preguntà al bouer:

    —Cor meu, tu què en penses del dragó?

    El rústec brandà la testa:

    —És segur que als temps antics, els dragons arrasaven la terra, i se’n veien de la grandària d’una muntanya. Però ja no en vénen i em penso que això que aquí hom pren per un monstre recobert d’escates són els pirates o els marxants que s’emportaren la bella Orberose i els més bells entre els infants d’Alca. I si algun d’aquests bergants provés de robar-me els bous, jo sabria, per mitjà de la força o amb una trampa, impedir-li de molestar-me.

    Aquestes paraules del bouer feren créixer la temença d’Orberose i reanimà el seu afany d’ajudar l’espòs que estimava.

    Passaren els dies i cap donzella no eixí a l’illa per combatre el monstre. I en el monestir de fusta, l’ancià Maël, assegut damunt d’un banc, a l’ombra d’una figuera antiga, en companyia d’un monjo d’una gran pietat anomenat Regimental, es preguntava ple d’inquietud i tristesa com era possible que no es trobés a Alca, ni una sola verge capaç de dominar la bèstia.

    Sospirà i el frare Regimental sospirà també. En aquest moment el jove Samuel acabava de passar camí de l’hort i l’ancià Maël el cridà i li digué:

    —He meditat altre cop, fill meu, sobre la manera de destruir el dragó que devora la flor de la nostra joventut, dels nostres ramats i de les nostres collites. A aquest efecte, la història dels dragons de sant Riok i de sant Pol de Lleó em semblen particularment alliçonadores. El dragó de sant Riok era de sis canes de llarg; el seu cap tenia quelcom de gall i de basilisc; el seu cos tenia quelcom de bou i de serpent. Desolava les ribes de l’Elorn en temps del rei Bristocus. Sant Riok, que tenia dos anys, el menà fins a la mar on el monstre es negà sense resistència. El dragó de sant Pol, de seixanta peus de llargària, no era menys terrible. El benaventurat apòstol de Lleó li lligà la seva estola i el féu conduir per un jove senyor d’una gran puresa. Aquests exemples proven que, als ulls de Déu, un donzell és tan agradós com una donzella. El Cel no hi veu cap diferència. És per això, fill meu, que si em voleu creure anirem tots dos a la riba de les Ombres; en arribar a la caverna del dragó, cridarem el monstre en veu alta i, quan ell s’aproparà, jo nuaré l’estola al voltant del seu coll i vós el menareu així pres, fins al mar on no deixarà d’ofegar-se.

    A aquest discurs de l’ancià, Samuel abaixà el cap i no digué paraula.

    —Es diria que en dubteu, fill meu —digué Maël.

    El frare Regimental, contràriament a les seves habituds, prengué la paraula abans d’ésser interrogat.

    —Per menys hom dubtaria —féu—. Sant Riok tenia dos anys quan va amansir el dragó. Qui us assegura que nou o deu anys després hauria pogut fer el mateix? Aneu alerta, pare meu, que el dragó que arrasa la nostra illa ha devorat el petit Elo i quatre o cinc joves minyons. El germà Samuel no és pas tan pretensiós per creure’s, a dinou anys, més innocent que ells a dotze o catorze.

    ”Ai las! —afegí el monjo sospirant—. ¿Qui pot vanar-se de ser cast en aquest món on tot ens dóna l’exemple i el model de l’amor, on tot en la naturalesa, bèsties i plantes, ens ensenya i ens aconsella les voluptuoses abraçades? Els animals estan ardorosos d’acoblar-se a llur guisa; però molt se’n manca perquè els diversos himeneus dels quadrúpedes, les aus, els peixos i els rèptils, igualin en venustat les noces dels arbres. Tot el que els pagans, en llurs faules, han imaginat d’impudícies monstruoses és depassat per la més simple flor dels camps i, si vós sabéssiu de les fornicacions dels lliris i les roses, trauríeu dels altars aquests calzes d’impuresa, aquests vasos d’escàndol.

    —No parleu així, germà Regimental —respongué l’ancià Maël—. Sotmesos a la llei natural, el animals i les plantes són sempre innocents. Ells no tenen una ànima per salvar, mentre que els homes…

    —Teniu raó —replicà el frare Regimental—: això són figues d’un altre paner. Però no envieu el jove Samuel al dragó: el dragó se’l menjaria. Des de fa cinc anys Samuel no està en mesura de sorprendre els monstres per la seva innocència. L’any de l’estel amb cua, el Diable, per seduir-lo, posà un jorn al seu camí una lletereta que, per travessar un gual s’arromangà els enagos. Samuel fou temptat; però vencé la temptació. El Diable, que mai no para, li envià en un somni la imatge d’aquesta noieta. L’ombra féu el que no pogué fer el cos: Samuel caigué. En despertar, les seves llàgrimes xoparen el seu jaç profanat. Ai las! El penediment no li tornà la seva innocència.

    En escoltar aquesta història, Samuel es preguntava com era que el seu secret fos així conegut, car ell no sabia que el Diable havia pres l’aparença del frare Regimental, per torbar en llur cor els monjos d’Alca.

    I l’ancià Maël, somniós, demanà amb angoixa:

    —Qui ens alliberarà de la dent del dragó? Qui ens preservarà del seu alè? Qui ens salvarà del seu esguard?

    Amb tot això, els habitants d’Alca començaren a prendre coratge. Els pagesos de les Dombes i els bouers de Belmont juraven que, contra aquell animal ferotge més hi podrien ells que una minyona i deien ensems que masegaven la part carnosa de llurs braços: “Que vingui ara el dragó!” Molts homes i moltes dones l’havien vist. No estaven d’acord sobre la seva forma i figura, però ara tots estaven d’acord en afirmar que no era tan gran com havien cregut i que la seva talla no era gaire superior a la d’un home.

    Hom organitzà la defensa: cap al tard, hi havia vigilants a les portes de les viles, disposats a donar l’alarma. Companyies armades amb forques i amb falçs guardaven, a la nit, els corrals i les cledes on les bèsties havien estat tancades. Fins i tot, una vegada, al vilatge d’Anis, uns ardits llauradors el sorprengueren saltant el mur de Morio: armats de batolles, de falçs i de forques, l’empaitaren de molt a prop. L’un d’ells, home animós i molt eixerit, pensà que l’havia punxat amb la seva forca; però relliscà en un toll i el deixà escapar. Els altres segurament l’haurien encalçat si no fos que s’entretingueren en arreplegar els conills i les gallines que ell, en la seva fugida, abandonava.

    Aquests llauradors declararen als Ancians de la vila que el monstre els semblava de forma i proporcions molt humanes, fora del cap i de la cua, que eren verament espantosos.

    Aquell jorn, Kraken tornà a la seva caverna més aviat que de costum. Es tragué del cap el seu casc de foca guarnit amb dues banyes de brau, la visera del qual estava armada amb uns ullals formidables. Llançà damunt la taula els seus guants acabats amb unes urpes horribles; eren becs d’ocell pescador. Desbotonà el seu cinturó, del que penjava una llarga cua verda amb replecs retorçats. Després ordenà al seu patge Elo que li estirés les botes i, com fos que l’infant no se’n sortia prou de pressa, li engegà una puntada de peu que el llançà a l’altre extrem de la gruta.

    Sense mirar la bella Orberose, que filava la llana, s’assegué davant la xemeneia on es rostia un moltó, i murmurà:

    —Innobles pingüins!… No hi ha pitjor ofici que el de fer de dragó.

    —Què diu el meu senyor? —preguntà la bella Orberose.

    —Ja no em temen —prosseguí Kraken—. Abans tots fugien quan m’apropava. M’emportava el sac, les gallines i els conills; els prenia, cara a cara, moltons i garrins, vaques i bous. Avui dia aquests rústecs munten bé la guàrdia: vetllen. No fa gaire que al vilatge d’Anis, perseguit pels llauradors armats de batolles, de falçs i de terribles forques, he hagut de deixar anar les gallines i els conills, ficar-me la cua sota l’aixella i arrencar a córrer cames ajudeu-me. Em pregunto si aquesta és una bona fila per un dragó de Capadòcia que s’estimi, això d’escapar-se com un lladregot amb la cua entre cames. I encara, enredat amb crestes, banyes, ullals, urpes i escates, m’he escapat amb prou feines i una mala bèstia m’ha enfonsat mitja polzada de la seva forca a l’anca esquerra.

    I, dient això, es posava la mà, amb tota cura, a la part adolorida.

    I, després d’haver-se lliurat, per uns instants, a meditacions amargues, afegí:

    —Quins idiotes aquests pingüins! Estic cansat de bufar-los flamarades pel nas a aquests imbècils. Em sents, Orberose…?

    Havent parlat així, l’heroi sospesà entre les mans el casc paorós i el contemplà llarga estona en un sòrdid silenci. Després, pronuncià aquestes ràpides paraules:

    —Aquest casc, l’he fet amb les meves mans, en forma de cap de peix, d’una vaca marina. Per fer-lo més formidable, li he afegit unes banyes de brau i l’he armat amb unes barres de senglar i li he penjat una cua de cavall, tenyida de vermelló. Cap habitant d’aquesta illa el podia contemplar sense esglai quan me l’enfonsava fins a les espatlles en el crepuscle melangiós. Quan m’apropava, dones, infants, joves i vells fugien esmaperduts i jo feia por a tota la raça dels pingüins. ¿Per quins consells aquest poble insolent ha abandonat els seus primers temors i, d’avui a demà, gosa mirar cara a cara aquesta faç horrible i perseguir aquesta crinera esveradora?

    Llençà el seu casc per la terra rocosa:

    —Rebenta, casc enganyador! —cridà Kraken—. Juro per tots els diables d’Armor que mai més el portaré damunt la meva testa.

    I havent fet aquest jurament, trepitjà amb els seus peus el casc, els guants, les sabates i la cua plena de replecs retorçats.

    —Kraken —digué la bella Orberose—, permeteu a la vostra serventa de servir-se d’un artifici, per salvar la vostra glòria i els vostres béns? No menyspreeu l’ajuda d’una dona. En teniu necessitat car, els homes són tots uns imbècils.

    —Dona —demanà Kraken—, quins són els teus designis?

    I la bella Orberose advertí al seu marit que dos monjos anaven per les viles i les contrades ensenyant als habitants la manera més convenient de combatre el dragó; que segons llurs instruccions, la bèstia seria domada per una verge i que, si una donzella passava el seu cinyell al voltant del coll del dragó, el menaria tan fàcilment com si fos un cadell de ca.

    —Com saps tu que els monjos ensenyen aquestes coses? —demanà Kraken.

    —Amic meu —respongué Orberose—, no interrompeu unes paraules greus amb una frèvola pregunta… “De manera que —afegiren aquests religiosos— si hi ha a Alca una verge molt pura, que s’aixequi!” Doncs, Kraken, jo he resolt contestar a aquesta demanda. Aniré a trobar el sant ancià Maël i li diré: “Jo sóc la verge designada pel cel per domar el dragó.”

    A aquests paraules, Kraken exclamà:

    —I com fores tu aquesta verge tan pura? I per què em vols combatre a mi, Orberose? Has perdut el seny? T’has begut l’enteniment? Sàpigues que jo no em deixaré vèncer per tu!

    —Abans d’enutjar-te, no podries provar de comprendre? —sospirà la bella Orberose amb un menyspreu profund i manyac alhora.

    I, seguidament, exposà els seus designis subtils.

    En escoltar-los, l’heroi romania pensívol. I, quan ella hagué parlat:

    —Orberose, el teu engany és profund —digué—. I, si els teus designis s’acompleixen segons les teves previsions, jo en trauré un gran avantatge. Però, com t’ho faràs per ésser tu la verge designada pel Cel?

    —No t’hi encaparris, Kraken —replicà ella—. I anem-nos-en a dormir.

    A l’endemà, a la caverna perfumada per l’olor del greix, Kraken trenava una carcassa diforme de vímet i la recobria de pells espantosament eriçades i escatoses. En una de les extremitats d’aquesta carcassa, la bella Orberose cosí la cimera ferotge i la visera fastigosa que portava Kraken en les seves curses devastadores i, a l’altre extrem, subjectà la cua de replecs retorçada que l’heroi tenia per costum d’arrossegar darrera seu. I, quan aquesta feina fou acabada, ensenyà al petit Elo i als altres quatre minyons que la servien, a introduir-se en aquesta màquina, a fer-la caminar, a bufar-hi amb trompes i a cremar l’estopa, a fi de llançar flames i fum per la gola del dragó.

    Orberose, havent-se revestit amb una túnica de burell i cenyit amb una corda grollera, se n’anà al monestir i demanà per parlar amb el benaventurat Maël. I, com que era defesa l’entrada a les dones al recinte del monestir, l’ancià avançà fora de les portes, portant a la seva mà dextra la crossa pastoral i apuntalant-se amb la mà esquerra a l’espatlla del germà Samuel, el més jove dels seus deixebles.

    Preguntà:

    —Dona, qui ets?

    —Jo sóc la verge Orberose.

    A tal resposta, Maël aixecà els ulls al cel amb els braços tremolosos.

    —Dona, dius la veritat? És un fet cert que Orberose fou devorada pel dragó. I jo veig Orberose i jo l’escolto! No serà, filla meva, que a les entranyes del monstre, tu t’armares amb el signe de la Creu i eixires intacta de la seva gola? Això sembla que és el que s’ha de creure.

    —No t’equivoques pas, pare meu —respongué Orberose—. Això és el que succeí precisament. Tot just sortida de les entranyes de la bèstia, em vaig refugiar en una ermita a la riba de les Ombres. Hi he viscut en la solitud lliurant-me a l’oració i la meditació i acomplint-hi unes austeritats inoïdes, fins que he sabut per revelació celestial, que únicament una donzella podria domar el dragó i que jo era aquesta donzella…

    —Ensenya’m un senyal indicador de la teva missió —digué l’ancià.

    —El senyal sóc jo mateixa —respongué Orberose.

    —No desconec el poder d’aquelles donzelles que han clos amb un segell llur carn —replicà l’apòstol dels pingüins—. Però ets tu, de veres, tal com dius?

    —Tu ho veuràs pels fets —respongué Orberose.

    El monjo Regimental s’havia apropat:

    —Aquesta serà la millor prova —digué—. El rei Salomó ha dit: “Tres coses són difícils de conèixer i una quarta impossible: el rastre del serpent damunt la pedra, de l’ocell en l’espai, de la nau damunt les aigües i de l’home damunt la dona.” Em semblen impertinents aquestes matrones que pretenen rectificar en tals matèries al més savi dels reis. Pare meu, si em voleu creure, no les consulteu a propòsit de la pietosa Orberose. Quan elles us hauran donat llur parer no en quedareu pas més assabentat. La virginitat és més difícil de provar que de guardar; Plini ens ensenya que els seus senyals són tan imaginaris com incerts4. La que porta damunt seu les catorze marques de la corrupció és pura als ulls dels àngels, i la que, al contrari, visitada per les matrones amb el dit i l’ull, plec per plec, és reconeguda com intacta, se sap que deu les seves bones aparences als artificis d’una perversitat intel·ligent. Quant a la puresa de la santa minyona que aquí tenim, hi posaria les mans al foc.

    Parlà així perquè era el Diable. Però l’ancià Maël no ho sabia i demanà a la pietosa Orberose:

    —Filla meva, com us apanyareu per vèncer un animal tan ferotge com el que us ha devorat?

    La verge respongué:

    —Demà, al despuntar el dia, oh Maël, convocaràs el poble dalt de la muntanyola, davant l’erm desolat que s’estén fins a la platja de les Ombres i vigilaràs que no hi hagi cap home pingüí més ençà de cinc-cents passos de les roques, car fóra tot seguit enverinat per l’alè del monstre. I el dragó sortirà d’entre el roquissar i passaré el meu cinyell al voltant del seu coll i el conduiré com un gosset bon minyó.

    —No et faràs acompanyar per un home coratjós, ple de pietat, que occirà el dragó? —preguntà Maël.

    —Tu ho has dit, oh ancià! Lliuraré el monstre a Kraken que el degollarà amb la seva espasa lluent. Car cal que sàpigues que el noble Kraken, que hom creia mort, tornarà entre els pingüins i que és ell qui matarà el dragó. I del ventre de la bèstia sortiran els infants que ella ha devorat.

    —El que tu m’anuncies, oh verge, —exclamà l’apòstol— em sembla prodigiós i per damunt del poder de l’home.

    —Ho és —replicà la verge Orberose—. Però sàpigues, oh Maël, que he tingut la revelació que, per la seva deslliurança, el poble pingüí haurà de pagar al cavaller Kraken un tribut anual de tres-cents caps d’aviram, dotze xais, dos bous, tres porcells, mil vuit-centes mesures de blat i els llegums de temporada. I, a més, els infants que eixiran del ventre del dragó seran donats i deixats al dit Kraken per a servir-lo i obeir-lo en tota cosa.

    Si el poble pingüí deixés de complir els seus compromisos, un nou dragó, més terrible que el primer, abordaria l’illa. He dit.

    El poble dels pingüins, convocat per l’ancià Maël, passà la nit vora les ribes de les Ombres, al llindar que el sant baró havia assenyalat, a fi que cap dels pingüins fos enverinat per la bafarada del monstre.

    Els vels de la nit cobrien encara la terra, quan, precedit per un ronc mugit, el dragó mostrà damunt les roques de la riba la seva forma indistinta i portentosa. S’arrossegava com una serpent i, el seu cos retorçat semblava com de quinze peus de llargària. En veure’l la multitud reculà esglaiada. Però ben aviat tots els esguards es giraren vers la verge Orberose, la qual, a trenc d’alba, s’avançà vestida de blanc per la bruguera rosada. Amb passa intrèpida i modesta, caminà vers la bèstia que, exhalant horrorosos bruels, obria la seva gorja flamejant. Un crit immens de terror i de pietat s’elevà entre els pingüins. Però la verge, desfent el seu cinyell de lli, el passà pel coll del dragó que emmenà, estirant-lo com un gos fidel, entre les aclamacions dels espectadors.

    Havia ja recorregut un llarg espai damunt de l’arena, quan aparegué Kraken armat d’una espasa guspirejant. El poble, que el tenia per mort, proferí crits de sorpresa i de joia. L’heroi es llançà damunt la bèstia i, amb la seva espasa, li obrí el ventrell d’on sortiren, en camisa, els cabells arrissats i les mans juntes, el petit Elo i els cinc altres infants que el monstre havia devorat.

    De seguida s’aplegaren als genolls de la verge Orberose, que els prengué en braços i els digué a cau d’orella:

    —Anireu per les viles i direu: “Nosaltres som els pobres petits infants que el dragó ha devorat i que hem sortit en camisa del seu ventre.” Els pobletans us donaran abundosament tot el que podreu desitjar. Però, si els parleu altrament, no rebreu més que mastegots i pallisses. Aneu!

    Molts pingüins, veient el dragó esventrat, es precipitaren per a fer-ne bocins, els uns per un sentiment de furor i de venjança i, d’altres per apoderar-se de la pedra màgica, anomenada dragonita, engendrada en la seva testa. Les mares dels infants ressuscitats corrien per abraçar llurs estimats menuts. Però el sant baró Maël els retingué, explicant-los que no eren prou sants uns i altres per apropar-se al dragó sense morir.

    Promptament, el petit Elo i els altres cinc infants vingueren vers el poble i digueren:

    —Som els pobres petits minyons que el dragó ha devorat i hem sortit en camisa del seu ventrell.

    I tots els que els oïen deien, tot besant-los:

    —Beneïts minyons, nosaltres us donarem a pleret tot el que pugueu desitjar.

    I la multitud del poble es separà amb sana alegria, entonant himnes i cançons.

    Per a commemorar el dia en què la Providència deslliurà el poble de tan cruel flagell, foren instituïdes processons en les quals hom passejava la mulassa, un simulacre de dragó encadenat.

    Kraken cobrà el tribut i esdevingué el més ric i el més poderós dels pingüins. Com a mostra de la seva victòria i a fi d’inspirar una saludable temença, portava damunt del cap una cresta de dragó i tenia per costum de dir al poble:

    —Ara que el monstre és mort, el dragó sóc jo.

    Orberose enllaçà per llarg temps amb els seus braços generosos el coll dels bouers i dels pastors que ella igualava als déus. I, quan deixà d’ésser bella, es consagrà al Senyor.

    Objecte de pública veneració, després de la seva mort, fou admesa en el cànon dels sants i es convertí en la patrona celestial de la Pingüínia.

    Kraken deixà un fill que portà, com el seu pare, la cresta del dragó i fou, per aquest motiu, anomenat Draco. Fundà la primera dinastia reial dels pingüins.

    LLIBRE TERCER

    L’EDAT MITJANA I EL RENAIXEMENT

    Els reis d’Alca, descendents de Draco, fill de Kraken, portaven damunt llur testa una cresta de dragó esfereïdora, insígnia sagrada que, només en veure-la, inspirava als pobles la veneració, el terror i l’amor. Estaven en lluita perpètua ja sia amb llurs vassalls i llurs súbdits, ja sia amb els prínceps de les illes i els continents veïns.

    Els més antics d’aquests reis no han deixat altra cosa que llur nom, i encara, nosaltres no el sabem pronunciar ni escriure’l. El primer Dracònida del que coneixem la història és Brian el Pietós, celebrat pel seu enginy i el seu coratge, així en la guerra com en la cacera.

    Era cristià, amador de les lletres i afavoria els homes dedicats a la vida monàstica. En el saló del seu palau, on sota les bigues fumades penjaven les testes, la cornamenta i les banyes dels animals salvatges, donava grans festins als que eren convidats tots els tocadors d’arpa d’Alca i de les illes veïnes, i ell mateix cantava trobes de lloança als herois. Equitatiu i magnànim, però empès per un ardent amor per la glòria, no es podia estar de fer matar aquells que havien cantat millor que ell.

    Els monjos d’Yvern havien estat expulsats pels pagans que assolaven la Bretanya. El rei Brian els cridà al seu reialme i féu construir per a ells, vora del seu palau, un monestir de fusta. Cada dia, amb la seva esposa la reina Glamorgane, anava a la capella del monestir, assistia a les cerimònies religioses i cantava els himnes.

    Succeí que entre aquests monjos n’hi havia un que es deia Oddoul i que, en la flor de la seva joventut, era famós pel seu saber i la seva virtut. El Diable en sentia un gran despit i provà mantes vegades de fer-lo caure en temptació. Prengué diferents formes i li mostrà, un darrera l’altre, un corser de guerra, una jove verge i una copa d’aiguamel. Després féu dringar dos daus en un gotet i li digué:

    —Vols jugar-te amb mi, tots els reialmes d’aquest món, contra un sol cabell del teu cap?

    Però l’home del Senyor, armat amb el signe de la Creu, rebutjà l’enemic.

    Veient que no podia seduir-lo, el Diable imaginà per perdre’l, un enginyós artifici. Una nit d’estiu, s’apropà a la reina adormida al seu llit i li féu veure la imatge del jove religiós amb el que es topava tots els dies al monestir de fusta, i va vessar sobre aquesta imatge un cert malefici. Com un verí subtil, l’amor entrà per les venes de Glamorgane. I el desig de satisfer el seu plaer amb Oddoul la consumia. Trobava, sense parar, pretextos per a fer-lo venir a la seva vora. Un i altre cop li demanà que volgués instruir els seus fills en la lectura i el cant.

    —Us els deixo —li digué—. I jo seguiré les lliçons que vós els donareu per tal d’instruir-me jo també. Junt amb els fills ensenyareu a la mare.

    Però el jove monjo es disculpava, al·legant que no era un mestre prou savi i dient que el seu estat religiós no li permetia el tracte amb les dones. Aquest refús irritava el desig de Glamorgane. Un dia que ella llanguia al seu llit, car el seu mal d’amor li era intolerable, féu cridar Oddoul a la seva cambra. Vingué ell, per obediència, però restà al llindar de la porta amb els ulls baixos. Al veure que ni la mirava, ella sentí dany i despit.

    —Mira —li digué— que ja no puc més; una ombra cobreix els meus ulls; el meu cos és gelat i roent ensems.

    I, com que ell romania silenciós i no feia un sol moviment, ella el cridà amb una veu suplicant.

    —Vine, vine prop meu!

    I amb els braços estesos, que perllongaven el desig, provà d’abastar-lo i atreure’l vers ella.

    Però ell es féu escàpol, reptant-la per la seva impudicícia.

    Aleshores, folla de ràbia i temorosa que Oddoul publiqués la vergonya en què havia caigut, imaginà de perdre’l a ell abans no fos ell el qui la perdés a ella.

    Amb una veu plorosa que retrunyí per tot el palau, demanà ajuda tal com si de veres ella corregués un gran perill. Les seves serventes, que acudiren, veieren el jove monjo que fugia i la reina que es tapava amb els llençols del seu llit i cridaren totes ensems a: “L’assassí!” I quan, atret pel terrabastall, el rei Brian entrà a la cambra, Glamorgane li mostrà els seus cabells esbandits, els seus ulls brillants de llàgrimes i el seu pit que, en el furor del seu amor, s’havia esgarrinxat amb les ungles:

    —Senyor i marit meu, mireu —digué ella— el rastre dels ultratges que he sofert. Empès per un desig infame, Oddoul se m’ha apropat i ha volgut fer-me violència.

    En escoltar aquest plany, i en veure aquella sang, el rei, enfollit, ordenà als seus guardes que prenguessin el jove religiós i el cremessin de viu en viu, davant del palau i sota l’esguard de la reina.

    Sabedor d’aquesta ventura, l’abat Yvern anà a l’encontre del rei i li digué:

    —Rei Brian, contempleu amb aquest exemple la diferència entre una dona cristiana i una dona pagana. La romana Lucrècia fou la més virtuosa de les princeses idòlatres; amb tot, ella no tingué forces per a defensar-se contra l’escomesa d’un jove afemellat i, confosa per la seva feblesa, caigué en la desesperació. Tot al revés, Glamorgane ha resistit victoriosament l’assalt d’un criminal ple de ràbia i posseït pel més temible dels diables.

    Mentrestant Oddoul, en la seva presó del palau, esperava el moment d’ésser cremat viu. Però Déu no consent que l’innocent sucumbeixi. Li envià un àngel que, havent pres la forma d’una serventa de la reina, anomenada Gudrune, l’alliberà de la presó i el conduí a la mateixa cambra que habitava la minyona de la qual havia pres l’aparença.

    I l’àngel digué al jove Oddoul:

    —T’estimo per la teva gosadia.

    I el jove Oddoul, creient oir la mateixa Gudrune, respongué amb els ulls baixos:

    —És per la gràcia del Senyor que he resistit les violències de la reina i he desafiat l’enuig d’aquesta dona poderosa.

    I l’àngel preguntà:

    —Com? De manera que no has fet res del que la reina t’acusa?

    —Ben cert que no! Res no he fet —respongué Oddoul amb la mà damunt del cor.

    —No ho has fet?

    —No. No ho he fet. Només el pensament d’una tal acció m’omple d’horror.

    —Aleshores —exclamà l’àngel—, aleshores, què hi fums aquí, espècie de bleda!5

    I obrí la porta per afavorir la fugida del jove religiós.

    Oddoul se sentí violentament empès enfora. Tot just havia arribat al carrer quan una mà li vessà damunt del cap el contingut d’un orinal; i ell pensà: “Misteriosos són els teus designis, Senyor, i els teus camins impenetrables.”

    La posteritat directa de Brian el Pietós s’extingí vers l’any 900 en la persona de Collic Nas Curt. Un cosí d’aquest príncep, Bosco el Magnànim, el succeí i prengué cura, per afermar-se al tron, d’assassinar tots els seus parents. Eixí d’ell una llarga rastellera de reis poderosos.

    Un d’ells, Draco el Gran, aconseguí una gran anomenada com a home de guerra. Va ésser batut més sovint que els altres. És en aquesta constància de la derrota que hom reconeix els grans capitans. En vint anys incendià més de mil cabanes, burgs, barriades, vilatges, pobles, ciutats i universitats. Indiferentment portava les flames damunt les terres enemigues o al seu propi domini. I per explicar aquesta manera de comportar-se tenia per costum de dir:

    —La guerra sense incendis és com un plat de tripes sense bitxo: una cosa insípida.

    La seva justícia era rigorosa. Quan els pagesos que feia presoners no podien pagar llur rescat, els feia penjar d’un arbre i, si alguna malaventurada muller venia a implorar a favor del seu marit insolvent, l’arrossegava pels cabells lligada a la cua del seu cavall. Vivia com un soldat, sense blanesa. És plaent de constatar que les seves habituds eren pures. No solament no permeté que el seu reialme decaigués de la seva glòria hereditària, sinó que sostingué fins i tot en les seves desfetes, l’honor del poble pingüí.

    Draco el Gran féu transportar a Alca les relíquies de santa Orberose.

    El cos de la benaventurada havia estat enterrat en una gruta de la riba de les Ombres, al fons d’un erm perfumat. Els primers pelegrins que anaren a visitar-la foren els joves minyons i les joves donzelles de les viles veïnes. Hi anaven preferentment a parelles, cap al tard, talment com si llurs pietosos anhels cerquessin naturalment per satisfer-se, l’ombra i la solitud. Dedicaven a la Santa un culte fervent i discret, com si estiguessin gelosos de servar-ne el misteri. No els plaïa gaire de publicar massa alt llurs impressions, però hom els podia atrapar mormolejant-se els uns als altres paraules d’amor, manyagueries i transports, als que barrejaven el sant nom d’Orberose. Els uns sospiraven que hom s’hi oblidava del món; d’altres feien que eixien de la gruta tranquils i apaivagats; les jovenetes, entre elles, es complaïen en comentar les delícies que les havien penetrades.

    Així eren les meravelles que acomplia la verge d’Alca a l’aurora de la seva gloriosa eternitat, i tenien, talment, la vagarosa dolcesa de les matinades. Ben aviat el misteri de la gruta, talment un perfum subtil, s’escampà per tota la contrada i fou, per a les ànimes pures, un motiu de gaubança i d’edificació. Els homes corromputs provaren d’esbandir, per mitjà de la mentida i la calúmnia, les fonts fidels de la gràcia que brollaven de la tomba de la Santa. L’Església curà que aquestes gràcies no fossin solament reservades a alguns dels seus fills, sinó que embalsamessin tota la cristiandat pingüina. Uns religiosos s’establiren a la gruta i bastiren un monestir, una capella, un hostal a la platja i els pelegrins començaren a fluir.

    Com si fos fortificada pel seu més llarg sojorn al Cel, la benaventurada Orberose realitzava, ara, miracles més grans a favor d’aquells que venien a dipositar llurs ofrenes sobre la seva tomba. Feia concebre esperances a les dones, fins aleshores estèrils, enviava somnis als vells gelosos per a tranquil·litzar-los sobre la fidelitat de llurs joves esposes injustament posades en dubte, mantenia lluny de la contrada les pestes, les epizoòties, les fams, les tempestes, i els dragons de Capadòcia.

    Però durant els desordres que desolaren el reialme en temps de Collic i els seus successors, la tomba de santa Orberose fou despullada de les seves riqueses, el monestir incendiat, els religiosos dispersos. El camí que durant tant temps fou petjat pels devots pelegrins desaparegué sota els joncs, la bruguera i l’escardot blau de les sorres. Feia més de cent anys que la tomba miraculosa només era visitada pels escurçons, les mosteles i els ratpenats, quan la Santa s’aparegué a un camperol del veïnatge anomenat Momordic.

    —Jo sóc la verge Orberose i t’he triat a tu perquè reconstrueixis el meu santuari. Adverteix els habitants d’aquestes contrades que si deixen desaparèixer la meva memòria i la meva tomba sense honors i riqueses, un nou dragó vindrà a desolar la Pingüínia.

    Uns clergues molt saberuts feren una enquesta sobre aquesta aparició que reconegueren veritable, no diabòlica sinó plenament celestial i hom remarcà després que, a França, en circumstàncies anàlogues, santa Foy i santa Caterina s’havien comportat de semblant manera i usat el mateix llenguatge.

    El monestir fou aixecat de nou i els pelegrins afluïren altra vegada. La verge Orberose cada cop feia més miracles i més grans. Guaria de diverses malalties molt pernicioses, en particular de mal de peu, d’hidropesia, de paràlisi i del mal de sant Vit. Els religiosos guardians de la tomba gaudien d’una envejable opulència quan la Santa s’aparegué al rei Draco el Gran i li ordenà que la reconegués per Patrona celestial del reialme i que traslladés les seves glorioses despulles, a la catedral d’Alca.

    En conseqüència, les oloroses relíquies d’aquesta verge foren portades amb gran pompa a l’església metropolitana i dipositades al bell mig del cor, en un reliquiari d’or i d’esmalt, guarnit de pedres precioses.

    El Capítol portà un registre dels miracles operats per la intercessió de la benaventurada Orberose.

    Draco el Gran, que mai no havia deixat de defensar i exaltar la fe cristiana, morí donant mostres de la major pietat i deixà béns quantiosos a l’Església.

    A la mort de Draco el Gran, esdevingueren espantosos desordres. Hom ha acusat sovint de feblesa els successors d’aquest príncep i és veritat que, cap d’ells no seguí ni de lluny, l’exemple d’aquest valerós antecessor.

    El seu fill Chum, que era coix, no es preocupà d’eixamplar el territori dels pingüins; Bolo, fill de Chum, morí assassinat pels grans del palau a l’edat de nou anys, al moment de pujar al tron. El succeí el seu germà Gun. No tenia més de set anys i es deixà governar per sa mare, la reina Cruxa.

    Cruxa era bonica, instruïda, intel·ligent; però no sabia resistir a les passions.

    Vet aquí els termes amb els quals s’expressa a la seva crònica, el venerable Talpa, a propòsit d’aquesta reina il·lustre:

    La reina Cruxa, per la bellesa de la seva cara i la gràcia de la seva figura, no quedà per dessota de Semíramis de Babilònia, ni de Pentesilea reina de les amazones, ni de Salomè filla d’Herodies. Però presentà en la seva persona certes particularitats que hom pot qualificar de belles o disgracioses segons els contradictoris parers dels homes i els judicis del món. Tenia dues petites banyes al front, que dissimulava sota els bandós abundosos de la seva cabellera d’or; tenia un ull blau i un de negre, el coll torçat cap a l’esquerra, com Alexandre de Macedònia, sis dits a la mà dreta i un menut caparró de simi sota el melic.

    El seu port era majestuós i el seu tracte afable. Era magnificent amb les seves despeses, però no sempre sabia sotmetre el seu seny al seu desig.

    Un dia, havent remarcat a les quadres de palau un jove palafrener d’una gran bellesa, es sentí incontinent presa d’amor per ell i li encarregà el comandament de l’Exèrcit. El que hom pot lloar sense reserves d’aquesta gran reina és l’abundor de dons que féu a les esglésies, als monestirs i a les capelles del reialme i, especialment, a la santa casa de Beargarden, on, per la gràcia de Nostre Senyor, jo fiu professió quan tenia catorze anys. Ella instituí unes misses per repòs de la seva ànima en tan gran nombre, que qualsevol capellà de l’Església pingüina fou, per així dir-ho, transformat en un ciri encès a la vista del Cel, a fi d’atreure la misericòrdia divina sobre Cruxa, l’augusta.

    Per aquestes ratlles, i per algunes altres amb les que jo he enriquit el meu text, hom pot jutjar de la valor històrica i literària de la Gesta Pinguinorum. Malauradament aquesta crònica es para de sobte al tercer any del regnat de Draco el Ximplet, successor de Gun el Feble. Pervingut a aquest punt de la meva història, he de doldre’m de la pèrdua d’una guia tan amable i tan segura.

    Durant els dos segles que seguiren, els pingüins restaren immersos en una anarquia sagnant. Totes les arts desaparegueren. Enmig de la ignorància general, els monjos, a l’ombra del claustre, es lliuraren a l’estudi i copiaven amb un zel infatigable les Santes Escriptures. Com que el pergamí era rar, grataren els vells manuscrits per transcriure-hi la paraula divina. Així hom veié florir, com un roserar, les bíblies al país dels pingüins.

    Un monjo de l’orde de sant Benet, Ernold el Pingüí, esborrà, ell sol, quatre-cents manuscrits grecs i llatins, per copiar-hi quatre mil vegades l’Evangeli de sant Joan. Així foren destruïdes en gran nombre les obres mestres de la poesia i de l’eloqüència antigues. Els historiadors són unànimes en reconèixer que els convents pingüins foren el refugi de les lletres a l’edat mitjana.

    Les guerres seculars dels pingüins i els morsuins omplen el final d’aquest període. És extremadament difícil de fer-se amb la veritat sobre aquestes guerres, no perquè ens manquin les històries, sinó perquè n’hi ha moltes. Els cronistes morsuins contradiuen en tots els punts els cronistes pingüins i, a més, els pingüins es contradiuen entre ells nogensmenys que els morsuins. He trobat dos cronistes que estaven d’acord, però l’un va copiar l’altre. Només un fet és cert, i és que les matances, les violacions, els incendis i els pillatges es succeïren sense interrupció.

    Sota el desgraciat príncep Bosco II, el reialme estigué a dos dits de la ruïna. Amb la nova que la flota morsuina, composta de sis-centes grans naus, estava a la vista d’Alca, el bisbe ordenà una processó solemne. El Capítol, els magistrats electes, els membres del Parlament i els clergues de la Universitat vingueren a cercar a la catedral el reliquiari de santa Orberose i la passejaren tot a l’entorn de la ciutat, seguits del poble en ple que cantava els himnes. La santa Patrona de la Pingüínia no fou invocada endebades: mentrestant els morsuins assetjaven la vila ensems per terra i per mar, la prengueren a l’assalt i, tres dies i tres nits durant, hi mataren, robaren, violaren i incendiaren amb la gran indiferència que l’habitud engendra.

    Mai admirarem prou que, durant aquestes llargues edats del ferro, la fe fos conservada intacta entre els pingüins. L’esplendor de la veritat cegava aleshores les ànimes que no estaven encara corrompudes pels sofismes. Això és el que explica la unitat de les creences. Una pràctica constant de l’Església contribuí sens dubte a mantenir aquesta sortosa comunitat dels fidels: hom cremava immediatament tot pingüí que pensés diferentment dels altres.

    Fou durant la minoritat del rei Gun que Johannes Talpa, monjo de Beargarden, compongué, a l’abadia en la que havia professat a l’edat d’onze anys i de la que no havia sortit ni un sol dia de la seva vida, les seves cèlebres cròniques llatines en dotze llibres: De Gestis Pinguinorum.

    El monestir de Beargarden aixeca les seves altes muralles al cim d’un pic inaccessible. Al seu entorn només s’hi contemplen les altes crestes blaves de les carenes tallades pels núvols.

    Quan començà a redactar les Gesta Pinguinorum, Johannes Talpa era ja vell. El bon monjo ha pres bona cura de fer-nos-ho saber en el seu llibre. “Ja fa temps —diu— que el meu cap ha perdut l’agençament dels seus rulls rossos i el meu crani s’ha fet semblant a aquests miralls de metall convexos que consulten tan afanyosament les dames pingüines. El meu cos, naturalment curt, amb els anys s’ha disminuït i encorbat. La meva barba blanca m’escalfa el pit.”

    Amb una ingenuïtat encantadora, Talpa ens informa de certes circumstàncies de la seva vida i d’alguns trets del seu caràcter. “Sortint —ens diu— d’una família noble i destinat des de la infantesa a l’estat eclesiàstic, hom m’ensenyà la gramàtica i la música. Aprenguí a llegir sota la disciplina d’un mestre que s’anomenava Amicus i que hauria estat més precís d’anomenar Inimicus. Com que jo no pervenia fàcilment a aprendre les lletres, ell em fuetejava amb violència, de manera que puc dir, en veritat, que m’imprimí l’alfabet amb traçats coents al cul.”

    Després Talpa confessa la seva natural inclinació a la voluptat. Vet aquí en quins termes expressius:

    Durant la meva joventut l’ardor dels meus sentits era tal que, sota l’ombra del bosc tenia la impressió de bullir dintre d’una caldera més aviat que no pas de respirar l’aire fresc. Fugia de les dones, però era endebades: n’hi havia prou en veure una campana o una ampolla per imaginar-me-les.

    Mentre que redactava la seva crònica, una guerra espantosa, ensems estrangera i civil, desolava la terra pingüina. Els soldats de Cruxa, vinguts per defensar el monestir de Beargarden contra els bàrbars morsuins, s’hi instal·laren sòlidament. A fi de fer-lo inexpugnable foradaren espitlleres als murs i arrancaren la teulada de plom de l’església, per a fondre bales de fona. A la nit, als patis i als claustres, encenien grans fogueres on rostien bous sencers enfilats amb velles branques de pi de la muntanya i, aplegats entorn de les flames, entre una fumera carregada d’olors de resina i de greix, esfondraven els barrils de vi i de cervesa. Llurs cants, llurs blasfèmies i el brogit de llurs baralles ofegaven el so de les campanes matinals.

    Per fi, els morsuins, havent travessat els colls, posaren setge al voltant del monestir. Eren guerrers del nord, vestits i armats de coure. Apuntalaven a les parets de roca escales de cent cinquanta tosses que, en la fosca i sota la tempesta, es trencaven pel pes dels cossos i de les armes i escampaven veritables raïms d’homes per les torrenteres i els precipicis. Hom oïa, enmig de les tenebres, com s’enfonsava una llarga clamor, i l’assalt començava de nou. Els pingüins llançaven rius de pega fosa damunt els assetjants que flamejaven com una torxa. Seixanta vegades els mosrsuins furiosos intentaren l’escalada; i seixanta cops foren rebutjats.

    Des de feia deu mesos tenien el monestir estretament rodejat, quan al sant dia de l’Epifania, un pastor de les valls els mostrà un senderó amagat pel qual enfilaren la muntanya, penetrant en els soterranis de l’abadia i s’escamparen pels claustres, les cuines, l’església, les sales capitulars, la llibreria, els rentadors, les cel·les, els refectoris, les sales de dormir; incendiaren, mataren i violaren sense tenir consideració ni d’edat ni de sexe. Els pingüins, bruscament desvetllats, corregueren a les armes; amb la mirada tèrbola d’ombres i d’espant, es colpejaven els uns als altres, mentre que els morsuins es disputaven entre ells a cops de destral, els vasos sagrats, els encensers, els canelobres, les dalmàtiques, els reliquiaris, les creus d’or i de pedreria.

    L’aire estava carregat d’una ferum agra de carn rostida; els crits de mort i els gemecs s’elevaven al mig de les flames i, per les voreres dels sostres mig enfonsats, milers de monjos corrien com formigues i queien a la vall.

    Mentrestant, Johannes Talpa escrivia la seva crònica. Els soldats de Cruxa, havent-se retirat a corre-cuita, taparen amb pilots de roques totes les sortides del monestir, a fi de tancar els morsuins dintre de l’edifici incendiat. I per esclafar l’enemic sota l’esfondrament de pedres de talla i panys de murs es servien, com d’ariets, de les soques de les més velles alzines. El fustam, abrusat, s’enfonsava amb un soroll de tro i les arcades sublims de les naus queien al xoc dels arbres gegants, balancejats per sis-cents homes a la vegada. Aviat no restà més de la rica i vasta abadia que la cel·la de Johannes Talpa, suspesa, per un meravellós atzar, a les restes d’un arc boterell fumat. El vell cronista escrivia encara.

    Aquesta admirable concentració de l’esperit pot tanmateix semblar exagerada en un analista que es dedica a explicar els fets ocorreguts al seu temps. Però per molt distret i deseixit que es sigui de les coses que ens volten, hom en sent la influència. He consultat el manuscrit original de Johannes Talpa a la Biblioteca Nacional, on és conservat, fons K. L. 6, 12.390 quater. És un manuscrit sobre pergamí de sis-cents vint-i-vuit fulls. L’escriptura és extremadament confosa; les lletres, enlloc de seguir una ratlla recta, es topen i cauen les unes damunt les altres en un desordre o, per dir-ho més exactament, en un tumult espantós. Són tan mal fetes que, la major part del temps és impossible no tan sols de reconèixer-les, sinó també de distingir-les dels esquitxos de tinta que s’hi barregen abundosament. Aquestes pàgines inestimables es ressenten així del desori enmig del qual foren escrites. La lectura se’n fa difícil. Per contra, l’estil del religiós de Beargarden no dóna senyals de la més petita emoció. El to de la Gesta Pinguinorum mai no s’aparta de la simplicitat. La narració hi és ràpida i d’una concisió que, de vegades, arriba a la sequedat. Les reflexions hi són rares i, en general, assenyades.

    Els crítics pingüins afirmen insistentment que, l’art pingüí es féu notar des de la seva naixença, per una originalitat potent i deliciosa i que fóra endebades cercar, fora d’ell, aquestes qualitats de gràcia i bon seny que caracteritzen les seves principals obres. Però els morsuins pretenen que els artistes llurs foren, des de sempre, els iniciadors i els mestres dels pingüins. Es fa difícil de jutjar qui té raó car, els pingüins, abans d’admirar llurs pintors primitius, en destruïren totes les obres.

    No és molt de doldre aquesta pèrdua. No vol dir que jo no la senti molt profundament, car sento una gran veneració per les antiguitats pingüines i professo el culte dels primitius.

    Són deliciosos. No dic que tots no s’assemblin, perquè no seria veritat del tot; però hi ha característiques que hom troba a totes les escoles, vull dir fórmules de les quals mai es desentenen i alguna cosa de ben acabat car, el que saben, s’ho saben de cor i de memòria. Sortosament hom pot formar-se una idea dels primitius pingüins veient els primitius italians, flamencs, alemanys i, pels primitius francesos que són superiors a tots els altres. Com diu el Sr. Gruyer, tenen més lògica, car la lògica és una qualitat especialment francesa. Fins i tot, si hom volgués negar-ho, hauríem d’admetre quant a França, que tingué la bona fortuna de seguir produint primitius, mentre que les altres nacions ja no en tenen. L’exposició dels primitius francesos al pavelló Marsan, l’any 1904, contenia varis petits quadrets contemporanis dels darrers Valois i d’Enric IV.

    He fet molts viatges per veure les pintures dels germans van Eyck, de Memling, de Rogier van der Weyden, del mestre de La mort de Maria, d’Ambrogio Lorenzetti i dels vells Ombriens. No fou, per tant, ni a Bruges, ni a Colònia, ni a Siena, ni a Perusa on vaig completar la meva iniciació; fou a la petita vila d’Arezzo on vaig convertir-me en un adepte conscient de la pintura ingènua. D’això deu fer deu anys i potser més. En aquells temps d’indulgència i simplicitat, els museus dels municipis, sempre tancats, s’obrien a qualsevol hora pels forestieri. Un vespre, una vella, amb una espelma, m’ensenyà per mitja lira, el sòrdid Museu d’Arezzo i vaig descobrir-hi una pintura de Margaritone, un Sant Francesc, la tristesa pietosa del qual em va arrancar les llàgrimes. Em va talment emocionar que, des d’aleshores, Margaritone d’Arezzo s’ha convertit en el meu primitiu més volgut.

    Imagino els primitius pingüins d’acord amb les obres d’aquest mestre. Per tant no serà balder que jo l’estudiï en aquest lloc amb una certa atenció, si no en el detall de les seves obres, almenys en el seu aspecte general i, per dir-ho així, el més representatiu.

    Posseïm cinc o sis quadres signats de la seva mà. La seva obra mestra, conservada a la National Gallery de Londres, representa la Verge asseguda en un tron i portant el Nen Jesús en braços. El que de moment us frapa en observar aquesta figura són les seves proporcions. El cos, des del coll fins als peus, només fa dues vegades l’altura del cap; és per això que sembla exageradament curt i massís. Aquesta obra no és menys remarcable per la pintura que pel dibuix. El gran Margaritone no disposava més que d’un petit nombre de colors i els utilitzava en tota llur puresa, sense trencar mai els tons. En conseqüència el seu colorit té més vivacitat que harmonia. Les galtes de la Verge i les de l’Infant són d’un xiroi vermelló que el vell mestre, amb una preferència ingènua per les definicions clares, ha col·locat en cada cara com dues circumferències tan exactes que semblen fetes amb un compàs.

    Un savi crític del segle XVIII, el clergue Lauzi, ha tractat les obres de Margaritone amb un profund menyspreu: “No són més que uns grollers ninots. En aquells temps malaventurats, hom no sabia ni dibuixar ni pintar.” Tal era el parer corrent entre els coneixedors llepafils. Però el gran Margaritone i els seus contemporanis aviat havien d’ésser venjats d’un tan cruel menyspreu. Nasqueren al segle XIX per les viles bíbliques i les hisendes reformistes de la pietosa Anglaterra, una multitud de petits Samuel i de petits sant Joan, arrissats com bitens, que es convertiren, vers 1840 i 1850, en savis amb ulleres i instituïren el culte dels primitius.

    L’eminent teoritzador del prerafaelitisme, Sir James Tuckett, no dubta en posar la Madona de la National Gallery al rengle de les obres mestres de l’art cristià. “En donar al cap de la Verge —diu Sir James Tuckett — un terç de l’alçària total de la figura, el vell mestre ha atret i retingut l’atenció de l’espectador vers les parts més sublims de la persona humana i especialment sobre els ulls que hom ha qualificat encertadament d’òrgans espirituals. En aquesta pintura, el colorit es conjuga amb el dibuix per a produir una impressió ideal i mística. El vermelló de les galtes no recorda l’aspecte natural de la pell; sembla, més aviat, que el vell mestre hagi aplicat a les cares de la Verge i de l’Infant, les roses del Paradís.”

    Hom endevina brillar, en aquesta crítica, per dir-ho així, com un reflex de l’obra que exalta. Amb tot, el seràfic esteta d’Edimburg, Mac Silly, ha expressat d’una manera més sensible encara i més colpidora, la impressió produïda en el seu esperit per aquesta pintura primitiva. “La Madona de Margaritone — diu el venerat Mac Silly— ateny el fi transcendent de l’art: inspira als espectadors, uns sentiments d’innocència i de puresa i els fa semblants a petits infants. I això és tan cert que, a l’edat de seixanta-sis anys, després d’haver tingut la joia de contemplar-la durant tres hores seguides, em sentí transformat de sobte en un tendre nadó. Mentre un cab se m’enduia a través de Trafalgar Square, jo bellugava el meu estoig de les ulleres, talment un bergansí, rient i barbotejant. I quan la minyona de la meva dispesa m’hagué servit el sopar, em vaig llençar dues cullerades de sopes a l’orella amb la ingenuïtat dels primers anys.

    És per tals efectes —afegeix Mac Silly— que hom reconeix l’excel·lència d’una obra d’art.”

    Margaritone, pel que conta Vasari, morí a l’edat de setanta-set anys “dolent-se de no haver viscut prou per a veure sorgir un nou art i com la fama coronava uns nous artistes”. Aquestes línies que he traduït literalment, inspiraren a Sir James Tuckett, les pàgines més fines, potser, de la seva obra. Formen part del Breviari dels estetes; tots els prerafaelites se les saben de cor. Vull traslladar-les aquí, són el més preciós ornament d’aquest llibre. Tothom està d’acord en reconèixer que res no s’ha escrit de més sublim després dels profetes d’Israel.

    LA VISIÓ DE MARGARITONE

    Margaritone, feixuc d’anys i de treballs, visitava un dia el taller d’un jove pintor instal·lat de nou a la ciutat. Li cridà l’atenció una Madona, encara fresca que, per bé que severa i rígida, mercès a certa exactitud en les proporcions i a un excessiu aiguabarreig d’ombres i de clarors, no feia més que adquirir relleu i un cert aire de vida. En veure això, l’ingenu i sublim artesà d’Arezzo descobrí, amb horror, l’avenir de la pintura.

    I murmurà amb el front entre les mans:

    —Quantes vergonyes em fa pressentir aquesta figura! Hi descobreixo la fi de l’art cristià que pinta les ànimes i inspira un ardent desig del Cel. Els pintors futurs no es limitaran pas com aquest, a recordar en un pany de paret o en un tros de fusta la maleïda matèria de la que estan fets els nostres cossos; la celebraran i la glorificaran. Revestiran llurs figures amb les perilloses aparences de la carn; i aquestes figures semblaran les de persones naturals. Hom els veurà el cos i llurs formes apareixeran a través de llurs vestimentes. Santa Magdalena tindrà pits, santa Marta un ventre, santa Bàrbara cuixes, santa Agnès anques (buttocks); sant Sebastià destaparà la seva gràcia adolescent i sant Jordi presumirà, dessota de l’arnès, amb la seva rica musculatura, d’una virilitat robusta; els apòstols, els confessors, els doctors i fins i tot el Pare Etern, apareixeran fets uns trempats, com vós i com jo. Els àngels aparentaran una beutat equívoca, ambigua, misteriosa que torbarà els cors. Quin desig del Cel us procuraran unes tals representacions? Cap; però hi aprendreu a gustar les formes de la vida terrena. On es deturaran els pintors en llurs recerques indiscretes? No hi haurà qui els deturi. Arribaran a ensenyar-nos els homes i les dones nus com els ídols dels romans. Hi haurà un art profà i un art sagrat, i l’art sagrat no serà menys profà que l’altre.

    —Enrere, dimonis! —cridà el vell mestre.

    Car, en una visió profètica, descobria els justos i els sants traçats semblants a atletes malenconiosos, descobria els Apol·los tocant el violí, als cims florits, enmig de les Muses de túnica lleugera; descobria les Venus ajagudes sota les murtes ombrives i les Danaes exposant a la pluja d’or llurs flancs delitosos; descobria els Jesús entre les columnates, entre patricis, dames rosses, músics, patges, negres, gossos i papagais; descobria en un entrecreuament inextricable de membres humans, d’ales desplegades i de draperies que voleiaven, les Nativitats tumultuoses, les Sagrades Famílies opulentes, les Crucifixions emfàtiques; descobria les santes Caterines, les santes Bàrbares, les santes Agnès, humiliant els patricis per la sumptuositat de llurs velluts, llurs brocats, llurs perles i per l’esplendor de llur pit. Descobria les Aurores escampant llurs roses i la multitud de Dianes i de nimfes sorpreses, nues, vora les fontanes ombroses.

    I el gran Margaritone morí ofegat per aquest pressentiment horrible de la Renaixença i de l’escola de Bolonya.

    Posseïm un preciós monument de la literatura pingüina del segle XV. És la relació d’un viatge als inferns empresa pel monjo Marbode, de l’orde de sant Benet, que sentia pel poeta Virgili una admiració fervorosa.

    Aquesta relació, escrita en un llatí bastant bo, ha estat publicada pel Sr. Du Clos des Lunes. Hom la trobarà aquí, per primer cop traduïda en francès. Crec que estic fent un gran servei als meus compatriotes fent-los conèixer aquestes pàgines que, no hi ha cap dubte que no són úniques en llur gènere dins la literatura llatina de l’edat mitjana. Entre les ficcions que se li assemblen, citarem El viatge de sant Brendan, La visió d’Alberic, El purgatori de sant Patrici, descripcions imaginàries del sojorn suposat dels morts, a la manera de la Divina comèdia de Dante Alighieri.

    Entre totes les obres compostes sobre aquest tema, la relació de Marbode és una de les més tardanes; però no de les menys singulars.

    EL DESCENDIMENT DE MARBODE ALS INFERNS

    A l’any 1453 després de l’Encarnació del Fill de Déu, pocs dies abans que els enemics de la Creu entressin a la ciutat d’Elena i del gran Constantí, em fou permès a mi, germà Marbode, monjo indigne, de veure i oir el que ningú encara mai no havia vist ni oït.

    He compost d’aquestes coses una relació fidel a fi que la memòria no se’n perdi amb mi, car el temps de l’home és curt.

    El dia primer de maig de l’any citat, a l’hora de vespres, a l’abadia de Corrigan, assegut sobre una pedra del claustre, vora la font coronada d’englantines, jo llegia com d’habitud, algun cant del poeta que jo estimo més que tots, Virgili, que ha cantat els treballs de la terra i dels pastors. La tarda penjava els seus plecs de porpra als arcs del claustre i jo mormolejava amb veu emocionada, els versos que ensenyen com Dido, la Fenícia, passeja entre les murtes dels inferns la seva ferida encara fresca. En aquest moment, el germà Hilari passà vora meu, seguit del germà Jacint, el porter.

    Nodrit en època bàrbara, abans de la resurrecció de les Muses, germà Hilari no està iniciat en el coneixement dels antics; amb tot, la poesia del mantuà és com una torxa subtil que vessa certa claredat a la seva intel·ligència.

    —Germà Marbode —em preguntà—, ¿aquests versos que així sospireu, amb el pit inflat i els ulls lluents, pertanyen a aquesta gran Eneida, de la qual, del matí al vespre, no n’aparteu els ulls?

    Li respongué que llegia el tros de Virgili en el qual, el fill d’Anquises percebé Dido, igual a la lluna quan apareix entre la fullareda6.

    —Germà Marbode —replicà—, estic segur que Virgili expressa, en tota ocasió, màximes sapients i pensaments profunds. Però els cants que modulà amb la flauta siracusana són d’un bell sentit i d’una tan alta doctrina, que hom en resta astorat.

    —Aneu alerta, pare meu —exclamà germà Jacint amb veu emocionada—. Virgili era un màgic que feia prodigis amb l’ajuda dels diables. Fou així com foradà una muntanya vora de Nàpols i que fabricà un cavall de bronze que tenia el poder de guarir tots els cavalls malalts. Era un necromàntic i encara ara s’ensenya en certa vila d’Itàlia, el mirall al que feia aparèixer els morts. I, amb tot, una dona enganyà aquest gran bruixot. Una cortesana napolitana l’invità, des de la finestra, a enfilar-se fins a ella dins d’un paner que servia per muntar les provisions, i el deixà tota la nit penjat entre dos estatges.

    Com si no l’hagués oït, germà Hilari replicà:

    —Virgili és un profeta; un profeta que deixà ben enrere les sibil·les amb llurs càntics sagrats, igual que la filla del rei Príam, i el gran endevinador de les coses futures, Plató d’Atenes. En el quart dels seus cants siracusans, hi trobareu el naixement de Nostre Senyor, anunciat en un llenguatge que més sembla del Cel que de la Terra7.

    Quan jo estudiava, en llegir per primera volta Jam redit et virgo, em sentí immers en un sortilegi infinit; però immediatament vaig experimentar un gran dolor en pensar que, privat per sempre de la presència de Déu, l’autor d’aquest cant profètic, el més bell que hagi sortit de llavis humans, llanguia entre els gentils en les eternes tenebres. Aquest pensament cruel no em deixava. Em perseguia fins i tot en els meus estudis, les meves pregueres, les meves meditacions i els meus treballs ascètics. Pensant que Virgili estava privat de la presència de Déu i que era possible que fins i tot sofrís als inferns la sort dels rèprobes, no podia gaudir de joia ni repòs i em succeïa que, diversos cops al dia, exclamava aixecant els braços al cel:

    —Reveleu-me, Senyor, la sort reservada a aquell que sabé cantar damunt la Terra com els àngels canten al Cel!

    Les meves angoixes finiren al cap d’uns anys, quan vaig llegir en un llibre antic, que el gran apòstol que cridà els gentils a l’Església de Crist, sant Pau, havent anat a Nàpols, santificà amb les seves llàgrimes la tomba del príncep dels poetes8. Això em permeté de creure que Virgili, igual que l’emperador Trajà, fou admès al Paradís, per haver tingut en l’error, el pressentiment de la veritat. No és obligatori creure-ho, però m’és agradós d’estar-ne convençut.

    Havent així parlat, el vell Hilari em desitjà la pau d’una santa nit i s’allunyà amb el germà Jacint.

    Jo vaig seguir el deliciós estudi del meu poeta. Mentre que amb el llibre a la mà, meditava com aquells que Amor féu morir d’un mal cruel segueixen els senders secrets al fons de la boscúria de murta, el reflex de les estrelles vingué a barrejar-se tremolant amb les englantines desfullades damunt l’aigua de la fontana claustral. De cop, les lluïssors, els perfums i la pau del cel es feren més pregons. Una monstruosa gropada, carregada d’ombres i d’oratge, caigué damunt meu rugint, m’aixecà i se m’emportà com un bri de palla per damunt dels camps, les viles, els rius i les muntanyes, a través de núvols tronadors, durant una nit feta d’un llarg seguici de nits i de dies. I, quan després d’aquesta constant i cruel ràbia, l’huracà s’apaivagà per fi, em trobí lluny del mau país nadiu, al fons d’una vall rodejada de xiprers. Aleshores una dona d’una beutat esquerpa i arrossegant grans vels se’m va apropar. Em posà la mà esquerra damunt l’espatlla i, aixecant el braç dret vers una alzina d’espès fullatge:

    —Mira! —digué.

    De seguida reconeguí la sibil·la que guarda el bosc secret de l’Avern i vaig endevinar, entre les branques espesses de l’arbre que el seu dit em mostrava, el bell branquilló d’or amorós de la bella Prosèrpina.

    I, havent-me posat dempeus, vaig exclamar:

    —Així doncs, oh verge profètica, endevinant el meu desig has volgut satisfer-lo. M’has revelat l’arbre que guarda el branquilló resplendent sense el qual ningú no pot entrar viu a la mansió dels morts. És veritat que jo desitjava ardentment, conversar amb l’ombra de Virgili.

    Havent dit això, vaig arrencar del tronc antic el branquilló d’or, llançant-me sense temença a l’abís fumejant que condueix a les riberes fangoses de l’Estix, on voltegen les ombres talment com fulles mortes.

    En veure el branquilló dedicat a Prosèrpina, Caront em prengué a la barca que es planyé sota el meu pes i vaig abordar la platja dels morts acollit pels lladrucs silents del triple Cèrber. Vaig jugar a llançar-li l’ombra d’una pedra i el monstre va, s’amagà en el seu antre. Entre els joncs s’oïa el vagit dels nins, els ulls dels quals s’obriren i es clogueren al mateix temps a la dolça clariana del dia. Allí, al fons d’una caverna fosca, Minos jutja els humans. Vaig endinsar-me pel bosc de murtes on romanen llangoroses les víctimes de l’Amor: Fedra, Procris, la trista Erifila, Evadne, Pasífae, Laodàmia i Cenis, i Dido, la Fenícia. Després vaig creuar els camps polsosos, reservats als guerrers il·lustres. Més enllà, s’obren dues rutes: la de l’esquerra condueix al Tàrtar, sojorn dels impius. Vaig prendre la de la dreta, que mena a l’Eliseu i a les estances de Dis. Després de suspendre el ramell sagrat a la porta de la deessa, pervinguí a uns camps jolius, amarats d’una claror porprada. Greument les ombres dels filòsofs i els poetes hi conversaven. Les Gràcies i les Muses, damunt l’herba, formaven llurs cors lleugers. Acompanyant-se amb la seva lira rústega, el vell Homer cantava. Els seus ulls eren closos, però als seus llavis hi resplendien imatges divines. Vaig veure Soló, Demòcrit i Pitàgores que assistien, a la prada, als jocs de la jovenalla i vaig veure, a través del fullatge d’un antic llorer, Hesíode, Orfeu el melangiós, Eurípides i la mascle Safo. En passar vaig reconèixer, asseguts a la vora d’un rierol fresquívol, el poeta Horaci, Vari, Gal i Lícoris. Una mica apartat, Virgili, recolzat al tronc d’un coscoll obscur, pensívol, esguardant el bosc. D’alta estatura i cintura minsa, tenia encara aquella cara endurida, aquell aire rústec, aquella aparença inculta que, mentre visqué, amagava el seu geni. El vaig saludar devotament i, per llarg temps, vaig restar sense paraula.

    Per fi, quan se’m desféu el nus de la gola i poguí parlar:

    —Oh tu, tan car a les Muses ausonianes, honra del món llatí, Virgili! —vaig exclamar—. És mercès a tu que jo he sentit la beutat; és gràcies a tu que he conegut la taula dels déus i el llit de les deesses. Accepta les lloances del més humil dels teus adoradors.

    —Aixeca’t estranger —em respongué el diví poeta—. Reconec en tu un vivent per l’ombra que el teu cos estén damunt l’herba en aquesta tarda eterna. No ets pas tu el primer humà que ha davallat abans de la seva mort en aquest sojorn, per més que entre nosaltres i els vivents tot comerç sigui difícil. Però deixa de lloar-me: no em plauen els elogis; el brogit tèrbol de la glòria sempre ha ofès les meves oïdes. Fou per això que, fugint de Roma, on era massa conegut dels tafaners i vagarosos, he treballat en la solitud de la meva estimada Partènope. I a més, per trobar gust a les teves lloances, no estic prou segur que els homes del teu segle comprenguin els meus versos. Tu, qui ets?

    —Em dic Marbode, del reialme d’Alca. He professat a l’abadia de Corrigan. Llegeixo els teus poemes de dia i de nit. És a tu que he vingut a veure als Inferns. Estava impacient per conèixer la teva sort. Damunt la Terra, els doctes, sovint la discuteixen. Els uns tenen per extremament probable que havent viscut sota el poder dels diables, cremis ara enmig de les flames inextingibles; d’altres, millor instruïts, no gosen pronunciar-se, creient que tot quan hom diu dels morts és incert i ple de mentides. Molts, no per cert entre els més hàbils, sostenen que, per haver elevat el to de les Muses sicilianes i anunciat que una nova progenitura davallaria dels Cels, tu fores admès, com l’emperador Trajà, a gaudir del Paradís cristià de la beatitud eterna.

    —Tu veus que no hi ha res d’això —respongué l’ombra somrient.

    —Et reconec en efecte, oh Virgili, entre els herois i els savis, en aquests Camps Elisis que tu mateix has descrit. Així doncs, contràriament al que molts creuen damunt la Terra, ningú no t’ha vingut a cercar de la part d’Aquell que regna a les altures?

    Després d’un llarg silenci:

    —Res no t’amagaré. Ell em féu cridar; un dels seus missatgers, un home senzill, vingué a dir-me que hom m’esperava i que, encara que no estigués iniciat en llurs misteris, en consideració als meus cants profètics, un lloc m’era reservat entre els de la seva secta. Però jo vaig rebutjar d’acceptar aquesta invitació; no tenia cap ganes de canviar de lloc. No és que jo comparteixi l’admiració dels grecs pels Camps Elisis i que jo hi gaudeixi de les joies que fan perdre a Prosèrpina el record de la seva mare. Mai n’he cregut gaire del que, jo mateix, n’he dit en la meva Eneida. Instruït pels filòsofs i els físics, tenia un just pressentiment de la veritat. La vida als Inferns és extremosament disminuïda; hom no hi sent ni pena ni glòria; hom és com si no fos. Els morts no tenen més existència que aquella que els hi suposen els vivents. De totes maneres, prefereixo romandre-hi.

    —Però tu, Virgili, quina raó donares per un rebuig tan estrany?

    —En doní d’excel·lents. Diguí a l’enviat del Déu que jo no mereixia l’honor que m’aportava, i que hom atribuïa als meus versos un sentit que no comportaven. En efecte, jo no he traït en la meva quarta ègloga, la fe dels meus passats. Només uns jueus ignorants han pogut interpretar a favor d’un déu bàrbar un cant que celebra el retorn de l’edat d’or, predit pels oracles sibil·lins. Vaig excusar-me, doncs, d’ocupar un lloc que m’era destinat per error i pel qual no em sentia amb cap dret. Vaig al·legar, de més, el meu humor i els meus gustos que no s’acorden amb els costums dels nous Cels.

    ”No és que jo sigui insociable —diguí a aquest home—; en la vida m’he mostrat d’un caràcter dolç i senzill. Encara que la simplicitat extrema de les meves habituds m’ha fet sospitós d’avarícia, res no guardava per a mi sol; la meva biblioteca estava oberta a tots i he conformat la meva conducta a aquesta bella paraula d’Eurípides: “Tot ha d’ésser comú entre amics.” Les lloances que m’eren enutjoses quan les rebia, esdevenien agradoses quan s’adreçaven a Vari o a Macer. Però, en el fons, sóc rústec i salvatge, m’agrada la companyonia de les bèsties; he posat tanta cura en observar-les, m’he preocupat tant d’elles que era tingut, i no del tot erradament, per un bon veterinari. Hom m’ha dit que les gents de la vostra secta s’atribueixen una ànima immortal i en neguen una als animals: és una manca de bon seny que em fa dubtar de llurs raons. M’agraden els ramats i tal volta una mica massa el pastor. Això no fóra ben vist entre vosaltres. Hi ha una dita a la que jo procurava conformar els meus actes: res de massa. Més encara que la meva feble salut, la filosofia m’ensenyava a usar les coses amb mesura. Sóc sobri: un enciam i unes olives, amb una gota de Falerne, componien el meu àpat. Vaig visitar moderadament el llit de les fembres estrangeres i no m’he atardat en desmesura a beure per les tavernes, a dansar al so del cròtal la jove siriana9. Però si he contingut els meus desitjos, això fou per la meva satisfacció i per la bona disciplina; témer el plaer i defugir la voluptat m’hauria semblat el més abjecte dels ultratges que hom pot fer a la natura. Hom m’assegura que, durant llur vida, alguns d’entre els elegits del teu Déu s’abstenen de menjar i fugen les dones per amor a la privació i que s’exposen voluntàriament a inútils sofrences. Temeria trobar-me amb aquests criminals el frenesí dels quals em fa horror. No s’ha de demanar a un poeta que es subjecti massa estrictament a una doctrina física o moral; sóc romà per altra banda, i els romans no saben, com els grecs, conduir subtilment les especulacions profundes. Si ells adopten una filosofia, és més que res per a treure’n avantatges pràctics. Siró, que gaudia entre nosaltres d’una alta anomenada, en ensenyar-nos el sistema d’Epicuri, ens alliberà de vanes terrors i ens alliberà de les crueltats de les que la religió convenç els homes ignorants. He après de Zenó a suportar amb constància els mals inevitables; he adoptat les idees de Pitàgores sobre les ànimes dels homes i dels animals, que són, les unes i les altres, d’essència divina, cosa que ens convida a esguardar-nos sense orgull i sense vergonya. He après dels alexandrins que la terra, abans flonja i dúctil, s’afermà a mesura que Nereu se’n separava per a enfondir els seus humits sojorns; com insensiblement es formaren les coses; de quina manera, caient dels núvols alleugerits, les pluges nodrien les boscúries silencioses i per quin progrés a la fi, rars animals començaren a errar per les muntanyes indomables. No podria habituar-me a la vostra cosmogonia, feta més aviat per als camellers de les arenes de Síria que per a un deixeble d’Aristarc de Samos. ¿I què fóra de mi en el sojorn de la vostra beatitud, si no hi trobava els meus amics, els meus avantpassats, els meus mestres i els meus déus i si no em fos permès de veure-hi el fill august de Rea, Venus, la del dolç somriure, mare de les Ennèades, Pan, les joves dríades, els Silvans i el vell Silè empastifat per Egle amb la porpra de les móres?

    Vet aquí les raons que vaig pregar a aquest home senzill que fes valdre davant del successor de Júpiter.

    —I, des d’aleshores, oh gran ombra, no has rebut cap més missatge?

    —No n’he rebut cap.

    —Per conhortar-se de la teva absència, Virgili, tenen tres poetes: Commodià, Prudenci i Fortunat, que nasqueren tots tres en jorns tenebrosos en què hom ja no sabia ni la prosòdia ni la gramàtica. Però digue’m, oh mantuà, no reberes mai altres noves del Déu del que tan deliberadament refusares la companyia?

    —Mai, que me’n recordi.

    —No m’has dit que jo no era el primer que, davallat vivent en aquests sojorns, s’ha presentat davant teu?

    —Tu m’hi fas pensar. Fa un segle i mig, segons em sembla (a les ombres ens és difícil de comptar els dies i els anys), vaig ésser torbat en ma profunda pau, per un estrany visitant. Quan jo errava sota els lívids fullatges que voregen l’Estix, vaig veure dreçar-se davant meu una forma humana més opaca i més ombrívola que aquelles que habiten aquelles ribes; reconeguí un vivent. Era d’alta talla, magre, el nas aquilí, la barba punxeguda, les galtes enfonsades; els seus ulls negres llençaven flames; un barretó roig, cenyit d’una corona de llorer, estrenyia les seves temples descarnades. Els seus ossos foradaven la túnica estreta i bruna que li arribava als talons. Em saludà amb una deferència que descobria un aire d’orgull salvatge i m’adreçà la paraula en un llenguatge més incorrecte i més obscur que el dels gals dels que el diví Juli omplí les legions i la cúria. Vaig arribar a comprendre que havia nascut vora de Fiesole, en la colònia etrusca fundada per Sul·la al llindar de l’Arno i esdevinguda pròspera; que havia obtingut les honors municipals, però que, havent esclatat desordres sagnants entre el Senat, els cavallers i el poble, ell s’hi havia llençat amb cor lleuger i que, ara, vençut i desterrat, s’arrossegava pel món en un llarg exili. Em pintà Itàlia destrossada per més desacords i guerres que en temps de la meva joventut i sospirant per l’arribada d’un nou August. Vaig plànyer la seva desgràcia recordant les que, en altres temps jo havia sofert.

    ”Un ànim agosarat l’agitava sense parar i el seu esperit nodria amples projectes, però ai las, per la seva rudesa i la seva ignorància era un testimoni del triomf de la barbàrie. No coneixia ni la poesia, ni la ciència, ni tan sols la llengua dels grecs i no posseïa sobre l’origen del món i la naturalesa dels déus cap tradició antiga. Recitava greument unes faules que, en el meu temps, a Roma, haurien fet riure els petits infants que encara no pagaven per entrar als banys. El vulgar creu fàcilment en els monstres. Els etruscs principalment, han poblat els Inferns de dimonis repulsius, semblants al somni d’un malalt. Que les imaginacions de llur infantesa no els hagin abandonat després de tants segles és el que explica la continuació i el progrés de la ignorància i la misèria, i que un de llurs magistrats, l’esperit del qual excel·leix per damunt la mesura comuna, comparteixi les il·lusions populars i s’esfereeixi d’aquests dimonis horrorosos que, en temps de Porsena, els habitants d’aquesta terra pintaven sobre els murs de llurs tombes, vet aquí la cosa de la que el savi mateix pot entristir-se. El meu etrusc em recità uns versos compostos per ell, en un dialecte nou, que ell anomenava la llengua vulgar, i dels que jo no vaig poder comprendre el sentit. Les meves orelles foren més sorpreses que meravellades d’oir que, per marcar el ritme, repetia, a intervals regulars, tres o quatre vegades el mateix so. Aquest artifici no em sembla gens enginyós; però no escau pas als morts el jutjar les novetats.

    ”Per altra banda, que aquest colon de Sul·la, nascut en temps desgraciats, faci versos inharmoniosos, que sigui, si és possible, tan mal poeta com Bavi i Maevi, no és d’això del que li faré retret. Tinc contra d’ell queixes que m’afecten més de prop. Cosa veritablement monstruosa i gairebé increïble! Aquest home, de retorn a la Terra, hi escampà a propòsit meu, odioses mentides. Afirmà, en diferents indrets dels seus poemes salvatges, que jo li havia servit de company en el modern Tàrtar, que jo no conec; publicà insolentment que jo havia tractat els déus de Roma de déus falsos i mentiders i que havia tingut per veritable Déu l’actual successor de Júpiter. Amic meu, quan de retorn a la dolça llum del dia, veuràs de nou la teva pàtria, desmenteix aquestes faules abominables; digues clarament al teu poble que el cantor del pietós Enees no ha encensat mai el Déu dels jueus…

    ”Hom m’assegura que el seu poder declina i que hom reconeix per senyals segures, que la seva caiguda és propera. Aquesta nova em causaria certa joia si hom pogués alegrar-se en aquest sojorn on hom no sent ni temença ni desig.

    Així digué i, amb un gest de comiat, s’allunyà. Vaig contemplar la seva ombra que lliscava damunt dels asfòdels sense corbar llurs tiges; vaig veure que devenia més tènue i més vaga a mesura que s’allunyava de mi; s’esvaí abans d’arribar al bosc de llorers, sempre verdejants. Aleshores vaig comprendre el sentit de les seves paraules: “Els morts no tenen més vida que aquella que els suposen els vivents”, i vaig encaminar-me, pensatiu, a través de la prada pàl·lida fins a la porta de corn.

    Jo afirmo que, tot el que es diu en aquest escrit, és veritable10.

    Quan la Pingüínia estava encara sotmesa a la ignorància i la barbàrie, Gilles Loisellier, frare franciscà, conegut pels seus escrits amb el nom d’Aegidius Aucupis, s’aplicava amb un afany infatigable a l’estudi de les lletres i les ciències. Dedicava les seves nits a les matemàtiques i a la música que ell anomenava les dues adorables germanes, filles harmonioses del Nombre i de la Imaginació. Era versat en medicina i astrologia. Hom el tenia per sospitós de practicar la màgia i sembla que és veritat que practicava certes metamorfosis i descobria les coses amagades.

    Havent trobat els frares del seu convent en la seva cel·la, llibres grecs que ells no podien llegir, s’imaginaren que eren logogrifs i denunciaren com a bruixot, llur germà massa savi. Aegidius Aucupis fugí i arribà a l’illa d’Irlanda on visqué trenta anys dedicats a l’estudi. Anava de monestir en monestir a la recerca de manuscrits grecs i llatins que s’hi trobaven amagats, i en feia còpies. Així estudiava la física i l’alquímia. Adquirí una ciència universal i descobrí, especialment, secrets sobre els animals, les plantes i les pedres. Hom el sorprengué un dia tancat amb una fembra perfectament bella que cantava acompanyant-se d’un llaüt i que més tard, hom reconegué ésser una màquina que ell havia construït amb les seves mans.

    Creuava sovint el mar d’Irlanda per anar al país de Gal·les i visitar-hi les llibreries dels monestirs. Durant una d’aquestes travessies, mentre s’estava a la nit al pont del navili, veié sota les aigües dos esturions que nedaven en bona companyia. Tenia l’orella fina i coneixia el llenguatge dels peixos. De manera que oí com un dels esturions deia a l’altre:

    —L’home que es veia des de fa molt temps a la Lluna, portant garbes a l’esquena, ha caigut al mar.

    I l’altre esturió respongué:

    —I hom veurà en el disc d’argent, la imatge de dos amants que es besen a la boca.

    Alguns anys més tard, de retorn al seu país, Aegedius Aucupis hi trobà les lletres antigues restaurades, les ciències altre cop honorades. Els costums es suavitzaven, els homes ja no perseguien amb llurs ultratges les nimfes de les fonts, dels boscos i de les muntanyes: col·locaven en llurs jardins les imatges de les Gràcies honestes i retien a la Deessa dels llavis d’ambrosia, voluptat d’homes i déus, les antigues honres. Es reconciliaven amb la natura, trepitjaven els fútils terrors i aixecaven els ulls al cel sense temor de llegir-hi, com en altres temps, senyals de còlera i amenaces de condemnació. Aquest espectacle recordà a Aegidius Aucupis en el seu esperit, allò que havien anunciat els dos esturions de la mar d’Erin.

    LLIBRE QUART

    ELS TEMPS MODERNS

    TRINCO

    Aegidius Aucupis, l’Erasme dels pingüins, no s’havia errat; el seu temps fou el del lliure examen. Però aquest gran home prenia per suavitat de costums les elegàncies dels humanistes i no preveia els efectes del desvetllament de la intel·ligència entre els pingüins. Introduí la Reforma religiosa: els catòlics feren una degolladissa de reformats; els reformats una degolladissa de catòlics. Tals foren els primers progressos de la llibertat de pensament.

    A Pingüínia, aguantaren els catòlics. Però l’esperit del lliure examen, sense adonar-se’n, els havia posseït. Associaren la raó a la creença i pretengueren netejar la religió de les pràctiques supersticioses que la deshonoraven, tal com més tard hom arrencà de les catedrals les barraques que els sabaters i revenedors hi havien enganxat. El mot llegenda, que d’antuvi indicava el que els fidels havien de llegir, implicà aviat la idea de faules pietoses i contes puerils.

    D’aquest estat d’esperit, en patiren els sants i les santes. Un petit canonge que, per altra banda, era molt savi, molt auster i molt rabiüt i que es deia Princeteau, n’assenyalà un tan gran nombre que eren indignes d’ésser enaltits, que hom el motejà de rebenta-sants. No creia que l’oració de santa Margarida, aplicada com un pegat sobre la panxa de les parteres, calmés els dolors de l’infantament.

    La venerable Patrona de la Pingüínia tampoc no es lliurà de la seva crítica severa. Vet aquí el que en diu en les seves Antiguitats d’Alca:

    No hi ha res més incert que la història i, fins i tot l’existència, de santa Orberose. Un vell tractadista anònim, el monjo de les Dombes, explica que una dona que es deia Orberose fou posseïda pel Dimoni en una cova on, encara en el seu temps, els xicotots i les mossotes del poble, com en una mena de joc que s’havien inventat, hi venien a fer el Diable i la bella Orberose. Afegeix que aquesta dona es convertí en la concubina d’un horrible dragó que assolava la contrada. Això no és gaire creïble, però la història d’Orberose, tal com després ha estat contada, no sembla gaire més digna de fe.

    La vida d’aquesta Santa, pel clergue Simplicissimus, fou escrita tres-cents anys després dels fets que conta. L’autor sembla crèdul en excés i sense cap sentit crític.

    La sospita afecta inclús els orígens sobrenaturals dels pingüins. L’historiador Ovidius Capito arriba fins a negar el miracle de llur transformació. Així comencen els seus Anals de Pingüínia:

    Una espessa obscuritat envolta aquesta història i no és exagerat de dir que fou ordida per faules puerils i contes populars. Els pingüins pretenen ésser descendents dels ocells batejats per sant Maël i que Déu canvià en homes per intercessió d’aquest gloriós apòstol. Expliquen que llur illa, situada primer a l’oceà glacial, flotant com la de Delos, havia vingut a raure a aquestes mars visitades pel sol i de les quals és ara la reina. Suposo que aquest mite és un record de l’antiga migració dels pingüins.

    Al segle següent, que fou el dels filòsofs, l’escepticisme es féu més intens. N’hi ha prou, com a prova, amb aquest passatge cèlebre de l’Assaig moral:

    Arribats de no se sap on (car en veritat llurs orígens no són gaire clars), successivament envaïts i conquerits per quatre o cinc pobles del migdia, de ponent, de llevant, i del septentrió; creuats, mestissos, amalgamats i barrejats, els pingüins es vanten de la puresa de llur raça i tenen raó, car han acabat per constituir una raça pura. Aquesta barreja de totes les humanitats, roja, negra, groga, blanca, caps rodons i caps allargassats, a través dels segles, ha format una família humana suficientment homogènia i identificable per certes característiques formades per la comunitat de la vida i els costums.

    Aquesta dèria que pertanyen a la raça més bella del món i que ells constitueixen la més bella de les famílies, els inspira un noble orgull, una valentia indomtable i un odi contra tot el gènere humà.

    La vida d’un poble no és més que un seguit de misèries, de crims i de follies. Això és exacte tant parlant de la nació pingüina com de qualsevulla altra nació. A part d’això, la seva història és admirable d’un cap a l’altre.

    Durant els dos segles clàssics els pingüins són massa coneguts perquè calgui insistir. Però el que no havia estat prou observat és la manera com els teòlegs racionalistes, tals com el canonge Princeteau, feren néixer els incrèduls del segle següent. Els primers es serviren de llur raonament per a destruir tot el que hi havia en la religió i que no els semblava essencial; només deixaren intactes els estrictes articles de fe. Llurs successors intel·lectuals, ensenyats per ells a fer ús de la ciència i el raonament, se’n serviren per a destruir el que restava de creences; la teologia raonable engendrà la filosofia natural.

    És per això que (si se’m permet passar dels pingüins d’altre temps al sobirà pontífex que governa avui dia l’Església universal) mai admirarem prou el bon seny del papa Pius X que condemna els estudis d’exegesi com a enemics de la veritat revelada, funestos per a la bona doctrina teològica i mortalles de la fe. Si es troben religiosos per sostenir en contra seu els drets de la ciència, és que es tracta de doctors perniciosos i mestres pestilents i, si algun cristià els aprova, a menys que no sigui un capsigrany, us puc assegurar que es tracta d’un protestant.

    A la fi del segle dels filòsofs, l’antic règim dels pingüins fou destruït de dalt a baix, el rei assassinat, els privilegis de la noblesa abolits, i la República proclamada enmig del desori, sota el jou d’una guerra terrible. El Parlament que governava aleshores els pingüins ordenà que tots els objectes de metall que hi havia a les esglésies fossin fosos. Els patriotes violaren les tombes dels reis. Hom contà que, obert el seu sarcòfag, Draco el Gran aparegué negre com el banús i, tan majestuós, que els violadors fugiren espantats. Segons altres testimonis, uns homes grollers li posaren una pipa a la boca i li oferiren, mofetes, un vas de vi.

    El dissetè dia del mes de les flors, el reliquiari de santa Orberose, exposat feia cinc segles a l’església de sant Maël, a la veneració dels fidels, fou transportat a la casa de la vila i sotmès als experts designats pel Comú. Era de coure daurat, de forma de nau, tot cobert d’esmalts i ornat de pedreries que es tingueren per falses. Per precaució, el Capítol n’havia tret els robins, els safirs, les maragdes i les grans boles de cristall de roca i els havia substituït per culs de got. No contenia més que pols i vells pellingots que hom llençà en una gran foguera encesa al mig de la plaça de la Grève per a cremar-hi les relíquies dels sants. El poble ballava al seu voltant, cantant cançons patriòtiques.

    Des de la porta de la seva barraca, adossada a casa de la vila, el Rouquin i la Rouquina miraven aquella rotllana d’insensats. El pèl de panotxa esquilava els gossos, capava els gats i es passava el dia per les tavernes. La Rouquina era adobacadires i alcavota i no li mancava senderi.

    —Ja ho veus, Rouquin —digué al seu home—: estan fent un sacrilegi. Se’n penediran.

    —No hi entens res, dona —respongué el Rouquin—; s’han fet filòsofs i, quan hom es fa filòsof, és per a tota la vida.

    —T’asseguro Rouquin que, tard o d’hora, es penediran del que estan fent. Maltracten els sants que no els en feien prou cas; però no per això lligaran els gossos amb llonganisses. Seran uns pelats com abans i, quan es cansin d’ensenyar les vergonyes, tornaran a ésser devots. Vindrà un dia, i més aviat del que es pensen, en què la Pingüínia tornarà a honorar la seva Patrona. Rouquin, pensant en aleshores, estaria bé que guardéssim a casa, dintre d’un pot, un grapat de cendra, uns quants ossos i uns drapots. Direm que són les relíquies de santa Orberose que hem salvat de les flames amb perill de la vida. Molt m’equivoco si no n’hem de treure honra i profit. Aquesta bona acció ens podrà valdre per a la vellesa, que el senyor rector ens encarregui de vendre ciris i de llogar cadires a la capella de santa Orberose.

    Aquell mateix dia, la Rouquina recollí del fogó un grapat de cendra i alguns ossos rosegats i els posà a dalt de l’armari, en un pot vell de confitura.

    La nació sobirana havia pres de nou les terres a la noblesa i al clericat per a vendre-les sota preu a la burgesia i als pagesos. Els burgesos i la pagesia entengueren que la revolució estava bé per adquirir les terres però que no servia per a conservar-les.

    Les legislatures de la República feren lleis terribles per a la defensa de la propietat i decretaren la mort contra qualsevol que proposés el repartiment de béns. Però això no ajudà gens la República. Els pagesos, convertits en propietaris, s’adonaren que, en enriquir-los, havia portat el desordre a les fortunes i desitjaren un règim més respectuós de la propietat privada i més capaç d’assegurar l’estabilitat de les noves institucions.

    No hagueren d’esperar molt temps. La República, igual que Agripina, portava als flancs el seu assassí.

    Havent de sostenir grans guerres, creà les forces militars que l’havien de salvar i destruir-la. Els seus legisladors pensaven contenir els generals pel terror dels suplicis; però si tallaren el cap d’alguns soldats dissortats, no podien fer el mateix amb els soldats afortunats que podien presumir d’ésser els que la salvaven.

    En l’entusiasme de la victòria, els pingüins, regenerats, es lliuraren a un dragó més terrible que el de llurs faules que, com una cigonya al mig de les granotes, durant catorze anys les devorà amb un bec insaciable.

    Mig segle després del regne del nou dragó, un jove maharaja de Malàisia, anomenat Djambi, desitjós d’instruir-se viatjant com l’escita Anacarsis, visità la Pingüínia i féu, de la seva estada, una interessant relació de la que aquí teniu la primera pàgina.

    VIATGE DEL JOVE DJAMBI A PINGÜÍNIA

    Després de noranta dies de navegació, vaig abordar en l’ampli i solitari port dels pingüins i, a través d’una campanya inculta, me’n vaig anar vers la seva capital en ruïnes. Rodejada de casernes i d’arsenals, tenia un aire marcial i desolat. Pels carrers, els homes raquítics i contrafets arrossegaven amb orgull vells uniformes i ferralles rovellades.

    —Què veniu a fer? —em preguntà aspre, a les mateixes portes de la ciutat, un militar amb uns bigotassos que amenaçaven el cel.

    —Senyor —vaig respondre—, vinc per pura curiositat a visitar aquesta illa.

    —Això no és una illa —replicà el soldat.

    —Com! —vaig exclamar—. L’illa dels pingüins ja no és una illa?

    —No senyor: és una ínsula. En altres temps se l’anomenava illa però, des de fa un segle, porta el nom d’ínsula per decret. És l’única ínsula de l’Univers. Teniu un passaport?

    —Aquí el teniu.

    —Aneu a que us el visin al Ministeri d’Afers Estrangers.

    Un guia coix, que m’acompanyava, es deturà en una gran plaça.

    —L’ínsula, vós no ho podeu ignorar, ha infantat el geni més gran de l’Univers: Trinco, del qui podeu veure l’estàtua davant vostre. Aquest obelisc aixecat a la vostra dreta commemora el naixement de Trinco; la columna que s’eleva a la vostra esquerra porta al seu cim a Trinco, cenyint una diadema. Des d’aquí podeu veure l’Arc de Triomf dedicat a la glòria de Trinco i la seva família.

    —Què ha fet de tan extraordinari, Trinco? —vaig demanar.

    —La guerra.

    —No és pas una cosa tan extraordinària. Nosaltres, els malaisis, la fem constantment.

    —És possible però Trinco és l’home de guerra més gran de tots els països i de tots els temps. No ha existit mai un conqueridor més gran que ell. En arribar al nostre port, haureu vist a l’est, una illa volcànica en forma de con, de mitjana extensió però molt famosa pels seus vins: Ampelòfora. I a l’oest una illa més àmplia que aixeca vers el cel una renglera de dents agudes; per això l’anomenem Barra de Ca. És rica en mines de coure. Abans del regnat de Trinco totes dues eren nostres; aquí finia el nostre imperi. Trinco estengué la dominació pingüina damunt l’arxipèlag de les Turqueses i el Continent Verd; sotmeté l’ombrívola Morsuínia, plantà el seu penó als gels del pol i a les arenes roents del desert africà. Féu lleves de soldats en tots els països que havia conquerit i, quan desfilaven els seus exèrcits darrera els nostres gastadors filomàtics i dels nostres granaders insulars, dels nostres hússars i dels nostres dragons, dels nostres artillers i els nostres sapadors, hom veia els guerrers grocs que amb llurs armadures blaves semblaven crancs plantats sobre llurs cues, homes rojos embarretats amb plomes de papagai, tatuats amb figures solars i genèsiques, fent sonar sobre llur esquena un carcaix de sagetes enverinades; els negres tots nus armats amb llurs dents i llurs ungles; els pigmeus cavalcant llurs grues; els goril·les aguantant-se al tronc d’un arbre, conduïts per un mascle vell que portava sobre el pitram pelut la creu de la Legió d’Honor. Totes aquestes tropes, empeses sota els estendards de Trinco pel buf d’un ardent patriotisme, volaven de victòria en victòria. Durant trenta anys de guerres Trinco conquerí la meitat del món conegut.

    —Com! —vaig exclamar—. Vosaltres posseïu la meitat del món?

    —Trinco ens la conquerí i ens la va perdre. Tan gran en les derrotes com en les victòries, tornà tot el que havia conquerit. Fins i tot es deixà prendre aquestes dues illes que ja teníem abans d’ell: Ampelòfora i Barra de Ca. Deixà la Pingüínia empobrida i despoblada. La flor de l’ínsula morí en les guerres. Quan la seva caiguda, no restaven a la nostra pàtria més que geperuts i coixos dels que nosaltres descendim. Però ens donà la glòria.

    —Us la féu pagar cara!

    —La glòria mai no es paga massa cara —replicà el meu guia.

    Després d’un seguit de vicissituds inoïdes, el record de les quals, en gran part, s’ha perdut per la injúria del temps i el mal estil dels historiadors, els pingüins establiren el governament dels pingüins per ells mateixos. Elegiren una dieta o parlament, i la investiren del privilegi de nomenar el cap d’Estat. Aquest, escollit entre els simples pingüins, no duia al cap la cresta formidable del monstre i no exercia damunt del poble una autoritat absoluta. Ell mateix estava sotmès a les lleis de la nació. No se li donava el títol de rei i un nombre ordinal no seguia el seu nom. Es deia, Paturle, Janvion, Truffaldin, Coquenpot, Bredouille. Aquests magistrats no feien pas la guerra. No tenien uniformes per a fer-la.

    El nou estat rebé el nom de cosa pública o República. Els seus partidaris eren coneguts com a republicanistes o republicans. Hom els anomenava també uns no ningú i, de vegades, brètols. Però això darrer s’ho prenien malament.

    La democràcia pingüina ja no es governava per ella mateixa; obeïa una oligarquia financera que creava l’opinió per mitjà dels diaris i tenia ben atrapats els diputats, els ministres i el president. Ella establia sobiranament les finances de la República i dirigia la política exterior del país.

    Els imperis i els reialmes mantenien aleshores exèrcits i flotes enormes; obligada per la seva seguretat a fer com ells, la Pingüínia sucumbí sota el pes dels armaments. Tot el món es dolia o feia com si es dolgués de tan dura necessitat; amb tot, els rics, la gent de negoci d’afers, s’hi sotmetien de bon grat per patriotisme i perquè comptaven amb els soldats i els marins per a defensar llurs béns i adquirir a l’exterior nous mercats i nous territoris. Els grans industrials empenyien la fabricació de canons i de navilis per zel de la defensa nacional i a fi d’obtenir les comandes. Entre els ciutadans de condició mitjana i de professions lliberals, els uns es resignaven sense plànyer-se a aquest estat de coses, els altres n’esperaven impacientment la fi i pensaven encaminar les potències a un desarmament simultani.

    L’il·lustre professor Obnubile era d’aquests darrers.

    —La guerra —deia— és una barbàrie que el progrés de la civilització farà desaparèixer. Les grans democràcies són pacífiques i llur esperit s’imposarà aviat als mateixos autòcrates.

    El professor Obnubile, que duia des de feia seixanta anys una vida solitària i reclosa al seu laboratori on no penetraven els brogits de fora, resolgué observar per si mateix l’esperit dels pobles. Començà els seus estudis per la més gran de les democràcies i s’embarcà vers la Nova Atlàntida.

    Després de quinze dies de navegació el seu paquebot entrà, de vespre, a la rada de Titamport on estacionaven milers de naus. Un pont de ferro, llançat per damunt de les aigües, s’estenia entre els dos molls, tan distants l’un de l’altre que el professor Obnubile cregué que navegava per les mars de Saturn i que veia l’anell meravellós que cenyeix el planeta de l’Ancià. I aquest immens transbordador transportava més de la quarta part de les riqueses del món.

    El savi pingüí, havent desembarcat, fou servit en un hotel de quaranta-vuit pisos, per autòmats; després prengué la gran via fèrria que condueix a Gigantòpolis, capital de Nova Atlàntida. Al tren hi havia restaurants, salons de joc, pistes d’atletisme, una oficina de comunicacions comercials i financeres, una capella evangèlica i la impremta d’un gran diari que el doctor no pogué llegir perquè desconeixia la llengua dels nous-atlants. El tren, circulant per la vora de grans rius, creuava ciutats manufactureres que enfosquien el cel amb el fum de llurs forns; viles negres de dia i roges de nit, plenes de clamors sota el sol i de clamors sota l’ombra.

    “Vet aquí —pensava el doctor— un poble massa ocupat en la indústria i el negoci per pensar en la guerra. Des d’ara estic segur que els nous-atlants segueixen una política de pau. Car és un axioma admès per tots els economistes que la pau al defora i la pau a dins són necessàries per al progrés del comerç i de la indústria.”

    Recorrent Gigantòpolis s’afermà en aquesta opinió. La gent anava adelerada pels carrers amb una tal empenta que engegaven en orris tot el que els barrava el pas. Obnubile, moltes vegades engegat per terra, hi guanyà d’aprendre a comportar-se millor: al cap d’una hora de cursa, fou ell qui engegà a terra un atlant.

    Arribat a una gran plaça, veié el pòrtic d’un palau d’estil clàssic, les columnes corínties del qual elevaven setanta metres per damunt de l’estilòbata llurs capitells d’acant arborescent.

    Mentre estava admirant amb la testa enlaire, un home d’aparença modesta, l’escometé i li digué en llengua pingüina:

    —Pel vostre vestit he conegut que éreu de Pingüínia. Conec la vostra llengua; sóc intèrpret jurat. Aquest és el palau del Parlament. En aquest moment els diputats dels estats deliberen. Voleu assistir a la sessió?

    Introduït a la tribuna, el doctor escampà la seva mirada sobre la multitud de legisladors que seien en les butaques de jonc, amb els peus damunt de llurs pupitres.

    El President s’aixecà i mormolejà, més aviat que no pronuncià, enmig de la inatenció general, les fórmules següents, que l’intèrpret traduí tot seguit al doctor:

    —Havent acabat a satisfacció dels estats la guerra per l’obertura dels mercats mongols, proposo que els comptes siguin tramesos a la Comissió de Finances…

    —No hi ha oposició?…

    —La proposta és adoptada.

    —La guerra per l’obertura dels mercats de la Tercera Zelanda havent estat acabada a satisfacció dels estats, proposo que s’enviïn els comptes a la Comissió de Finances…

    —No hi ha oposició?…

    —La proposta és adoptada.

    —Ho he entès bé? —preguntà el professor Obnubile—. Com? Vosaltres, un poble industrial, us enredeu amb totes les guerres!

    —No hi ha dubte —respongué l’intèrpret—. Es tracta de guerres industrials. Els pobles que no tenen ni comerç ni indústria no estan obligats a fer la guerra; però un poble d’afers es veu obligat a seguir una política de conquestes. El nombre de les nostres guerres augmenta necessàriament amb la nostra activitat productora. Així que un dels nostres industrials no troba on col·locar els seus productes, cal que una guerra li obri nous mercats. Per això aquest any hem tingut una guerra del carbó, una guerra del coure, una guerra del cotó. A la Tercera Zelanda hem matat els dos terços dels habitants a fi d’obligar la resta a comprar-nos paraigües i elàstics.

    En aquest moment, un home gros que seia al centre de l’assemblea, pujà a la tribuna.

    —Reclamo —digué— una guerra contra el governament de la República de Maragda, que insolentment disputa als nostres porcs l’hegemonia dels pernils i les salsitxes sobre tots els mercats de l’Univers.

    —Qui és aquest legislador? —demanà el doctor Obnubile.

    —És un tractant de bacons.

    —No hi ha oposició? —digué el President—. Poso la proposta a votació.

    La guerra contra la República de Maragda fou votada aixecant la mà per una forta majoria.

    —Com? —digué Obnubile a l’intèrpret—; heu votat una guerra amb aquesta rapidesa i aquesta indiferència!…

    —Oh! És una guerra sense importància que tot just si costarà vuit milions de dòlars.

    —I homes.

    —Els homes van compresos amb els vuit milions de dòlars.

    Aleshores el doctor Obnubile es prengué el cap entre les mans i rondinà amargament:

    —Ja que la riquesa i la civilització suposen tantes causes de guerra com la pobresa i la barbàrie, ja que la follia i la dolenteria dels homes són inguaribles, només resta una bona cosa a fer. L’home de seny amassarà prou dinamita per a fer saltar aquest planeta. Quan rodi fet a trossos a través de l’espai, un millorament imperceptible s’haurà acomplert a l’Univers i s’haurà donat satisfacció a la consciència universal que, per altra banda, tampoc no existeix.

    Tot règim fa malcontents. La República, o cosa pública, en féu, primer entre els nobles que perderen llurs privilegis i que giraven els ulls plens d’enyorament vers el darrer dels Dracònides, el príncep Cruxo, embellit amb les gràcies de la joventut i les tristeses de l’exili. També féu malcontents entre els petits mercaders que, per causes econòmiques molt profundes, deixaren de guanyar-se la vida i creien que era per mor de la República que ells havien adorat de primer, i de la que ara es deseixien cada dia més.

    Els financers, tant cristians com jueus, per la insolència de llur cupiditat, esdevenien un flagell per al país, que saquejaven i envilien i l’escàndol d’un règim que no pensava ni en destruir ni en conservar, segurs com estaven de poder operar sense obstacles sota qualsevol govern. No obstant això, llurs simpaties es decantaven vers el poder absolut, com a millor armat contra els socialistes, llurs adversaris dèbils però apassionats. I, de la mateixa manera que imitaven els costums dels aristòcrates, n’imitaren els pensaments polítics i religiosos. Llurs mullers, sobretot, volien el príncep i somiaven anar a la Cort.

    Això no vol dir que la República no tingués els seus partidaris i els seus defensors. Si no podia creure en la fidelitat dels seus funcionaris, podia comptar amb l’adhesió dels obrers manuals, dels que no havia alleujat la misèria i que, per a defensar-la durant els dies de perill, sortien tumultuosament del treball o les presons i desfilaven llargament, pàl·lids, negres, sinistres. Tots ells haurien mort per ella, car ella els havia donat l’esperança.

    Quan era president Teodor Formose, vivia en un raval tranquil de la vila d’Alca, un monjo anomenat Agaric, que ensenyava els infants i feia casaments. Ensenyava a la seva escola la pietat, l’esgrima i l’equitació als joves de les velles famílies, il·lustres de naixença, però que havien perdut llurs béns i llurs privilegis. I, així que estaven en edat, els maridava amb les jovenetes de la casta opulent i menyspreada dels financers.

    Alt, magre, negre, Agaric es passejava sense parar, el breviari a la mà, pels passadissos de l’escola i les avingudes de l’horta, pensatiu i amb el front carregat de preocupacions. No limitava els seus propòsits a inculcar als seus alumnes les doctrines abstruses i els preceptes mecànics i a donar-los després mullers legítimes i riques. Tenia els seus designis polítics i perseguia la realització d’un pla gegantesc. El propòsit dels seus propòsits i el treball dels seus treballs era derrocar la República. No és que s’hi sentís empès per un afany personal. Considerava l’estat democràtic enemic de la santa societat a la que ell pertanyia en cos i ànima. I tots els monjos germans seus pensaven de la mateixa manera. La República estava ficada en una lluita constant amb la congregació dels monjos i l’assemblea dels fidels. No hi ha dubte que es tractava d’una empresa difícil i perillosa la d’intentar la mort del nou règim. Però almenys estava en condicions de constituir una conjuració temible. En aquesta època en què els religiosos dirigien les castes altes dels pingüins aquest monjo exercia sobre l’aristocràcia d’Alca una profunda influència.

    La joventut, que ell havia format, no esperava més que el moment de llançar-se contra el poder popular. Els fills de les antigues famílies ja no cultivaven les arts ni es dedicaven als negocis. Gairebé tots eren militars i servien la República. La servien, però no l’estimaven; enyoraven la cresta del Dragó. I les belles jueves compartien llur enyorament amb el delit d’ésser tingudes per nobles cristianes.

    Un dia de juliol, passant per un carrer d’una barriada que finia als afores polsosos, Agaric oí els planys que pujaven d’un pou d’aigües mortes que els hortolans havien abandonat. I gairebé al mateix temps, sabé per un sabater de la barriada que, havent cridat un home mal vestit “Visca la cosa pública!” uns oficials de cavalleria que passaven l’havien llençat al pou on el llot li muntava més amunt de les orelles. A Agaric li plaïa de donar a un fet divers una significació general. Del fet que llancessin al pou aquest no ningú, n’induí una gran fermentació de tota la classe aristocràtica i militar i conclogué que havia arribat el moment d’actuar.

    Des de l’endemà anà a visitar, al fons del bosc dels Conills, el bon pare Cornemuse. Trobà el monjo en un racó del seu laboratori, que passava per l’alambí un licor daurat.

    Era un home petitó, gros i camacurt, vermellós de cara i de crani relluent. Els seus ulls, com els dels conillets d’índies, tenien les ninetes com robins. Saludà amablement el seu visitant i li oferí un vaset del licor de santa Orberose que ell fabricava i la venda del qual li proporcionava enormes riqueses.

    Agaric féu amb la mà un gest de rebuig. Després, plantat sobre els seus peus ferms i estrenyent contra el ventre el seu barret malenconiós, guardà silenci.

    —Feu-me el favor d’asseure-us —li digué Cornemuse.

    Agaric s’assegué en un escambell coix i romangué mut.

    Aleshores, el religiós dels Conills li digué:

    —Doneu-me, si us plau, noves dels vostres joves deixebles. Aquests volguts minyons, pensen dreturerament?

    —N’estic molt content —respongué el mestre—. El tot és ésser format en els bons principis. Cal pensar bé, abans de pensar. Car, si no, ja és massa tard… Al meu entorn trobo molts motius de conhort. Però vivim una trista època.

    —Ai las! —sospirà Cornemuse.

    —Passem uns dies dolents…

    —Són hores de prova.

    —De totes maneres, l’esperit públic no està tan malmès com sembla.

    —És possible.

    —El poble està cansat d’un governament que l’arruïna i no fa res per ell. Cada dia esclaten nous escàndols. La República s’ofega en la seva mateixa vergonya. Està perduda.

    —Que Déu us escolti!

    —Cornemuse, vós que penseu del príncep Cruxo?

    —És un jove amable i gosaria dir que un digne rebroll d’una tija augusta. El planyo d’haver d’aguantar, en una edat tan tendra, les dolors de l’exili. Per a l’exiliat la primavera és sense flors i la tardor sense fruits. El príncep Cruxo pensa dreturerament: respecta els capellans i practica la nostra religió. Fa un gran consum dels meus productes.

    —Cornemuse, en moltes llars, riques i pobres, hom desitja el seu retorn. Podeu creure que tornarà.

    —No voldria morir-me sense haver estès el meu mantell davant del seu pas! —sospirà Cornemuse.

    Veient-lo en aquesta bona disposició, Agaric li pintà l’estat dels esperits com ell l’imaginava. Li parlà dels nobles i els rics desesperats contra el règim popular, l’exèrcit negant-se a suportar nous ultratges, els funcionaris dispostos a trair, el poble descontent, la revolta a punt d’esclatar, i els enemics dels frares, els suports del poder, llençats als pous d’Alca. Conclogué que havia arribat el moment de donar el gran cop.

    —Nosaltres podem —exclamà— salvar el poble pingüí. Nosaltres podem alliberar-lo dels seus tirans, alliberar-lo de si mateix, restaurar la cresta del Dragó, restablir l’antic Estat, el bon Estat, per honra de la fe i l’exaltació de l’Església. Nosaltres ho podem si volem. Posseïm grans riqueses i exercim secretes influències, per mitjà dels nostres diaris, cruciferaris i fulminants, estem en contacte amb tots els eclesiàstics de les ciutats i dels camps. I nosaltres els podem comunicar l’entusiasme que ens anima, la fe que ens arbora. Ells n’abrusaran llurs penitents i llurs fidels. Disposo dels caps més alts de l’Exèrcit; tinc els millors contactes amb la gent del poble; dirigeixo, sense que ells se’n dubtin, els comerciants de paraigües, els taverners, els corredors de novetats, els repartidors de diaris, les damisel·les galants i els agents de policia. Comptem amb més gent de la que ens cal. Què esperem? Cal actuar!

    —Què penseu fer? —preguntà Cornemuse.

    —Constituir una vasta conjura, enderrocar la República, restablir Cruxo al tron dels Dracònides.

    Cornemuse es passà vàries vegades la llengua pels llavis. Després digué amb unció:

    —Cert, la restauració dels Dracònides és desitjable; és eminentment desitjable i, per la meva part, la desitjo de tot cor. Quant a la República, ja sabeu el que en penso… Però, no valdria més abandonar-la a la seva sort i deixar-la que es morís vençuda pels vicis de la seva mateixa constitució? No hi ha dubte que el que vós proposeu, volgut Agaric, és noble i generós. Seria bonic salvar aquest gran i desventurat país i restablir-lo en la seva primicera esplendor. Però penseu-hi: som cristians abans d’ésser pingüins. I hem d’anar amb compte a no comprometre la religió en empreses polítiques.

    Agaric replicà vigorosament:

    —No temeu res. Nosaltres tindrem tots els fils del complot, però restarem a l’ombra. No ens deixarem pas veure.

    —Com les mosques en un vas de llet —mormolejà el monjo de Conills.

    I, fixant les seves fines ninetes de robí damunt el seu compare:

    —Aneu alerta, amic meu. La República potser és més forta del que sembla. També pot succeir que reactivem les seves forces despertant-la de la tranquil·litat i la quietud on reposa ara. La seva malícia és gran: si l’ataquem es defensarà. Fa males lleis que no ens afecten gaire; quan agafi por en farà de terribles contra nosaltres. No ens embranquem a la lleugera en una aventura en la que hi podem deixar la pell. Vós penseu que l’ocasió és bona; jo no m’ho crec i us diré perquè. El règim actual no el coneix tothom, que equival a dir que no el coneix ningú. Proclama que la cosa pública és la cosa comuna. El poble s’ho creu i per això és demòcrata i republicà. Però paciència! Aquest mateix poble un dia exigirà que la cosa pública sigui veritablement la cosa del poble. No em cal pas dir-vos com tals pretensions em semblen insolents, desordenades i contràries a la política extreta de les Escriptures. Però el poble les té i se les farà valdre i, quan ho aconsegueixi, s’haurà acabat l’actual règim. Aquest moment no pot trigar gaire. Aleshores serà el moment d’actuar en interès del nostre cos august! Esperem! Qui ens apressa? La nostra existència no està en perill. La República no se’ns ha fet del tot intolerable. No té, per nosaltres el degut respecte ni la natural supeditació; no dóna als capellans els honors que els són deguts. Però ens deixa anar tirant. És tal l’excel·lència del nostre estat que, anar tirant, fer la viu-viu, és prosperar. La República és la nostra enemiga; però les dones ens veneren. El penitent Formose no assisteix a la celebració dels nostres misteris; però jo he vist la seva muller i les seves filles als meus peus. Compren les meves botelles a l’engròs. No tinc pas millors clients, ni entre l’aristocràcia. Parlem clar: no hi ha cap país al món que valgui més per als capellans i frares que la nostra Pingüínia. ¿En quin altre país podríem vendre, a tan bon preu i en tanta quantitat, la nostra cera verge, el nostre encens mascle, els nostres rosaris, els nostres escapularis, la nostra aigua beneita i el nostre licor de santa Orberose? ¿Quin altre poble pagaria, com el pingüí, cent escuts d’or per un gest de la nostra mà, un so de la nostra boca, un moviment dels nostres llavis? El que és per mi… Guanyo mil vegades més en aquesta dolça, fidel i dòcil Pingüínia extraient l’essència d’una mata de cerfull, que no guanyaria esgargamellant-me predicant quaranta anys la remissió dels pecats per tots els països d’Europa i Amèrica. ¿De veres, creieu que la Pingüínia serà molt més feliç quan un comissari de policia vingui a treure’m d’aquí per a ficar-me a la garjola o engegar-me a l’exili?

    Havent parlat així, el monjo dels Conills s’aixecà i conduí el seu hoste a un magatzem on un centenar d’infants orfes, vestits de blau, embalaven les ampolles, clavaven les caixes, enganxaven les etiquetes. L’oïda s’eixordava amb el soroll dels martells barrejat amb els grinyols sords de les vagonetes sobre els rails.

    —Des d’aquí es fan les expedicions —digué Cornemuse—. He obtingut del Govern un ramal de tren que travessa el bosc i una estació a la porta. Cada dia carrego tres vagons del meu producte. Ja veieu que la República no ha matat totes les creences.

    Agaric féu un darrer esforç per comprometre el prudent destil·lador en l’empresa. Li presentà l’èxit feliç, ràpid, cert, esclatant.

    —De veres no hi voleu prendre part? No voleu arrencar el vostre Rei de l’exili?

    —L’exili és dolç per als homes de bona voluntat —replicà el monjo dels Conills—. Si em voleu creure, estimat germà Agaric, renuncieu per ara a aquest projecte. Quant a mi, no em faig il·lusions: sé el que puc esperar. Sigui o no de la partida, si la perdeu, jo les pagaré com vosaltres.

    El pare Agaric s’acomiadà del seu amic i retornà satisfet a l’escola. “Cornemuse —es digué— no podent evitar el complot, voldrà que reïxi i donarà diners.” Agaric no s’enganyava. Tal era, en efecte, la solidaritat entre capellans i frares, que els actes d’un sol els comprometia a tots. Aquí estava, precisament, el millor i el pitjor de llur afer.

    Agaric resolgué anar de seguida a veure el príncep Cruxo al que tractava amb tota franquesa. A l’hora de la fosca, sortí de l’escola per la porta petita, disfressat de tractant de bestiar i prengué passatge pel Sant Maël.

    L’endemà desembarcà a Morsuínia. Era en aquesta terra hospitalària, al castell de Chitterlings, on Cruxo menjava el pa amarg de l’exili.

    Agaric el trobà a la carretera, amb auto, marcant els cent trenta, acompanyat de dues xicotetes. En veure’l, el monjo aixecà el seu paraigua vermell i el príncep deturà la màquina.

    —Sou vós Agaric? Vinga, pugeu! Ja som tres, però ens amuntegarem una mica. Poseu-vos una d’aquestes noies a la falda.

    El pietós Agaric muntà.

    —Quines noves em porteu, pare meu? —preguntà el jove príncep.

    —Grans novetats —respongué Agaric—. Puc parlar?

    —Podeu. Aquestes senyoretes i jo no ens amaguem res.

    —Monsenyor, la Pingüínia us reclama. Vós no us fareu el sord a la seva crida.

    Agaric pintà l’estat dels ànims i li exposà el pla d’un ampli complot.

    —A un senyal meu —digué— tots els vostres partidaris s’aixecaran ensems. Amb la creu a la mà i l’hàbit arromangat, els vostres venerables monjos conduiran la multitud armada fins al palau de Formose. Sembrarem el terror i la mort entre els vostres enemics. Com a preu del nostre esforç, us demanem, només, Monsenyor, que no el convertiu en inútil. Us preguem que vingueu a asseure-us al tron que us hem preparat.

    El príncep respongué, senzillament:

    —Entraré a Alca, muntant un cavall verd.

    Agaric aixecà acta d’aquesta resposta valenta. Encara que, contràriament als seus costums, tenia una damisel·la damunt dels genolls, conjurà amb una sublim altesa d’ànima, al jove príncep, de restar fidel als seus deures reials.

    —Monsenyor —exclamà en un devessall de llàgrimes— un dia recordareu que fóreu arrencat de l’exili, tornat al vostre poble, restablert en el tron dels vostres avantpassats, gràcies als vostres monjos, i coronat per llurs mans amb la cresta augusta del Dragó. Rei Cruxo, que la vostra glòria sigui tan esplendorosa com la del vostre avi, Draco el Gran!

    El jove príncep, emocionat, s’abocà vers el seu restaurador per a besar-lo; però no el pogué abastar més que a través de l’espessor de les dues damisel·les; tan amuntegats anaven en aquell cotxe històric.

    —Pare estimat, voldria que tota la Pingüínia fos testimoni d’aquesta abraçada.

    —Fóra un espectacle reconfortant —digué Agaric.

    Mentrestant, l’auto creuava com una tromba les barraques i els ravals, aixafant amb els seus neumàtics insaciables, gallines, oques, galls dindi, ànecs, pintades, gats, gossos, garrins, criatures, llauradors i pagesos.

    I el pietós Agaric, en el seu pensament, donava voltes a grans designis. La seva veu sortí del darrera de la xicoteta, expressant aqueta idea:

    —Caldran diners. Molts diners.

    —És cosa vostra —respongué el príncep.

    Però ja les portes del parc s’obrien davant de l’auto formidable.

    El sopar fou sumptuós. Es begué per la cresta del Dragó. Tothom sap que un veire tancat és el símbol de la sobirania. De manera que el príncep Cruxo i la princesa Gudrune, la seva muller, begueren amb veires tapats, talment un copó. El príncep es féu omplir vàries vegades el seu amb els vins rojos i blancs de la Pingüínia.

    Cruxo havia rebut una educació verdaderament principesca. Era molt fort en la conducció d’automòbils, però tampoc era llec en història. Se’l tenia per molt coneixedor de les antiguitats i esdeveniments de la seva família i, en efecte, a les postres donà una prova remarcable de les seves coneixences. Com que s’estava parlant de diverses particularitats extraordinàries d’algunes dones cèlebres:

    —És absolutament cert —digué— que la reina Cruxa, de la que jo porto el nom, tenia un caparró de mico dessota del melic.

    Agaric, al curs de la vetllada, celebrà una conferència decisiva amb tres vells consellers del príncep. Hom decidí demanar diners al sogre de Cruxo, que desitjava tenir un gendre rei, a diverses dames jueves, freturoses d’entrar a la noblesa i, en fi, al príncep regent de la Morsuínia, que havia promès la seva col·laboració als Dracònides, pensant afeblir amb la restauració de Cruxo, els pingüins, enemics hereditaris del seu poble.

    Els tres vells consellers es repartiren els tres primers llocs de la cort: camarlenc, senescal i ecònom i autoritzaren el monjo perquè distribuís els altres càrrecs d’acord amb l’interès del príncep.

    —Cal recompensar els addictes —afirmaren els tres vells consellers.

    —I les traïdories —digué Agaric.

    —És ben just —replicà un d’ells, el marquès de les Setplagues, que tenia experiència de les revolucions.

    Es dansà. Després del ball, la princesa Gudrune esquinçà el seu vestit verd per a fer-ne escarapel·les; amb les seves pròpies mans en cosí un esquinç al pit del frare que deixà escapar abundoses llàgrimes d’entendriment i reconeixença.

    El Sr. De Plume, cavallerís del príncep, eixí aquell mateix vespre a la recerca d’un cavall verd.

    De retorn a la capital de Pingüínia, el reverend pare Agaric, donà compte dels seus projectes al príncep Adélestan dels Boscénos, els sentiments draconians del qual no ignorava.

    El príncep pertanyia a la més alta noblesa. Els Torticol dels Boscénos es remuntaven a Brian el Pietós i havien ocupat, sota els Dracònides, els més alts càrrecs del reialme. El 1179, Felip Torticol, gran almirall dels pingüins, valent, fidel, coratjós, però vindicatiu, havia cedit el port de La Crique i la flota pingüina als enemics del reialme, per sospitar que la reina Cruxa, del que era l’amant, l’enganyava amb un mosso de quadra. Fou aquesta gran reina la que donà als Boscénos, l’escalfallits d’argent que porten al seu escut. Quant a llur divisa, data només del segle XVI; el seu origen fou aquest. Una nit de festa, barrejat entre la multitud de cortesans que s’apropaven al jardí del rei, mirant el castell de focs, el duc Joan dels Boscénos, s’apropà a la duquessa d’Skull i ficà la mà sota les faldilles de la dama, que se’n planyé ni gota. El Rei, que passava, els sorprengué i es limità a dir: “Com ens n’aprofitem.” Aquests mots es convertiren en la divisa dels Boscénos.

    Amb el príncep Adélestan no havien degenerat gens les virtuts dels seus avantpassats. Mantenia per la nissaga dels Dracònides una inalterable fidelitat i res no desitjava tant com la restauració del príncep Cruxo, presagi, als seus ulls, de la restauració de la seva fortuna en ruïnes. Per això entrà, de tot cor, en els plans del reverend pare Agaric. Immediatament se sentí lligat als projectes del monjo i s’apressà a posar-lo en contacte amb els més ardorosos i més lleials reialistes: el comte Cléna, el senyor de la Trumelle, el vescomte Olive, el senyor Bigourd. Es reuniren una nit a la casa de camp del duc d’Ampoule, a dues llegües a l’est d’Alca, a fi d’examinar els camins i els mitjans.

    El senyor de la Trumelle es decantava per l’acció legal:

    —Hem de mantenir-nos dintre la legalitat —digué en substància—. Nosaltres som homes d’ordre. És per mitjà d’una propaganda infatigable que procurarem la realització de les nostres esperances. Cal canviar l’esperit del país. La nostra causa triomfarà, perquè és justa.

    El príncep dels Boscénos expressà una opinió contrària. Creia que, per a triomfar, les causes justes tenen necessitat de la força, tant o més que les causes injustes.

    —En l’actual avinentesa —digué tranquil·lament—, s’imposen tres mitjans d’acció: contractar els mossos de l’escorxador, corrompre els ministres i raptar el president Formose.

    —Raptar Formose fóra un error —objectà el senyor de la Trumelle—. El President està amb nosaltres.

    Que un dracòfil proposés de detenir el President i que un altre dracòfil en parlés com d’un amic és el que explica l’actitud i els sentiments del cap de la República. Formose es demostrava favorable als reialistes, als que admirava i imitava en les maneres. De tota guisa, si és veritat que somreia quan li parlaven de la cresta del Dragó, era amb la idea de col·locar-se-la damunt del seu cap. El poder sobirà li feia goig, no perquè se sentís capaç d’exercir-lo, sinó perquè li agradava presumir. Segons la forta expressió d’un cronista pingüí, “era un indiot”.

    El príncep dels Boscénos mantingué la seva proposta de llançar-se a mà armada contra el palau de Formose i contra la Cambra dels Diputats.

    El comte Cléna fou encara més enèrgic:

    —Per començar —digué— degollem, esquarterem, aniquilem els republicans i tots els no ningú del Govern. Després, ja ho veurem.

    El senyor de la Trumelle era un moderat. Els moderats s’oposen sempre a la moderació de la violència. Reconeixia que la política del comte Cléna s’inspirava en un noble sentiment, que era generosa, però objectava temorosament que potser no anava d’acord amb els principis i que comportava certs perills. En fi, s’avingué a discutir-la.

    —Proposo —afegí— que redactem una proclama al poble. Fem saber qui som. Pel que fa a mi, us asseguro que no hi haurà qui em deturi.

    El senyor Bigourd prengué la paraula:

    —Senyors, els pingüins estan descontents de l’ordre nou perquè és el que tenen i és natural que els homes es planyin de llur situació sigui la que sigui. Però, al mateix temps, els pingüins tenen por de canviar de règim, car les novetats sempre esveren. No han conegut la cresta del Dragó i, si de vegades diuen que l’enyoren, no cal creure’ls. De seguida ens convenceríem que han xerrat sense engaltar i per mala jeia. No ens fem il·lusions sobre llurs sentiments respecte a nosaltres. No ens estimen gens. Odien l’aristocràcia ensems per una vil enveja i per un generós amor a la igualtat. I aquests dos sentiments reunits són molt forts per un poble. L’opinió pública no està encara contra nosaltres perquè ens ignora. Però quan sabrà el que volem, no ens seguirà pas. Si deixem entreveure que volem destruir el règim democràtic i redreçar la testa del Dragó, quins seran els nostres partidaris? Els mossos de l’escorxador i els petits botiguers d’Alca. I, fins i tot, quant als botiguers, hi podrem comptar fins al final? Estan descontents, però en el fons de llur cor, saben que són uns no ningú. Tenen més delit per vendre llurs mercaderies que per tornar a veure Cruxo. Si actuem al descobert, els esverarem.

    ”Perquè ens trobin simpàtics i ens segueixin, cal que es creguin que nosaltres no volem derrocar la República sinó que, al contrari, la volem restaurar, netejar-la, purificar-la, embellir-la, adornar-la, guarnir-la, decorar-la, perfumar-la, convertir-la, en fi, en una cosa magnífica i fetillera. Per això no hem d’actuar per nosaltres mateixos. És cosa massa sabuda que nosaltres no som partidaris de l’ordre actual. Cal que ens adrecem a un amic de la República i, per fer-ho bé, a un defensor d’aquest règim. No ens caldrà més que triar. Ens convindria preferentment, el més popular, si goso dir-ho, el més republicà. Ens el farem nostre afalagant-lo, fent-li presents i, més que res, promeses. Les promeses costen menys que els presents i valen molt més. Mai es dóna tant com quan es donen esperances. No cal pas que sigui molt intel·ligent. El prefereixo, fins i tot, curt de gambals. Els imbècils, per la trapelleria, tenen uns dons inimitables. Creieu-me senyors; feu derrocar la cosa pública per un no ningú de la cosa. Siguem prudents! La prudència no exclou pas l’energia. Si teniu necessitat de mi, sempre em trobareu al vostre servei.

    Aquest discurs no deixà de fer impressió entre els auditors. L’ànim del pietós Agaric en fou particularment frapat. Però, cadascú només pensava en assegurar-se els honors i els benifets. Hom organitzà un Governament secret, del qual totes les persones presents foren nomenats membres efectius. El duc d’Ampoule, que era la gran capacitat financera del partit, fou encarregat de les recaptes i de centralitzar els fons de propaganda.

    La reunió estava a punt d’acabar-se, quan ressonà en l’aire una veu rústega que cantava amb una vella tonada:

    Boscénos és un gran porc
    Fem-lo a bocins i no falla
    Botifarres i pernil
    Pel berenar de la canalla.

    Era una cançó coneguda a les barriades d’Alca, des de feia dos-cents anys. Al príncep dels Boscénos no li agradava d’oir-la. Baixà a la plaça, i havent-se adonat que el qui la cantava era un obrer que posava unes teules al sostre de l’església, li pregà polidament que cantés una altra cosa.

    —Canto el que em dóna la gana —respongué l’home.

    —Amic meu, per donar-me gust…

    —No he de donar-vos gust.

    El príncep dels Boscénos era tranquil, generalment; però rabiüt i d’una força poc comuna.

    —Pillastre! Baixa o pujo jo! —cridà amb una veu formidable.

    I, com que l’obrer, a cavall sobre la cresta, no donava senyals de bellugar-se, el príncep s’enfilà ràpidament per l’escala del campanar fins al sostre, es llançà sobre el cantaire i d’un cop de puny el féu rodolar sense dents pel forat d’una gotera. En aquest moment, set o vuit fusters que treballaven a les golfes, impressionats pels crits del seu company, tragueren el nas per les lluernes i, veient l’actitud del príncep, anaren vers ell per una escala que hi havia ajaguda sobre el sostre, l’atraparen en el moment en què s’esmunyia pel campanar i, amb el cap per davant, li feren baixar els cent trenta-set graons de l’escala de cargol.

    Els pingüins tenien el primer exèrcit del món. Els morsuins també. Igual passava als altres pobles d’Europa. Cosa que, per poc que s’hi pensi, no pot deixar parat a ningú. Car tots els exèrcits són els primers del món. El segon exèrcit del món, si en pogués existir algun, es trobaria en un estat notori d’inferioritat; és segur que fóra batut. Per això tots els exèrcits són els primers del món. Això és el que comprengué a França l’il·lustre coronel Marchand quan, preguntat pels periodistes sobre la guerra russo-japonesa abans del pas de Yalou, no dubtà un moment en qualificar l’exèrcit rus com el millor del món a l’igual que l’exèrcit japonès. I cal assenyalar que no perquè un exèrcit sofreixi les més terribles derrotes perd el seu rang del primer exèrcit del món, car si els pobles atribueixen llurs victòries a la intel·ligència dels generals o al coratge de llurs soldats, sempre carreguen llurs desfetes a una inexplicable fatalitat. Tot al revés, les armades són classificades pel nombre de llurs vaixells. Hi ha una primera, una segona, una tercera armada i així successivament. D’aquesta manera no existeix cap inseguretat sobre el resultat de les guerres navals.

    Els pingüins tenien el primer exèrcit i la segona flota del món. Aquesta flota era comanada pel famós Chatillon que duia el títol d’elmirall ahr, i per abreujar, d’elmirall. És un mateix mot que, malauradament corromput, designa encara avui dia, en la millor part de nacions europees, el grau més alt dels exèrcits de mar. Però, com que entre els pingüins no hi havia més que un sol elmirall, un prestigi singular, per dir-ho així, acompanyava aquest càrrec.

    L’elmirall no pertanyia a la noblesa. Fill del poble, el poble l’estimava i se sentia orgullós de veure cobert d’honors un home dels seus. Chatillon era bell, feliç, no pensava en res. Res enterbolia la netedat de la seva mirada.

    El reverend pare Agaric fou convençut pels raonaments del senyor Rigourd i reconegué que l’actual règim només podria ésser derrocat per un dels seus defensors i girà els ulls vers l’elmirall Chatillon. Demanà una grossa quantitat de diners al seu amic, el reverend pare Cornemuse, que els hi donà amb un sospir. I, amb aquests diners, pagà sis-cents mossos de l’escorxador d’Alca, a fi que correguessin darrera el cavall de Chatillon cridant: “Visca l’elmirall!”

    Des d’aleshores, Chatillon no podia donar un pas sense ésser aclamat.

    La vescomtessa Olive li demanà una entrevista secreta. La rebé a l’Almirallat11 en una cambra guarnida d’àncores, bocois i granades.

    Ella anava discretament vestida de gris blavós. Un capell de roses coronava el seu bonic caparró ros. Darrera un petit vel els seus ulls brillaven com safirs. En tota la noblesa no hi havia dona més elegant que ella, que pervingués de la finança jueva. Era alta i ben feta; les seves formes s’avenien amb la moda de l’any i el seu tipus era sempre el més escaient de la temporada.

    —Elmirall —digué amb una veu deliciosa—, no puc dissimular la meva emoció… És molt natural…davant d’un heroi…

    —Sou molt amable. Digueu-me, senyora vescomtessa, quin és el motiu pel que em feu l’honor de visitar-me?

    —Ja fa molt temps que tenia ganes de parlar amb vós… Aquesta és la causa que m’hagi encarregat, de gust, d’una missió prop vostre.

    —Aleshores, feu-me el favor de seure.

    —Que tranquil s’està, aquí!

    —En efecte. És un lloc molt tranquil.

    —Es sent el cant dels ocells.

    —Seieu, seieu, estimada senyora.

    Li apropà una butaca.

    Ella preferí una cadira a contrallum.

    —Elmirall, us he vingut a veure, amb l’encàrrec d’una missió molt important, d’una missió…

    —Expliqueu-vos.

    —Elmirall, no heu vist mai el príncep Cruxo?

    —Mai.

    Ella sospirà.

    —És una desgràcia. A ell li agradaria tant de veure-us! Us estima i us aprecia. Té el vostre retrat damunt la seva taula de treball, al costat del de la seva mare, la princesa. Quina pena que no se’l conegui! És un príncep encantador i tan agraït a tot el que es fa per ell! Serà un gran rei. Car en serà; no ho dubteu pas. Tornarà més aviat del que es creu… El que he de dir-vos, la missió que m’ha estat confiada, es refereix precisament a…

    L’elmirall s’aixecà:

    —Ni una paraula més, volguda senyora. Compto amb l’estima i la confiança de la República. No l’he de trair. Per què la trairia? Hom m’ha omplert d’honors i de dignitats.

    —Permeteu-me que us digui, estimat elmirall, que les vostres honors i les vostres dignitats estan molt per dessota dels vostres mereixements. Si els vostres serveis fossin recompensats com cal, seríeu elmirallíssim i generalíssim, comandant suprem de les forces de terra i mar. Amb vós, la República, és una desagraïda.

    —De desagraïts, més o menys, en són tots els governaments.

    —Sí; però aquests no ningú estan gelosos de vós. Aquesta mena de gent tem la superioritat. No poden aguantar els militars. Odien tot el que es refereix a l’Exèrcit i a la Marina. Us tenen por.

    —És possible.

    —Són uns miserables. Estan perdent el país. Vós no voleu salvar Pingüínia?

    —Com?

    —Esbandint tots aquests brètols de la República, tots els no ningú.

    —I, amb això, què és el que em proposeu, estimada senyora?

    —Que feu el que és segur que hom farà; si no sou vós, serà un altre. El generalíssim, per no anomenar més que aquest, està disposat a engegar tots els ministres, tots els diputats i tots els senadors al mar i a cridar el príncep Cruxo.

    —Ah! Quin canalla, quin bergant! —cridà l’elmirall.

    —El que ell faria contra vós, feu-ho vós contra d’ell. El príncep sabrà reconèixer els vostres serveis. Us oferirà l’espasa de conestable amb una dotació magnífica. Estic encarregada, mentrestant, de donar-vos una penyora de la reial amistat.

    I, tot pronunciant aquestes paraules, es tragué del pit una escarapel·la verda.

    —Què és això? —preguntà l’elmirall.

    —És Cruxo que us envia els seus colors.

    —Us voleu emportar això?

    —Perquè els ofereixin al generalíssim que, ell els acceptarà! No, estimat elmirall; permeteu-me que sigui jo qui els col·loqui damunt del vostre pit gloriós.

    Chatillon apartà suaument la jove dama. Però després d’uns minuts la trobà extremadament bonica i, aquesta impressió cresqué encara quan dos braços nus i les palmes rosa de dues mans delicades el tocaren. Gairebé de seguida es deixà fer. Olive nuà la cinta lentament. Després, quan hagué acabat, saludà Chantillon amb una gran reverència donant-li el títol de conestable.

    —Sempre he estat ambiciós, com els meus companys, i no me n’amago —respongué l’home de mar—. Potser ho sóc encara; però, us juro pel meu honor que, en veure-us, el sol desig que sento és el d’una cabanya i un cor.

    Ella deixà caure damunt d’ell la brillantor fetillera dels safirs que lluïen sota les seves parpelles.

    —També això ho podeu tenir... Què m’esteu fent, elmirall?

    —Estic cercant el cor.

    En sortir del pavelló de l’elmirallat, la vescomtessa anà tot seguit a veure el reverend pare Agaric per a explicar-li la visita.

    —Cal que hi torneu, volguda senyora —li digué el monjo auster.

    Els diaris al servei dels dracòfils, cada dia, matí i vespre, publicaven elogis de Chatillon i denigraven els ministres de la República.

    El retrat de Chatillon es venia pels carrers d’Alca i, certa jovenalla descendent de Remus que anaven carregats amb imatges de guix damunt del cap, vora els ponts, venien els busts de Chatillon.

    Totes les tardes, Chatillon, muntant el seu cavall, donava un tomb pel Prat de la Reina, el passeig de moda. Els dracòfils col·locaven allí on havia de passar l’elmirall una multitud de pingüins morts de gana que cantaven: “Volem Chantillon!” La burgesia sentia una gran admiració per l’elmirall. Les senyores del comerç mormolejaven: “És una monada.” Les dones elegants, des de llurs autos cançoners, li llençaven petons enmig dels hurres d’un poble en deliri.

    Un dia, mentre ell entrava en un estanc, dos pingüins que estaven llençant llurs cartes a la bústia, reconegueren Chatillon i engegaren grans crits de “Visca l’elmirall! Morin els no ningú!” Tothom qui passava es deturà davant de l’estanc. Chatillon encengué el seu cigar davant d’una multitud espessa de ciutadans entusiasmats, que agitaven els capells i el victorejaven. La gentada no parava de créixer; era tota la ciutat que seguia el seu heroi i l’acompanyava entre cançons, fins al pavelló de l’Almirallat.

    L’elmirall tenia un vell company d’armes amb una fulla de serveis superba: el vicealmirall Volcanmoule. Obert com l’or i lleial com la seva espasa, Volcanmoule, que es vanava de la seva independència, freqüentejava els partidaris de Cruxo i els ministres de la República i, a uns i altres, els cantava les quatre veritats. El senyor Bigourd, amb mala fe, deia que cantava als uns les veritats dels altres. Realment moltes vegades havia comès indiscrecions enutjoses en les que hom no volia veure altra cosa que la independència d’un soldat aliè a les intrigues. Tots els matins anava al despatx de Chatillon, al que tractava amb la franquesa cordial d’un company d’armes.

    —Està bé, gran sapastre! Ja et tenim popular —li deia—. Venen, amb la teva pinta, pipes i botelles de licor i, tots els embriacs d’Alca escupen el teu nom per les clavegueres… Chatillon, l’heroi dels pingüins! Chatillon, el defensor de la glòria i la potència pingüines! Qui ho havia de dir? Qui s’ho podria pensar?

    I esclatava amb una riallada estrident. Després, canviava de to:

    —Deixant-nos de bromes, no estàs una mica parat del que et passa?

    —De cap manera! —responia Chatillon.

    I el lleial Volcanmoule se n’anava fent petar les portes.

    Entretant, Chatillon, per rebre la vescomtessa Olive, havia llogat un entresòl al fons d’un pati, al número 18 del carrer Johannes Talpa. Es veien cada dia. Ell n’estava molt enamorat. En la seva vida marcial i neptuniana, havia aconseguit un munt de dones, roges, negres, grogues i blanques i algunes de ben boniques; però abans de conèixer aquesta, es pot dir que no sabia el que era una dona. Quan la vescomtessa Olive li deia, “amic meu, el meu dolç amic”, li queia la bava, li semblava que tocava el cel amb les mans.

    Ella sempre arribava amb una mica de retard, deixava el moneder damunt una tauleta i deia tota il·lusionada:

    —Deixa’m seure a la falda.

    I xerrotejava com un passerell tot el que el pietós Agaric li havia ensenyat, amb una barreja de petons i de sospirs. Li demanava que separés un oficial, que donés el comandament a un altre, que enviés l’esquadra a tal o qual lloc…

    I, de sobte, exclamava:

    —Que n’ets de jove, estimat!

    I ell feia tot el que ella volia, perquè era una mica orat i frisava per portar l’espasa de conestable i rebre una important assignació, i tampoc li desplaïa jugar a les dues cartes perquè, estant enamorat com estava, es creia que ho feia per salvar la Pingüínia.

    Aquesta dona deliciosa l’entabanà perquè deixés sense exèrcit el port de La Crique, on Cruxo havia de desembarcar. D’aquesta manera estaven segurs que el príncep podria entrar a Pingüínia sense entrebancs.

    El pietós Agaric organitzava reunions públiques a fi de mantenir l’agitació. Els dracòfils en celebraven dues o tres cada dia, en algun dels trenta-sis districtes d’Alca i, preferentment, als barris populars. Es volien fer seva la gent del poble, que és la més nombrosa.

    Precisament, el quatre de maig, se’n celebrà una de molt bona en una antiga llotja de grans, al mateix cor del barri popular, ple de comares assegudes als llindars de les portes i de quitxalla jugant pels reguerots. Hi vingueren unes dues mil persones, segons els republicans, i deu mil, segons els comptes dels dracòfils. Hom trobava entre els assistents la flor i nata de la societat pingüina: el príncep i la princesa dels Boscénos, el comte Cléna, el senyor de la Trumelle, el senyor Bigourd i unes quantes dames riques israelites.

    El generalíssim de l’Exèrcit nacional hi vingué d’uniforme i fou aclamat.

    La constitució de la mesa fou laboriosa. Es designà president un home del poble, un treballador però benpensant; el senyor Rauchin, secretari dels sindicats grocs al que col·locaren entre el comte Cléna i el senyor Michaud, mosso d’escorxador.

    En molts i eloqüents discursos, el règim que lliurement havia triat Pingüínia, fou qualificat de claveguera i de femer. El president Formose no fou anomenat. Tampoc es parlà ni de Cruxo ni dels capellans.

    La reunió tenia un caràcter polèmic. Un defensor del nou Estat i de la República, un home de professió manual, es va aixecar.

    —Senyors —digué el president Rauchin—, ja hem dit que la reunió fóra contradictòria. No tenim més que una paraula: no som com els nostres contradictors: nosaltres som decents. Concedeixo la paraula al nostre contradictor. Déu sap el que haurem d’escoltar! Senyors, prego a tots que s’aguantin tant com puguin llur menyspreu, llur fàstic i llur indignació.

    —Senyors —digué el contradictor.

    Tot seguit fou llençat per terra, trepitjat per la multitud indignada i, els seus bocins impossibles de reconèixer, llançats fora de la sala.

    Encara durava el bullit quan el comte Cléna pujà a la tribuna. Als crits succeïren les aclamacions i, quan el silenci fou restablert, l’orador pronuncià aquestes paraules:

    —Camarades, ara veurem si teniu sang a les venes. Es tracta de degollar, esquarterar i trinxar els republicans.

    Aquest discurs desencadenà una tempesta d’aplaudiments, fins el punt que la vella llotja se n’estremí i una polseguera espessa eixí de les sòrdides parets i de les bigues corcades i envelopà l’assistència amb una acre nuvolada.

    Es votà un ordre del dia bescantant el Govern i aclamant Chatillon. Els assistents sortiren cantant l’himne llibertador: “Volem Chatillon!”

    L’antiga llotja no tenia altra eixida que una llarga avinguda enfangada, escanyada entre els dipòsits dels autocars i els magatzems de carbó. No hi havia lluna i queia una boira freda. Els policies, congregats en gran nombre, tancaven l’avinguda en la seva entrada a la barriada i obligaven els dracòfils a passar en petits grups. Aquesta era la consigna que havien rebut de llur cap que volia matar l’empenta d’una gentada en deliri.

    Els dracòfils, obligats a restar a l’avinguda, marcaven el pas i cantaven “Volem Chatillon!” Però aviat, impacients per aquesta calma, la causa de la qual desconeixien, començaren a empènyer els que tenien davant. Aquest moviment, que s’estengué al llarg de l’avinguda, llançava els que havien sortit primer, contra l’ample pit dels guardes policies. Aquests no sentien cap ràbia contra els dracòfils: del fons del cor els agradava Chatillon; però com que és natural resistir l’agressió i oposar la violència a la violència, als homes forts no els restà altre remei que fer ús de la força. Fou per aquest motiu que el guardes de la policia reberen els dracòfils a puntades de peu amb les seves botes ferrades. Com a resultat hi hagué violentes reculades. Les amenaces i els crits es barrejaren als cants.

    —Assassins! Assassins! Volem Chatillon! Assassins! Assassins!

    Els més assenyats que hi havia a la fosca avinguda no paraven de dir:

    —No empenyeu!

    Entre ells, dominant amb la seva alta estatura la multitud agitada, desplegant entre les costelles enfonsades i els membres trepitjats les seves amples espatlles i els seus pulmons robustos, tranquil, incommovible, plàcid, s’aixecava entre les tenebres el príncep dels Boscénos. Esperava indulgent i serè. Mentrestant, l’eixida s’efectuava a glops regulars entre els rengles de la policia, els colzes entorn del príncep començaren a estrènyer menys profundament els pits i hom pogué respirar de nou.

    —Ja veieu que acabarem sortint —digué el gegantàs amb un dolç somriure—. Paciència i tranquil·litat…

    Tragué un cigar del seu estoig i encengué un llumí. De cop, a la claror de la flama, veié la seva muller, la princesa Anna, defallida als braços del comte Cléna. En veure’ls es llançà endavant i les emprengué a garrotades contra ells i contra les persones que estaven al voltant. Hom el desarmà sense masses dificultats, però no pogueren separar-lo del seu adversari. I, mentre la princesa desmaiada passava de braç en braç per damunt de la gentada emocionada i tafanera, fins al seu cotxe, els dos homes es lliuraren a una baralla acarnissada. El príncep dels Boscénos hi perdé el barret, les ulleres, el cigar, la corbata, la cartera plena de lletres íntimes i de correspondència política. Perdé fins i tot les medalles miraculoses que li havia donat el bon pare Cornemuse. Però clavà al ventrell del seu adversari un cop tan formidable que, el desgraciat, ensopegà amb una reixa de ferro i travessà amb el cap endavant, una porta envidriada d’un magatzem de carbó.

    Atrets pel xivarri de la baralla i els crits dels que s’hi trobaven, els guardes de la policia es precipitaren damunt del príncep que els oposà una furiosa resistència. N’estengué tres panteixant als seus peus i en féu fugir set d’altres amb les barres trencades, el llavi partit, el nas rajant sang, la closca oberta, l’orella desenganxada, la clavícula desllorigada, les costelles enfonsades. A la fi caigué i fou arrossegat, ensagnat, desfigurat, amb el vestit fet parracs, fins a la comissaria més propera, on passà la nit botant i renegant com un esquirol.

    Collades de manifestants recorregueren la ciutat fins a la matinada, cantant “Volem Chatillon!” i trencant els vidres de les cases on vivien els ministres de la República.

    Aquesta nit marcà l’apogeu del moviment dracòfil. Els monàrquics ja no dubtaven de llur triomf. Els principals d’entre ells enviaren felicitacions al príncep Cruxo per telegrafia sense fils. Les dames li brodaren bandes i sabatilles. El senyor de Plume havia trobat el cavall verd.

    El pietós Agaric compartia l’esperança general. De totes maneres seguia treballant per a fer nous partidaris del pretendent.

    —Cal arribar —deia— fins a les capes més profundes.

    Amb aquest propòsit, entrà en contacte amb tres sindicats obrers.

    En aquells temps els artesans ja no vivien com en temps dels Dracònides sota un règim de gremis. Eren lliures, però no tenien un guany segur. Després d’haver estat durant molt temps separats els uns dels altres, sense ajuda i sense recolzament, s’havien constituït en sindicats. Les caixes d’aquests sindicats estaven buides, car els seus afiliats no tenien el costum de pagar llur cotització. Hi havia sindicats que tenien trenta mil membres; n’hi havia de mil, de cinc-cents, de dos-cents. Molts comptaven només que dos o tres membres i fins i tot menys. Però com que les llistes dels adherents no eren publicades, no era fàcil destriar els grans sindicats dels petits.

    Després de sinuoses i tenebroses gestions, el pietós Agaric entrà en contacte, en una sala del Moulin de la Galette, amb els camarades Dagobert, Tronc i Balafille, secretaris de tres sindicats professionals dels quals, el primer tenia catorze membres, el segon vint-i-quatre, i el tercer només un. Agaric menà en aquesta entrevista, una traça extremada.

    —Senyors —digué—, en molts aspectes vosaltres i jo no tenim pas les mateixes idees polítiques i socials; però hi ha dos punts sobre els quals ens podem posar d’acord. Tenim un enemic comú. El Govern us explota i es riu de vosaltres. Ajudeu-nos a enderrocar-lo; nosaltres us en procurarem els mitjans amb tot el que sigui possible, i podreu comptar, a més, amb la nostra reconeixença.

    —Entesos. Afluixeu la pasta —digué Dagobert.

    El reverend pare posà damunt la taula un bossot que li havia donat, amb les llàgrimes als ulls, el destil·lador dels Conills.

    —Xoqueu-la! —feren els tres companyons.

    Així fou segellat aquest pacte solemne.

    Quan el monjo hagué marxat, emportant-se l’alegria d’haver adquirit per a la causa les masses profundes, Dagobert, Tronc i Ballafille xiularen a llurs mullers que, des del carrer esperaven llur senyal i, agafant-se les mans, tots sis dansaren entorn del bossot cantant:

    Ja tenim un bon bossot.
    Haver-lo Chatillon no pot.
    Ai uix! Quin clatellot!

    I encarregaren un gibrell de vi calent.

    Al vespre anaren els sis de taverna en taverna, cantant llur nova cançó. La cançó va agradar, car els agents de la policia secreta informaren que cada dia augmentava el nombre d’obrers que la cantaven pels carrers:

    Ja tenim un bon bossot.
    Haver-lo Chatillon no pot.
    Ai uix! Quin clatellot!

    L’agitació dracòfila no s’havia estès per les contrades. El pietós Agaric en cercava els motius sense poder-los descobrir quan el velletó Cornemuse vingué a revelar-los-hi.

    —Tinc proves —sospirà el monjo dels Conills— que el tresorer dels dracòfils, el duc d’Ampoule, ha comprat unes cases a Morsuínia amb els diners que havia rebut per a la propaganda.

    El partit no tenia diners. El príncep dels Boscénos havia perdut la cartera en una batussa i es veia obligat a valer-se de recursos que repugnaven el seu temperament impetuós. La vescomtessa Olive sortia molt cara. Cornemuse aconsellà que es limitessin les assignacions mensuals a aquesta dama.

    —Ens és de molta utilitat —objectà el pietós Agaric.

    —Segur que sí —replicà Cornemuse—. Però si ens arruïna ens fa més mal que bé.

    Un cisma destrossava els dracòfils. Certa malvolença regnava en llurs consells. Els uns volien que, fidels a la política del senyor Bigourd i del pietós Agaric, hom simulés fins a la fi el designi de reformar la República; d’altres, fatigats de tan llarga espera, estaven decidits a proclamar la cresta del Dragó i juraven triomfar sota aquest signe.

    Aquests al·legaven l’avantatge de les situacions clares i la impossibilitat de seguir fingint. De fet, el públic començava a veure clar on aniria a parar l’agitació i que, els partidaris de l’elmirall volien destruir de soca-rel la República.

    S’escampà el rumor que el príncep havia de desembarcar a La Crique i fer la seva entrada a Alca sobre un cavall verd.

    Aquests rumors exaltaven els frares fanàtics, alegraven els aristòcrates pobres, retenien les riques dames jueves i donaven esperances al cor dels petits comerciants. Però ben pocs entre ells estaven disposats a pagar aquests beneficis al preu d’un desastre social i d’un esfondrament del crèdit públic; i eren encara menys nombrosos els que haurien arriscat en aquest afer, llur propi argent, llur tranquil·litat, llur llibertat o ni tan sols una hora de llurs divertiments. Els obrers, al revés, estaven a punt, com sempre, per donar un dia de feina a la República i, als barris, s’estava formant una sorda resistència.

    —El poble està amb nosaltres —deia el pietós Agaric.

    Amb tot, a la sortida dels tallers, homes, dones i marrecs, cridaven junts:

    Chatillon a mort!
    Ai uix! Quin clatellot!

    Quant al Govern, demostrava aquella feblesa, aquella indecisió, aquella deixadesa, aquella incúria pròpia de tots els governs dels que no se’n surten mai com no sia per a caure en l’arbitrarietat i la violència. En una paraula, el Govern no sabia res, no volia res i no podia fer res. Formose, al fons del seu palau presidencial, romania orb, mut i sord, enorme, i invisible, embolcallat amb el seu orgull com amb un edredó.

    El comte Olive aconsellà fer un nou recapte de fons i provar de donar el cop en tant que Alca seguia excitada.

    Un comitè executiu, que s’havia constituït ell mateix, pensà en dissoldre la Cambra i estudià com i de quina manera.

    Es fixà la data del 28 de juliol. Aquest dia el sol s’aixecà més resplendent que mai sobre la ciutat. Davant el Palau Legislatiu passaven les comares que anaven al mercat, els venedors ambulants amb llurs carretons cridant el preu dels préssecs, les peres i els raïms i els cavalls dels cotxes de punt rosegaven el pinso dins llur morralet. Ningú no s’esperava res. No és que s’hagués guardat el secret, sinó que ningú s’ho prenia seriosament. Ningú creia en una revolució, el que vol dir que ningú no la desitjava. Cap a les dues els diputats començaren a entrar, espaiats i desapercebuts, per la porta petita del Palau. A les tres es formaren alguns grups d’homes mal vestits. A dos quarts de quatre, masses espesses desembocant dels carrers adjacents, s’escamparen per la plaça de la Revolució. Aquest ample espai quedà aviat submergit per un oceà de barrets tous i, la multitud dels manifestants augmentada constantment pels tafaners, després de travessar el pont, escometé amb llurs onades tèrboles els murs del recinte legislatiu.

    Crits i brogit de cançons muntaven vers el cel serè:

    —Volem Chatillon! Morin els diputats! Morin els no ningú!

    El batalló sagrat dels dracòfils, menat pel príncep dels Boscénos, entonà el càntic august:

    Visca Cruxó
    Savi i prudent
    Li ve del néixer
    L’ésser valent.

    Darrera les parets, el silenci per tota resposta.

    Aquest silenci i l’absència de guardes encoratjava i esfereïa al mateix temps la multitud. De sobte una veu formidable cridà:

    —A l’assalt!

    I hom veié el príncep dels Boscénos aixecant, per damunt el mur armat de punxes i escarxofes de ferro, la seva silueta gegantesca. Darrera seu, els seus companys, escometeren, i el poble seguí. Els uns intentaven, a cops, foradar el mur. D’altres miraven de descargolar les punxes i les escarxofes de la reixa. Aquestes defenses cediren en alguns indrets. Alguns invasors cavalcaven ja el mur desguarnit. El príncep dels Boscénos brandava una immensa bandera verda. De sobte la gentada oscil·là i es sentí un llarg crit d’esglai. La guàrdia de la policia i els carrabiners de la República sortiren ensems per totes les eixides del palau, es formaren en columna sota el mur d’un moment donat. Després d’un llarg minut d’espera, hom oí un brogit d’armes i la guarda de policia, baioneta al canó, carregà contra la multitud. Un instant després, damunt la plaça deserta sembrada de bastons i capells, regnava un silenci sinistre. Encara, per dues vegades, els dracòfils intentaren d’ajuntar-se; els dos cops foren rebutjats. La revolta estava vençuda. Però el príncep dels Boscénos, dempeus damunt les grades del palau enemic, amb la bandera a la mà, rebutjava l’escomesa de tota una brigada. Abatia tots els que se li apropaven. A la fi, batzegat, desarrelat, caigué sobre una escarxofa de ferro, estrenyent encara l’estendard dels Dracònides.

    A l’endemà d’aquesta jornada, els ministres de la República i els membres del Parlament, resolgueren prendre mesures enèrgiques. Aquest cop fou endebades que el president Formose intentés escapolir responsabilitats. El Govern examinà la possibilitat de destituir Chatillon de tots els seus càrrecs i dignitats i de fer-lo comparèixer davant d’un Alt Tribunal com a facciós, enemic de la tranquil·litat pública, traïdor, etcètera.

    Quan se sabé aquesta nova, els vells companys d’armes de l’elmirall que el dia abans mateix l’atabalaven amb llurs adulacions, no dissimularen llur alegria. Amb tot, Chatillon seguia essent popular entre la burgesia d’Alca i, pels barris, encara s’oïa cantar l’himne llibertador: “Volem Chatillon!”

    Els ministres no sabien on dar-les. Tenien la intenció de perseguir Chatillon davant l’Alt Tribunal. Però no sabien res: romanien en aquesta total ignorància reservada als qui governen els homes. Eren incapaços de formular contra Chatillon cap càrrec de pes. No podien procurar a l’acusació altra cosa que ridícules mentides de llurs espies. La participació de Chatillon al complot, les seves relacions amb el príncep Cruxo, seguien essent un secret entre els trenta mil dracòfils. Els ministres i els diputats tenien sospites i, fins i tot, seguretats; el que no tenien eren proves. El fiscal de la República deia al ministre de Justícia:

    —Amb poca cosa en tinc prou per a emprendre una persecució d’ordre polític; però en aquest cas no tinc res absolutament: és massa poc.

    L’afer no rutllava. I això constituïa un triomf per als enemics de la República.

    El 18 de setembre, al matí, corregué per Alca la nova que Chatillon s’havia escapat. Tothom n’estava emocionat i sorprès. Hom en dubtava, ningú ho arribava a entendre.

    Vet aquí el que havia passat:

    Un dia que, com per casualitat, s’esqueia en el despatx del senyor Barbotan, ministre de la Governació, el valent vicealmirall Volcanmoule digué amb la seva franquesa habitual:

    —Senyor Barbotan, els vostres col·legues no em sembla pas que siguin gaire llestos; se’ls nota que no han hagut de manar al mig del mar. Aquest imbècil de Chatillon els fa més por que el dimoni.

    El ministre, en signe de denegació, amb el seu tallapapers esquinçà l’aire per damunt del seu escriptori.

    —No us ho prengueu com a cosa de broma —replicà Volcanmoule—. No sabeu com desfer-vos de Chatillon. No goseu fer-lo comparèixer davant de l’Alt Tribunal perquè no esteu segurs de reunir els càrrecs suficients. Bigourd el defensarà i Bigourd és un advocat molt hàbil… Teniu raó, senyor Barbotan, teniu raó. Aquest procés seria perillós…

    —Ai amic meu! —féu el ministre amb un aire desmenjat—, si sabéssiu com n’estem de tranquils… Rebo, dels meu prefectes, les noves més tranquil·litzadores. El sentit comú dels pingüins farà justícia a les intrigues d’un soldat revoltós. Podeu suposar ni per un moment que, un gran poble, un poble intel·ligent, treballador, amic de les tradicions liberals que…

    Volcanmoule l’interrompé amb un gran sospir:

    —Ah, si en trobés l’avinentesa us trauria les castanyes del foc. Us escamotejaria Chatillon com en un joc de passa-passa. Amb una empenta us l’engegava a Morsuínia.

    El ministre aixecà l’orella.

    —No fóra gaire difícil —seguí l’home de mar—. Com per un joc de mans us alliberaria d’aquesta mona… Però en aquests moments, altra feina tinc… M’han clavat una bona pallissa al bacarà. Em cal trobar una quantitat important. L’honor abans que tot, que dimoni…!

    El ministre i el vicealmirall es miraren un segon en silenci. Després Barbotan digué amb aplom:

    —Vicealmirall Volcanmoule, traieu-nos de sobre aquest soldat sediciós. Fareu un gran servei a la Pingüínia i el ministre de la Governació us procurarà els mitjans de pagar els vostres deutes de joc.

    El mateix vespre, Volcanmoule es presentà davant Chatillon i el contemplà una llarga estona amb posat de pena i de misteri.

    —Per què feu aquesta cara? —demanà l’elmirall inquiet.

    Aleshores Volcanmoule li digué amb agra tristesa:

    —Amic meu, tot s’ha descobert. Des de fa mitja hora el Govern ho sap tot.

    En oir aquestes paraules, Chatillon, esverat, s’esfondrà.

    Volcanmoule prosseguí:

    —És possible que et detinguin d’un moment a l’altre. T’aconsello que fumis el camp.

    I, traient-se el rellotge:

    —No pots perdre un minut.

    —De totes maneres puc passar un moment per casa la vescomtessa Olive?

    —Fóra una bogeria —digué Volcanmoule tot allargant-li un passaport, unes ulleres blaves i desitjant-li valor.

    —En tindré —digué Chatillon.

    —Adéu camarada.

    —Adéu i mercès! Tu em salves la vida.

    —T’ho tens ben merescut.

    Un quart d’hora després, el brau elmirall, havia sortit d’Alca.

    S’embarcà de nit, a La Crique, en un vell veler ruta Morsuínia. Però, a vuit milles de la costa, fou capturat per un aviso que navegava amb tots els llums apagats, sota el pavelló de les Illes Negres.

    Des de feia algun temps, la Reina d’aquell país sentia per Chatillon un amor fatal.

    “Nunc est bibendum”. Deslliurat de les seves temences, satisfet d’haver escapat d’un tan gran perill, el Govern decidí celebrar amb festes populars l’aniversari de la regeneració pingüina i l’establiment de la República.

    El president Formose, els ministres, els membres de la Cambra i el Senat estaven presents a la cerimònia.

    El generalíssim de l’Exèrcit pingüí assistí de gran uniforme i fou aclamat.

    Precedits del negre estendard de la misèria i de l’estendard roig de la revolta, les delegacions obreres desfilaren indomables i protectores.

    President, ministres, diputats, funcionaris, caps de la Magistratura i de l’Exèrcit, en llur nom i en nom del poble, renovaren llur jurament de viure lliures o morir. Era una alternativa en la que es plaçaven resoltament. Però preferien viure lliures. Hi hagué jocs, discursos i cançons.

    Quan se n’anaren els representants de l’Estat la multitud desfilà a onades lentes i tranquil·les, cridant:

    Visca la República!
    Visca la llibertat!
    Ai uix! quin mastegot!

    Els diaris només assenyalaren un fet lamentable en aquella bella diada. El príncep dels Boscénos fumava tranquil·lament un cigar al Prat de la Reina quan hi desfilà el seguici de l’Estat. El príncep s’apropà al cotxe dels ministres i digué amb una veu tronadora:

    —Mort als no ningú!

    Immediatament fou detingut pels agents de policia, als que ell oposà la més aferrissada resistència. N’engegà tota una colla als seus peus però sucumbí sota el nombre i fou arrossegat, contusionat, esgarrinxat, inflat, rebregat, desfigurat fins i tot als ulls de la seva muller i conduït pels carrers en festa fins al fons d’una llòbrega presó.

    Els magistrats instruïren el procés de Chatillon d’una manera especial. Al pavelló de l’Almirallat hom trobà unes cartes que revelaven la intervenció del reverend pare Agaric en el complot. L’opinió pública es desencadenà, tot seguit, contra els frares. El Parlament votà, l’una darrera l’altra, una dotzena de lleis que restringien, disminuïen, limitaven, delimitaven, suprimien i retallaven llurs drets, franquícies, immunitats, privilegis i beneficis i els creaven incapacitats múltiples i diriments.

    El reverend pare Agaric suportà amb enteresa la rigor de les lleis que personalment l’afectaven i la caiguda espantosa de l’elmirall, de la que ell era la causa principal. Enlloc de sotmetre’s a la mala sort, l’esguardà com una cosa aliena que aviat passaria. Formà nous projectes polítics més atrevits encara que els primers.

    Quan els seus projectes hagueren madurat suficientment, un matí se n’anà vers el bosc dels Conills. En un arbre xiulava un merlot i un eriçó menut travessava lentament el camí pedregós. Agaric caminava a grans gambades, mormolejant paraules inconnexes.

    Arribat al llindar del laboratori on el pietós industrial havia, a través de tants anys de bona fortuna, destil·lat el licor daurat de santa Orberose, trobà el lloc desert i la porta tancada. En donar la volta, trobà a la part de darrera el venerable Cornemuse que, amb l’hàbit arromangat, s’enfilava per una escala arrambada al mur.

    —Sou vós, amic meu? —li digué—. Què diantre esteu fent?

    —Ja ho veieu —respongué en veu baixa el monjo dels Conills, deixant caure sobre Agaric una mirada llangorosa—. Entro a casa meva.

    Les seves ninetes roges ja no tenien l’esclat triomfal del robí; llençaven una lluïssor ombrívola i tèrbola. El seu rostre havia perdut la seva joiosa plenitud. El seu crani lluent ja no era bonic de veure; una suor persistent i unes taques vermelloses n’alteraven l’antiga perfecció.

    —No us entenc —digué Agaric.

    —Doncs és ben fàcil d’entendre. I aquí teniu les conseqüències del vostre complot. Una infinitat de reglaments m’espien i jo m’he pogut escapar de molts d’ells. Alguns, però, m’han ben atrapat. Aquesta gent vindicativa ha clos els meus laboratoris i els meus magatzems, ha confiscat les meves ampolles, els meus alambins, les meves fioles; han segellat la meva porta de manera que em veig obligat a entrar per la finestra. Tot just si, de tant en tant, puc treure, en secret, el suc de les plantes amb aparells que el darrer dels fabricants d’aiguardent llençaria al foc.

    —Sofriu una persecució que ens afecta a tots —digué Agaric.

    El monjo dels Conills, desolat, es passà la mà pel front:

    —Us ho tenia ben dit, germà Agaric; us tenia ben dit que la vostra empresa ens aixafaria a nosaltres.

    —La nostra desfeta no és més que momentània. Obeeix a causes accidentals, és deguda a pures contingències. Chatillon era un imbècil; l’ha ofegat la seva mateixa bestiesa. Escolteu-me, germà Cornemuse. No podem perdre un moment. Hem d’alliberar el poble pingüí; l’hem de deslliurar dels seus tirans, salvar-lo d’ell mateix, restaurar la cresta del Dragó, restablir l’antic Estat, el bon Estat, per honor de la religió i per l’exaltació de la fe catòlica. Chatillon era un mal instrument. Agafem, per a suplir-lo, un instrument millor. Tinc l’home que ha de destruir la impia democràcia. Es tracta d’un civil, de Gomoru. Els pingüins l’adoren. Ja féu traïció al seu partit per un plat de llenties. Aquest és l’home que ens cal.

    Tot just havia començat el seu discurs quan el monjo dels Conills ja havia cavalcat damunt la finestra i estirat l’escala.

    —Us veig venir —respongué amb el nas entre els dos batents de la finestra—. No parareu fins que ens haureu fet expulsar a tots fins al darrer d’aquesta bella, tranquil·la i dolça terra de Pingüínia. Bona nit i que Déu us empari.

    Agaric, plantat davant del mur, pregava per tots els sants al seu estimat germà, perquè l’escoltés encara un moment:

    —Heu de comprendre millor el que us convé, Cornemuse! La Pingüínia és nostra! Què ens cal per a conquerir-la? Només un esforç…un petit sacrifici de diner i…

    Però, sense escoltar res més, el monjo dels Conills, retirà el seu nas i tancà la finestra.

    LLIBRE SISÈ

    ELS TEMPS MODERNS

    L’AFER DE LES VUITANTA GARBES DE FENC

    “Zeu pater, alla su rusai up aeeros uias Axhkion,
    poiaeson d’aithraen, dos d’ophthai
    moisin idesthai en de phaei kai olesson,
    epei nu toi euaden outos.”
    (ILIAD. XVII v. 645 i següents)

    Fou després de la fugida de l’elmirall que, un jueu de la classe mitjana anomenat Pyrot, desitjós d’apropar-se a l’aristocràcia i de servir la pàtria, entrà a l’Exèrcit pingüí. El ministre de la Guerra, que era aleshores Greatauk, duc de l’Skull, no el podia aguantar; li tirava en cara el seu zel, el seu nas de ganxo, la seva vanitat, el seu gust per l’estudi, els seus llavis espessos i el seu comportament exemplar. Cada cop que hom cercava l’autor d’una malifeta, Greatauk deia:

    —Deu ser culpa de Pyrot!

    Un matí, el general Panther, cap d’Estat Major, informava Greatauk d’un gran afer. Vuitanta mil garbes de fenc, destinades a la cavalleria, havien desaparegut i no se’n trobava ni rastre.

    Greatauk exclamà espontàniament:

    —Segur que ha sigut Pyrot el qui les ha robades!

    Restà un moment pensatiu i afegí:

    —Com més hi penso més convençut estic que Pyrot ha robat les vuitanta mil garbes de fenc. I m’ho penso pel fet que les ha amagades per a vendre-se-les a sota preu als morsuins, els nostres acarnissats enemics. És una traïció infame!

    —És veritat —respongué Panther—: només manca provar-ho.

    Aquest mateix dia, passant davant la caserna de cavalleria, el príncep dels Boscénos oí els cuirassers que cantaven tot escombrant el pati:

    Boscénos és un gran porc;
    Fem-lo a bocins i no falla,
    Botifarres i pernil
    Pel berenar de la canalla.

    Li semblà contrari a tota disciplina que els soldats cantessin aquesta tonada casolana i revolucionària que sortia de les goles dels obrers malcontents els dies de gatzara. En aquesta avinentesa lamentà la decadència moral de l’Exèrcit i recordà, amb un amarg somriure, que el seu vell company Greatauk, cap d’aquest Exèrcit sense disciplina, el lliurava lamentablement a compartir les rancúnies d’un govern antipatriota. I es prometé que, abans de gaire, hi posaria bon ordre.

    “Aquest murri de Greatauk —es digué— no serà ministre gaire temps.”

    El príncep dels Boscénos era l’enemic més irreconciliable de la democràcia moderna, de la llibertat de pensament i del règim que els pingüins lliurement s’havien donat. Sentia contra els jueus un odi fort i lleial i treballava en públic i en secret, nit i dia, per a la restauració dels Dracònides. El seu reialisme ardorós s’exaltava encara quan es recordava dels seus afers privats que empitjoraven cada dia, car no confiava en poder posar-hi remei pecuniari fins que arribés l’hora de l’entrada a Alca de l’hereu de Draco el Gran.

    De retorn al seu hotel, el príncep tragué de la seva caixa de cabals un paquet de cartes velles, correspondència privada molt secreta, que havia aconseguit per mitjà d’un servidor deslleial i que demostrava que el seu vell camarada Greatauk, duc de l’Skull, havia manifassejat amb els proveïments i havia rebut d’un industrial anomenat Maloury, una secreta propina que, precisament per la seva insignificança, privava de tota excusa el ministre que l’havia rebuda.

    Amb agra voluptat el príncep rellegí aquestes lletres i les guardà de nou curosament a la seva caixa de cabals, i corregué al ministeri de la Guerra. Era d’un geni decidit i, quan li digueren que el ministre no podia rebre’l, empenyé els porters, engegà per terra els ordenances, trepitjà els empleats civils i militars, enfonsà les portes i entrà al despatx del perplex Greatauk.

    —Parlem poc, però parlem clar —digué—. Em consta que sempre has estat un trinxeraire, però això no fóra res. T’he demanat que retallessis les ales al general Monchin, l’ànima maleïda dels republicans: no ho has volgut fer. T’he demanat que donessis un manament al general Clapiers que treballa pels Dracònides i amb el qual em sento en deute personalment: no ho has volgut fer. T’he demanat que rellevessis el general Tandem, que té el manament del Port Alca, que m’ha robat cinquanta lluïsos al bacarà i que em féu posar les manilles quan vaig ésser sotmès a l’Alt Tribunal com a còmplice de l’elmirall Chatillon: no ho volgueres fer. T’he demanat el subministrament d’ordi i de segó: no ho has volgut fer. I no content amb refusar-m’ho tot, m’has assenyalat entre els teus col·legues de govern com un individu perillós que cal vigilar i a tu et dec que em segueixi la policia. Vell traïdor, ja no et demanaré res més i només he de dir-te una cosa: fum el camp! Estem tips de veure’t. A més, per substituir-te imposarem a la teva porca República, un dels nostres. Ja saps que jo sóc home de paraula. Si d’aquí vint-i-quatre hores no has presentat la teva dimissió, publicaré als diaris la teva correspondència amb Maloury.

    Però Greatauk, sense perdre la calma ni la serenitat:

    —No cerquis brega, idiota! —digué—. Precisament estic a punt d’enviar a presidi un jueu. Faré comparèixer a Pyrot davant de la justícia com a culpable d’haver robat vuitanta mil garbes de fenc.

    La fúria del príncep dels Boscénos s’envolà com una ploma i somrigué:

    —De veres?…

    —Ja ho veuràs.

    —Greatauk, et felicito. Però, com que amb tu s’han de prendre sempre precaucions, publicaré immediatament la bona nova. Als diaris d’Alca d’aquest vespre hom llegirà l’arrest de Pyrot…

    I, en anar-se’n, mormolejà:

    —Aquest Pyrot! Ja m’ho semblava que acabaria malament.

    Un instant després el general Panther es presentà davant de Greatauk.

    —Senyor ministre, acabo d’examinar l’afer de les vuitanta mil garbes de fenc. No hi ha proves contra Pyrot.

    —Cal trobar-les —respongué Greatauk—. La justícia les exigeix. Feu arrestar Pyrot immediatament.

    Tot Pingüínia s’assabentà amb horror del crim de Pyrot ensems que sentia una mena de satisfacció en saber que aquesta estafa complicada de traïció i confinant amb el sacrilegi, havia estat comesa per un jueu. Per comprendre aquest sentiment cal conèixer l’estat d’opinió pública en relació als grans i als petits jueus.

    Com ja hem tingut l’ocasió de dir en aquesta història, la casta financera, universalment execrada i superbament poderosa, es componia de cristians i de jueus. Els jueus que en formaven part i sobre els quals el poble acumulava la seva ira eren els grans jueus. Posseïen immenses fortunes i retenien, segons es deia, com una cinquena part dels cabals pingüins. A part d’aquesta casta temible, hi havia una multitud de petits jueus de condició mitjana, que no eren més estimats que els grans i eren molt menys temuts. En tot estat policíac, la riquesa és cosa sagrada; en les democràcies és l’única cosa sagrada. Doncs l’Estat pingüí era demòcrata. Tres o quatre companyies financeres exercien un poder més vast i sobretot més efectiu i més constant que el dels ministres del Govern, petits senyors que elles governaven secretament, que elles obligaven per intimidació o per corrupció a afavorir-les a costa de l’Estat, i que elles destruïen per mitjà de les calúmnies a la premsa quan aquells volien seguir essent honrats. Malgrat el secret de les caixes, se’n sabia suficientment per indignar el país, però els burgesos pingüins, dels més grossos als que ho eren menys, concebuts i infantats en el respecte pel diner i que tots tenien alguna cosa per perdre, fos molt o poc, sentien amb força la solidaritat dels capitals i comprenien que la petita riquesa només està segura mercès a la seguretat de la grossa. Per això conservaven pels milionaris israelites així com pels milionaris cristians, un respecte religiós i, com que en ells pesava més l’interès que l’aversió, temien més que morir-se tocar ni un sol pèl d’aquests gran jueus que execraven. Envers els petits se sentien menys circumspectes i quan en veien un per terra cuitaven a trepitjar-lo. És per això que la nació sencera s’assabentà amb ferotge alegria que el traïdor era jueu, però petit. Hom podia venjar-se en ell de tot Israel, sense temença de comprometre el crèdit públic.

    Que Pyrot hagués robat les vuitanta mil garbes de fenc, es pot dir que ningú en dubtà ni un sol moment. Hom no en dubtà perquè la ignorància que hom tenia d’aquest afer no permetia el dubte, al que calen motius, car hom no dubta pas sense motius i hom creu sense motius. Hom no en dubtà perquè la cosa és deis arrei i perquè, per al públic, repetir és provar. Hom no en dubtà perquè hom desitjava que Pyrot fos culpable i hom creu allò que hom desitja i perquè, a la fi, la facultat de dubtar és rara entre els homes; uns pocs esperits en poden tenir el germen que no es desenrotlla pas sense cultiu. El dubte és singular, exquisit, filosòfic, immoral, transcendent, monstruós, ple de malícia, perjudicial a les persones i als béns, contrari a la policia dels estats i a la prosperitat dels imperis, funest per a la humanitat, destructor dels déus i considerat com a cosa horrible pel Cel i per la Terra. La multitud dels pingüins ignorava el dubte: tingué fe en la culpabilitat de Pyrot i aquesta fe devingué de seguida un dels principals articles de les seves creences nacionals i una de les veritats essencials del seu símbol patriòtic.

    Pyrot fou jutjat secretament i condemnat.

    El general Panther anà tot seguit a informar el ministre de la Guerra del final del procés.

    —Per sort —digué— els jutges estaven certs de tot, car no hi havia pas proves.

    —Proves —mormolejà Greatauk—, proves… i això què prova? Només hi ha una prova certa i irrefutable: la confessió del culpable. És que Pyrot ha confessat?

    —No mon general.

    —Confessarà: ha de confessar. Panther, cal convèncer-lo que ho faci. Digueu-li que és en interès seu. Prometeu-li que, si confessa, obtindrà mercès, la reducció de la pena, el perdó. Prometeu-li que, si confessa, hom reconeixerà la seva innocència; que hom el decorarà. Recorreu als seus bons sentiments. Que confessi per patriotisme, per la bandera, per l’ordre, per respecte a la jerarquia, sota manament exprés del ministre de la Guerra, militarment… Però, digueu-me, Panther, no serà que ja ha confessat? Hi ha confessions tàcites: el silenci és una confessió.

    —Però mon general, no és pas que calli: crida com un condemnat que és innocent.

    —Panther, les confessions d’un culpable surten, de vegades, de la vehemència de les seves negacions. Negar desesperadament és confessar. Pyrot ha confessat. Necessitem testimonis de la seva confessió; la justícia ho exigeix.

    A la Pingüínia occidental hi havia un port de mar anomenat La Crique, format de tres petites badies en altre temps freqüentades pels navilis i ara desertes i arenoses. Llacunes d’aigua corrompuda s’estenien tot al llarg de la costa baixa, exhalant una fortor pestilent i la febre planava damunt el somni de les aigües. Allí, vora del mar, s’aixecava una torre quadrada, semblant a l’antic Campanile de Venècia i en una de les parets, a una certa alçada, a l’extrem d’una cadena subjecta a una biga transversal, penjava una gàbia en la qual, en temps dels Dracònides, els inquisidors d’Alca hi ficaven els capellans heretges. En aquesta gàbia, buida des de feia tres-cents anys, fou tancat Pyrot, sota la vigilància de seixanta caps de vara que, instal·lats a la torre, no el perdien de vista ni de nit ni de dia, espiant la seva confessió per a donar-ne compte tot seguit al ministre de la Guerra car, escrupolós i prudent, Greatauk volia que hi haguessin confessions i reconfessions. Greatauk, que tothom tenia per un imbècil, era en realitat un home de molt seny i d’una previsió extremada.

    Mentrestant Pyrot, cremat pel sol, menjat pels mosquits, xop de pluja, de calamarsa i neu, gelat de fred, sacsejat furiosament per les tempestes, obsessionat pel grallar sinistre dels corbs que es posaven damunt de la seva gàbia, escrivia sobre els parracs de la seva camisa la seva innocència amb un escuradents que sucava en la pròpia sang. Aquests parracs es perdien al mar o queien en mans dels seus escarcellers.

    Alguns, amb tot, arribaren a coneixement del públic. Però les protestes de Pyrot no impressionaven ningú, car la seva confessió havia estat publicada.

    Els costums dels petits jueus no sempre eren purs car amb freqüència practicaven tots els vicis de la civilització cristiana; però, de totes maneres, servaven dels temps patriarcals un respecte per les relacions familiars i una adhesió als interessos de la tribu. Els germans, germanastres, oncles, oncles avis, cosins i recosins, nebots i renebots, agnats i cognats de Pyrot, fins al nombre de set-cents, aclaparats de moment per la pena que sofria un dels seus, es clogueren en llurs cases, es cobriren de cendra i, beneint la mà que els punia, durant quaranta dies guardaren un dejuni auster. Després, prengueren un bany i resolgueren procurar, sense descans, costés el que costés, al preu de qualsevol esforç i desafiant tots els perills, la demostració d’una innocència de la qual no dubtaven gens ni mica. I com en podien dubtar? La innocència de Pyrot els era revelada, tal com el seu crim era revelat a la Pingüínia cristiana; car aquestes coses, com que estan amagades, revesteixen un cert caràcter místic i adquireixen l’autoritat de les veritats religioses. Els set-cents pyrots es posaren a la feina amb tant de zel com prudència i feren secretament recerques a fons. Eren arreu i no se’ls veia enlloc; s’hauria dit, com del pilot d’Ulisses, que caminaven lliurement damunt la terra. Penetraven als despatxos del Ministeri de la Guerra, s’aproparen, disfressats, als jutges, escrivans i testimonis de l’afer. Però aleshores es féu palesa la prudència de Greatauk: els testimonis no sabien res, els jutges, els escrivans, no sabien res. Alguns emissaris arribaren fins al mateix Pyrot i l’interrogaren angoixosos a la seva gàbia, entre els llargs brogits de la mar i el ronc grallar dels corbs. Fou endebades: el condemnat no sabia res. Els set-cents pyrots no podien destruir les proves de l’acusació perquè no les podien conèixer i no les podien conèixer perquè no n’hi havia. La culpabilitat de Pyrot era indestructible per efecte del seu mateix no-res. I fou amb un legítim orgull que Greatauk, expressant-se com un veritable artista, digué un dia al general Panther:

    —Aquest procés és una obra mestra: està fet de res.

    Els set-cents pyrots desesperaven de poder aclarir mai aquest afer tenebrós, quan de sobte descobriren, per una lletra robada, que les vuitanta mil garbes de fenc no havien existit mai, que un gentilhome dels més distingits, el comte de Maubec, les havia venut a l’Estat, que n’havia rebut el preu, però que mai les havia lliurat perquè, descendent dels més rics propietaris rurals de l’antiga Pingüínia, hereu dels Maubec de la Dentdulynx, en altres temps posseïdor de quatre ducats, de seixanta comtats, de sis-cents dotze marquesats, baronies i senyories, no posseïa més terres que la palma de la mà i que no hauria pogut dallar ni una sola garba de fenc als seus dominis. I, quant a que les hi haguessin deixat ja sia un propietari o algun mercader, era absolutament impossible, car tothom sabia, excepte els ministres de l’Estat i els funcionaris del Govern, que era més fàcil treure oli d’una pedra que un sol cèntim de Maubec.

    Els set-cents pyrots, després de realitzar una enquesta minuciosa sobre els recursos financers del comte Maubec de la Dentdulynx, constataren que aquest gentilhome rebia els seus principals recursos d’una casa de senyores generoses que donaven a tothom qui hi anava, dos pernils a canvi d’una botifarra. Ells el denunciaren públicament com a culpable de robatori de vuitanta mil garbes de fenc, crim pel qual s’havia condemnat un innocent i l’havien ficat a la gàbia de ferro.

    Maubec pertanyia a una il·lustre família emparentada amb la família dels Dracònides. No hi ha res que les democràcies respectin tant com la noblesa de naixença. Maubec havia servit l’Exèrcit pingüí i els pingüins, des que tots anaven a soldat, estimaven llur Exèrcit fins a la idolatria. Maubec, al camp de batalla, havia rebut la creu que, entre els pingüins, és la insígnia de l’honor que ells honoren fins i tot més que no estimen l’honorabilitat del llit de llurs mullers. Tota la Pingüínia es declarà partidària de Maubec i la veu del poble, que ja començava a grunyir, reclamà els càstigs més severs contra els set-cents pyrots calumniadors.

    Maubec, com que era un gentilhome, desafià els set-cents pyrots a espasa, sabre, pistola, carabina i bastó.

    —Porcs jueus —els escriví en una lletra famosa—; vosaltres crucificàreu el meu Déu i ara voleu la meva pell; us previnc que jo no seré tan enze com ell i que us arrancaré les catorze centes orelles. Rebeu la meva puntada de peu damunt els vostres set-cents darreres.

    El cap del Govern era aleshores un camperol anomenat Robin Meilleux, home tendre pels rics i poderosos i dur per la pobrissalla, de poca valentia i que no cercava més que el seu propi interès. En una declaració pública, sortí garant de la innocència i de l’honor de Maubec i denuncià els set-cents pyrots als tribunals correccionals que els condemnaren a penes aflictives, a multes enormes i a pagar els danys i perjudicis que pogués precisar llur víctima innocent.

    Tot feia creure que Pyrot restaria per sempre a la seva gàbia on es posaven els corbs. Amb tot, tots els pingüins volien estar segurs que aquell jueu era culpable, car les proves que es coneixien no totes eren bones i n’hi havia algunes de contradictòries. Els oficials d’Estat Major demostraven un gran zel, però alguns mancaven de prudència. Mentre que Greatauk guardava un admirable silenci, Panther no parava de fer discursos i demostrava cada matí als diaris, la culpabilitat del condemnat. Potser més hauria valgut que no en parlessin: era una cosa evident i l’evidència no pot demostrar-se. Tants raonaments enterbolien els esperits; la fe, sempre viva, n’esdevenia menys serena. Com més proves es donaven a la gent, més en volia.

    Amb tot, el perill de provar massa no hauria estat tan gran si no fos que hi havia a Pingüínia, com n’hi ha per tot arreu, certs esperits formats en el lliure examen, capaços d’estudiar un problema difícil i inclinats al dubte filosòfic. N’hi havia pocs i no tots estaven disposats a parlar i, a més, el públic no estava disposat a escoltar-los. Però, de totes maneres, no tothom es feia el sord. Els grans jueus, tots els milionaris israelites d’Alca, quan hom els parlava de Pyrot, deien: “Nosaltres no coneixem aquest home”; però pensaven en salvar-lo. Mantenien la prudència que llur fortuna els aconsellava i desitjaven que, d’altres fossin menys temorosos. Llur desig hauria d’acomplir-se.

    Algunes setmanes després de la condemna dels set-cents pyrots, un homenet, miop, enfurrunyat, carregat de pèl, sortí un matí de casa seva amb un pot d’aiguacuit, una escala i un paquet de paperassa i se n’anà pels carrers enganxant per les parets uns cartells en els que es podia llegir amb lletres grogues:

    “PYROT ÉS INNOCENT

    MAUBEC ÉS CULPABLE”

    No era la seva condició la d’enganxador de cartells; es deia Colomban, era autor de cent seixanta volums de sociologia pingüina i figurava entre els més treballadors i més estimats escriptors d’Alca. Després d’haver-hi pensat molt no dubtava gens de la innocència de Pyrot i la publicava a la manera que jutjava més escaient.

    Col·locà, sense entrebancs, alguns cartells als carrers menys freqüentats, però així que arribà als barris més populosos, cada cop que s’enfilava a l’escala, els tafaners acoblats al seu dessota, muts de sorpresa i d’indignació, li llançaven mirades amenaçadores que ell suportava amb la calma que dóna el coratge i la miopia. Mentre sota els seus mateixos talons les porteres i els botiguers arrancaven els cartells, ell anava tirant amb els seus atuells, seguit per la quitxalla que, amb els cistellets sota el braç i la cartera a l’esquena, no tenien gaire pressa per arribar a l’escola. Anava enganxant curosament. A la muda indignació seguiren, aviat, les protestes i els murmuris. Però Colomban no es dignava veure ni oir res. Mentre posava a l’entrada del carrer de santa Orberose, un dels seus cartells que portava impresa la inscripció de

    “PYROT ÉS INNOCENT
    MAUBEC ÉS CULPABLE”

    la gent amotinada donà senyals de la més furiosa ràbia.

    —Traïdor! Lladre! Facinerós! Canalla! —cridaren.

    Una mestressa, obrint la finestra, li abocà pel cap el pot de les escombraries; un cotxer de fiacre, d’un cop de fuet, li féu saltar el capell a l’altra banda del carrer, amb els aplaudiments de la multitud que se sentí venjada. El mosso d’una carnisseria el féu trabucar amb el seu pot d’aiguacuit, els seus cartells i la seva brotxa, des de dalt de l’escala i els pingüins enorgullits sentiren, aleshores, la grandesa de la pàtria llur. Colomban s’aixecà carregat de brutícia, amb un colze i un peu malmesos, però tranquil i decidit.

    —Imbècils! —mormolejà arronsant-se d’espatlles.

    Després es posà de grapes al reguerot per a cercar-hi les ulleres que havia perdut en caure. S’adonà aleshores que el seu gec s’havia estripat des del coll fins als faldons i que el seu pantaló estava malmès. En veure-ho, l’animositat de la multitud no féu més que créixer.

    A l’altra banda del carrer hi havia la gran tenda de santa Orberose. Els patriotes arrambaren de l’aparador tot el que estigué a l’abast de la mà i llançaren contra Colomban taronges, llimones, pots de confitura, pastilles de xocolata, botelles de licor, llaunes de sardines, terrines de foie gras, pernils, aviram, llaunes d’oli i paperines de mongetes. Cobert de deixalles alimentàries, confús i esparracat, coix, cec emprengué la fugida perseguit pels aprenents dels tallers, els dependents de les botigues, els rondallers, els burgesos, els trinxeraires que anaven engrossint en nombre a cada minut que passava i que cridaven:

    —A l’aigua! Mori el traïdor! A l’aigua!

    Aquest torrent de vulgaritat humana rodà al llarg dels bulevards i s’entaforà pel carrer de sant Maël. La policia complia el seu deure: per tots els carrers adjacents eixien els agents que, amb la mà esquerra a la baina del sabre, es posaven a pas de cursa a la capdavantera dels perseguidors. Ja allargaven llurs manasses enormes sobre Colomban, quan ell se’ls escapà de sobte, en caure per una tapa oberta, al fons d’una claveguera.

    Allí passà la nit, assegut entre tenebres, vora les aigües fangoses, entre rates humides i grasses. Recordava la seva tasca i el seu cor esponerós s’omplia de coratge i de llàstima. I quan l’albada posà un pàl·lid raig de claror a una escletxa, s’aixecà i es digué parlant-se a si mateix: “Preveig que la lluita serà dura.”

    Incontinent preparà una memòria a la que exposava clarament que Pyrot no havia pogut robar al Ministeri de la Guerra, vuitanta mil garbes de fenc que mai no hi havien entrat, tota vegada que Maubec mai no les havia subministrat, encara que n’hagués cobrat el preu. Colomban féu distribuir aquest escrit pels carrers d’Alca. El poble refusava de llegir-lo i l’estripava amb ràbia. Els botiguers amenaçaven amb el puny els distribuïdors que fugien perseguits a cops d’escombra per les comares indignades. Els caps s’escalfaren i l’efervescència durà tot el dia. Al vespre, bandades d’homes malcarats i espellifats corrien pels carrers cridant:

    —Mori Colomban!

    Els patriotes arrancaven dels distribuïdors paquets sencers del manifest i els cremaven a les places públiques ballant entorn de les fogueres fent sardanes desenfrenades amb les mossotes arromangades fins a la panxa.

    Els més exaltats anaren a trencar els vidres de la casa on Colomban vivia des de feia quaranta anys del seu treball i en una pau tranquil·la.

    Les cambres s’emocionaren i preguntaren al cap del Govern quines mesures pensava prendre per a reprimir els odiosos atemptats comesos per Colomban contra l’honor de l’Exèrcit nacional i la seguretat de la Pingüínia. Robin Mielleux condemnà l’audàcia impia de Colomban i anuncià, entre els aplaudiments dels legisladors, que aquest home seria portat davant dels tribunals per a respondre del seu infame libel.

    El ministre de la Guerra, cridant a la tribuna, hi aparegué transfigurat. Ja no tenia, com altres vegades, l’aspecte d’una oca sagrada de les ciutadelles pingüines; ara, estarrufat, amb el coll estirat, el bec en forma de ganxo, semblava un voltor simbòlic esbocinant el fetge dels enemics de la pàtria.

    Enmig del silenci august de l’Assemblea, pronuncià, només, aquests paraules:

    —Juro que Pyrot és un facinerós!

    Aquestes paraules de Greatauk, escampades per tota la Pingüínia, tranquil·litzaren la consciència pública.

    Colomban suportava, sorprès i amb dolcesa, el pes de la reprovació general. No podia sortir de casa seva sense ésser apedregat. Per això sortia poc i escrivia al seu despatx, amb un entusiasme desesperant, memòria darrera memòria, a favor de l’innocent engabiat. Mentrestant, entre els pocs que el llegien, n’hi hagué alguns, una dotzena, als que les seves raons impressionaren i començaren a dubtar de la culpabilitat de Pyrot. Ho contaren a llurs amics, s’esforçaren en escampar la llum que naixia en llur esperit al seu entorn. Un d’ells era un amic de Robin Mielleux a qui confià les seves perplexitats i que, des d’aleshores, rebutjà tornar-lo a rebre. Un altre demanà, en una lletra oberta, explicacions al ministre de la Guerra. Un tercer publicà un pamflet terrible. Aquest, Kerdanic, era el més temut dels polemistes. El públic restà estupefacte. Hom deia que aquests defensors del traïdor estaven subornats pels grans jueus; hom els escarní dient-los pyrotencs i els patriotes es juraren exterminar-los. No hi havia més que un miler o mil dos-cents pyrotencs en tota la República i hom creia veure’n per tot arreu. Hom temia trobar-se’ls als passejos, a les assemblees, a les reunions, als salons mundans, a la taula de casa, al llit conjugal. La meitat de la població era suspecta a l’altra meitat. La discòrdia calà foc a Alca.

    El pare Agaric, que dirigia una gran escola de joves nobles, seguia els esdeveniments amb una atenció angoixosa. Les desgràcies de l’església pingüina no l’havien abatut. Restava fidel al príncep Cruxo i conservava l’esperança de restablir al tron de Pingüínia l’hereu dels Dracònides. Li semblava que els esdeveniments que s’acomplien o es preparaven al país, l’estat d’esperit dels que eren, al mateix temps, l’efecte i la causa i els disturbis, llur resultat necessari, podrien, dirigits, encaminats, torçats i retorçats amb la prudència profunda d’un religiós, esquerdar la República i predisposar els pingüins a restaurar el príncep Cruxo, la pietat del qual prometia el major conhort als fidels. Amb el seu enorme capell negre, les ales del qual eren semblants a les de la Nit, s’encaminà pel bosc dels Conills, vers la fàbrica del seu venerable amic el pare Cornemuse que seguia destil·lant el licor higiènic de santa Orberose. La indústria del bon monjo, tan cruelment colpida en temps de l’elmirall Chatillon, s’aixecava de les seves runes. Hom oïa rodar els trens de mercaderies a través dels boscos i hom veia sota els coberts, centenars d’orfes vestits de blau embolicant les ampolles i clavant les caixes.

    Agaric trobà el venerable Cornemuse davant dels seus forns i entremig de les retortes. Les ninetes fugisseres del vell havien retrobat l’esclat del robí; la polidesa del seu crani era, altre cop, suau i preciosa.

    Agaric, de primer, felicità el vell destil·lador per l’activitat que renaixia als laboratoris i als tallers.

    —Els afers marxen, gràcies a Déu —respongué el vellet dels Conills—. Ai las! Estàvem ben de cap per avall, germà Agaric. Vós heu conegut la desolació d’aquest establiment. No us ho haig pas de dir.

    Agaric esquivà la seva mirada.

    —El licor de santa Orberose —prosseguí Cornemuse— triomfa de nou. Però no per això la meva indústria deixa d’estar insegura. Les lleis de ruïna i desolació que l’han colpida no són pas abolides: només suspeses…

    I el monjo dels Conills aixecà al cel les seves ninetes de robí.

    Agaric li posà una mà a l’espatlla:

    —Cornemuse, quin espectacle ens ofereix la malaurada Pingüínia! Arreu la desobediència, la independència, la llibertat! Veiem com dominen els orgullosos, els superbs, els homes de revolta. Després d’haver desafiat les lleis divines, ara s’aixequen contra les humanes, tan cert és que, per ésser un bon ciutadà cal, primer ésser un bon cristià. Colomban intenta imitar Satanàs. Nombrosos criminals segueixen el seu exemple funest; en llur ràbia volen rompre tots els frens, desfer-se de tots els jous, alliberar-se dels més sagrats lligams, escapolir els advertiments més saludables. Ataquen la pàtria per a fer-se obeir. Però sucumbiran sota l’animadversió, la vituperació, la indignació, la fúria, l’execració i l’abominació públiques. Aquest és l’abisme on els ha conduït l’ateisme, el lliure pensament, el lliure examen, la pretensió monstruosa de jutjar per si mateixos, de tenir una opinió pròpia.

    —Sens dubte, sens dubte —replicà el pare Cornemuse brandant el cap—. Però us confesso que la meva feina de destil·lar no m’ha deixat seguir gaire els afers públics. Només sé que es parla molt d’un cert Pyrot. Els uns mantenen que és culpable, els altres afirmen que és innocent. No comprenc gaire els motius que empenyen a uns i altres a preocupar-se d’un afer en el que no els hi va res.

    El pietós Agaric preguntà cuitós:

    —Vós no en dubteu pas del crim de Pyrot?

    —No en puc dubtar, estimat Agaric —respongué el monjo dels Conills—. Fóra contrari a les lleis del meu país que cal respectar mentre no estan en oposició amb les lleis divines. Pyrot és culpable des del moment que l’han condemnat. Quant a dir altra cosa a favor o en contra de la seva culpabilitat, això fóra substituir la meva autoritat per la dels jutges i jo pla em guardaré bé de fer-ho. Per altra banda fóra inútil des del moment que Pyrot està condemnat. Si no ha estat condemnat perquè és culpable, és culpable perquè ha estat condemnat: ve a ésser el mateix. Jo crec en la seva culpabilitat com tot bon ciutadà hi ha de creure; i jo hi creuré mentre la justícia establerta m’ordenarà de creure-hi, car no correspon pas a un particular sinó al jutge, el proclamar la innocència d’un condemnat. La justícia humana és respectable fins en els errors inherents a la seva naturalesa fal·lible i limitada. Els seus errors no són mai irreparables; si els jutges no els reparen a la Terra, Déu els repararà al Cel. Per altra banda sento una gran confiança en aquest general Greatauk, que sense tenir-ne l’aire, em sembla més intel·ligent que aquells que l’ataquen.

    —Bé, estimat Cornemuse —digué el pietós Agaric—, l’afer Pyrot empès fins on nosaltres sabrem conduir-lo, amb l’ajuda de Déu i els cabals necessaris, produirà els més grans beneficis. Posarà al nu els vicis de la República anticristiana i predisposarà els pingüins a restablir el tron dels Dracònides i les prerrogatives de l’Església. Per això cal que el poble vegi els seus levites al primer rengle dels seus defensors. Marxem contra els enemics de l’Exèrcit, contra els bescantadors dels herois i tothom ens seguirà.

    —Tothom fóra massa —mormolejà abaixant el cap el monjo dels Conills—. Veig que els pingüins tenen ganes de barallar-se. Si ens barregem en les seves baralles, faran les paus a costa nostra i serem nosaltres qui pagarem els plats trencats. És per aquest motiu, car Agaric que, si em voleu creure, no comprometreu l’Església en aquesta aventura.

    —Coneixeu la meva empenta: ara coneixereu la meva prudència. Jo no comprometré res… Bé estimat Cornemuse, només espero de vós els primers cabals necessaris per a entrar en campanya.

    Per llarg temps Cornemuse es refusà a pagar les despeses d’una empresa que considerava funesta. Agaric fou, un cop i altre, patètic, terrible. Per fi cedint als precs i a les amenaces, Cornemuse arrossegant els peus i amb el cap cot anà a la seva cel·la on tot indicava una pobresa evangèlica. A la paret emblanquinada, sota un ramell de boix beneït, una caixa de cabals estava encastada. L’obrí sospirant i en tragué un petit paquet de valors que, amb braç encongit i mà vacil·lant, allargà al pietós Agaric.

    —No en tingueu dubte, estimat Cornemuse —digué aquest tot ficant-se els papers a la butxaca del seu hàbit—, aquest afer Pyrot ens l’ha enviat el mateix Déu per la glòria i l’exaltació de l’Església de Pingüínia.

    —Déu vulgui que tingueu raó! —sospirà el monjo dels Conills.

    I restà sol al seu laboratori, contemplant amb els seus ulls entendrits amb una tristesa inefable, els seus forns i les seves retortes.

    Els set-cents pyrots inspiraven a la gent una creixent aversió. Cada dia, pels carrers d’Alca, n’apallissaven dos o tres. Un d’ells fou bastonejat públicament, un altre llençat al riu, un tercer untat de pega, rebolcat sobre plomes i passejat pels carrers entremig d’una gentada divertida. A un quart li tallà el nas un capità de dragons. No gosaven comparèixer ni a llur cercle, ni al tennis o a les curses; s’amagaven per anar a la Borsa. Donades les circumstàncies al príncep dels Boscénos li semblà urgent refrenar llur gosadia i reprimir llur insolència. I, havent-se amb aquest propòsit reunit amb el comte Cléna, el senyor de la Trumelle, el vescomte Olive i el senyor Bigourd, fundà amb ells la Gran Associació dels Antipyrots a la que els ciutadans a centenars de milers, els soldats per companyies, per regiments, per brigades, per divisions, per cossos d’exèrcit, les ciutats, els districtes, les províncies, aportaren llur adhesió.

    Per aquesta mateixa època, el ministre de la Guerra anà a veure el seu cap d’Estat Major i veié amb sorpresa que la gran cambra on treballava el general Panther, fins no feia gaire tota nua, tenia ara a cada paret, des de terra fins al sostre, en profunds prestatges, un triple i quàdruple rengle de lligalls de tota forma i de tots colors, aplecs improvisats i monstruosos que, en pocs dies, havien fet la creixença dels arxius seculars.

    —Què és tot això? —preguntà el ministre perplex.

    —Les proves contra Pyrot —respongué amb patriòtica satisfacció el general Panther—. No en teníem quan el vàrem condemnar, però després hem fet ben bé les paus.

    La porta estava oberta. Greatauk veié passar una colla de carregadors que venien a deixar a la sala llurs fardells pesants de paperassa i veié l’ascensor que s’enlairava grinyolant sota el pes dels lligalls.

    —I això què és, encara? —féu.

    —Les noves proves contra Pyrot que acaben d’arribar —digué Panther—. N’he demanat a tots els racons de Pingüínia, a tots els estats majors, a totes les corts d’Europa. N’he demanat a totes les ciutats d’Amèrica i d’Austràlia, a totes les factories d’Àfrica i n’estic esperant uns paquets de Bremen i un carregament de Melbourne.

    I Panther dirigí al ministre la mirada tranquil·la i radiant d’un heroi.

    Mentrestant Greatauk, amb el monocle a l’ull, mirava aquest formidable pilot de papers amb menys satisfacció que temença.

    —Està molt bé —digué—, mot bé! Però em fa por que no privem a l’afer Pyrot la seva bella simplicitat. Era límpid i, com el cristall de roca, el seu preu romania en la seva transparència. Ni amb lupa hom hauria cercat debades una palla, una fallida, una taca, el defecte més petit. En eixir de les meves mans era pur com el dia; era el dia mateix. Us he donat una perla i me l’heu convertit en una muntanya. Per no amagar-vos res, em temo que, per voler fer-ho més bé, ho heu esguerrat. Proves! No hi ha dubte que és convenient tenir proves, però potser és millor no tenir-ne. Ja us ho havia dit Panther: només hi ha una prova irrefutable, la confessió del culpable (o de l’innocent, això poc importa!). Tal com jo l’havia establert, l’afer Pyrot no donava peu a la crítica; no hi havia per on agafar-lo. Desafiava tots els cops; era invulnerable perquè era invisible. Ara dóna un peu enorme a la discussió. Us aconsello, Panther, que us serviu dels vostres lligalls amb reserva. Us agrairia especialment que fóssiu moderat en les vostres comunicacions als periodistes. Vós parleu bé, però parleu massa. Digueu-me, Panther: entre aquestes proves, n’hi ha de falses?

    Panther somrigué:

    —N’hi ha d’arranjades.

    —Això és el que volia dir. N’hi ha d’arranjades! Millor que millor! Aquestes són les bones. Com a proves, les proves falses, en general, són millors que les verdaderes. En primer lloc perquè estan fetes expressament per a les necessitats de la causa, sota comanda i fetes a mida i, per això, són exactes i justes. Són preferibles també, perquè transporten els esperits a un món ideal i els allunyen de la realitat que, en aquest món, ai las, no és mai sense barreja… De totes maneres, Panther, més m’estimaria que no tinguéssim proves de cap mena.

    El primer acte de l’Associació dels Antipyrots fou el de demanar al Govern que cités immediatament davant de l’Alt Tribunal de Justícia, els set-cents pyrots i llurs còmplices, com a culpables d’alta traïció. El príncep dels Boscénos, encarregat de prendre la paraula en nom de l’Associació, es presentà davant del Consell reunit per a rebre’l i expressà el desig que la vigilància i la fermesa del Governament s’elevés a l’altura de les circumstàncies. Estrenyé la mà a cadascun dels ministres i, passant davant del general Greatauk, li burxà a l’orella:

    —Camina recte, trinxeraire, o publico l’expedient Maloury!

    Alguns dies després, pel vot unànime de les cambres emès a conseqüència d’un projecte favorable del Govern, l’Associació dels Antipyrots fou reconeguda com d’utilitat pública.

    Mentrestant els pyronistes creixien en nombre: arribaven ja fins a deu mil. Tenien, a les avingudes, llurs propis cafès. Els patriotes tenien els seus, més rics i més amplis. Cada vespre, d’una terrassa a l’altra saltaven els bocs, els platets, les capses de mistos, les ampolles, les cadires i les taules. Els miralls volaven a bocins. L’ombra, confonent els cops, corregia la desigualtat del nombre i les brigades negres cloïen la lluita trepitjant indiferentment els combatents de les dues partides, sota llurs soles de claus acerats.

    Una d’aquestes nits glorioses, quan el príncep dels Boscénos eixia amb companyia d’alguns patriotes d’un cabaret de moda, el senyor de la Trumelle li assenyalà un homenet amb ulleres, barbut i sense capell, que no tenia més que una màniga al seu gec i que s’arrossegava penosament per la voravia coberta per les restes de la baralla.

    —Teniu! —féu—. Aquest és Colomban!

    El príncep tenia tanta força com manyagueria: era un home ple de mansuetud. Però en oir el nom de Colomban la sang li va bullir. Saltà damunt de l’homenet de les ulleres i, d’un cop de puny al nas, el tirà per terra.

    El senyor de la Trumelle s’adonà aleshores que, enganyat per una semblança malaurada, havia pres per Colomban el senyor Bazile, antic procurador, secretari de l’Associació dels Antipyrots, patriota ardent i generós. El príncep dels Boscénos era com aquestes ànimes antigues que no es dobleguen mai però sabia reconèixer els seus errors.

    —Senyor Bazile —digué llevant-se el barret—, si us he arribat a la cara, espero que em comprendreu, que m’aprovareu, què dic, que me’n fareu compliments, us en congratulareu i me’n felicitareu quan sabreu la causa d’aquest acte. Us he pres per Colomban.

    El senyor Bazile, estrenyent-se el mocador contra els narius sangosos, aixecà el monyó del seu braç absent i digué irat:

    —No, senyor. No us felicitaré ni us en faré un compliment, ni us aprovaré car la vostra acció fou, almenys, supèrflua i gosaria dir excessiva. Aquesta nit hom m’havia pres almenys tres vegades per Colomban i tractat de la manera que ell es mereix. Els patriotes, sobre meu, li havien enfonsat les costelles i romput els ronyons. Em sembla, senyor, que ja n’hi havia prou.

    Tot just havia acabat aquest discurs quan aparegueren una collada de pyrotencs que, enganyats igualment per aquesta semblança insidiosa, cregueren que els patriotes apallissaven Colomban. Es llançaren a cops de bastó amb boles de plom i vits de bou, sobre el príncep dels Boscénos i els seus companys que deixaren per morts damunt la plaça i, emparant-se del procurador Bazile, el portaren en triomf, malgrat les seves protestes indignades, als crits de “Visca Colomban! Visca Pyrot!” al llarg dels bulevards fins que la brigada negra, llançada en llur persecució, els hagué atrapat i apallissat, arrossegant-los grollerament fins a la Comissaria on el procurador Bazile fou, sota el nom de Colomban, trepitjat per les gruixudes soles de claus innombrables.

    ELS SOCIALISTES

    Mentre una ventada de còlera i odi bufava per Alca, Eugeni Bidault-Coquille, el més pobre i el més feliç dels astrònoms, instal·lat en una vella bomba d’incendis dels temps dels Dracònides, observava el cel amb una mala ullera i registrava fotogràficament sobre plaques avariades, el pas dels estels amb cua. El seu geni corregia els errors dels instruments i el seu amor a la ciència triomfava del mal estat dels aparells. Observava amb un entusiasme inextingible, aeròlits, meteorits i bòlids, totes les engrunes flamejants, tot el polsim inflamat que creuava amb una rapidesa vertiginosa l’atmosfera terrestre i recollia com a premi per les seves nits d’estudi, la indiferència del públic, la ingratitud de l’Estat i l’animadversió de les doctes corporacions. Obsessionat pels espais celestes, ignorava els accidents que es presentaven damunt la superfície de la Terra. Mai no llegia els diaris i, mentre caminava per la ciutat, amb el pensament en els asteroides de novembre, anava a parar, més d’un cop, dins d’un estany d’un jardí públic o sota les rodes d’un autobús.

    Molt alt de talla i de pensament, la seva estima respectuosa per si mateix i pels altres, es manifestava per una freda polidesa ensems que per redingot negre molt esquifit i un alt barret de copa que feien semblar més minsa la seva figura i li donaven alguna cosa de sublim. Feia els seus àpats en un petit restaurant que tots els clients, menys espirituals que ell, havien abandonat i on només el seu tovalló reposava, amb la seva argolla de fusta, en un prestatge desolat. Fou en aquest tocom que, un vespre, caigué sota els seus ulls la memòria de Colomban a favor de Pyrot. La llegí tot trencant les avellanes fullades i, tot de sobte, corprès per la sorpresa, l’admiració, l’horror i la llàstima, oblidà les caigudes dels meteors i les pluges d’estrelles i no veié més que la innocència balancejada pels vents en aquella gàbia on es posaven els corbs.

    Aquesta imatge mai no l’abandonava. Feia vuit dies que estava sota l’obsessió d’aquell condemnat innocent quan, en sortir de la seva taverna veié una colla de ciutadans que es ficaven en una mena de pati on es celebrava una reunió pública. Entrà. La discussió era lliure, hom cridava, hom s’insultava i hom s’esbatussava dins un local ple de fum. Els pyrots i els antipyrots parlaven i eren, uns després dels altres, aclamats o blasmats. Un entusiasme obscur i confús excitava els assistents. Amb l’audàcia pròpia dels temorencs i solitaris, Bidault-Coquille saltà a l’estrada i parlà tres quarts seguits. Parlà de pressa, sense ordre, però amb la vehemència i la convicció d’un matemàtic místic. Fou aclamat. Quan baixà de l’estrada, una dona gran i sense edat, tota vestida de vermell i amb un immens capell guarnit de plomes heroiques, se li llançà al damunt i ensems ardorosa i solemne, el besà i li digué:

    —Ets formós!

    En la seva simplicitat, ell pensà que hi devia haver quelcom de cert.

    Ella li digué que només vivia per la defensa de Pyrot i l’adoració de Colomban. Ell la trobà sublim i la cregué formosa. Era Maniflore, una vella barjaula pobra, oblidada, que ja no servia i que, de cop, s’havia convertit en una gran ciutadana.

    Ja no el deixà. Visqueren junts hores inoblidables als cafetins i a les cambres moblades transfigurades, als salons de redacció i a les sales de reunions i conferències. Com que ell era idealista, seguia creient-la adorable, per més que ella li donà àmpliament ocasió de convèncer-se que no conservava cap encant en cap lloc ni de cap mena. De la seva beutat passada en conservava només la convicció que plaïa i l’altiva habitud d’exigir d’ésser complaguda. Amb tot, cal reconèixer que aquest afer Pyrot, fecund en prodigis, donava a Maniflore una mena de majestat cívica i la transfigurava en les manifestacions populars, en un símbol august de la justícia i la veritat.

    Entre els antipyrots, entre els defensors de Greatauk, entre els amics del sabre, mai Bidault-Coquille i Maniflore foren motiu de befa o ironia. Els déus, en llur còlera, havien retirat a aquests homes el do preciós del somriure. Acusaven seriosament la cortesana i l’astrònom d’espionatge, de traïdoria, de complot contra la pàtria. Bidault-Coquille i Maniflore augmentaven de valor sota la injúria, l’ultratge i la calúmnia.

    Feia ja temps que Pingüínia estava partida en dos camps i, per molt que de primer moment faci estrany, els socialistes encara no havien pres partit. Llurs agrupacions comprenien gairebé tot allò que hi havia al país de treballadors manuals, força dispersa i confusa, rompuda i esmicolada, però formidable. L’afer Pyrot posà els principals caps de grup en una singular perplexitat: no sentien cap desig de posar-se ni de la banda dels financers ni dels militars. Miraven els petits i els grans jueus com adversaris irreductibles. Llurs principis no entraven en joc, llurs interessos no se sentien afectats per aquest afer. Amb tot, la major part comprenien que era difícil romandre al marge d’una lluita que abassegava tota la Pingüínia.

    Els capitostos principals es reuniren al local social, carrer de la Cua del diable sant Maël, per decidir la conducta que havien de seguir en la present circumstància i en les eventualitats futures.

    El company Phoenix fou el primer en prendre la paraula:

    —Ha estat comès el més odiós, el més covard dels crims: un crim judicial. Uns jutges militars, obligats o enganyats per llurs caps jeràrquics, han condemnat un innocent a una pena infamatòria i cruel. No em digueu que la víctima no és dels nostres, que pertany a una casta que ens ha estat i ens serà sempre enemiga. El nostre partit és el partit de la justícia social i no hi ha cap iniquitat que pugui ésser-li estranya.

    Quina vergonya per a nosaltres si deixem que un radical, Kerdanic, un burgès, Colomban i alguns republicans moderats, siguin els únics que persegueixin els crims del sabre. Si la víctima no és dels nostres, els seus botxins són ben bé els botxins dels nostres germans i Greatauk, abans de llançar-se contra un militar, ha fet afusellar els nostres camarades vaguistes.

    Companys, mitjançant un esforç intel·lectual, moral i material, vosaltres arrencareu Pyrot del suplici i, acomplint aquest acte generós, no us desviareu pas de la tasca alliberadora i revolucionària que hem emprès, car Pyrot s’ha convertit en el símbol de l’oprimit i totes les iniquitats socials s’aguanten les unes a les altres. En destruir-ne una, farem trontollar tota la resta.

    Quan Phoenix hagué acabat, el company Sapor parlà en aquests termes:

    —Hom us aconsella que abandoneu la vostra tasca per a fer una feina que no us pertany. ¿Per què us heu de barrejar en un baralla en la que, sigui el que sigui el bàndol pel que us decanteu, no heu de trobar més que els vostres adversaris naturals, irreductibles, forçosos? És que els financers no us són tan odiosos com els militars? Quina caixa aneu a salvar: la dels Bilboquet de la Banca, o la dels Paillasse de la Revenja? ¿Quina inepta i criminal generositat us faria córrer en auxili de set-cents pyrots que trobareu sempre enfrontats en la lluita social?

    ”Hom us proposa que feu de policies entre els vostres enemics i que restabliu entre ells l’ordre que llurs crims han malmenat. La magnanimitat portada fins aquest extrem té un altre nom.

    ”Camarades, s’arriba a un grau en què la infàmia esdevé mortal per a una societat. La burgesia pingüina s’està ofegant amb la seva infàmia i hom us demana que aneu a salvar-la, que feu respirable l’aire que la corromp. Això és burlar-se de vosaltres.

    ”Deixem-los que rebentin i mirem amb un fàstic ple de joia llurs darreres convulsions; planyem-nos només que hagin corromput de tal manera la terra sobre la qual haurem de construir que només hi han de deixar un fang enverinat per assentar-hi els fonaments d’una societat nova.

    Quan Sapor acabà el seu discurs, el camarada Lapersonne pronuncià només aquestes paraules:

    —Phoenix ens crida en ajuda de Pyrot només per la raó que Pyrot és innocent. Em sembla que és una raó molt dolenta. Si Pyrot és innocent, és que s’ha comportat sempre com un bon militar i ha fet sempre a consciència el seu ofici, que consisteix, principalment, en disparar contra el poble. Aquest no és pas un motiu perquè el poble prengui la seva defensa arriscant tots els perills. Quan se’m demostri que Pyrot és culpable i que ha robat el fenc de l’Exèrcit, jo em declararé partidari seu.

    El camarada Larrivée prengué tot seguit la paraula:

    —No sóc del parer del meu amic Phoenix; però tampoc no sóc del parer del meu amic Sapor. No crec que el partit hagi de fer-se seva una causa només perquè se’ns digui que aquesta causa és justa. Crec que aquí hi ha un enutjós joc de paraules i una perillosa equivocació. Car la justícia social no és pas la justícia revolucionària. Les dues estan en constant antagonisme: servir l’una és combatre l’altra. Quant a mi, ja he fet la tria: jo estic per la justícia revolucionària en contra de la justícia social. És per això que, en aquest cas, blasmo l’abstenció. I us dic que ja que una sort benaurada ens porta un afer com aquest, seria d’imbècils no aprofitar-se’n.

    ”Com? Se’ns presenta l’avinentesa de clavar un cop terrible al militarisme, un cop que pot ésser mortal. I voleu que em creui de braços? Us adverteixo camarades: jo no sóc un faquir; no seré mai del partit dels faquirs; si aquí n’hi ha de faquirs, que no comptin amb la meva companyia. Mirar-se el llombrígol és una política sense resultats que jo no faré mai.

    ”Un partit com el nostre ha d’afirmar-se sense parar. Ha de demostrar la seva existència mitjançant una acció continuada. Nosaltres intervindrem a l’afer Pyrot; però hi intervindrem revolucionàriament. Exercirem l’acció directa… ¿Us creieu que la violència és un procediment vell, un invent passat de moda que cal enviar als encants com les diligències, les premses a braços o el telègraf de senyals? Esteu errats. Avui, com ahir, tot s’obté només per la violència: és un instrument eficaç; només cal saber-se’n servir. Quina serà la nostra acció? Vaig a dir-vos-ho: serà la d’excitar les classes dirigents les unes contra les altres, posar l’Exèrcit a contrapunt amb la finança, el Govern contra la Magistratura, la noblesa i la clerecia contra els jueus i empènyer-los, si és possible, fins que es destrueixin els uns als altres. Això hem de fer; mantenir aquesta agitació que afebleix els governaments tal com la febre esgota els malalts.

    ”L’afer Pyrot, a poc que sapiguem servir-nos-en, farà avançar de deu anys la creixença del partit socialista i l’emancipació del proletariat, pel desarmament, la vaga general i la revolució.

    Havent els caps dels partits exposat d’aquesta guisa llur diferent parer, la discussió es perllongà encara. Els oradors, com passa sempre en aquestes avinenteses, reproduïren els arguments que ja havien presentat i els exposaren amb menys d’ordre i mesura que la primera vegada. Hom es disputà llargament i ningú canvià de parer. Però aquests parers, en una darrera anàlisi, es reduïen a dos: el de Sapor i el de Lapersonne, que aconsellaven l’abstenció, i el de Phoenix i Larrivée que volien intervenir. Encara, aquests dues opinions contràries es confonien en un odi comú als caps militars i a llur justícia i en la creença comuna de la innocència de Pyrot. L’opinió pública no s’enganyà gaire en considerar tots els caps socialistes, com a pyrotencs molt perniciosos.

    Quant a les masses obscures en nom de les quals parlaven i que ells representaven en la mesura que les paraules poden representar l’inexpressable, quant als proletaris a la fi, el pensament dels quals és difícil de conèixer ja que ni ells mateixos el coneixen, sembla que l’afer Pyrot no interessava gaire. Per ells era massa literari, tenia un regust clàssic i un to d’alta burgesia i d’alta finança que no els plaïa gaire.

    Quan s’obrí el procés Colomban, els pyrotencs no eren gaire més de trenta mil; però n’hi havia per tot arreu, fins i tot entre els capellans i els militars. El que no els agradava era la simpatia dels jueus rics. Per altra banda, llur nombre reduït els procurava molts avantatges preciosos i, el primer de tots, el de comptar entre els menys imbècils, dels quals, llurs adversaris en tenien un gran escreix. Com que eren només una ínfima minoria, fàcilment es posaven d’acord, actuaven de bon concert i no se sentien temptats de dividir-se i contradir llurs propis esforços. Cadascun d’ells sentia la necessitat de portar-se bé i se’n portava més encara perquè tots estaven a l’aguait de tots. A més, tot els feia creure que guanyarien més partidaris, mentre que llurs adversaris, com que de primer antuvi ja eren una multitud, no podien fer més que perdre’n.

    Quan comparegué davant dels jutges en audiència pública, Colomban s’adonà de seguida que els seus jutges no eren gens tafaners. Així que obria la boca el President li ordenava que callés en nom del suprem interès de l’Estat. Per la mateixa raó, que és una raó suprema, els testimonis de l’acusació no foren oïts. El general Panther, cap de l’Estat Major, comparegué davant del tribunal de gran uniforme i amb les condecoracions de totes les ordres. Féu aquesta declaració:

    —L’informe Colomban pretén que nosaltres no tenim proves contra Pyrot. És mentida; sí que en tenim. En els meus arxius en guardo set-cents trenta-dos metres quadrats que, a cinc-cents quilos cada metre, fan tres-cents seixanta-sis mil quilos.

    Aquest oficial superior donà tot seguit, amb brevetat i elegància, un resum d’aquestes proves.

    —N’hi ha de tots colors i de tota mena de tons —digué, en substància—. Tenen tota mena de formes: forma de pot, de corona, d’escut, de raïm, de colomar, d’àguila imperial, etc. La prova més petita té menys d’un mil·límetre quadrat i, la més gran, mesura setanta metres de llarg per noranta centímetres d’ampla.

    Aquesta revelació féu estremir d’horror l’auditori.

    Quan li tocà, Greatauk vingué a declarar. Més senzill, però potser més arrogant, portava un vestit gris usat i les mans plegades darrera l’esquena.

    Amb molta tranquil·litat i en veu baixa, digué:

    —Deixo a Colomban la responsabilitat d’un acte que ha posat el nostre país a dos passos de la perdició. L’afer Pyrot és secret i ha de seguir essent secret. Si fos divulgat, les pitjors de les desgràcies, guerres, pillatges, saqueigs, incendis, matances caurien immediatament sobre Pingüínia. Em sentiria culpable d’alta traïció si pronunciava una paraula més.

    Algunes persones conegudes per llur experiència política, entre altres el senyor Bigourd, jutjaren la declaració del ministre de la Guerra, més hàbil i de més volada que la feta pel seu cap de l’Estat Major.

    El testimoni del coronel Boisjoli féu una gran impressió:

    —Un vespre, al Ministeri de la Guerra —digué aquest oficial—, l’agregat militar d’una potència veïna em confià que, havent visitat els estables del seu sobirà, havia pogut admirar un fenc esponjós i perfumat, d’un agradós color verd, el més bonic que mai hagués vist. “D’on procedia?” li vaig preguntar. Ell no em respongué; però el seu origen no em semblà pas dubtós. Era el fenc robat per Pyrot. Aquestes qualitats de verdor, d’esponjament i d’aroma, són les del nostre fenc nacional. El farratge de la potència veïna és gris, trencadís; peta quan se’l mou amb força i fa olor de pols. Cadascú que en tregui les conseqüències.

    El lloctinent Hastaing vingué a dir enmig de les protestes de tothom, que ell no creia que Pyrot fos culpable. De seguida fou detingut pels gendarmes i tancat en un calabós pregon i obscur on, alimentat amb serpents, gripaus i vidre picat, restà insensible a les promeses i a les amenaces.

    L’uixer cridà:

    —El comte Pere Maubec de la Dentdulynx.

    Es féu un gran silenci i hom veié avançar vers el tribunal un gentilhome magnífic i desastrat, amb uns mostatxos que amenaçaven el cel i unes nines lleonades que llençaven llampecs.

    S’apropà a Colomban i, llançant-li un esguard de menyspreu:

    —Aquí la teniu la meva declaració: Merda!

    A l’oir aquesta declaració tota la sala esclatà en aplaudiments entusiastes i botà, empesa per un d’aquests transports que exalten els cors i condueixen les ànimes vers les accions extraordinàries. Sense afegir paraula, el comte Maubec de la Dentdulynx es retirà.

    Amb ell abandonaren el pretori tots els assistents, fent-li seguici. Agenollada als seus peus, la princesa dels Boscénos li tenia les cuixes desesperadament abraçades. Ell seguia impassible i consirós sota un voleiar de mocadors i una pluja de flors. A la vescomtessa Olive, arrapada al seu coll, no hi havia qui la desenganxés i la tranquil·litat de l’heroi se l’endugué voleiant sobre el seu pit, talment una bufanda lleugera.

    Quan hom reprengué l’audiència que havia calgut suspendre, el President cridà els experts.

    L’il·lustre expert en escriptura, Vermillard, exposà el resultat de les seves recerques.

    —Havent examinat amb tota cura —digué— els papers agafats de casa Pyrot, particularment els seus llibres de despeses i les seves llibretes de la bugada, he reconegut que, sota una banal aparença, constituïen un criptograma impenetrable del que, malgrat tot, he trobat la clau. La infàmia del traïdor és evident a cada ratlla. En aquest sistema d’escriptura, les paraules “Tres bocs i vint francs per a l’Adela” signifiquen: “Jo he entregat trenta mil garbes de fenc a una potència veïna.” Per mitjà d’aquests documents he pogut establir fins i tot la composició del fenc lliurat per aquest oficial. En efecte, les paraules “camisa, samarreta, calçotets, mocadors de butxaca, coll postís, aperitiu, tabac, cigars” volen dir “trèvol, farratge, alfals, pimpinella, civada, agram, gram d’olor, pixallits”. Aquestes són, precisament, les plantes aromàtiques que componen el fenc odorant que venia el comte Maubec a la cavalleria pingüina. D’aquesta guisa Pyrot feia menció dels seus crims en un llenguatge que creia indesxifrable. Hom restà astorat de tanta astúcia ensems que de tanta inconsciència.

    Colomban, reconegut culpable sense circumstàncies atenuants, fou condemnat a la màxima pena. Els jurats signaren immediatament un recurs d’apel·lació.

    A la plaça del Palau, vora el riu les riberes del qual havien contemplat dotze segles de grandesa històrica, cinquanta mil persones esperaven, tumultuoses, el final del procés. Allí s’agitaven els dignataris de l’Associació dels Antipyrots, entre els quals destacaven el príncep dels Boscénos, el comte Cléna, el vescomte Olive, el senyor de la Trumelle. Allí comparegué el reverend pare Agaric i els professors de l’escola Sant Maël, amb llurs alumnes. Allí el monjo Bouillard, el generalíssim Caraguel, abraçant-se entre ells, constituïen un grup sublim i hom veia arribar pel Pont Vell, les dones dels mercats i dels rentadors armades amb bastons, tenalles, picadors i galledes de lleixiu. Davant de les portes de bronze, pels graons, s’havien congregat tot el que hi havia a Alca com a defensors de Pyrot, professors, publicistes, obrers. N’hi havia de conservadors, de radicals, de revolucionaris i hom reconeixia, perquè anaven mal abillats i tenien un aspecte ferotge, els camarades Phoenix, Larrivée, Lapersonne, Dagobert i Varambille.

    Premsat dins el seu fúnebre redingot i amb el seu barret de cerimònia, Bidault-Coquille implorava a favor de Colomban i del general Hastaing, en nom de les seves matemàtiques sentimentals. Al graó més alt, resplendia, somrient i ferotge, Maniflore, la cortesana heroica, freturosa de merèixer, com Léena, un monument gloriós o, com Epicaris, els elogis de la història.

    Els set-cents pyrots, disfressats de venedors d’orxata, de venedors de diaris, d’arreplegadors de puntes de cigar i d’antipyrots, rondaven pels voltants de l’ampli edifici.

    Quan aparegué Colomban, s’aixecà un tal clamoreig que, frapats per la commoció de l’aire i de l’aigua, els pardals caigueren dels arbres i els peixos aparegueren de panxa enlaire a la superfície del riu.

    Per totes bandes hom cridava:

    —A l’aigua! Colomban a l’aigua!

    S’oïren alguns crits de:

    —Justícia i llibertat!

    Fins i tot s’oí una veu vociferant:

    —Mori l’Exèrcit!

    Aquesta fou la senyal que desencadenà una paürosa baralla. Els combatents queien a milers i formaven amb llurs cossos apilotats muntanyoles cridaneres i bellugadisses damunt les quals nous lluitadors s’agafaven per la gorja. Les dones, ardoroses, escabellonades, pàl·lides, amb les dents xerricant i les ungles esmolades, es precipitaven damunt de l’home amb un frenesí que donava a llur visatge, a ple dia i a la plaça pública, una expressió deliciosa que, fins aleshores, hom només havia pogut corprendre a l’ombra de les cortines i al sot dels coixins. Pretenen atrapar Colomban, mossegar-lo, escanyar-lo, esquarterar-lo, fer-lo a miques i barallar-se pels bocins. Però, en aquell instant, Maniflore, gran, casta dins la seva túnica roja, serena i terrible, es dreça davant d’aquestes fúries que retrocedeixen esverades. Hom diria que Colomban està salvat. Els seus partidaris aconsegueixen obrir-li un camí a través de la plaça del Palau i el fiquen dins d’un fiacre parat al cantó del Pont Vell. Ja el cavall filava al gran trot quan el príncep dels Boscénos, el comte Cléna, el senyor de la Trumelle, llençaren el cotxer daltabaix del seu seient, després, empenyent l’animal a reculons, el feren caminar amb les rodes grosses davant de les petites, acularen el carruatge contra la barana del pont i l’engegaren al riu entre la multitud delirant. Amb un xipolleig sonor i fresquívol, l’aigua saltà com una garba. Després no es veié més que un lleuger remolí a la superfície resplendent del riu.

    Gairebé de seguida, els companys Dagobert i Varambille, ajudats per set-cents pyrots disfressats, engegaren el príncep dels Boscénos de cap a una barca de bugaderes on s’esfondrà lamentablement.

    La nit serena queia damunt la plaça del Palau i escampava el silenci i la pau damunt les restes de la gran batussa. Mentrestant, tres quilòmetres més avall, sota un pont, al costat d’un cavall destrossat, Colomban meditava sobre la niciesa i la injustícia de les multituds.

    —L’afer —es digué— és encara més bèstia del que em pensava. Preveig noves complicacions.

    S’aixecà i s’apropà al malaurat animal.

    —Tu què els havies fet, amic meu? —li digué—. És per culpa meva que hom t’ha tractat tan cruelment.

    Abraçà la pobra bèstia i li féu un petó a l’estrella blanca del front. Després, l’estirà per la brida i, coixejant, el menà a través de la ciutat adormida fins a casa seva on el somni els féu oblidar els homes.

    En llur infinita mansuetud i per suggeriment del Pare Comú dels fidels, els bisbes, canonges, rectors, vicaris, abats i priors de Pingüínia resolgueren celebrar un ofici solemne a la catedral d’Alca, per implorar la divina misericòrdia que es dignés posar fi a les baralles que destrossaven una de les més belles contrades de la cristiandat i concedir pel penediment de la Pingüínia el perdó dels seus crims envers Déu i els ministres del culte.

    La cerimònia es celebrà el 15 de juny. El generalíssim Caraguel seia al banc de l’Obra rodejat del seu Estat Major. L’assistència era nombrosa i brillant. Segons l’expressió del senyor Bigourd era, ensems, una multitud i una selecció. Hom veia, al primer rengle, el senyor de la Berthoseille, camarlenc de monsenyor el príncep Cruxo. Vora la trona, on havia de pujar el reverend pare Douillard, de l’orde de sant Francesc, estaven drets amb actitud recollida, amb les mans creuades damunt llurs garrots, els grans dignataris de l’Associació dels Antipyrots, el vescomte Olive, el senyor de la Trumelle, el comte Cléna, el duc d’Ampoule, el príncep dels Boscénos. El pare Agaric ocupava l’àbsida amb els professors i els alumes de l’escola Sant Maël. El creuer i la nau de la dreta eren reservats als oficials i soldats d’uniforme, considerat com a lloc d’honor ja que Nostre Senyor havia inclinat el cap vers aquesta banda en expirar a la creu. Les dames de l’aristocràcia i entre elles, la comtessa Cléna, la vescomtessa Olive, la princesa dels Boscénos, ocupaven una tribuna. A la immensa nau i a la plaça de l’atri s’apinyaven vint mil religiosos de tots els hàbits i trenta mil laics.

    Després de la cerimònia expiatòria i propiciatòria, el reverend pare Douillard pujà a la trona. El sermó, de primer moment, havia estat confiat al pare Agaric; però malgrat els seus mereixements, fou jutjat per dessota les circumstàncies i, pel seu zel i doctrina, fou preferit l’eloqüent caputxí que, des de feia sis mesos, anava predicant per les casernes contra els enemics de Déu i de l’autoritat.

    El reverend pare Douillard, prenent per tema el text Deposuit potentes de sede, establí que tota potència temporal té a Déu com a principi i com a fi i que es perd i s’esfondra quan s’aparta dels camins que la Providència li ha traçat i de la fi que li ha assenyalat.

    Fent aplicació d’aquestes regles sagrades al governament de la Pingüínia, descriví un horrorós panorama dels danys que els rectors d’aquest país no havien sabut ni preveure ni evitar.

    —El principal autor de tanta vergonya i misèria —digué— vosaltres el coneixeu de sobres, germans. És un monstre el nom del qual pregona providencialment el seu destí, car ve del grec pyros, que vol dir foc. La divina saviesa, que de vegades és filòloga, ens advertia per aquesta etimologia que un jueu era el que havia de calar foc a la contrada que l’havia acollit.

    Presentà la pàtria perseguida pels perseguidors de l’Església, exclamant camí del calvari:

    —Oh dolor! Oh glòria! Déu meu, els que t’han crucificat són els que em crucifiquen!

    Amb aquestes paraules un perllongat estremiment agità l’auditori.

    El gran orador aixecà encara major indignació en recordar l’orgullós Colomban llançat al riu, amb el negre sutge dels seus crims dels que tota l’aigua no podria rentar-lo. Recollí totes les humiliacions, tots els perills de la Pingüínia, per a fer-ne càrrecs al president de la República i al seu primer ministre.

    —Aquest ministre —digué— havent comès una covardia denigrant al no exterminar els set-cents pyrots amb llurs aliats i llurs defensors, talment com Saül exterminà els filisteus al Gabaó, s’ha fet indigne d’exercir el poder que Déu li havia delegat i tot bon ciutadà pot i ha, des d’ara, d’atemptar contra la seva menyspreable sobirania. El Cel mirarà favorablement els qui el combatin. “Deposuit potentes de sede.” Déu deposarà els cabdills pusil·lànimes i col·locarà a llurs llocs els homes forts que actuïn sota el seu Nom. Jo us previnc, senyors; jo us previnc, oficials, sotsoficials, soldats que m’escolteu; jo us previnc generalíssim de l’Exèrcit pingüí: l’hora és arribada! Si no obeïu les ordres de Déu, si no deposeu en Nom seu els retenidors indignes, si no constituïu damunt la Pingüínia un govern religiós i fort, Déu no deixarà de destruir allò que ha condemnat i no deixarà de salvar el seu poble; a falta vostra, serà Ell qui el salvarà, servint-se d’un humil artesà o d’un senzill caporal. Aviat haurà passat el moment! Doneu-vos pressa!

    Excitats per aquesta ardorosa exhortació, els seixanta mil assistents es van alçar tremolosos; alguns crits van brollar:

    —A les armes! A les armes! Morin els pyrots! Visca Cruxo!

    I tots, frares, dones, soldats, aristòcrates, burgesos, criats, sota el braç sobrehumà aixecat des de la càtedra de la veritat per a beneir-los, entonaren l’himne Salvem la Pingüínia! i es llençaren impetuosos fora de la basílica, pels molls del riu, contra la Cambra de diputats.

    Sol dintre la nau deserta, l’assenyat Cornemuse aixecà els braços al cel i mormolejà amb una veu trencada:

    —“Agnosco fortunam ecclesiae pinguicanae!” Massa endevino on ens conduirà tot això.

    L’assalt que la santa multitud donà contra el palau legislatiu fou rebutjat. Carregats vigorosament per les brigades negres i els guardes d’Alca, els assetjants fugiren en desordre quan els camarades, que vingueren de les barriades portant com a capdavanters Phoenix, Dagobert, Lapersonne i Varambille, els caigueren damunt i acabaren de desconcertar-los. Els senyors de la Trumelle i d’Ampoule foren portats a la comissaria. El príncep dels Boscénos, després d’haver lluitat amb valentia, caigué amb el cap esbotzat damunt les lloses sagnades.

    En l’entusiasme de la victòria, els camarades barrejats amb innombrables venedors ambulants, recorregueren tota la nit els bulevards, portant Maniflore en triomf, trencant els vidres dels cafès i els fanals als crits de:

    —A baix Cruxo! Visca la social!

    Els antipyrots passaven igualment destruint els quioscs de diaris i les columnes publicitàries.

    Era un espectacle que no es podia aplaudir a sang freda i que feia pena als encarregats de tenir cura dels passejos i carrers. Però el més trist per la bona gent era l’espectacle que oferien els hipòcrites que, per por de rebre, es mantenien a igual distància tant dels de l’una com dels de l’altra banda i, malgrat l’egoisme i la baixesa que demostraven, volien encara que hom admirés la generositat de llurs sentiments i llur noblesa d’ànima. Es fregaven els ulls amb ceba, posaven boca de peix, es mocaven amb estrèpit i en llur veu de baix, gemegaven:

    —Oh pingüins, deixeu-vos de lluites fratricides; no trenqueu més el cor de la vostra mare!

    Com si els homes poguessin viure en una societat sense baralles i com si les discòrdies civils no fossin la condició necessària a la vida nacional i al progrés dels costums, aquells dropos hipòcrites proposaven compromisos entre el just i l’injust, ofenent d’aquesta manera el just en els seus drets i l’injust en el seu impuls. Un d’aquests, el ric i poderós Maximel, resplendent de covardia, es presentava a la ciutat com un colós de l’angoixa. Les seves llàgrimes feien bassals verinosos als seus peus i els seus sospirs feien que neguessin les barques dels pescadors.

    Durant aquestes nits agitades, des del sostre de la seva vella bomba d’incendis, sota el cel serè, mentre les estrelles amb cua quedaven retratades a les seves plaques fotogràfiques, Bidault-Coquille es sentia gloriós al fons del seu cor. Ell combatia per la justícia: ell era estimat i estimava amb un amor sublim. L’insult i la calúmnia l’aixecaven fins als núvols. Hom veia la seva caricatura juntament amb les de Colomban, de Kerdanic i del coronel Hastaing, en els quioscos de diaris. Els antipyrots feien córrer que havia rebut cinquanta mil francs dels grans financers jueus. Els reporters dels diaris militaristes feien enquestes prop dels savis oficials respecte la seva valor com a científics i els savis oficials, que li negaven tot coneixement sobre els astres, contradeien les seves observacions més sòlides, negaven les seves descobertes més segures, condemnaven les seves hipòtesis més enginyoses i més fecundes. Afalagat pels cops de l’odi i l’enveja, se sentia feliç.

    Contemplant als seus peus la negra immensitat punxada per una multitud de lluminàries, sense pensar en tot el que una nit de gran ciutat enclou de somnis pesats, d’insomnis cruels, de vanes fantasies, de plaers sempre ignorats i de misèries de mil menes, es deia:

    —És en aquesta enorme ciutat que el just i l’injust es donen la batalla.

    I, substituint la veritat múltiple i diversa per una poesia simple i magnífica, es figurava l’afer Pyrot com una lluita entre àngels bons i dolents i esperava l’etern triomf dels Fills de la Llum i es sentia feliç d’ésser un Fill del Jorn, enfonsant els Fills de la Nit.

    Els republicans, encegats fins aleshores per la temença, imprudents i estúpids enfront les escomeses del caputxí Douillard i dels partidaris del príncep Cruxo, obriren els ulls per fi i comprengueren el veritable sentit de l’afer Pyrot. Els diputats als que, des de feia dos anys, feien empal·lidir els crits de la multitud patriota, no per això esdevingueren més coratjosos però canviaren llur covardia culpant el Ministeri Robin Mielleux dels desordres que ells mateixos havien fomentat amb llur consentiment i pels quals, temorosos, havien felicitat els seus autors. Li feien càrrecs per haver posat en perill la República per la seva feblesa, que era la d’ells, i per les mateixes toleràncies que ells li havien imposat. Alguns d’ells començaven a dubtar de si llur interès no estava en creure en la innocència de Pyrot més que no pas en la seva culpabilitat i, des d’aleshores, sentiren cruels angoixes en pensar que aquest desgraciat podia ésser que no hagués estat condemnat amb justícia i que expiés a la seva gàbia aèria els crims aliens.

    —Això no em deixa dormir! —confiava confidencialment a alguns membres de la majoria el ministre Guillaumette que pretenia prendre el lloc del seu cap.

    Aquests generosos legisladors feren caure el Ministeri i el president de la República posà al lloc de Robin Mielleux un republicà de tota la vida, de florida barba, que es deia La Trinité, el qual, com la major part dels pingüins, no entenia un borrall de l’afer però començava a trobar que s’hi barrejaven masses frares.

    El general Greatauk, abans de deixar el Ministeri, féu els seus advertiments a Panther, el seu cap d’Estat Major.

    —Jo me’n vaig i vós us quedeu —li digué estrenyent-li la mà—. L’afer Pyrot és com una filla per a mi; us la confio; és mereixedora del vostre amor i de la vostra cura; és bella. No oblideu que a la seva beutat li convé l’ombra, li escau el misteri i li va bé restar entre boires. Respecteu el seu pudor. Ja són massa les mirades indiscretes que han profanat els seus encants… Panther, vós heu volgut trobar proves i les heu obtingut. En teniu moltes; fins i tot massa. Preveig intervencions inoportunes i curiositats perilloses. Al vostre lloc, engegaria al foc totes les carpetes. Creieu-me, la millor de les proves és no tenir-ne. Aquesta és l’única que hom no discuteix.

    Ai las! El general Panther no comprengué el bon seny d’aquests consells. L’avenir havia de donar tota la raó a la clarividència de Greatauk. Des de la seva entrada al Ministeri, La Trinité demanà l’expedient de Pyrot. Peniche, el seu ministre de la Guerra, li refusà en nom del suprem interès de la defensa nacional i li explicà que aquest expedient constituïa, ell tot sol, sota la guarda del general Panther, el més voluminós arxiu del món. La Trinité estudià el procés com pogué i, sense arribar al fons, el sospità irregular. Des d’aleshores, d’acord amb els seus drets i prerrogatives, n’ordenà la revisió. Immediatament, Peniche, el seu ministre de la Guerra, l’acusà d’insultar la milícia i de trair la pàtria, i li llençà la seva cartera pel cap. Fou reemplaçat per un segon que féu el mateix i el que succeí, un tercer que imità aquests exemples. Els següents, fins a setanta, es comportaren com llurs predecessors i el venerable La Trinité gemegà, aclaparat, sota les carteres bel·licoses. El setanta-u ministre de la Guerra, Van Julep, restà en funcions; no perquè estigués en desacord amb tants i tan nobles col·legues, sinó perquè ell havia rebut l’encàrrec de trair generosament el president del Consell, d’omplir-lo d’oprobi i de vergonya i de fer girar la revisió per glorificar Greatauk, a satisfacció dels antipyrots, a profit dels monjos i per a la restauració del príncep Cruxo.

    El general Van Julep, dotat d’altres virtuts militars, no tenia prou malícia per utilitzar els procediments subtils i els mètodes exquisits de Greatauk. Pensava, com el general Panther, que calien proves tangibles contra Pyrot, que mai no n’hi hauria prou, que mai no n’hi hauria massa. Expressà aquest parer al seu cap d’Estat Major, que es moria de ganes de compartir-lo.

    —Panther —li digué— ha arribat el moment en què ens calen proves abundants i superabundants.

    —Amb això en tinc prou, mon general —respongué Panther—; vaig a completar el nou arxiu.

    Sis mesos més tard, les proves contra Pyrot omplien dos pisos del Ministeri de la Guerra. El sostre s’esfondrà sota el pes de les carpetes i les proves esllavissant-se com en un allau, esclafaren dos caps de servei, catorze caps de despatx i seixanta expedicionaris que treballaven, als baixos, en transformar la forma de les polaines dels caçadors. Calgué apuntalar les parets de l’enorme edifici. Els passants veien esverats les enormes bigues que, engalzades obliquament contra la façana dislocada i tambalejant, obstruïen el carrer, paraven la circulació dels vehicles i dels passants i presentaven un obstacle als autobusos que hi topaven de nassos amb llurs passatgers.

    Els jutges que havien condemnat Pyrot no eren exactament jutges sinó militars. Els jutges que havien condemnat Colomban eren jutges, però jutges menuts, vestits amb un parracot negre com les rates de sagristia, pobres diables de jutges, jutjadors morts de gana. Per damunt d’ells hi havia els grans magistrats que portaven llurs togues roges amb llurs musetes d’ermini. Aquests, famosos per llur ciència i llur doctrina, constituïen un tribunal el terrible nom del qual ja expressava el seu poder. Se l’anomenava el Tribunal de Cassació per donar a entendre que era el martell suspès sobre els jutjaments i decrets de tota altra jurisdicció.

    Doncs un d’aquests jutges rojos del Tribunal Suprem, anomenat Chaussepied, menava aleshores en un barri d’Alca, una vida modesta i tranquil·la. La seva ànima era pura, el seu cor honest i el seu esperit just. Quan havia finit d’estudiar els expedients, tocava el violí i cultivava jacints. Els diumenges dinava a casa d’unes veïnes, les senyoretes Helbivore. La seva vellesa era somrient i robusta i els seus amics es vanaven de l’amenitat del seu caràcter.

    Amb tot, des de feia alguns mesos, semblava irritable i malhumorat i, si obria el diari, la seva cara ampla i de color de rosa, es turmentava amb arrugues doloroses i s’emporprava de ràbia. Pyrot n’era la causa. El conseller Chaussepied no arribava a comprendre com un oficial havia pogut cometre una acció tan negra, com la de lliurar vuitanta mil garbes de fenc militar a una nació veïna i enemiga; comprenia encara menys que un gojat semblant hagués trobat defensors oficiosos a Pingüínia. El sol pensament que a la seva pàtria pogués existir un Pyrot, un coronel Hastaing, un Colomban, un Kerdanic, un Phoenix, li espatllava els seus jacints, el seu violí, el cel i la terra, tota la natura i els dinars a casa les senyoretes Helbivore.

    El procés Pyrot fou remès pel ministre de Justícia al Tribunal Suprem i escaigué al conseller Chaussepied la tasca d’examinar-lo i descobrir-ne els vicis en el cas que n’hi haguessin. Íntegre i pobre tant com se’n pugui ésser i format per una llarga habitud d’exercir la seva magistratura sense odis ni favors, s’esperava demostrar pels documents que li eren sotmesos, les proves d’una culpabilitat certa i d’una perversitat tangible.

    Després de llargues dificultats i del refús reiterat del general Van Julep, el conseller Chaussepied obtingué comunicació dels lligalls de l’arxiu. Anotats i comentats eren en nombre de catorze milions sis-cents vint-i-sis mil tres-cents dotze. Tot estudiant-los, el jutge es quedà, de primer, sorprès, després, parat, estupefacte, meravellat i, si goso dir-ho, miraculat. A les carpetes hi trobà prospectes de magatzems de novetats, diaris, revistes de modes, paperines d’adroguer, correspondències comercials passades, cartipassos de minyons de col·legi, teles d’embalatge, paper de vidre per fregar els empostissats, naips de joc, plànols d’edificis, sis mil exemplars de la Clau dels somnis, però ni un sol document on es parlés de Pyrot.

    El procés fou cassat i Pyrot baixat de la seva gàbia. Els antipyrots no es donaren per vençuts. Els jutges militars jutjaren de nou Pyrot. Greatauk, en aquest segon afer, es mostrà superior a si mateix. Obtingué una segona condemna. L’obtingué declarant que les proves comunicades al Tribunal Suprem no valien res i que hom s’havia guardat pla bé de donar les bones car aquestes havien de seguir secretes. Segons el parer dels entesos, mai no havia demostrat tanta traça. En sortir de l’audiència, quan travessava el vestíbul del tribunal entremig dels tafaners amb pas tranquil, les mans darrera l’esquena, una dona vestida de vermell, amb la cara tapada amb un vel negre, se li tirà al damunt brandant un ganivet de cuina:

    —Mor-te, canalla! —cridà.

    Era Maniflore. Abans que els presents s’adonessin del que passava, el general li agafà el braç i, amb una suavitat aparent, li estrenyé amb tanta força que el ganivet li caigué de la mà adolorida.

    Aleshores ell el recollí i l’allargà a Maniflore.

    —Senyora —li digué inclinant-se—, us ha caigut una eina del parament de casa.

    No pogué impedir que l’heroïna fos portada a la comissaria; però la féu deixar anar de seguida i interposà tota la seva influència per a evitar que fos perseguida.

    La segona condemna de Pyrot fou la darrera victòria de Greatauk.

    El conseller Chaussepied, que en altres temps havia apreciat molt els soldats i estimat llur justícia, ara, enrabiat com una mona contra els jutges militars, anul·lava totes llurs sentències tal com un mico trenca totes les avellanes. Rehabilità Pyrot per segona vegada; si hagués calgut l’hauria rehabilitat cinc-centes vegades.

    Furiosos d’haver estat covards i d’haver-se deixat enganyar, els republicans se les emprengueren contra els frares i capellans. Els diputats votaren lleis d’expulsió en contra d’ells, de separació i d’espoliació. Arribà allò que el pare Cornemuse havia previst. Aquest bon monjo fou expulsat del bosc dels Conills. Els agents del fisc confiscaren els seus alambins i les seves garrafes i els liquadors es repartiren les botelles del licor de santa Orberose. El pietós destil·lador hi perdé els tres milions cinc-cents mil francs anuals de renda que li procuraven els seus petits productes. El pare Agaric prengué el camí de l’exili, abandonant la seva escola a mans laiques que la deixaren perdre. Separada de l’Estat mantenidor, l’Església de Pingüínia es marcí com una flor tallada.

    Victoriosos, els defensors de l’innocent, es destrossaren entre ells i s’ompliren recíprocament d’ultratges i calúmnies. El vehement Kerdanic es revoltà contra Phoenix, disposat a devorar-lo. Els grans jueus i els set-cents pyrots s’allunyaren amb menyspreu dels camarades socialistes dels que, abans, imploraven humilment l’ajuda:

    —Ja ni us coneixem de res —deien—. Deixeu-nos tranquils amb la vostra justícia social. La justícia social consisteix en defensar la riquesa.

    Elegit diputat i convertit en cap de la nova majoria, el camarada Larrivée fou elevat, per la Cambra i l’opinió, a la Presidència del Consell. Es convertí en un enèrgic defensor dels tribunals militars que havien condemnat Pyrot. Com sigui que els seus antics camarades socialistes reclamaven una mica més de justícia i llibertat per als empleats de l’Estat i per als treballadors manuals, combaté llurs propostes en un eloqüent discurs:

    —La llibertat —digué— no és el llibertinatge. Entre l’ordre i el desordre, jo ja he triat: la revolució és la impotència; el progrés no té major enemic que la violència. Per la violència no s’aconsegueix res. Senyors, aquells que com jo volen reformes, més val que es dediquin a guarir aquesta agitació que afebleix els governs com la febre acaba amb els malalts. Ja és hora que la gent decent visqui tranquil·la.

    Aquest discurs fou rebut amb grans aplaudiments. El Govern de la República continuà sotmès al control de les grans companyies financeres, l’Exèrcit consagrat exclusivament a la defensa del capital, la Marina destinada únicament a fornir comandes als metal·lúrgics. Els rics, refusant-se a pagar la part justa que els corresponia dels impostos, aconseguiren que els pobres, com abans, paguessin per ells.

    Mentrestant, enfilat a la seva vella bomba d’incendis, sota l’assemblea dels astres de la nit, Bidault-Coquille contemplava amb tristesa la ciutat adormida. Maniflore l’havia abandonat. Freturosa de noves abnegacions i nous sacrificis, se n’havia anat en companyia d’un jove búlgar a portar a Sofia la justícia i la venjança. No l’enyorava perquè, després de l’afer, li havia semblat menys bella de forma i de pensament que abans. I, cosa que li resultava més dura, ell mateix es sentia menys gran i menys bell del que s’havia cregut.

    Pensava:

    “Et creies sublim quan no tenies altra cosa que el candor i la bona voluntat. De què t’enorgulleixes Bidault-Coquille? D’haver estat dels primers en saber que Pyrot era innocent i Greatauk un canalla? Però si tres quartes parts dels que defensaven Greatauk contra els atacs dels set-cents pyrots ho sabien millor que tu. No és pas aquest el problema. De què estàs, doncs, tan orgullós? D’haver gosat dir el que pensaves? Això és el valor cívic i, el mateix que el valor militar, és un pur efecte de la imprudència. Fores imprudent. Està bé, però no n’hi ha prou perquè t’alabin fora mesura. La teva imprudència era escassa, t’exposava a perills mediocres; no t’hi jugaves pas el cap. Els pingüins han perdut aquell coratge cruel i sanguinari que, en altres temps, donava a llurs revoltes una grandesa tràgica. És l’efecte fatal de l’afebliment de les creences i els caràcters. Per haver demostrat sobre un punt particular una mica més de clarividència que els altres, t’han de mirar com si fossis un esperit superior? Més aviat em sembla ben al revés. Bidault-Coquille: tu has donat proves d’una gran incomprensió de les condicions del desenvolupament intel·lectual i moral dels pobles. Tu et figuraves que les injustícies socials eren com un enfilall de perles, que només calia treure’n una perquè saltés tot el rosari. I aquest és un pensament molt ingenu. Et vanaves d’establir d’un cop la justícia al teu país i a l’Univers. Fores un bon home, un espiritualista honest, sense gaire filosofia experimental. Però reflexiona i veuràs que també tenies la teva malícia i que, en la teva ingenuïtat, no et mancava certa trampa. Creies fer un bon negoci moral. Et deies:

    “Ja he estat just i valent una vegada per totes. Des d’ara puc comptar amb l’estima de la gent i l’elogi de la Història.”

    I ara que has perdut les il·lusions, ara que saps com és de difícil redreçar els torts i que s’ha de tornar a començar cada dia, ara tornes als teus asteroides. Fas ben fet: però torna-hi modestament, Bidault-Coquille.”

    “Només les coses extraordinàries
    poden aguantar-se.”
    Comte Robert de Montesquiou

    A la senyora Clarence, vídua d’un alt funcionari de la República, li plaïa de rebre. Tots els dijous reunia una colla d’amics de condició modesta als qui agradava la xerrameca. Les dames que freqüentaven la seva casa eren de diversa condició i edat, però totes tenien en comú certa escassetat de diners i totes havien sofert molt. Hi havia una duquessa que semblava una tiradora de cartes i una tiradora de cartes que tenia els aires d’una duquessa. La senyora Clarence era prou bonica per a conservar velles relacions, però no n’era prou per a fer-ne de noves i gaudia d’una tranquil·la consideració. Tenia una filla molt bella, però sense dot, que feia por als invitats, car als pingüins els feien més por que goig les donzelles pobres. Eveline Clarence comprenia llur reserva, en sabia el perquè i els servia el te amb un cert aire de menyspreu. Per altra banda es feia poc vistent i, a les reunions, no parlava més que amb les senyores o amb la jovenalla. La seva presència ràpida i discreta no destorbava gaire els xerraires que pensaven, o que per tractar-se d’una joveneta no entenia res, o que com que ja havia complert els vint-i-cinc anys, ho podia escoltar tot.

    Doncs un dijous, al saló de la senyora Clarence, hom parlava de l’amor. Les senyores en parlaven amb orgull, delicadesa i misteri; els homes amb indiscreció i fatuïtat. Cadascun s’interessava en la conversa només que pel que ell podia dir. S’hi féu ús de molt d’ingeni. Hi hagué evocacions brillants i molt encertades sortides. Però així que el professor Haddock es posà a discutir, aconseguí que s’avorrís tothom.

    —Amb les nostres idees sobre l’amor passa com amb tota altra cosa: descansen sobre habituds anteriors de les que hem perdut fins i tot el record. En matèria de moral, les prescripcions que han perdut llur raó d’ésser, les obligacions més inútils, les imposicions més enutjoses, les més cruels, són per llur antigor i pel misteri de llur origen, les menys discutides, les menys discutibles, les menys respectades, les més venerades, les més respectades i les que hom pot deixar de complir sense ésser bescantat massa severament. Tota la moral referent a les relacions entre els sexes està fonamentada en el principi que, la dona, una vegada obtinguda, pertany a l’home i és una cosa seva com ho és el seu cavall o les seves armes. I, com que això ha deixat d’ésser exacte, resulten absurditats tals com el matrimoni, o sigui, el contracte de venda d’una dona a un home, amb clàusules restrictives del dret de propietat, introduïdes a conseqüència de l’afebliment gradual del possessor.

    L’obligació imposada a una joveneta d’aportar la seva virginitat al matrimoni ve dels temps en què les noies eren rebutjades així que eren núbils. És ridícul que una noia que es casa als vint-i-cinc o trenta anys estigui sotmesa a aquesta obligació. Em direu que és un present del que el seu marit, si és que n’arriba a trobar un, se sentirà afalagat; però constantment podem veure que els homes cerquen les casades i es donen per ben satisfets si les poden haver tal com les troben.

    ”Encara avui dia, el deure de les noies està determinat, dintre de la moral religiosa, per l’antiga creença que Déu, el més poderós dels conqueridors, és polígam i es reserva tots els poncellatges i que ningú no en pot haver cap sense la seva benedicció. Aquesta creença, el rastre de la qual subsisteix en moltes metàfores de la literatura mística, ha deixat d’existir en la major part dels pobles civilitzats. Amb tot impera encara en l’educació de les noies, no solament entre els nostres creients, sinó també entre els nostres lliurepensadors que, en la millor part dels casos, no pensen lliurement per la senzilla raó que no pensen de cap manera.

    ”Entenimentada vol dir intel·ligent. Hom diu que una noia és entenimentada quan no sap res. Hom cultiva la seva ignorància. A despit de tota cura les més entenimentades acaben per saber, car hom no pot amagar-los ni llur pròpia natura, ni llurs propis estats, ni llurs pròpies sensacions. Però saben malament, saben de gairell. Això és tot el que es pot aconseguir amb una educació assenyada…

    —Senyor —digué bruscament i un si és no és malhumorat Josep Boutourlé, tresorer-pagador general d’Alca— em podeu creure; hi ha noies innocents, perfectament innocents i és una gran desgràcia que n’hi hagi. Jo n’he conegut tres: es varen casar; fou una desgràcia. L’una, quan el seu marit se li apropà, saltà del llit esverada i cridà per la finestra: “Socors! El meu marit s’ha tornat boig!”

    ”Un altra, al matí de la nit de noces, fou trobada, en camisa, dalt de l’armari mirall i sense voler baixar. La tercera tingué la mateixa sorpresa, però ho va aguantar tot sense plànyer-se. Només, unes setmanes després del casament, digué a cau d’orella a la seva mare: “Entre el meu marit i jo passen coses inaudites, coses que ningú no es pot imaginar, coses de les que ni a tu gosaria parlar-ne.” Per por de condemnar la seva ànima les confià al seu confessor i fou gràcies a ell que, tal volta una mica decebuda, va aprendre que aquelles coses no eren tan extraordinàries.

    —He notat —seguí el professor Haddock— que els europeus en general i els pingüins en particular, abans dels esports i l’automòbil, de res s’ocupaven tant com de l’amor. Era donar molta importància a una cosa que en té molt poca.

    —Aleshores, senyor —exclamà la senyora Crémeur sufocada— vós trobeu que quan una dona s’ha donat totalment, això no té importància?

    —No, senyora —respongué el professor Haddock—; això pot tenir la seva importància. Però encara cal saber si, en donar-se, ha ofert un verger delitós o un ermot d’escardots i pixallits. I a més, no s’està abusant una mica d’aquesta paraula, “donar”? En l’amor, una dona més aviat es deixa que no pas es dóna. Fixeu-vos en la formosa senyora Pensée…

    —És la meva mare —digué un jove alt i ros.

    —I jo la respecto totalment, senyor —cuità a respondre el professor—. No temeu que li manqui al respecte en el més mínim. Però permeteu-me que us digui que, en general, l’opinió dels fills sobre llurs mares no s’aguanta per enlloc. No pensen prou que, una mare és mare precisament perquè va estimar i que pot estimar encara. I les coses són així i fóra de doldre que fossin d’una altra manera. He notat que les noies, al contrari, no s’equivoquen sobre la facultat d’estimar de llurs mares ni sobre l’ús que elles en fan: són rivals i ho noten de seguida.

    L’insuportable professor parlà encara llarga estona, afegint les inconveniències a la poca traça, les impertinències a la manca d’educació, acumulant incongruències, menyspreant el que és respectable i respectant el que és menyspreable; però ningú no se l’escoltava.

    Mentrestant, en la seva cambra d’una senzillesa disgraciosa, a la seva cambra trista per no ésser estimada i que, com totes les cambres de les jovenetes, tenia la fredor d’un lloc d’espera, Eveline Clarence consultava els anuaris dels clubs i els prospectes de les noves obres per a fer-se amb una major coneixença de la societat. Segura que la seva mare, confinada en un món intel·lectual i pobre, no sabria fer-la valer ni presentar-la, es decidí a cercar per ella mateixa el mitjà favorable per al seu establiment. I ho féu, ensems, d’una manera obstinada i tranquil·la, sense somnis, sense il·lusions, no veient en el matrimoni més que una manera d’entrar en el joc i un permís de circulació i fent-se de manera clarivident el càrrec de la importància de l’atzar. Posseïa els mitjans per plaure i una fredor que li permetia de servir-se’n. La seva feblesa estava en què no podia mirar sense enlluernar-se tot el que tenia algun aire d’aristocràtic.

    Quan es trobà tota sola amb la seva mare, li digué:

    —Mamà, demà anirem al retir del pare Douillard.

    El retir del reverend pare Douillard acoblava cada divendres a les nou del vespre, a l’aristocràtica església de Sant Maël, la flor i nata de la societat d’Alca. El príncep i la princesa dels Boscénos, el vescomte i la vescomtessa Olive, la senyora Bigourd, el senyor i la senyora de la Trumelle no se’n perdien ni una sessió. Hom hi veia el millor de l’aristocràcia i les velles baronesses jueves ajudaven amb llur esplendor car, les baronesses jueves d’Alca, eren cristianes.

    Aquest retir tenia per objecte, com tots els retirs religiosos, proporcionar a la gent de món una mica de recolliment per a pensar en llur salvació. També estava destinat a atreure damunt tan nobles i il·lustres famílies, la benedicció de santa Orberose que tan estima els pingüins. Amb un zel veritablement apostòlic, el reverend pare Douillard curava de l’acompliment de la seva obra: restablir santa Orberose en les seves prerrogatives de patrona de Pingüínia i consagrar-li damunt una de les muntanyoles que dominen la ciutat, una església monumental. Un èxit prodigiós havia coronat els seus esforços i, per a la realització d’aquesta empresa nacional, comptava amb més de cent mil adherents i més de vint milions de francs.

    És al cor de Sant Maël on es mostra, relluent d’or, brillant de pedreria, rodejat de ciris i de flors, el nou reliquiari de santa Orberose.

    Veieu el que hom pot llegir en la Història dels miracles de la patrona d’Alca, pel reverend Plantain:

    L’antic reliquiari fou fos durant el Terror i les precioses despulles de la Santa foren llançades a una foguera encesa al mig de la plaça de la Grève. Però una pobra dona, molt pietosa, anomenada Rouquin, anà, de nit i a risc de la seva vida, a recollir d’entre les brases els ossos calcinats i les cendres de la Benaventurada. Ho conservà tot en un pot de confitura i, quan vingué el restabliment del culte, ho portà al venerable rector de Sant Maël. La senyora Rouquin acabà els seus dies pietosament al càrrec de la venedora de ciris i llogadora de cadires a la capella de la Santa.

    El cert és que, del record del pare Douillard, quan minvà la fe, el culte de santa Orberose gairebé abandonat des de feia tres-cents anys per la crítica del canonge Princeteau i el silenci dels doctors de l’Església, reviscolà de nou i augmentà en pompa i esplendor amb més devoció que mai. Ara els teòlegs no esborraven ni una cosa de la llegenda; tenien per demostrats tots els fets que contava l’abat Simplicissimus i creien especialment, segons el testimoni d’aquest religiós, que el dimoni, prenent la forma d’un monjo, s’havia emportat la Santa a una cova i havia lluitat amb ella fins que ella el vencé. No es preocupaven d’assenyalar ni el lloc ni la data: no feien cap mena d’exegesi i es guardaven pla bé de concedir a la ciència el que en altres temps li acordà el canonge Princeteau: massa sabien on condueixen aquestes coses.

    L’església resplendia de llum i de flors. Un tenor de l’Òpera cantava el cèlebre himne de santa Orberose:

    La Verge Santa apareix,
    Dalt del cel en la nit bruna.
    Damunt nostre resplendeix,
    Talment la Lluna.

    La senyoreta Clarence es col·locà al costat de la seva mare, davant del vescomte Cléna i restà llarga estona agenollada damunt del seu reclinatori car l’actitud de la pregària és la que escau a les verges prudents i fa ressaltar llurs formes.

    El reverend pare Douillard pujà a la trona. Era un gran orador: sabia impressionar, sorprendre, commoure. Les dames només es planyien que prediqués contra el vici amb una rudesa excessiva, en termes molt crus que les feia tornar vermelles. Però no per això el tenien en menys estima.

    Tractà en el seu sermó de la setena prova de santa Orberose que fou temptada pel dragó que anava a combatre. Però no; ella no sucumbí i desarmà el monstre.

    L’orador demostrà sense dificultat que, amb l’ajuda de santa Orberose i emparats amb les virtuts que ella ens inspira, nosaltres també podrem destruir els dragons que cauen damunt nostre i que intenten devorar-nos: el dragó del dubte, el dragó de la impietat, el dragó de l’oblit dels deures religiosos. En tragué la conseqüència que l’obra de la devoció a santa Orberose era una obra de regeneració social i acabà amb una fervorosa crida “als fidels freturosos de convertir-se en instruments de la divina misericòrdia, desitjosos d’ésser el recolzament i el sosteniment de l’obra de santa Orberose i de facilitar-li tots els mitjans necessaris per a tornar-li la seva esplendor i produir els fruits de la salvació12.”

    Al finir la cerimònia, el reverend pare Douillard romania a la sagristia a la disposició dels fidels desitjosos d’obtenir informació sobre l’obra o d’aportar llur ajuda. La senyoreta Clarence tenia alguna cosa a dir al pare Douillard; el vescomte Cléna també; hi havia una gran gentada i s’havia de fer cua. Per una feliç coincidència, el vescomte Cléna i la senyoreta Clarence es trobaven l’un al costat de l’altra, una mica massa estrets, potser. Eveline havia distingit a aquest jove elegant gairebé tan conegut com el seu pare en el món dels deports. Cléna ja l’havia filada i, com que li semblava bonica, la saludà, s’excusà i féu veure que es pensava que ja havia estat presentat a aquestes senyores, però que no es recordava on. Elles feren veure que es pensaven el mateix.

    A la setmana vinent es presentà a casa la senyora Clarence que imaginava una mica lleugera, cosa que no li podia desplaure i, en veure de nou Eveline confirmà que no s’havia errat i que, verdaderament, era molt bonica.

    El vescomte Cléna tenia el més bell automòbil d’Europa. Durant tres mesos hi passejà, cada dia, les senyores Clarence, per la muntanya, les planes, els boscos i les valls; recorregué amb elles tots els llocs pintorescos i tots els castells. Ell digué a Eveline tot el que pot ésser dit i féu el que pogué. Ella no li amagà que l’estimava, que l’estimaria sempre i que només a ell podria estimar. Restava al seu costat panteixant i seriosa. A l’abandó d’un amor fatal, feia seguir, quan calia, la invisible defensa d’una virtut conscient del perill.

    Al cap de tres mesos, després d’haver-la fet pujar, baixar, tornat a pujar i tornat a baixar i passejat quan ho permetien les innombrables avaries del cotxe, ell se la sabia de memòria com el volant de la seva màquina, però d’aquí no passava. Ell combinava les sorpreses, les aventures, les parades sobtades en l’espessor d’un bosc i davant de les posades nocturnes; però no per això avançava. Es deia que això era una estupidesa i, furiós, fent-la pujar al cotxe de nou, corria a cent vint l’hora decidit a deixar-la caure en una cuneta o d’esclafar-la, junt amb ell, contra un arbre.

    Un dia que vingué a cercar-la a casa la seva mare per dur-la d’excursió, la trobà encara més delitosa que mai i més irritant. Caigué damunt d’ella com l’huracà sobre els joncs a la vora d’un estany. Ella es doblegà amb una adorable feblesa i, vint vegades, estigué a punt de caure, arrencada per la ventada de l’oratge; però vint vegades es redreçà subtil i vincladissa i, després de tants assalts, s’hauria dit que només un airet lleuger havia passat damunt la tija fetillera; ella somreia, com si encara s’oferís a la mà ardida. Aleshores el seu malaventurat agressor, esmaperdut, rabiós, quasi enfollit fugí per no matar-la, s’errà de porta, entrà al dormitori de la senyora Clarence quan s’estava posant el capell davant de l’armari mirall, l’agafà, la llançà damunt del llit i la posseí abans que ella s’adonés del que li passava.

    El mateix dia, Eveline, que feia les seves indagacions, s’assabentà que, el vescomte Cléna no tenia més que deutes, vivia a l’esquena d’una vella i feia propaganda dels nous models d’una fàbrica d’automòbils. De comú acord es separaren i Eveline tornà a servir, de mala gana, el te als invitats de la seva mare.

    Al saló de la senyora Clarence es parlava de l’amor i hom en deia coses delicioses.

    —L’amor és el sacrifici —sospirà la senyora Crémeur.

    —Ja ho pot ben dir —afegí seguidament el senyor Boutourlé.

    Però el professor Haddock desplegà tot seguit la seva carregosa insolència:

    —Em sembla —digué— que les pingüines es donen molts fums des que, per virtut de sant Maël, es convertiren en vivípares. I no n’hi ha per donar-se tanta importància: és una qualitat que també la tenen les vaques i les truges el mateix que els llimoners i tarongers, tota vegada que la llavor d’aquestes plantes germina en el pericardi.

    —Els fums de les pingüines no ve pas de tan lluny —replicà el senyor Boutourlé—. Data del dia en què el Sant apòstol les va vestir i encara, aquesta importància per llarg temps secreta, no esclatà més que amb el luxe i la moda i encara només en un petit sector de la societat. Car si sortiu al camp, només que a dues llegües d’Alca, pel temps de la collita, ja veureu si les dones fan tantes maneres i si es donen tants fums.

    Aquest dia, el senyor Hipòlit Cérès es féu presentar. Era diputat per Alca i un dels membres més joves de la Cambra. Hom deia que era fill d’un taverner; però era advocat, sabia parlar com cal, era fort i ben plantat, tenia bon aspecte i passava per molt eixerit.

    —Senyor Cérès —li digué la mestressa de la casa—, vós representeu el districte més bonic d’Alca.

    —I que guanya de dia en dia, senyora.

    —Malauradament no s’hi pot donar un pas —es planyé el senyor Boutourlé.

    —Per què? —preguntà Cérès.

    —Doncs per culpa dels automòbils!

    —No en digueu mal —respongué el diputat—. És la nostra gran indústria nacional.

    —Em consta, senyor. Els pingüins d’avui dia em fan pensar en els egipcis d’altre temps. Els egipcis, segons Taine, que s’ho treu de Clement d’Alexandria del que, per altra banda ha modificat el text, adoraven els cocodrils que els devoraven. Els pingüins adoren els autos que els aixafen. No hi ha dubte que l’avenir és per aquesta bèstia de metall. No tornarem al fiacre, de la mateixa manera que no hem tornat a la diligència. El perllongat martiri del cavall s’ha ben acabat. L’auto, que la cupiditat frenètica dels industrials llançà com un carro de Jagernat sobre el poble esverat i del que els vagarosos i els esnobs en feren una imbècil i funesta elegància, acomplirà aviat la seva funció necessària i, posant la seva força al servei de tot el poble, es convertirà en un monstre dòcil i feiner. Però perquè deixi de molestar i es converteixi en una cosa útil, caldrà construir-li camins que estiguin d’acord amb la seva embranzida, avingudes que pugui destrossar amb els seus pneumàtics terribles i amb els quals no engegui la seva polseguera enverinada al pit de la gent. S’haurien de prohibir aquests nous camins als vehicles de més petita velocitat igual que als pobres animals i establir garatges i passeres, a fi d’assegurar l’ordre i el bon acord en els camins futurs. Aquesta és l’opinió d’un bon ciutadà.

    La senyora Clarence féu decaure la conversa sobre l’abelliment dels barris, tal com proposava el senyor Cérès el qual manifestà el seu entusiasme per les demolicions, les excavacions, les construccions i reconstruccions i tota mena de treballs fructuosos.

    —Avui es construeix d’una faisó admirable —digué—. Arreu s’obren avingudes majestuoses. S’ha vist mai res més bonic que els nostres ponts amb pilastres i els nostres edificis amb cúpula?

    —Oblideu aquest palau recobert amb una immensa campana que sembla mig meló —rondinà el senyor Daniset, vell aficionat a l’art—. Admiro el grau de lletgesa a què pot arribar una ciutat moderna. Alca s’americanitza; arreu es destrueix tot el que resta de lliure, d’improvisat, de mesurat, de moderat, d’humà, de tradicional. Hom destrueix per tot aquesta cosa encantadora: un vell mur per damunt del qual lluquen les branques, arreu hom suprimeix una mica d’aire, una mica de claror, una mica de natura, el que restava encara del record, una mica dels nostres pares, de nosaltres mateixos i hom aixeca cases espantoses, enormes, infames, embarretades a la vienesa amb cúpules ridícules o sotmeses a l’art modern, sense motllures ni perfils, amb sortints sinistres i sostres grotescos. I aquests monstres diversos s’enfilen sense vergonya més enlaire de les cases que els rodegen. Hom veu sorgir damunt de les façanes, amb una lleugeresa que repugna, unes protuberàncies bonyegudes que anomenen motius de l’art modern. L’he vist en altres països aquest art modern i no és tan abjecte: té certa bonhomia i certa fantasia. És entre nosaltres que, per un trist privilegi, es poden contemplar les més lletges arquitectures, les més modernament i més variadament lletges: és un trist privilegi!

    —¿No temeu —preguntà seriosament el senyor Cérès—, no temeu que aquestes crítiques amargues puguin apartar de la nostra capital els estrangers que hi vénen d’arreu del món i que hi deixen llurs milions?

    —Podeu estar tranquil —digué el senyor Daniset—. Els estrangers no vénen per admirar els nostres edificis. Vénen a veure les nostres dones alegres, els nostres modistes i les nostres ballarugues.

    —Tenim el mal vici —sospirà el senyor Cérès— de calumniar-nos nosaltres mateixos.

    La senyora Clarence, com a bona mestressa de casa, jutjà que ja era hora de tornar al tema de l’amor i preguntà al senyor Jumel què pensava del llibre recent en el que Lleó Blun es plany…

    —…Que una costum, mancada de bon sentit —acabà el professor Haddock —prohibeix a les senyoretes de la bona societat fer l’amor, que farien de gust, mentre que les noies mercenàries el fan massa i sense trobar-hi gust. És deplorable, en efecte; però que el senyor Lleó Blum no se’n faci massa. Si el mal és tal com ell diu en la nostra societat burgesa, li puc jurar que, en tot altre ambient podrà veure un espectacle més consolador. En el poble, en l’ampli poble de les ciutats i dels camps, les noies no es priven pas de fer l’amor.

    —Això és una desmoralització, senyor! —digué la senyora Crémeur.

    I féu un elogi de la innocència de la jovenalla en termes plens de pudor i de gràcia. Era encantador de no dir!

    Al contrari, els termes del professor Haddock sobre el mateix tema feien pena d’escoltar:

    —Les jovenetes de la bona societat —digué— estan molt vigilades i guardades. Per altra banda els homes no en volen saber res; per decència, per temença a les terribles responsabilitats i perquè la seducció d’una donzella no fa favor a ningú. I encara, en realitat, no sabem el que passa, perquè el que es fa d’amagat no ho veu ningú. Aquesta condició és necessària per a l’existència de qualsevol societat. Les jovenetes mundanes serien més lleugeres, com ho són les senyores, si fossin igualment sol·licitades. I això per dues raons: tenen més il·lusions i llur curiositat no ha estat satisfeta. Les més de les vegades, les dones han estat tan mal encetades per llurs marits que no s’atreveixen a començar tot seguit amb un altre. Us puc dir que jo mateix m’he topat amb aquest obstacle en els meus intents de seducció.

    En el moment en què el professor Haddock acabà de dir aquestes paraules desplaents, la senyoreta Eveline Clarence entrà al saló i serví el te amb aquell posat d’avorriment que posava una gràcia oriental a la seva bellesa.

    —Jo —digué Hipòlit Cérès tot mirant-la— em tinc pel campió de les senyoretes.

    “És un imbècil” pensà la noia.

    Hipòlit Cérès, que mai havia posat els peus fora del seu món polític d’electors i elegits, trobà el saló de la senyora Clarence molt distingit: la mestressa de la casa exquisida, la seva filla rarament bonica. Es féu visita constant de la casa i festejà l’una i l’altra. La senyora Clarence, a la que afalagaven les atencions, el trobava agradable. Eveline no li demostrava cap preferència i el tractava amb una altivesa i un menyspreu que ell prenia per maneres aristocràtiques i posats distingits, que feien que encara l’admirés més.

    Aquell home conegut se les enginyava per fer-se agradable i, algunes vegades, se’n sortia. Els proporcionava entrades per les grans sessions i llotges per a l’Òpera. Proporcionà a la senyoreta Clarence moltes ocasions de fer-se veure afavorida i en particular, en una festa camperola, que encara que fou donada per un ministre, fou tinguda com a veritablement mundana i valgué a la República el seu primer èxit entre les persones elegants.

    En aquesta festa, Eveline fou molt afalagada i cridà l’atenció d’un jove diplomàtic anomenat Roger Lambilly que, imaginant-se que pertanyia a un món fàcil, li donà cita al seu pis de solter. Ella el trobava bell i es pensava que era ric: anà a casa seva. Una mica emocionada, gairebé torbada, estigué a punt d’ésser víctima de la seva gosadia i no evità el desastre més que per una maniobra ofensiva audaçment executada. Fou la major follia de la seva vida de joveneta.

    Introduïda en la intimitat dels ministres i del President, Eveline hi portà uns aires d’aristocràcia i de pietat que li procuraren la simpatia de l’alt personal de la República anticlerical i democràtica. Hipòlit Cérès, veient l’èxit que tenia i que el feia quedar bé, l’estimava més encara i acabà per estar-ne perdudament enamorat.

    Des d’aleshores, a contracor, ella començà a observar-lo amb interès, curiosa de veure si la cosa tirava endavant. El trobava sense elegància, sense delicadesa, mal educat; però actiu, llest, ple de recursos i no gaire enutjós. Encara es reia d’ell, però ja se’n preocupava.

    Un dia volgué posar a prova el seu afecte.

    Era en època electoral en la qual ell pretenia el renovellament del seu mandat. Tenia un contrincant poc perillós al principi, sense recursos oratoris, però molt ric i que, segons es deia, cada dia guanyava més vots. Hipòlit Cérès, sense sentir-se massa confiat ni tampoc amb massa temença, no deixava de vigilar-lo. La seva principal activitat electoral consistia en les reunions públiques en les quals, i a força de pulmons, desbancava el seu rival. El seu comitè donava grans sessions de controvèrsia el dissabte al vespre i el diumenge a les tres en punt de la tarda.

    Doncs un diumenge, havent anat a fer visita a les senyores Clarence, trobà Eveline sola al saló. Feia vint o vint-i-cinc minuts que estava parlant amb ella quan es tragué el rellotge i veié que ja eren tres quarts de tres. Ella es féu més amable, falaguera, graciosa, inquietant, plena de promeses. Cérès, emocionat, s’aixecà.

    —Un moment! —digué ella amb una veu acaronadora i dolça que el féu caure de nou al seient.

    Ella li demostrà interès, abandó, curiositat, feblesa. Ell es tornà vermell, empal·lidí, i s’aixecà altre cop.

    Aleshores, per retenir-lo, ella se’l mirà amb uns ulls el gris dels quals es feia tèrbol i negat i, amb el pit panteixant, deixà de parlar. Vençut, esmaperdut, aclaparat, caigué als seus peus i, després, havent mirat encara altre cop el rellotge, saltà i engegà un renec espantós:

    —F…! Les quatre menys cinc. Me n’he d’anar corrents.

    I, amb quatre salts, baixà l’escala.

    Des d’aleshores, ella començà a sentir per ell una certa estima.

    No és que ella l’estimés molt, però volia que ell l’estimés. Per altra banda, amb ell era molt retreta, no pas solament a causa de manca d’afecte sinó perquè entre les coses de l’amor n’hi ha que hom fa de tant se me’n dóna, per distracció, per instint femení, per costum i esperit tradicional, per provar fins on es pot arribar i per la satisfacció de veure’n les conseqüències. La causa de la seva prudència era que el tenia per molt barra, capaç d’aprofitar-se de les seves franqueses i de retreure-les-hi després, si no seguia concedint-les-hi.

    Com que, d’ofici, era anticlerical i lliurepensador, ella considerava prudent de simular davant seu unes maneres pietoses i de presentar-se amb devocionaris enquadernats en pell roja, de gran format, com per exemple el Missal de Setmana Santa de la reina Maria Leczinska i de la delfina Maria Josep. A cada moment li ensenyava les subscripcions que feia per assegurar el culte nacional de santa Orberose. No ho feia per embotir-lo, per murrieria ni per esperit de contradicció, ni tan sols esnobisme, per més que n’era una mica. D’aquesta manera ella s’afermava, es donava un caràcter, agafava importància i excitava l’ànim del diputat, embolcallant-se de religió, com Brunilda, per atreure Sigurd, es rodejà de flames. La seva audàcia tingué èxit. D’aquesta manera ell la trobava més bonica. El clericalisme, als seus ulls, era un tipus d’elegància.

    Reelegit per una enorme majoria, Cérès entrà a formar part d’una Cambra més inclinada a l’esquerra, més d’avançada que la precedent i més desitjosa de reformes. Havent-se adonat de seguida que aquest gran zel amagava la por d’un canvi i un sincer desig de no fer res, es prometé realitzar una política que correspongués a tals aspiracions. Des del començament de les sessions, pronuncià un gran discurs, hàbilment concebut i ben ordenat, sobre la idea que, tota reforma ha d’ésser ajornada per un llarg temps. Es mostrà fogós, gairebé bullent, tenint per principi que l’orador ha de recomanar moderació amb la major vehemència. Fou aclamat per tota l’assemblea. Les senyores Clarence l’escoltaren des de la tribuna presidencial. Eveline, malgrat ella, s’estremí amb el brogit solemnial dels aplaudiments. Al seu costat, la formosa senyora Pensée tremolava a compàs d’aquella veu mascle.

    Just en baixar de la tribuna, Hipòlit Cérès, sense perdre temps per mudar-se de camisa, mentre encara duraven els aplaudiments, anà a saludar les senyores Clarence a llur tribuna. Eveline trobà en ell la bellesa de l’èxit i, mentre que ell inclinat vers les senyores rebia llurs compliments amb aire modest no exempt d’una certa punta de fatuïtat, tot eixugant-se el clatell amb el mocador, Eveline mirà de reüll la senyora Pensée i la veié que respirava amb voluptat la suor de l’heroi, anhelosa, amb les parpelles pesades, el cap tombat enrere, a punt de defallir. De seguida Eveline somrigué tendrament al senyor Cérès.

    El discurs del diputat per Alca féu molt soroll. En les “esferes” polítiques fou qualificat de molt hàbil. “Per fi hem sentit un llenguatge honest” escriví el diari moderat. “És tot un programa” hom deia a la Cambra. Tothom estava d’acord en trobar-hi la demostració d’un gran talent.

    Des d’aleshores, Hipòlit Cérès s’imposà com a cap dels radicals, socialistes, anticlericals, que el nomenaren president de llur grup, el més considerable de la Cambra. Fou designat per a una cartera en la propera combinació ministerial.

    Després de molt dubtar, Eveline Clarence acceptà la idea de casar-se amb Hipòlit Cérès. Pel seu gust, el gran home resultava una mica vulgar: no hi havia res encara que demostrés que ell aconseguiria un dia aquell punt en què la política procura grosses sumes de moneda; però ella entrava en els seus vint-i-set anys i coneixia prou la vida per saber que no era hora d’ésser massa exigent.

    Hipòlit Cérès era cèlebre. Hipòlit Cérès era feliç. Ningú no el reconeixia. L’elegància dels seus vestits i de les seves maneres augmentà terriblement. Portava guants blancs massa sovint i ara, massa home de món, feia dubtar Eveline si no era pitjor massa que massa poc. La senyora Clarence veia amb gust el prometatge de la seva filla, tranquil·litzada pel seu avenir i satisfeta de tenir, cada dijous, flors per al seu saló.

    De totes maneres, la celebració de la boda presentà certes dificultats. Eveline era pietosa i volia rebre la benedicció de l’Església. Hipòlit, tolerant però lliurepensador, només admetia el matrimoni civil. A propòsit d’això hi hagué discussions i fins i tot escenes desesperades. La darrera tingué lloc a la cambra de la joveneta en el moment de redactar les invitacions. Eveline declarà que, si no passava per l’Església, no se sentiria casada. Parlà de rompre, d’anar-se’n a l’estranger amb la seva mare o de ficar-se a un convent. Després es féu la tendra, feble, manyaga, gemegosa. I tot gemegava amb ella en la cambra virginal, la pica de l’aigua beneita, la branqueta de boix de sobre el seu llit blanc, els llibres de missa sobre el petit prestatge, l’estatueta blanca i blava de santa Orberose damunt del marbre de la xemeneia encadenant el dragó de Capadòcia. Hipòlit Cérès estava entendrit, desfet, fos.

    Embellida pel dolor, els ulls brillants de llàgrimes, els punys rodejats amb uns rosaris de lapislàtzuli com encadenats per la fe, de sobte es llançà als peus d’Hipòlit, li abraçà els genolls, esmorteïda, despentinada.

    Ell gairebé cedí i mormolejà:

    —Un casament religiós, un casament per l’Església, potser encara els ho podria fer empassar als meus electors; però el meu comitè no ho pairà fàcilment… En fi, els ho explicaré,… la tolerància, les conveniències socials… Tots envien llurs fills a la doctrina… Pel que fa a la meva cartera… diantre! Em sembla, estimada, que l’ofegarem en aigua beneita.

    Davant d’aquests paraules, ella s’aixecà, greu, generosa, resignada, vençuda.

    —Amic meu, no en parlem més.

    —Aleshores, res de casament per l’Església? Així és millor, molt millor.

    —Sí! Però deixa’m fer. Miraré d’arranjar-ho tot a satisfacció teva i meva.

    Anà a trobar el reverend pare Douillard i li exposà la situació. Es mostrà més comprensiu i fàcil del que ella s’esperava.

    —El vostre marit és un home intel·ligent, un home d’ordre i de seny: ja vindrà a nosaltres. Vós el santificareu. No és endebades que Déu li ha concedit una muller cristiana. L’Església no exigeix sempre per les seves benediccions nupcials les pompes i l’esclat de les cerimònies. Ara que se sent perseguida, l’ombra de les criptes i els topants de les catacumbes escauen a les seves festes. Senyoreta, quan haureu acomplert les formalitats civils, veniu aquí, al meu oratori particular, amb vestit de carrer i amb el senyor Cérès. Jo us casaré dintre de la més absoluta discreció. Obtindré de l’arquebisbe les dispenses necessàries i totes les facilitats pel que respecte a les amonestacions, la cèdula de confessió, etc.

    Hipòlit, tot i trobant que la combinació era perillosa, l’acceptà envanit en el fons.

    —Hi aniré d’americana —digué.

    Hi anà de levita, amb guants blancs i sabates de xarol i féu totes les genuflexions.

    —Quan la gent és ben educada…!

    El matrimoni, d’una modèstia decorosa, s’instal·là en un bonic departament d’una casa nova. Cérès estimava la seva dona amb franquesa i lleialtat. Sovint havia de romandre fora de casa en reunions de la comissió de pressupost i, més de tres nits per setmana, les dedicava a redactar una informació sobre les despeses de correus que volia que fos una obra mestra. Eveline el sabia agosarat i no li desplaïa. El costat negre del problema és que no tenien gaires diners: en realitat en tenien molt pocs. Els que serveixen la República no s’enriqueixen tant com la gent es pensa. Així que no hi ha un sobirà per repartir favors, cadascú pren el que pot i, el que se n’emporten els altres limita forçosament el que l’un se’n pot endur. D’aquí ve l’austeritat de costums que es nota en els caps de les democràcies. Només poden enriquir-se en època de grans afers i, aleshores, es topen amb l’enveja dels companys amb menys bona fortuna. Hipòlit Cérès veia venir una temporada de grans negocis; ell era dels que en sabien preparar l’adveniment. Mentrestant, suportaven dignament una pobresa que Eveline compartia patint-ne menys del que hom podria suposar. Seguia en relació constant amb el pare Douillard i anava sovint a la capella de Santa Orberose on es trobava amb una societat seriosa de persones capaces d’ajudar-la. Sabia triar i donava franquesa al qui no la mereixia. Des de les seves excursions amb auto amb el vescomte Cléna havia agafat molta experiència i, sobretot, sabia el que es pot fer valer una dona casada.

    El diputat, de primer, s’inquietà d’aquestes pràctiques pietoses de les que feien burla els diaris demagògics; però es tranquil·litzà aviat en veure al voltant seu, tots els caps de la democràcia apropant-se amb satisfacció a l’aristocràcia i a l’Església.

    Estàvem en un d’aquests períodes, que tornen sovint, en el que hom s’adona que potser n’hem fet un gra massa. Hipòlit Cérès ho creia així amb moderació. La seva política no era de persecució sinó de tolerància. Els fonaments d’aquesta política havien quedat establerts en el seu discurs magnífic sobre la preparació de les reformes. El ministeri era tingut com massa avançat, en mantenir projectes que el capital considerava perillosos. Tenia contra seu les grans companyies financeres i, en conseqüència, els diaris de totes les opinions. Però ja era massa tard: un nou Govern ja estava a punt. Sobre una pregunta insidiosa de Pau Visire, transformada de seguida en interpel·lació, Hipòlit Cérès pronuncià un bon discurs i caigué el Govern.

    El president de la República, per constituir un nou gabinet trià aquest mateix Pau Visire que, encara que molt jove, havia estat ja ministre dues vegades i era un home agradable, freqüentador de ballarines, amb una intel·ligència i una llestesa meravelloses. Pau Visire constituí un ministeri destinat a marcar un descans i a tranquil·litzar l’opinió esverada. Hipòlit Cérès fou cridat a participar-hi.

    Els nous ministres, pertanyents a tots els grups de la majoria, representaven les opinions més diverses i més oposades; però tots eren moderats i decididament conservadors13. Conservà el seu lloc el ministre d’Afers Estrangers de l’antic gabinet, un home petit i negre anomenat Crombile que treballava catorze hores al dia en un deliri de grandeses, silenciosament, amagant-se dels seus propis agents diplomàtics, terrible intranquil·litzador que no intranquil·litzava ningú, car la imprevisió dels pobles és infinita i la dels governaments perfectament legal.

    Hom posà un socialista a Obres Públiques, Fortunat Lapersonne. Era una habitud de les més importants, de les més severes i més rigoroses, gosaria dir més terrible i cruel de la política, la de ficar en tot ministeri destinat a combatre el socialisme, un membre del partit socialista a fi que els enemics de la riquesa i la propietat passessin per la vergonya i l’amarguesa de veure’s ferits per un dels seus i que no poguessin reunir-se entre ells sense cercar amb els ulls qui els colpiria al dia següent. Només una profunda ignorància del cor humà podria fer creure que era difícil de trobar un socialista per exercir aquestes funcions. El ciutadà Fortunat Lapersonne entrà al gabinet Visire per pròpia voluntat, sense que l’empenyés ningú; entre els seus mateixos vells amics trobà qui l’aprovés ja que, fins a aquest punt té el poder un prestigi entre els pingüins.

    El general Débonnaire rebé la cartera de la Guerra. Era tingut per un dels generals més intel·ligents de l’Exèrcit; però es deixava menar per una dama galant, la senyora baronessa de Bildermann que, encara bonica a l’edat de les intrigues, s’havia posat al servei d’una potència veïna i enemiga.

    El nou ministre de Marina, el respectable almirall Vivier des Murènes, era tingut generalment com un excel·lent marí i feia gala d’una religiositat que hauria pogut semblar excessiva en un ministeri anticlerical, si la República laica no hagués reconegut que la religió era d’utilitat marinera. Sota la guia del reverend pare Douillard, el seu director espiritual, el respectable almirall Vivier des Murènes, consagrà les tripulacions de la flota a santa Orberose i féu compondre pels poetes cristians càntics en honor de la Verge d’Alca que supliren l’himne nacional en les xarangues de la Marina de guerra.

    El Ministeri Visire es manifestà carradament anticlerical, però respectuós per les creences i es declarà entenimentadament reformista. Pau Visire i els seus col·laboradors, eren partidaris de les reformes i era només per no posar en perill les reformes que no en proposaven cap; car eren verdaderament homes polítics i sabien que les reformes es fan perilloses només en proposar-les. Aquest Govern fou ben acollit, tranquil·litzà la gent benestant i féu pujar la renda.

    Anuncià la construcció de quatre cuirassers, persecucions contra els socialistes i manifestà la seva intenció de rebutjar tota mena d’impostos inquisitorials sobre beneficis. L’elecció del ministre de Finances, Terrasson, fou particularment aprovada per la gran premsa. Terrasson, exministre, famós pels seus cops a la Borsa, permeté les majors esperances dels financers i féu presagiar un període de grans negocis. Aviat s’inflaren amb la llet de les riqueses aquestes tres mamelles de les nacions modernes: l’acaparament, l’agiotatge i l’especulació fraudulenta. Ja es parlava de llunyanes empreses de colonització i els més agosarats llençaren pels diaris un projecte de protectorat militar i financer sobre la Nigrícia.

    Molt abans que Hipòlit Cérès demostrés el que valia, era tingut per home de vàlua i la gent de negoci l’apreciava. De totes bandes el felicitaren per haver romput amb els partits extremistes de gent perillosa i de tenir plena consciència de les seves responsabilitats governamentals.

    La senyora Cérès era l’única que brillava entre totes les dames del Ministeri. Crombile es mustigava en la seva solteria; Pau Visire s’havia casat en el gran comerç del nord, amb una noia com cal, la senyoreta Blampignon, distingida, considerada, senzilla, sempre malalta i que el seu estat de salut retenia constantment a casa la seva mamà al fons d’una província llunyana. Les altres ministresses no eren fetes per atreure l’atenció; hom somreia en llegir que la senyora Labillette havia comparegut al ball de la Presidència amb un capell d’aus del paradís, que la senyora almirall Vivier des Murènes, de bona família, més ampla que llarga, amb un rostre sangonós i una veu cridanera, anava ella mateixa al mercat. La generala Débonnaire, alta, seca, pigada, insaciable de joves oficials, perduda en la disbauxa i el crim, només cridava l’atenció a força de lletjor i d’insolència.

    La senyora Cérès era la fetillera del Ministeri i l’única que el feia valer. Jove, bonica, irreprotxable, reunia per a seduir la crema de la societat i les masses populars, a l’elegància del seu vestir la puresa del seu somriure.

    Els seus salons foren envaïts per l’elegància jueva. Donava les garden parties més elegants de la República. Els diaris descrivien els seus vestits i els grans modistes ni els hi feien pagar. Anava a missa, protegia contra l’animositat popular la capella de Santa Orberose i feia néixer als cors aristocràtics, l’esperança d’un nou concordat.

    De cabells d’or, ninetes gris de lli, esvelta, lleugera, amb una cintureta de gerricó, era veritablement bonica; tenia una bona anomenada, que hauria conservat intacta fins i tot en un flagrant delicte, car així era ella d’espavilada, tranquil·la i mestressa d’ella mateixa.

    La legislatura es clogué amb una victòria del gabinet que rebutjà, amb l’aplaudiment quasi unànime de la Cambra, la proposta d’un impost inquisitorial i amb el triomf de la senyora Cérès que donava una festa a tres reis que es trobaven de passada.

    Durant les vacances, el president del Consell invità el senyor i la senyora Cérès a passar una quinzena a la muntanya, en un petit castell que havia llogat per la temporada i on vivia tot sol. La salut verament deplorable de la senyora de Pau Visire no li permetia fer companyia al seu marit: restava amb els seus pares al fons d’una província septentrional.

    Aquest castell havia pertanyut a l’amistançada d’un dels darrers reis d’Alca. El saló conservava els seus mobles antics i entre ells hi havia encara el sofà de la favorita. El paisatge era deliciós. Un alegre rierol, l’Aisella, corria al peu d’una muntanyola que dominava el castell. A Hipòlit Cérès li agradava de pescar en canya. Lliurat a aquesta ocupació monòtona trobava les seves millors combinacions parlamentàries i les seves més afortunades inspiracions oratòries. Les truites eren abundoses a l’Aisella i ell les pescava del matí al vespre, amb una barca que el president del Consell havia cuitat a posar a la seva disposició.

    Mentrestant, Eveline i Pau Visire donaven un tomb pel jardí o feien un bri de conversa al saló. Eveline, tot i reconeixent la seducció que tenia per les dones, no havia encara desplegat per ell més que una coqueteria intermitent i superficial, sense intencions profundes ni cap determinat propòsit. Ell era entès i la trobava bonica. La Cambra i l’Òpera li prenien tot el temps però, al petit castell, els ulls gris de lli i la cintureta rodona d’Eveline, augmentaven de valor als seus ulls. Un dia que Hipòlit Cérès estava pescant a l’Aisella, la féu seure al seu costat al sofà de la favorita. A través de les escletxes de les cortines, que la protegien de la calor i la claror d’un dia xafogós, llargs raigs d’or colpien Eveline com les sagetes d’un amor amagat. Sota la mussolina blanca, totes les seves formes, ensems arrodonides i punxants, dibuixaven llur gràcia i llur jovenesa. Tenia la pell humida i fresca i feia olor de fenc just tallat. Pau Visire es mostrà tal com l’ocasió demanava; ella no fou esquerpa als jocs de l’atzar i de la bona societat. Es creia que això no passaria d’ésser un entreteniment sense importància; es ben equivocava.

    —Hi havia, conta la cèlebre balda alemanya, a la plaça de la vila, a la banda del solell, tocant la paret per on s’emparren les glicines, una bústia de les cartes, blava com els blauets, somrient i tranquil·la.

    ”Tot el dia venien vers ella, amb llurs sabatots, els petits mercaders, els rics terratinents, els burgesos, el perceptor i els gendarmes i li ficaven lletres de negoci, factures, requeriments i constrenyiments per a pagar l’impost, diligències dels jutges del tribunal i convocatòries per als reclutes; ella restava somrient i tranquil·la.

    ”Xirois o consirosos, venien vers ella jornalers i mossos de les masies, minyones i dides, comptables, escrivans de despatx, dones de sa casa amb llur menut als braços; li ficaven targes anunciant un naixement, un casament o una mort; cartes de promesos i promeses, de marits i mullers, de mares a llurs fills i de fills a llurs mares: ella restava somrient i tranquil·la.

    ”En la foscor, els joves minyons i les joves donzelles lliscaven d’amagat fins a ella i li ficaven lletres d’amor, xopes de llàgrimes algunes que feien escampar la tinta i d’altres amb una petita rodona indicant el lloc d’un bes, i totes molt llargues: ella restava somrient i tranquil·la.

    ”Els rics comerciants, per prudència, venien ells mateixos a l’hora de la recollida i li ficaven cartes gruixudes, lacrades amb cinc segells rojos, plenes de bitllets de banc o de xecs contra els grans establiments financers de l’Imperi: ella restava somrient i tranquil·la.

    ”Però un dia, Gaspar, que ella no coneixia ni de lluny ni de prop, vingué a ficar-li una carteta de la qual hom no-res no en sabia, només que estava plegada com un petit barretó. La bonica bústia es desmaià de seguida. Des d’aleshores no es pogué estar quieta; corria pels carrers i els camps i els boscos amb un cinyell d’heura i coronada de roses. I així segueix per les muntanyes i les valls i el guardabosc l’ha atrapada entre les espigues, als braços de Gaspar i besant-lo a la boca.

    Pau Visire havia recobrat els cinc sentits. Eveline seguia estesa al sofà de la favorita, com delitosament parada.

    El reverend pare Douillard, que excel·lia en teologia moral i que, en la decadència de l’Església, servava els principis, feia molt ben fet d’ensenyar, de conformitat amb la doctrina dels Pares que, si una dona comet un gran pecat donant-se per diner, en comet un encara de més gros si es dóna per a res; car, en el primer cas, ella ha cedit per a guanyar-se la vida i per això, de vegades, si no té excusa, menys se la pot perdonar i ésser encara digna de la gràcia divina ja que, fet i fet, Déu prohibeix el suïcidi i no vol que les seves criatures, que són els seus temples, es destrueixin a si mateixes; a més en donar-se per viure, ella resta humil i no hi troba cap gust, cosa que fa minvar el pecat. Però una dona que es dóna per a res, peca amb voluptat i gaudeix de la seva falta. L’orgull i les delectacions amb què afeixuga el seu crim fan augmentar el seu pecat mortal.

    L’exemple de la senyora d’Hipòlit Cérès posa en relleu la profunditat d’aquestes veritats morals. S’adonà que tenia sentits, cosa que fins aleshores ignorava; n’hi hagué prou amb un segon per a fer-li fer aquest descobriment, mudar la seva ànima i transformar la seva vida. Fou primer com el gran encantament d’haver après a conèixer-se. El gnothi seauton de la filosofia antiga no és pas un precepte que, pel seu acompliment moral procuri plaer, car hom no copsa gran satisfacció en conèixer la pròpia ànima. No passa el mateix amb la carn, les fonts de voluptat de la qual us poden ésser revelades. Mostrà de seguida el seu revelador una reconeixença igual a la satisfacció rebuda i imaginà que aquell que li havia descobert els abismes celestials era l’únic que en posseïa la clau. Era això un error i és que ella no en podia trobar d’altres que en tinguessin també la clau d’or? És difícil de decidir-ho i el professor Haddock, quan els fets foren divulgats (cosa que no trigà gaire, com de seguida veurem), se n’ocupà des del punt de vista experimental en una revista científica i especialitzada i en conclogué que les probabilitats que tenia la senyora C… de trobar l’exacta equivalència del senyor V… estaven dins la proporció de 3,05 sobre 975.008. El que equival a dir que mai no la trobaria. No hi ha dubte que ella ho sabé instintivament, car s’enamorà desesperadament d’ell.

    He contat aquests fets amb totes les circumstàncies que, em sembla, han de cridar l’atenció dels esperits meditatius i filosòfics. El sofà de la favorita es mereix tota la majestat de la història; damunt d’ell es decidiren els destins d’un gran poble: s’hi acomplí un acte el ressò del qual s’havia de fer sentir fins a les nacions veïnes, amigues o enemigues i sobre tota la humanitat. Massa sovint, esdeveniments d’aquesta naturalesa, encara que d’infinites conseqüències, s’escapen als esperits superficials, a les ànimes lleugeres que desconsideradament assumeixen la tasca d’escriure la història. És per això que, els secrets ressorts dels esdeveniments restant-nos desconeguts, no sabem la causa de la caiguda dels imperis i la transmissió del poder ens pot sorprendre i resultar incomprensible per culpa de no haver descobert el punt imperceptible, l’indret secret que, posat en moviment, ho ha esquerdat tot i engegat de cap per avall. L’autor d’aquesta història sap, millor que ningú, els seus defectes, les seves fallides; però pot certificar que sempre ha servat aquella mesura, aquella fidelitat i aquella austeritat que escau a l’exposició dels afers d’Estat i mai no s’ha apartat de la seriositat que correspon a la relació de les activitats humanes.

    Quan Eveline confessà a Pau Visire que mai no havia sentit una cosa semblant, ell no la cregué. Estava habituat a les dones i sabia que sempre diuen aquestes coses als homes per acabar d’enamorar-los. D’aquesta manera la seva experiència, com passa moltes vegades, li féu desconèixer la veritat. Incrèdul, però envanit tanmateix, aviat sentí per ella amor i alguna cosa més. Aquest estat, de moment, semblà favorable a les seves facultats intel·lectuals. Visire pronuncià a la ciutat principal de la seva circumscripció, un discurs ple de gràcia, brillant, afortunat, que passà per la seva obra mestra.

    El retorn fou tranquil. Tot just si, a la Cambra, alguna rancúnia isolada, algunes ambicions encara temoregues, aixecaren el cap. N’hi hagué prou amb un somriure del president del Consell per escampar la boira. Ella i ell es veien dos cops al dia i, entremig, s’escrivien. Ell estava habituat als embolics íntims, era llest i sabia dissimular; però Eveline demostrava una folla imprudència. Es presentava amb ell als salons, al teatre, a la Cambra, a les ambaixades. Se li veia l’enamorament a la cara, en tota la seva persona, en l’esclat humit del seu mirar, en el somriure esllanguit dels seus llavis, en el bategar del seu pit, en la blanesa de les seves corbes, en tota la seva beutat avivada, irritada, enfollida. Aviat tot el país conegué llurs relacions; les corts estrangeres en foren informades. Només el president de la República i el marit d’Eveline les ignoraven encara. El President se n’assabentà de vacances per un informe de la policia extraviat, no se sap com, a la seva maleta.

    Hipòlit Cérès, sense ésser molt primmirat ni gaire llest, s’adonà que quelcom havia canviat a casa seva. Eveline que fins feia poc s’interessava pels seus afers i que li demostrava, sinó una tendresa, una bona amistat, ara no li demostrava altra cosa que indiferència i rebuig. Sempre havia tingut temporades d’allunyament, feia llargues visites a l’obra de Santa Orberose. Ara, sortia al matí i passava fora de casa tot el dia i s’asseia a taula a les nou del vespre, amb un posat de somnàmbula. Al seu marit tot això li semblava ridícul. Amb tot, potser mai no hauria sabut res. Una ignorància total de la dona, una forta confiança en els seus mèrits i en la seva sort, potser l’haurien mantingut sempre ignorant de la veritat si els dos amants, per dir-ho així, no l’haguessin obligat a descobrir-los.

    Quan Pau Visire anava a casa d’Eveline, la trobava sola i deien, tot abraçant-se:

    —Aquí no! Aquí no!

    I, de seguida, tots dos fingien una exagerada reserva. Aquesta era llur norma inviolable. Però un dia, Pau Visire anà a casa de Cérès al qual havia donat cita. Fou Eveline qui el va rebre: el ministre de Comunicacions estava retingut en el si d’una comissió.

    —Aquí no! —es digueren els amants somrient.

    S’ho digueren amb les boques juntes, entre abraçades i grapejades i agenollaments. Encara s’ho estaven dient quan Hipòlit Cérès entrà al saló.

    Pau Visire recobrà tot seguit la seva presència d’esperit i declarà a la senyora Cérès que, decididament, renunciava a treure-li la brossa de l’ull. Amb aquesta actitud no enganyava el marit, però salvava la sortida.

    Hipòlit Cérès s’esfondrà. La conducta d’Eveline li semblà incomprensible. Li’n demanà els motius.

    —Per què? Per què? —preguntava sense parar—. Per què?

    Ella ho negà tot, no per convèncer-lo, car ell els havia vist, sinó per comoditat, per bon gust i per evitar explicacions enutjoses.

    Hipòlit Cérès sofria totes les tortures de la gelosia. S’ho confessava a si mateix i es deia:

    “Sóc un home fort: tinc una bona cuirassa; però la ferida és a sota: al cor.”

    En tombar-se vers la seva muller i en veure-la tremolosa de desig i embellida pel delicte, la contemplà dolorosament i li digué:

    —Amb aquest no ho havies de fer.

    I tenia raó. Eveline no hauria d’haver-se enamorat dins del mateix Govern.

    Sofria tant que agafà el seu revòlver cridant:

    —El vaig a matar! —però pensà que el ministre de Comunicacions no podia matar el president del Consell i tornà a ficar el revòlver al calaix de la tauleta de nit.

    Les setmanes passaren sense apaivagar la seva sofrença. Cada matí cordava damunt la seva ferida la seva cuirassa d’home fort i cercava en el treball i en les honors la pau que se li escapava. Tots els diumenges inaugurava estàtues, fonts, pous artesians, hospitals, dispensaris, trens, canals, mercats, clavegueres, arcs de triomf, escorxadors i pronunciava discursos vibrants. La seva activitat abassegadora devorava els expedients. En vuit dies canvià catorze vegades el color dels segells. Amb tot, li venien rampells de dolor i ràbia que el tornaven foll. Durant dies sencers el seny l’abandonava. Si hagués tingut un càrrec en una administració particular, hom se n’hauria adonat de seguida; però era molt més difícil reconèixer la demència en l’administració dels afers de l’Estat. En aquest moment, els empleats del Govern començaven a constituir associacions i federacions enmig d’una efervescència que esverava el Parlament i l’opinió. Els carters es distingien entre tots per llur entusiasme sindicalista.

    Hipòlit Cérès féu saber, per mitjà d’una circular, que llur acció era perfectament legal. L’endemà una altra circular prohibia com il·legal tota mena d’associacions dels empleats de l’Estat. Destituí cent vuitanta carters, els reintegrà, els imposà una multa i els donà una gratificació. En el Consell de ministres sempre estava a punt d’esclatar. Tot just si la presència del cap de l’Estat arribava a contenir-lo dins el llindar de la bona educació i, com que no gosava llançar-se a la gorja del seu rival, per tranquil·litzar-se, omplia d’invectives el cap suprem de l’Exèrcit, el general Débonnaire, que no les entenia perquè estava atabalat fent versos per a la senyora baronessa de Bildermann. Hipòlit Cérès s’oposava indistintament a tot allò que proposava el president del Consell. Es portava com un insensat. Una sola facultat escapava al desastre del seu bon sentit: li restava el sentit parlamentari, el tacte de les majories, el coneixement aprofundit dels diferents grups i la seguretat en les combines.

    La legislatura s’acabava tranquil·la i el Ministeri no descobria als bancs de la majoria cap senyal funest. Hom endevinava, amb tot, per certs articles als gran diaris moderats, que les exigències dels financers jueus i cristians, creixien cada dia, que el patriotisme de les banques reclamava una expedició civilitzadora a Nigrícia i que el trust de l’acer, ple d’entusiasme en la defensa de les nostres colònies, demanava frenèticament cuirassats i més cuirassats encara. Hi havia rumors de guerra. Tals rumors apareixien cada any amb la mateixa regularitat que els vents alisis. La gent seriosa no en feia cap cas i el Govern podia deixar que desapareguessin tot sols, a menys que no comencessin a engrossir car, aleshores, tot el país s’esveraria. Els financers només volien guerres colonials, el poble no volia guerres de cap mena; li agradava que el Govern fes el valent i fins i tot que fos arrogant; però a la més lleugera sospita que un conflicte europeu es preparava, se les hauria emprès contra el Parlament.

    Pau Visire no estava gens preocupat. Segons la seva opinió la situació europea era tranquil·litzadora. Només el fastiguejava el silenci maniàtic del seu ministre d’Afers Estrangers. Aquest mico, que arribava al Consell amb una cartera més gran que ell carregada d’expedients, no deia mitja paraula, refusava de respondre totes les preguntes, fins aquelles que li feia el respectat president de la República, i fadigat per una feinada terrible, trencava el son per un moment en la seva butaca i no es veia més que el curt plomell negre per damunt del tapet verd.

    Mentrestant Hipòlit Cérès tornava a ésser l’home fort. En companyia del seu col·lega Lapersonne corria de platxeri en platxeri amb mossetes de teatre i hom els veia, a tots dos, entrar de nit als cabarets de moda rodejats de dones embarretades que ells dominaven amb llur alta estatura i amb llurs capells flamants i hom els comptà, aviat, entre les figures més simpàtiques dels bulevards.

    Es divertien; però patien. Fortunat Lapersonne també tenia la seva llaga sota la cuirassa: la seva dona, una modista jove que havia afanat a un marquès, se n’havia anat a viure amb un xofer. Ell l’estimava encara i no es consolava d’haver-la perdut i, tot sovint, en un reservat particular, entremig de barjaules que reien xuclant llagostins, els dos ministres canviaven una mirada plena de condol i s’eixugaven la llagrimeta.

    Hipòlit Cérès, per més que tocat del cor, no es deixava abatre i jurava venjar-se.

    La senyora de Pau Visire, a la que la seva deplorable salut retenia amb els seus pares al fons d’una obscura província, rebé una carta anònima especificant que el senyor Pau Visire que s’havia casat sense un sou, es menjava amb una dona casada, E…C… (cerqueu-la!) el dot d’ella i regalava a aquesta dona autos de trenta mil francs, collarets de perles de vuitanta mil i corria a la ruïna, al deshonor i al desastre.

    La senyora de Pau Visire llegí, allargà la carta al seu pare i li agafà un atac de nervis.

    —Jo li estiraré les orelles al teu marit —digué el senyor Blampignon—. És un brètol que, si no vigilo, et deixarà a la palla. Per molt president del Consell que sigui, no em fa pas por.

    En saltar del tren el senyor Blampignon es presentà al Ministeri de Governació i fou rebut de seguida. Entrà furiós al despatx del President.

    —Hem de parlar, senyor meu!

    I brandà la carta anònima.

    Pau Visire el rebé somrient.

    —Benvingut volgut papà! Ara us anava a escriure… Sí, per a comunicar-vos el vostre nomenament com a oficial de la Legió d’Honor. Aquest matí he fet signar el decret.

    El senyor Blampignon remercià profundament el seu gendre i llançà al foc la carta anònima.

    Tornat a la seva residència provinciana, hi trobà la filla enutjada i ploramiques.

    —Doncs bé; ja he vist el teu marit. És un home encantador. Però, què hi farem! Tu no el saps comprendre!

    Mentrestant Hipòlit Cérès s’assabentà per un petit diari d’escàndol (és sempre per mitjà dels diaris que els ministres s’assabenten dels afers d’Estat) que el president del Consell sopava cada vespre a casa la senyoreta Lysiane, dels Follies-Dramàtiques, els encants de la qual semblava que l’havien frapat extraordinàriament. Des d’aleshores, Cérès es feia un ombrívol plaer d’observar la seva dona. Ella tornava cada vespre amb retard per sopar o per vestir-se, amb uns aires de feliç fadiga i la serenitat del plaer acomplert.

    Pensant que ella no en sabia res, li envià notes anònimes. Ella les llegia a taula, davant d’ell i les feia a bocins llangorosa i somrient.

    Es convencé aleshores que ella no feia cap cas d’aquests advertiments massa vagues i que per inquietar-la calia donar precisions, posar-la en condicions de comprovar, per ella mateixa, la infidelitat i la traïdoria. Al Ministeri tenia agents molt segurs, encarregats de les recerques secretes que importaven per la defensa nacional i que, precisament aleshores, vigilaven els espies que una potència veïna i enemiga havia plaçat fins a les oficines de correus i telègrafs de la República. El senyor Cérès els ordenà que suspenguessin llurs investigacions i que indaguessin com, quan i on el ministre de Governació es veia amb la senyoreta Lysiane. Els agents compliren fidelment llur missió i informaren al ministre que moltes vegades havien sorprès el president del Consell amb una dama; però que no es tractava precisament de la senyoreta Lysiane. Hipòlit Cérès no els demanà més detalls. Féu ben fet. Els amors de Pau Visire i de Lysiane no eren més que una coartada inventada per Pau Visire per satisfacció d’Eveline, molesta de la seva glòria i sospirant per l’ombra i el misteri.

    No solament eren vigilats pels agents del Ministeri de Comunicacions sinó que ho eren també pels del prefecte de policia i pels mateixos del Ministeri de Governació que es disputaven el dret de protegir-los. Ho eren encara per diverses agències reialistes, imperialistes i clericals, per vuit o deu oficines d’estafadors, per alguns policies d’afició i per una multitud de periodistes i fotògrafs que, arreu on ells amagaven llurs amors errants, grans hotels, petits hotels, cases de la ciutat i del camp, departaments particulars, castells, museus, palaus apareixien quan ells arribaven, els espiaven des del carrer, des de les cases del voltant, des dels arbres, damunt dels murs, per les escales, per replans, sobre les teulades, des dels departaments veïns, des de les xemeneies. El ministre i la seva amiga veien esfereïts entorn del seu dormitori, els filaberquins que agullonaven les portes i els finestrons i feien forats a les parets. A manca d’altra cosa, havien obtingut un clixé de la senyora Cérès, en camisa, cordant-se les botines.

    Pau Visire, impacient, enutjat, perdia per moments el seu bon humor i la seva calma. Arribà furiós al Consell i, ell també, omplí d’invectives el general Débonnaire, tan valent al camp de batalla però que permetia que la indisciplina regnés a les files de l’Exèrcit i aclaparà de sarcasmes, ell també, el venerable almirall Vivier des Murènes, els navilis del qual s’enfonsaven sense que ningú sabés per què.

    Fortunat Lapersonne l’escoltava sorneguer, amb uns ulls com unes taronges i grunyia entre dents:

    —No en tenia prou amb prendre-li la dona a Hipòlit Cérès. Ara li pren les manies i tot.

    Aquests batibulls, que se sabien per les indiscrecions dels ministres i pels planys dels dos vells que anunciaven que fumerien llurs carteres pel cap d’aquell ximple, i que s’estaven pla bé de fer-ho, enlloc de fastiguejar el feliç cap de gabinet, produïen el millor efecte en el Parlament i en l’opinió que hi veia el senyal d’un gran interès per l’Exèrcit i la Marina nacionals. El president del Consell obtingué l’aprovació de tots.

    A les felicitacions dels grups i dels personatges notables, ell responia amb una gran senzillesa:

    —Aquests són els meus principis!

    I féu tancar a la presó set o vuit socialistes.

    Closes les sessions, Pau Visire, que estava molt fadigat, se n’anà a prendre les aigües. Hipòlit Cérès es negà a deixar el seu Ministeri en el que bullia tumultuosament el sindicat de les senyoretes telefonistes. Les atacà amb una violència inaudita, car s’havia convertit en un misogin. El diumenge se n’anava als afores a pescar amb canya amb el seu col·lega Lapersonne, embarretat amb el seu capell de copa que no es treia per res des que era ministre. I tots dos, oblidant-se dels peixets, es planyien de la inconstància de les dones i sumaven les penes llurs.

    Hipòlit amava la seva dona i seguia patint. Amb tot, una certa esperança li eixamplava el cor. La tenia separada del seu amant i, pensant que la podria reprendre, s’hi dedicà de tot cor i hi posà tota la seva traça. Es mostrà sincer, previsor, afectuós, encaterinat, fins i tot discret. El seu cor li dictava les majors delicadeses. Deia a la infidel coses meravelloses i fetilleres i, per a entendrir-la, li confessava tot el que havia patit.

    Estrenyent-se el cinturó de les calces, li deia:

    —Ho veus? M’he aprimat.

    Li prometia tot el que es pensava que podia afalagar una dona; sortides al camp, capells i joies.

    De vegades es creia que l’havia apaivagada. Ella ja no li mostrava aquell posat feliç. Separada de Pau, la seva tristesa tenia un aire tendre. Però quan ell feia un gest per reconquerir-la, ella s’hi negava feréstega i reservada, com fent de la seva falta una mena de cinturó d’or.

    Ell no es cansava, es feia humil, suplicant, llastimós.

    Un dia anà a trobar Lapersonne i li digué amb llàgrimes als ulls:

    —Per què no li parles tu?

    Lapersonne s’excusà perquè no creia que la seva intervenció pogués servir de res; però aconsellà el seu amic:

    —Fes-li veure que la deixes de banda, que estàs per una altra i ja veuràs com vindrà a jóc.

    Hipòlit provà per aquest sistema i féu dir als diaris que se’l veia a tota hora a casa la senyoreta Guinaud de l’Òpera. Tornava tard a casa o no tornava. Fingia davant d’Eveline les aparences d’una alegria interior impossible de contenir. Mentre sopaven, es treia de la butxaca una carta perfumada que feia veure que llegia extasiat i els seus llavis semblava que besessin, com en un somni, uns llavis invisibles. No serví de res. Eveline ni s’adonà d’aquest joc. Insensible a tot el que la rodejava, no sortia de la seva letargia més que per demanar alguns lluïsos al seu marit. Si ell no els hi donava, ella li adreçava una mirada de fàstic a punt de tirar-li en cara la vergonya que ella li feia passar davant de tot el món. Des que estimava, gastava molt pels seus vestits: necessitava diners i només comptava amb el seu marit per a obtenir-los. En això, li era fidel.

    Acabà la paciència, s’enfurismà i l’amenaçà amb el revòlver. Un dia, davant d’ella, digué a la senyora Clarence:

    —Us felicito, senyora. Heu educat la vostra filla com una amistançada.

    —Me’n vaig amb tu, mamà —exclamà Eveline—. Em vull divorciar!

    Ell l’estimava amb més delit que mai.

    En la seva rabiosa gelosia sospitava, no sense versemblança, que enviava i rebia cartes. Jurava que les interceptaria i, per aconseguir-ho, restablí una mena de censura, portà el desordre a la correspondència privada, interceptà ordres de Borsa, féu fallir cites d’amor, provocà ruïnes, frustrà passions, causà suïcidis. La premsa independent recollí les queixes del públic i el mantingué en la seva indignació. Per justificar aquestes mesures arbitràries, els diaris ministerials parlaren amb mitges paraules de complots, de perills públics i feren creure que es tractava d’una conspiració monàrquica. Publicacions menys ben informades donaren detalls més exactes: anunciaren la requisa de cinquanta mil fusells i el desembarcament del príncep Cruxo. L’emoció augmentava en el país. Els òrgans republicans demanaven la convocatòria immediata de les Corts. Pau Visire tornà a París, cridà els seus col·legues, celebrà un important consell de Gabinet i féu saber, per mitjà de les seves agències, que efectivament s’havia tramat un complot contra la representació nacional però que el president del Consell en tenia tots els fils a la mà i que s’havia obert una informació judicial. Ordenà tot seguit l’arrest de trenta socialistes i, mentre tot el país l’aclamava com un salvador, burlant-se de la vigilància dels seus sis-cents agents, portà Eveline a un petit hotel d’amagat, vora de l’estació del Nord, on resaren fins que es féu de nit. Quan foren fora i entrà la minyona de l’hotel per a mudar els llençols, veié marcades a la paret, vora del capçal del llit, set creus fetes amb una agulla dels cabells.

    Això fou tot el que Hipòlit pogué obtenir, com a premi als seus esforços.

    La gelosia és una virtut de les democràcies que les allibera dels tirans. Els diputats començaven a envejar la clau d’or del president del Consell. Ja feia un any que tothom coneixia el seu domini sobre la senyoreta Cérès. A províncies, on les noves i les modes no arriben fins que la Terra ha donat una volta complerta al voltant del Sol, s’assabentaren també dels amors il·legítims del Gabinet. La província guarda els seus costums austers: les dones són més virtuoses que a la capital. Hom ho explica per diversos motius: l’educació, l’exemple, la senzillesa del tracte. El professor Haddock manté que llur virtut s’aguanta únicament gràcies a llurs sabates de taló pla. Diu, en un article intel·ligent de la Revue anthropologique:

    “Una dona no produeix sobre un home civilitzat una sensació autènticament eròtica en tant que el seu peu forma un angle amb la terra que trepitja de vint-i-cinc graus. Si l’angle arriba als trenta-cinc graus, la impressió eròtica que se’n desprèn és punyent. En efecte, de la posició dels peus damunt terra depèn, quan s’està dret, la posició respectiva de diferents parts del cos i especialment de la pelvis així com també de les relacions recíproques i el joc dels ronyons i les masses musculars que guarneixen posteriorment i superiorment les cuixes. Aleshores, com que tots els homes civilitzats estan afectats per una perversió genèsica i no admeten altra mena de voluptat que la de les formes femenines (almenys en la posició erecta) disposades en certa condició de volums i d’equilibri ordenada per la inclinació del peu que acabem de determinar, resulta que les senyores de províncies, com que porten taló pla, són poc desitjades (almenys en la posició erecta) i guarden llur virtut sense gaires dificultats.”

    Aquestes conclusions no foren acceptades en general. Hom objectà que, fins i tot a la capital, sota la influència de les modes angleses i americanes, l’ús del taló pla s’intensificava sense produir els efectes previstos pel savi professor i que, a més, la diferència que es pretén establir entre els costums de la metròpoli i els de les províncies tal vegada sigui il·lusòria i que, si realment existeix, és deguda a que segurament les grans ciutats ofereixen a l’amor avantatges i facilitats de les que la petita ciutat no disposa. Sigui el que sigui, el cert és que la província començà a mormolejar contra el president del Consell i que es sentí escandalitzada. No és que fos ja un perill, però podia arribar a ésser-ho.

    De moment el perill no era enlloc, però era arreu. La majoria restava segura, però els líders es feien exigents i gansoners. Tal volta Hipòlit Cérès no hauria sacrificat mai els seus interessos a la seva venjança; però atenent que des d’ara podia, sense comprometre el seu personal avenir, contrariar secretament l’avenir de Pau Visire, es dedicà a crear amb molta cura i traça, dificultats i perills al cap del Governament. Molt lluny d’igualar al seu rival pel talent, la saviesa i l’autoritat, el sobrepassava de molt en les maniobres de passadís. Els parlamentaris més eixerits atribuïen a la seva abstenció les desfetes recents de la majoria. En les comissions, amb una falsa imprudència, acollia sense oposició les demandes de crèdits els quals sabia que el president del Consell no consentiria. Un dia, la seva calculada poca traça provocà un brusc i violent conflicte entre el ministre de Governació i el delegat de pressupostos d’aquest departament. Aleshores Cérès es deturà esverat: per ell hauria estat massa perillós enderrocar el Ministeri massa de pressa. Pau Visire tenia una cosina pobra i galant que duia el seu mateix nom. Cérès, recordant oportunament aquesta senyoreta Céline Visire, la llançà en gran a la vida. Li arranjà embolics amb homes i dones estrangers i li proporcionà contractes als cafès concert. Aviat, per influència seva, representà als Eldorados, pantomimes unisexuals, sorollosament bescantades. Una nit d’estiu, executà damunt d’un escenari dels Camps Elisis, davant d’una gentada baladrera, danses obscenes al so d’una música xardorosa que hom oïa des dels jardins on el president de la República donava una festa en honor a uns reis. El nom de Visire, barrejat amb aquestes escàndols, cobria els murs de la ciutat, omplia els diaris, voleiava a la capçalera de prospectes amb dibuixos llibertins pels cafès i pels balls, esclatava pels bulevards amb lletres de foc.

    Ningú feia responsable el president del Consell de la indignitat de la seva parenta; però hom es feia un mal concepte de la seva parentela i el prestigi de l’home d’Estat valia menys.

    Gairebé al mateix temps tingué motiu d’esverar-se. Un dia, a la Cambra, sobre una simple pregunta, el ministre d’Instrucció Pública i del Culte, Labillette, que patia del fetge i al que les pretensions i les intrigues del clericat començaven a exasperar, amenaçà en tancar la capella de Santa Orberose i parlà sense respecte de la Verge nacional. La dreta s’aixecà com un sol home, indignada; l’esquerra, semblà que mantenia a contracor el ministre temerari. Els caps de la majoria no semblava que volguessin atacar un culte popular que proporcionava trenta milions al país; el més moderat dels homes de dreta, el senyor Bigourd, convertí la pregunta en una interpel·lació i posà el Ministeri en perill. Benauradament el ministre d’Obres Públiques, Fortunat Lapersonne, sempre conscient de les obligacions que comporta el poder, sabé reparar, en absència del president del Consell, la poca traça i la inconveniència del seu col·lega dels cultes. Pujà a la tribuna per donar testimoni del respecte del Governament prop de la celestial Patrona del país, consoladora de tantes desgràcies que la ciència es declarava impotent per remeiar.

    Quan Pau Visire, arrencat per fi dels braços d’Eveline, comparegué a la Cambra, el Ministeri estava salvat. Però el president del Consell es veié obligat a donar peixet a base d’importants satisfaccions a les classes directives. Proposà al Parlament la construcció de sis cuirassats i reconquerí, d’aquesta manera, les simpaties de l’acer; assegurà de nou que no hi hauria impostos sobre la renda i féu detenir divuit socialistes.

    Ben aviat s’havia de trobar enfront de dificultats més temibles. El canceller de l’imperi veí, en un discurs sobre les relacions exteriors del seu sobirà, deixà anar, entremig de paraules enginyoses i de molta malícia, una al·lusió malèvola a les passions amatòries que inspiraven la política d’un gran país. Aquesta fiblada, acollida pels somriures del Parlament imperial, no podia deixar d’irritar una República suspicaç. Desvetllà la susceptibilitat nacional que se les emprengué contra el ministre enamorat. Els diputats s’aprofitaren d’un frèvol pretext per a significar el seu desconcert. Per un incident ridícul, un sotsprefecte havia estat vist ballant al Moulin-Rouge, la Cambra obligà el Ministeri a acceptar-ne la responsabilitat i vingué d’un no-res que se n’anés a can Pistraus. Segons el parer general, Pau Visire mai no s’havia mostrat tan feble, tan fluix, tan apagat com durant aquesta sessió.

    Comprengué que no podia mantenir-se més que per un gran cop polític i decidí l’expedició contra Nigrícia, reclamada per l’alta finança, l’alta indústria i que assegurava la concessió d’immenses boscúries a societats capitalistes; un emprèstit de vuit mil milions als establiments de crèdit i ascensos i condecoracions als oficials de Terra i de la Marina. Es presentà un pretext: una injúria que calia venjar, un crèdit que calia cobrar. Sis cuirassats, catorze creuers i divuit transports penetraren a l’embocadura del riu dels Hipopòtams; sis-centes piragües s’oposaren endebades al desembarcament de les tropes. Els canons de l’almirall Visire des Murènes produïren un efecte radical entre els negres que respongueren amb una volior de sagetes i que, malgrat llur coratge frenètic, foren completament aixafats. Escalfat pels diaris a sou dels financers, l’entusiasme popular esclatà. Uns quants socialistes, els únics que protestaren contra una empresa bàrbara, equivocada i perillosa, foren immediatament arrestats.

    En aquesta hora en què el Ministeri, sostingut per la riquesa i ben amat ara pels ingenus, semblava més segur que mai, Hipòlit Cérès, il·luminat per l’odi, era l’únic que veia el perill i, contemplant el seu rival amb una joia rancuniosa, murmurava entre dents:

    —Està ben fumut, el pirata!

    Mentre el país s’embriagava de glòria i d’afers, l’imperi veí protestava contra l’ocupació de la Nigrícia per una potència europea i les seves protestes es succeïen a intervals cada vegada més curts i es feien més violents. Els diaris de la República, ficats en el negoci, dissimulaven tots els motius d’inquietud; però Hipòlit Cérès sentia créixer l’amenaça i, decidit a arriscar un vaitot per perdre el seu enemic, fins i tot l’avenir del Ministeri, treballava a l’ombra. Feia escriure, per homes que li eren addictes, i publicar en molts diaris oficiosos, articles que semblava que expressessin la mateixa idea de Visire i atribuïen al cap del Governament idees bel·licoses.

    Aquests articles, al mateix temps que despertaven un eco terrible a l’estranger, alarmaven l’opinió del poble que estimava els seus soldats però no volia la guerra. Interpel·lat sobre la política exterior del Govern, Pau Visire féu una declaració tranquil·litzadora i prometé mantenir una pau compatible amb la dignitat d’una gran nació. El ministre d’Afers Estrangers, Crombile, llegí una declaració completament inintel·ligible, car estava redactada en llenguatge diplomàtic. El Ministeri obtingué una forta majoria.

    Però els rumors de guerra no paraven i per evitar una nova i perillosa interpel·lació, el president del Consell repartí entre els diputats vuitanta mil hectàrees de boscos a Nigrícia, i féu arrestar catorze socialistes. Hipòlit Cérès anava pels passadissos molt preocupat i explicava als diputats del seu grup que ell feia tots els possibles per fer prevaldre en el Consell una política pacífica i que encara esperava poder reeixir.

    Augmentaven, de dia en dia, els rumors sinistres, que penetraven en el públic i sembraven el malestar i la inquietud. El mateix Pau Visire començava a agafar por. El que més el preocupava era el silenci i l’absència del ministre d’Afers Estrangers. Ara Crombile ni venia als consells; s’aixecava a les cinc del matí, treballava divuit hores al seu despatx i queia esgotat en el seu cistell de papers d’on els uixers el recollien junt amb la paperassa que anaven a vendre als agregats militars de l’imperi veí.

    El general Débonnaire creia que una entrada en campanya era imminent i s’hi preparava. Lluny de témer la guerra, la cridava amb tot el cor i confiava les seves generoses esperances a la baronessa de Bildermann que advertia a la nació veïna que, seguint el seu consell, procedia a una mobilització ràpida.

    El ministre de Finances, sense voler-ho, precipità els esdeveniments. En aquest moment jugava a la baixa; per precipitar el pànic féu córrer per la Borsa el rumor que la guerra era ja inevitable. L’emperador veí, enganyat per aquesta maniobra i tement veure el seu país envaït, mobilitzà les seves tropes a cuita-corrents. La Cambra, espantada, enderrocà el Ministeri Visire per una enorme majoria (vuit-cents catorze vots contra set i vint-i-vuit abstencions). Era massa tard: el mateix dia d’aquesta caiguda, la nació veïna i enemiga cridava el seu ambaixador i llançava vuit milions d’homes contra la pàtria de la senyora Cérès.

    La guerra esdevingué universal i el món sencer es negà en onades de sang.

    Cosa de mig segle després dels esdeveniments que acabem de contar, la senyora Cérès moria rodejada del respecte i la veneració de tothom, als seus setanta-nou anys, vídua des de feia temps de l’home d’Estat del qual portava dignament el nom. Al seu enterrament, senzill i modest, assistiren els orfes de la parròquia i les germanes de la Santa Mansuetud.

    La difunta deixà tots els seus béns a l’obra de Santa Orberose.

    —Ai las! —sospirà el reverend Monnoyer, canonge de Sant Maël, en rebre aquest pietós llegat—. Ja era hora que una fundadora generosa ens ajudés en les nostres necessitats. Els rics i els pobres, els savis i els ignorants s’allunyen de nosaltres i, per més que nosaltres ens esforcem en recollir les ànimes esgarriades, amenaces, promeses, dolcesa i violència, res no ens surt bé. El clericat de Pingüínia viu en una total desemparança, els nostres capellans rurals han d’exercir els més vils oficis per viure, van mig descalços i no mengen més que rosegons. A les nostres esglésies en runes, la pluja cau damunt dels fidels i, durant els Sants Oficis, se senten cruixir les pedres de les voltes. El campanar de la catedral s’inclina i està a punt d’ensorrar-se. Els pingüins han oblidat santa Orberose, el seu culte és abolit i ningú visita el seu santuari. Damunt el seu reliquiari, sense or ni pedreries, les aranyes teixeixen llur tela.

    Oint aquestes lamentacions, Pere Mille, que a l’edat de noranta-vuit anys conservava tota la seva claredat d’enteniment, preguntà al canonge si no creia que santa Orberose sortiria un dia d’aquest injuriós oblit.

    —No goso esperar-ho —sospirà el reverend Monnoyer.

    —És una pena! —replicà Pere Mille—. Orberose és una imatge que fa bonic i la seva llegenda és graciosa. Per pur atzar, l’altre dia vaig descobrir un dels seus més jolius miracles: el miracle de Joan Violle. Us agradaria escoltar-lo, reverend Monnoyer?

    —Amb molt de gust, senyor Mille.

    —Aquí el teniu, tal que l’he trobat en un manuscrit del segle xiv.

    “Cecília, muller de Nicolau Gaubert orfebre del pont au Change, després d’haver portat durant molts anys una vida honesta i casta, i ja al tombant de la vida, s’encaterinà de Joan Violle, petit patge de la senyora comtessa de Maubec, que habitava a l’hotel del Paó de la plaça de la Grève. No tenia ni divuit anys i el seu posat i la figura eren realment bufons. No podent vèncer el seu amor es decidí a satisfer-lo. Atragué el patge a casa seva, li féu tota mena de manyagueries, li donà gormanderies i, finalment, satisfeu amb ell el seu gust.

    Doncs un dia, que tots dos junts s’havien gitat al llit de l’orfebre, mestre Nicolau tornà a casa seva més prompte del que l’esperaven. Trobà el forrellat posat i oí que la seva muller sospirava:

    —Cor meu! Àngel meu! El meu ratolí!

    Sospitant aleshores que s’hagués tancat amb un galantejador, trucà a grans cops per la reixeta de la porta i es posà a cridar:

    —Pocavergonya, disbauxada, múrria, tramposa, obre la porta que et tallaré el nas i les orelles!

    Veient-se en perill, la muller de l’orfebre s’encomanà a santa Orberose i li prometé un ciri ben gros si l’alliberava d’aquell embolic i ella i el patge tot nuet al costat del llit s’estaven morint de por.

    La Santa escoltà el seu prec. Immediatament canvià Joan Violle en donzella, veient la qual cosa Cecília, tranquil·litzada, es posà a cridar al seu marit:

    —Oh, bèstia bruta, gelós repugnant! Parla dolçament si vols que t’obri.

    I rondinant d’aquesta guisa corregué al seu vestidor i estirant un vell gambeto, una cotilleta i una llarga faldilla, n’abillà més que de pressa el patge metamorfosat. I, quan hagué acabat:

    —Caterineta meva, Caterineta, la meva mixeta —digué en veu alta— vés a obrir el teu oncle: és més ruc que dolent i no et farà res de mal.

    El minyó convertit en noia obeí.

    Mestre Nicolau entrà a la cambra i trobà una jove donzella que ell no coneixia i a la seva esposa al llit.

    —Gran beneit —li digué—, no t’esveris del que estàs veient. Tot just m’havia ficat al llit per culpa d’un mal de ventre quan he rebut la visita de la Caterineta, la filla de ma germana Joana de Palaiseau amb la que estàvem barallats fa més de quinze anys. Vinga home, fes un petó a la nostra nebodeta! Et dic que s’ho mereix!

    L’orfebre abraçà la noia i va trobar que tenia la pell tendra. Des d’aquell moment no pensava en altra cosa que en poder-la trobar tota sola per a poder-la petonejar al seu gust. Per això, sense trigar, se l’emportà a la sala de baix, amb l’excusa de donar-li vi i nous tendres i així que fou a baix amb ella, començà a acaronar-la tot entendrit. El bon home no s’hauria consolat amb això si santa Orberose no hagués inspirat a la bona dona el pensament d’anar a atrapar-los. El trobà amb la nebodeta a la falda, el tractà de desvergonyit, li donà dues plantofades i li féu demanar perdó.

    L’endemà, Violle reprengué la seva primera forma.”

    Després d’escoltar aquesta història, el venerable canonge Monnoyer remercià Pere Mille per haver-la-hi contada i, prenent la ploma, es posà a redactar el pronòstic dels cavalls guanyadors de les properes curses, car portava els llibres d’un corredor d’apostes.

    Mentrestant Pingüínia s’esvania de les seves riqueses. Aquells que produeixen les coses necessàries per a la vida, els en mancaven i aquells que no en produeixen en tenien de sobres. “Aquestes són —com deia un membre de l’Institut— les inevitables fatalitats econòmiques.” El gran poble pingüí ja no tenia ni tradicions, ni cultura intel·lectual, ni arts. El progrés de la civilització s’hi coneixia per la indústria devastadora, l’especulació més vergonyosa i un luxe odiós. La seva capital, com totes les grans ciutats d’aleshores, tenia un aire cosmopolita i financer; hi regnava una immensa i sempre igual lletjor. El país gaudia d’una tranquil·litat absoluta.

    Era l’apogeu.

    LLIBRE VUITÈ

    ELS TEMPS PERDUTS

    UNA HISTÒRIA QUE NO TÉ FI

    “Tae Hellasi peniae men aie chote suntrophos esti, haretae
    de hepachtos esti, hapo te sophiaes chatergaomenae chai
    nomoy ischyroy.”
    (Heròdot. Hist., VII. cii)
    
    “És que no heu vist que eren àngels?”
    (Liber terribilis)
    
    “Bqsft tfusf tpvtusbjuf b mbvupsjuf eft
    spjt fu oft fnqfsfvst bqsft bxpjs qspdmbnf
    uspjt gpjt tb mjelsu f mb gsbodf tftu tpvnjtf b
    eft dpnqbhojft gjobodjfsft rvj cjtqptfou
    ef. sjdiftift ev qbzt fu qbs mf npzfo
    evof qsfttf bdifulf ejsjhfou mpq jo jno qvcmjrvf
    fyffsdfou vof qvjttbodf b mbrvfmmf
    obuuf jho jsfou kbnöjt mpvjt rvbupsaf pv obqpmfno.”
    (Vo ufnpjo xfsjejrvf)“
    Estem a l’inici d’una química que s’ocuparà
    dels canvis produïts per un cos que
    conté una quantitat d’energia tal que encara
    no en tenim cap altre de semblant a la
    nostra disposició.”
    
    (Sir William Ramsay)

    Les cases mai no els semblaven prou altes; les aixecaven més i més. Les construïen de trenta o quaranta pisos on s’acoblaven despatxos, magatzems, oficines de banques, domicilis de societats. I sota terra, cada vegada més profundament, cavaven magatzems i túnels.

    En aquesta ciutat gegantina, treballaven quinze milions d’homes a la llum de fanals, de nit i de dia. Cap claredat del cel foradava la fumera de les fàbriques que voltaven la ciutat. De vegades hom veia el disc vermell d’un sol sense raigs que s’esllavissava per un horitzó negre, solcat per ponts de ferro, del que queia eternament una pluja de sutge i carbonissa. Era la més industrial i la més rica de totes les ciutats del món. La seva organització semblava perfecta; no quedava res de les antigues formes aristocràtiques o democràtiques de la societat; tot hi estava subordinat als interessos dels trusts. En aquest medi aparegué allò que els antropòlegs anomenaren el tipus del multimilionari. Eren homes al mateix temps enèrgics i trencadissos, capaços d’un gran poder de combines mentals i que rendien un llarg treball d’oficina però la sensibilitat dels quals sofria desequilibris hereditaris que augmentaven amb els anys.

    Com tots els veritables aristòcrates, com els patricis de la Roma republicana, com els lords de la vella Anglaterra, aquests homes poderosos fingien una gran severitat de costums. Hom veié els ascetes de la riquesa. A les assemblees dels trusts apareixien els rostres pàl·lids de galtes enfonsades, d’ulls esmorteïts, de fronts arrugats. El cos més sec, el color més groc, els llavis més àrids, la mirada més inflamada que la dels antics monjos espanyols, els multimilionaris es lliuraven amb una empenta inesgotable a les austeritats de la banca i de la indústria. Molts es refusaven tota mena de plaer, de goig, de descans. Esgotaven llur vida miserable en una cambra sense aire ni claror, moblada només amb aparells elèctrics, sopaven ous i llet i dormien en un catre. Sense altra feina que la d’estrènyer un botó de níquel, aquests místics acumulaven les riqueses de les que no veien ni el senyal, adquirien la vana possibilitat de satisfer desitjos que mai no sentien.

    El culte a la riquesa tingué els seus màrtirs. Un d’aquests multimilionaris, el famós Samuel Box, més s’estimà morir que cedir la més menuda part dels seus béns. Un dels seus obrers, víctima d’un accident del treball, en veure que hom li refusava tota mena d’indemnització féu valer els seus drets davant dels tribunals, però fastiguejat per un munt d’insuperables dificultats de procediment, caigut en una despietada indigència, reduït a la desesperació, aconseguí, a força d’astúcia i d’audàcia, tenir el seu amo sota el seu revòlver, amenaçant-lo en volar-li el cervell si no l’ajudava una mica: Samuel Box no li donà res i es deixà matar per una qüestió de principis.

    Quan ve de dalt, hom segueix l’exemple. Aquells que tenien un capital petit (i eren, naturalment els més) fingien les maneres i els costums dels multimilionaris perquè els confonguessin amb ells. Totes les passions que destorben per l’augment i la conservació de la riquesa eren tingudes per deshonroses. Hom no perdonava ni la blanesa, ni la mandra, ni el gust per les recerques desinteressades, ni l’amor per l’art ni, sobretot, la prodigalitat. La llàstima era condemnada com una feblesa perillosa. Mentre tota inclinació per la voluptat provocava la reprovació pública, hom excusava, al revés, la violència d’un afany brutalment sentit. La violència, en efecte, semblava menys perjudicial pels costums, en tant que manifestació d’una forma de l’energia social. L’Estat s’apuntalava amb dues grans virtuts públiques: el respecte pels rics i el menyspreu pels pobres. Les ànimes febles a les que encara contorbava la sofrença humana, no tenien altre remei que el de refugiar-se en una hipocresia que hom no podia blasmar, car contribuïa al manteniment de l’ordre i a la fermesa de les institucions.

    Així, entre els rics, tothom era defensor de la societat o bé ho semblava. Tots donaven l’exemple encara que no tots el seguien. Alguns sentien la rigidesa de llur situació; però s’aguantaven per orgull o per un sentit del deure. Alguns intentaven escapolir-se un moment en secret i fent trampa. Un d’ells, Eduard Martin, president del trust dels ferros, es vestia, de vegades, de pobre, anava a captar el seu pa i es feia esbroncar pels vianants. Un dia que allargava la mà per un pont, es va barallar amb un veritable captaire i, pres de ràbia i d’enveja, el va escanyar.

    Com que gastaven tota llur intel·ligència en els negocis, no cercaven cap mena de plaer de l’esperit. El teatre, que en altres temps havia estat pròsper entre ells, es reduïa ara a la pantomima i als ballets còmics. Les obres ideades perquè es lluís la dona, havien estat abandonades; s’havia perdut el gust per les belles formes, pels vestits brillants. Hom preferia les tombarelles dels clons i la música dels negres i hom no s’entusiasmava més que veient desfilar pels escenaris, diamants penjats al coll de les figurants i barres d’or portades en triomf.

    Les senyores riques estaven tan obligades com els homes a portar una vida assenyada. Segons una tendència comuna a totes les civilitzacions, el sentit popular les erigia com a símbols: es veien obligades a representar amb el seu luxe auster la grandesa de llur fortuna i de llur intangibilitat. Hom havia mudat les velles maneres de la galanteria; però als amants d’abans, els substituïen ara un robust massatgista o un simple criat. De totes maneres gairebé mai no hi havia escàndols: un viatge a l’estranger els dissimulava gairebé tots i les princeses dels trusts seguien mereixent l’estima de tothom.

    Els rics no eren més que una petita minoria, però llurs col·laboradors, i ho era tot el poble, els eren addictes i els tenien dominats del tot. N’hi havia de dues menes: la dels empleats de comerç i de la banca i la dels obrers de les fàbriques. Els primers proporcionaven un treball enorme i estaven molt ben pagats. Alguns d’entre ells arribaren a establir-se pel seu compte; el constant augment del tresor públic i la mobilitat de les fortunes autoritzava totes les esperances als més intel·ligents i agosarats. Ben segur que entre la multitud immensa dels empleats, enginyers o comptables, s’hauria pogut trobar un cert nombre de descontents i d’enutjats; però la societat era tan poderosa que fins en els seus adversaris havia marcat l’empremta de la seva disciplina. Es pot dir que inclús els anarquistes eren treballadors i normals.

    Quant als obrers que treballaven a les fàbriques dels voltants de la ciutat, vivien en una profunda decadència física i moral. Eren el veritable tipus del pobre establert per l’antropologia. Malgrat que pel desenvolupament de certs músculs, degut a la naturalesa del treball que feien, podien enganyar respecte la força llur, se’ls notaven les senyals inequívoques d’una feblesa morbosa. Eren baixos, de cap petit i pit esquifit; es diferenciaven de les classes acomodades per una infinitat d’anomalies fisiològiques i especialment per la freqüent asimetria del cap i dels membres. Estaven condemnats a una degeneració gradual i contínua, car els més forts d’entre ells l’Estat els feia soldats i llur salut no aguantava gaire l’assiduïtat de les dones de la vida i dels taverners que hi havia al voltant de les casernes. Els proletaris eren cada dia més apocats. L’afebliment constant de llurs facultats intel·lectuals no era deguda només a llur gènere de vida; pervenia, també, d’una selecció metòdica que realitzaven els patrons. Tement que els treballadors de cervell massa lúcid havien d’ésser els més propensos a formular reivindicacions legítimes, cercaven la manera d’eliminar-los per tots els mitjans possibles i contractaven, preferentment, els obrers més totxos i ignorants, incapaços de defensar llurs drets però encara amb la traça necessària per treure’s la feina de sobre que, per altra banda, el perfeccionament de les màquines feia cada cop més senzilla.

    El proletariat no sabia què fer per millorar la seva situació. Ben just si, per mitjà de les vagues, aconseguien l’estabilitat de llurs jornals. Però fins i tot aquesta arma començava a escapar-se’ls dels dits. La intermitència de la producció, inherent al règim capitalista, produïa un gran nombre de parats, de manera que, en moltes branques de la indústria, així que s’iniciava una vaga, els parats ocupaven el lloc dels vaguistes. El cert és que els obrers, miseriosos, es tornaven apàtics car res no els abellia i no res els desesperava. Dins la societat no eren més que uns instruments necessaris que acomplien la seva tasca.

    En resum, aquest estat social semblava el més segur i afermat, almenys entre la humanitat car el de les abelles o les formigues és incomparablement més estable. No res no podia fer preveure la ruïna d’un règim assentat damunt el que hi ha més fort en la natura humana, l’orgull i la cupiditat. Amb tot, els observadors més llestos descobrien molts motius d’inquietud. Els més ferms, per bé que menys aparents, eren d’ordre econòmic i consistien en la constant creixença de la superproducció que ocasionava grans i cruels temporades de vagues en què les indústries trobaven, és cert, l’avantatge de rompre la força obrera oposant els sense feina als treballadors.

    Una altra mena de perill més sensible pervenia de l’estat fisiològic de gairebé tota la població. “La salut del pobre —deien els higienistes— és el que pot ésser; però la dels rics, deixa molt a desitjar.” No era difícil descobrir-ne les causes. A la ciutat mancava l’oxigen necessari per a viure; es respirava un aire artificial; els trusts de l’alimentació, cometent les síntesis químiques més agosarades, produïen vins, carn, llet, fruits i llegums ficticis. El règim d’alimentació que imposaven, perjudicava els estómacs i els cervells. Els multimilionaris, als divuit anys, ja eren calbs; alguns, de vegades, deixaven veure certa feblesa d’ànim; es sentien malalts i, espantats, donaven sumes enormes a bruixots ignorants i hom veia aparèixer de sobte a la ciutat, fortunes mèdiques o teològiques de qualsevol mosso d’una casa de banys que s’havia convertit en terapeuta o profeta. El nombre d’aliments augmentava sense parar; els suïcidis augmentaven entre els més opulents i moltes vegades anaven acompanyats de circumstàncies terribles i extravagants que denotaven una perversió inaudita de la intel·ligència i la sensibilitat.

    Un altre símptoma funest impressionava fortament tots els esperits. Les catàstrofes, cada cop més sovintejants i regulars, formaven part del que calia preveure i cada vegada prenien major volum en les estadístiques. Cada dia esclataven màquines, explotaven cases, trens carregats de mercaderies queien sobre un bulevard ensorrant immobles sencers, esclafant centenars de vianants i, travessant la terra enfonsada, esmicolaven dos o tres estatges de tallers i docs on treballaven nombrosos equips.

    A la part sud-est de la ciutat, sobre un pujol que havia conservat el seu nom antic de Fort sant Miquel, hi havia un jardinet on uns quants arbres vells encara estenien llurs branques damunt de l’herbei. Damunt el vessant nord, els enginyers paisatgistes havien construït una cascada, unes grutes, un torrent, un llac, unes illes. Per aquell costat es dominava tota la ciutat amb els seus carrers, els seus bulevards, les seves places, una multitud de terrats i cúpules, els trens aeris i tota la gentada, com embolcallat tot amb un silenci que, amb la llunyania donava una sensació d’encanteri. Aquest jardinet era el lloc més saludable de la capital; la fumera no tapava el cel i hom hi portava els infants a jugar. A l’estiu, alguns empleats dels despatxos i dels laboratoris veïns, en havent dinat, hi reposaven un moment sense trencar llur tranquil·la solitud.

    Fou així que un dia de juny, cap a migdia, una telegrafista, Carolina Meslier, s’hi vingué a seure a un banc que hi havia al capdavall de la terrassa del nord. Per a refrescar-se la vista mirant el verd, s’havia posat d’esquena a la ciutat. Morena, d’ulls brillants, forta i tranquil·la, Carolina aparentava uns vint-i-cinc o vint-i-vuit anys. Gairebé de seguida, un empleat del trust de l’electricitat, Jordi Clair, s’assegué al seu costat. Era ros, prim, lleuger, amb trets d’una finesa femenina. No era gaire més gran que ella i semblava més jove. Gairebé cada dia es trobaven al mateix lloc, s’eren simpàtics i els agradava parlar una mica. Però llur conversa no tenia mai res de tendre, d’afectuós ni d’íntim. Carolina, encara que en altre temps hagués tingut motius de penedir-se d’haver donat massa confiances, potser s’hauria abandonat més; però Jordi Clair semblava sempre exageradament reservat tant amb les paraules com amb el posat. Mai no deixava de donar a la conversa un to purament intel·lectual i només parlava de temes generals, expressant-se, però, sobre tots els temes amb la més absoluta franquesa.

    Sovint ell li parlava sobre l’organització de la societat i les condicions de treball.

    —La riquesa —deia— és un mitjà per viure feliç; però l’han convertida en l’únic fi de llur existència.

    A tots dos els semblava monstruós aquest estat de coses.

    Sempre donaven voltes als mateixos temes científics que els eren familiars.

    Aquest dia començaren a fer comentaris sobre l’evolució de la química.

    —Des del moment —digué Clair— que hom veié el radi convertir-se en heli, hom deixà de mantenir la teoria de la immutabilitat dels cossos simples. Quedaren abolides les velles lleis de les relacions simples i de la conservació de la matèria.

    —Amb tot —digué ella— segueix havent-hi lleis químiques.

    Car, com que era dona, tenia necessitat de creure.

    Ell prosseguí tranquil·lament:

    —Ara que hom pot procurar-se radi en quantitat suficient, la ciència posseeix mitjans d’anàlisi incomparables. Des d’aquest moment hom pot endevinar als cossos que anomenem simples composicions d’extraordinària riquesa i hom descobreix dins la matèria fonts d’energia que sembla que creixin com més tènue és la seva estructura.

    Tot parlant llençaven molles de pa als ocells. La quitxalla jugava a llur voltant.

    Passant d’un tema a l’altre:

    —Aquest pujol —digué Clair— a l’època quaternària, l’habitaven els cavalls salvatges. L’any passat, en instal·lar unes conduccions d’aigua, es toparen amb una capa espessa d’ossaments d’ases salvatges.

    Ella preguntà si en aquella època remota ja havia aparegut l’home.

    Ell li digué que l’home caçava els ases abans d’intentar de domar-los.

    —L’home —afegí— primer fou caçador, després pastor, agricultor i artesà… I aquestes civilitzacions es succeïren a través d’un espai de temps que l’enteniment no pot arribar a concebre.

    I es tragué el rellotge.

    Carolina li preguntà si és que ja era hora de tornar a la feina.

    Respongué que no, que tot just si eren dos quarts d’una.

    Una nena feia pastissos d’arena al peu de llur banc. Un minyonet de set o vuit anys passà corrents davant d’ells. Mentre la seva mare s’estava cosint a un banc de la vora, ell jugava tot sol a fer de cavall desbocat i, amb la quantitat de fantasia de la que només són capaços els infants, es figurava ésser ensems, el cavall, els que el perseguien i els que fugien espantats davant seu. Esbojarrat cridava:

    —Ei! Ei! Pareu-lo! És un cavall terrible! Va desbocat!

    Carolina féu aquesta pregunta:

    —Creieu que els homes eren feliços en altres temps?

    El seu company respongué:

    —Quan eren més joves, sofrien menys. Feien com aquest xicotet: jugaven. Jugaven a les arts, a les virtuts, als vicis, a l’heroisme, a la voluptat. Tenien il·lusions que els divertien. Feien xivarri, es distreien. Però ara…

    S’interrompé i es mirà altre cop el rellotge.

    El minyó que corria trabucà amb el peu la galledeta de la nena i caigué tan llarg com era sobre la grava. Per un moment restà immòbil, després s’apuntalà amb els palmells de les mans, arrugà el front, badà la boca i, de sobte, arrencà el plor. La seva mare hi corregué, però Carolina l’havia aixecat de terra i li eixugava els ulls i la boca amb el mocador. L’infant encara sanglotava; Clair se l’enfilà a coll:

    —Vinga! No ploris més, brivall, i t’explicaré un conte:

    “Un pescador, que havia llençat les xarxes al mar, en tragué un pot de coure tancat; el va obrir amb un ganivet. En sortí un fum que s’enfilà fins als núvols i, espesseint-se, es convertí en un gegant que va esternudar tan fort que tot el món va quedar fet a miques…”

    Clair es deturà, engegà una rialla seca i, sobtadament, tornà l’infant a la seva mare. Després es tragué altra vegada el rellotge i, agenollat sobre el banc, amb els colzes damunt del respatller, mirà la ciutat.

    Fins a perdre’s de vista s’estenien una multitud de cases en llur minúscula enormitat.

    Carolina girà la mirada vers el mateix indret.

    —Quin bon temps que fa! —digué—. El sol llueix i fa que les fumeroles de l’horitzó semblin d’or. El més penós de la civilització és que ens priva de la llum del dia.

    Ell no respongué; el seu esguard fitava un lloc determinat de la vila.

    Després d’alguns segons de silenci, veieren, a una distància de tres quilòmetres, més o menys, més enllà del riu, al barri més ric, com s’aixecava una mena de boira tràgica. Un moment després, una detonació arribà fins a llurs oïdes mentre s’aixecava cel amunt un immens arbre de fum. I poc a poc l’aire s’omplí d’un imperceptible mormolejar fet del clamor de milers d’homes. Els crits esclataren més propers, al mateix jardí.

    —Què és el que ha explotat?

    L’estupor era enorme, car per bé que les catàstrofes eren freqüents, mai no s’havia vist una explosió d’una tal violència i tothom s’adonava d’una terrible novetat.

    Hom intentava determinar el lloc del sinistre; s’anomenaven barris, carrers, diversos edificis, clubs, teatres, magatzems. Les informacions topogràfiques es precisaven, es concretaven.

    —És el trust de l’acer el que acaba de saltar.

    Clair es ficà altre cop el rellotge a la butxaca.

    Carolina se’l mirava amb una atenció corpresa i els seus ulls s’ompliren d’esglai.

    A la fi, ella li digué a l’orella:

    —Ho sabíeu? Ho esperàveu?… Sou vós el qui…?

    Ell respongué molt tranquil:

    —Aquesta ciutat ha de morir.

    I ella respongué amb una dolcesa somniadora:

    —Sóc del mateix parer.

    I tots dos retornaren tranquil·lament a la feina.

    Des d’aquest dia, els atemptats anarquistes es succeïren sense parar. Les víctimes foren nombroses; gairebé totes pertanyien a la classe pobra. Aquests crims provocaven el blasme general. Fou entre la gent de sa casa, entre els hostalers, els petits empleats, entre tots els que els trusts deixaven subsistir del petit comerç que la indignació esclatà amb major vigoria. Pels barris més poblats, les dones exigien suplicis insospitats contra els dinamiters. (Hom els donava aquest nom que no els esqueia, car per tots aquests químics desconeguts la dinamita era una matèria innocent, bona només per a destruir els formiguers i consideraven com un joc d’infants fer esclatar la nitroglicerina per mitjà d’una metxa de fulminant mercuri.) Els negocis es pararen de cop i els menys rics foren els primers en patir-ho. Parlaven d’aplicar ells mateixos la justícia als anarquistes.

    Amb tot, els obrers de les fàbriques restaven hostils o indiferents a l’acció violenta. Amenaçats a conseqüència de la minva dels afers, amb una propera paralització i inclòs amb un locaut que s’estenia per tots els tallers, hagueren de respondre a la Federació dels Sindicats que proposava la vaga general com el millor mitjà per actuar contra els patrons i la millor ajuda per als revolucionaris; tots els gremis, a excepció dels dauradors, es negaren a abandonar la feina.

    La policia féu nombroses detencions. Les tropes, cridades de tots els indrets de la Confederació nacional, guardaven els immobles dels trusts, les torres dels multimilionaris, els establiments públics, les banques i els grans magatzems. Passà una quinzena sense cap explosió. Es deduí que tots els dinamiters, un grapat segons tota versemblança i potser menys encara, eren tots morts o presos o escàpols. Tornà la confiança: de primer entre els més pobres. Dos o tres-cents mil soldats, allotjats a les barriades, feien marxar el comerç; hom cridava: “Visca l’exèrcit!”

    Els rics, que s’havien alarmat menys de pressa, es tranquil·litzaven més lentament. Però, a la Borsa, el grup que jugava a l’alça, escampà les noves més optimistes i, amb un gran esforç, es deturà la baixa: els afers marxaren de nou.

    Els diaris de gran tirada secundaren el moviment. Demostraren, amb patriòtica eloqüència, la intangibilitat del capital, mofant-se dels assalts d’uns criminals covards, i el Tresor públic, a despit d’inútils amenaces, prosseguí la seva puja segura: eren sincers i en treien beneficis. Hom oblidà, hom negà, els atemptats. El diumenge, a les curses, les tribunes s’agençaren amb la presència de les dames carregades de perles i diamants. Hom pogué veure, amb alegria, que els capitalistes no havien sofert. Els multimilionaris foren aclamats.

    A l’endemà, l’estació del Sud, el trust del petroli i la meravellosa església construïda per Tomàs Morcellet, saltaren. Cremaren trenta cases i un començament d’incendi s’inicià als docs. Els bombers foren admirables per llur zel i intrepidesa. Maniobraren amb precisió automàtica llurs llargues escales de ferro que s’enfilaven fins a trenta pisos d’alçada per arrencar els desgraciats de les flames. Els soldats tingueren cura dels serveis d’ordre i reberen ració doble de cafè. Però aquests nous sinistres desencadenaren el pànic. Milions de persones que volien fugir de seguida, emportant-se’n llur diner, s’empenyien als establiments de crèdit que, després d’haver estat pagant durant tres dies, tancaren llurs taquilles enmig de l’esvalot i l’escàndol. Una multitud acovardida, carregada de maletes, assetjà les estacions i prenia els trens per assalt. Molts que tenien pressa per a refugiar-se als soterranis amb provisió de queviures, es precipitaven contra les botigues de drogueria i comestibles que els soldats guardaven amb la baioneta al canó. Els poders públics es mostraren enèrgics. Es feren noves detencions: milers d’ordres d’arrest foren llançades contra els sospitosos.

    Durant les tres setmanes que seguiren no es produí cap sinistre. Corregué el rumor que s’havien trobat bombes a la sala de l’Òpera, als soterranis de l’Ajuntament i al costat d’una columna de la Borsa. Però aviat es sabé que es tractava de llaunes de conserva deixades per bromistes de mal gust o per folls. Un dels inculpats, interrogat pel jutge d’instrucció, es declarà el principal autor de les explosions que havien causat la mort, segons digué, a tots els seus còmplices. Aquestes confessions, publicades pels diaris, contribuïren a tranquil·litzar l’opinió pública. No fou fins al final de la instrucció que els magistrats s’adonaren que estaven en presència d’un simulador absolutament aliè a aquells atemptats.

    Els experts designats pels tribunals no descobriren cap fragment que els permetés reconstruir l’enginy usat en aquesta obra de destrucció. Segons es suposava el nou explosiu procedia d’un gas que desprenia el radi; hom deia que les ones elèctriques engendrades per un oscil·lador de tipus especial, es propagaven a través de l’espai, causant la detonació; però els químics més hàbils no pogueren afirmar res de precís ni de segur. Un dia, en fi, dos agents de policia, en passar per davant de l’hotel Meyer, trobaren a la voravia, prop d’una lluerna, un ou de metall blanc amb una càpsula en un dels seus extrems. El recolliren amb precaució i, sota les ordres del seu cap, el portaren al laboratori municipal. Tot just els experts s’havien reunit per examinar-lo quan l’ou esclatà, ensorrant l’amfiteatre i la cúpula. Tots els experts moriren i, entre ells, el general d’artilleria Collin i l’il·lustre professor Tigre.

    La societat capitalista no es deixà abatre per aquest nou desastre. Els grans establiments de crèdit tornaren a obrir llurs taquilles, anunciant que efectuarien els pagaments meitat en or i meitat en paper de l’Estat. La Borsa de valors i la de mercaderies, malgrat la suspensió complerta de les transaccions, decidiren no suprimir llurs sessions.

    Mentrestant la instrucció relativa als primers acusats, havia finit. Potser els càrrecs acumulats contra ells, en altres circumstàncies, haurien semblat insuficients; però el zel dels magistrats i la indignació popular hi afegiren el que hi mancava. La vetlla del dia assenyalat per a la vista, el Palau de Justícia saltà. Vuit-centes persones hi moriren, entre elles gran nombre de jutges i advocats. La multitud, furiosa, envaí les presons i linxà els presoners. La tropa, enviada per a restablir l’ordre, fou rebuda a cops de pedra i a trets; a molts oficials els feren caure de llurs cavalls i foren trepitjats. Els soldats feren foc. Hi hagué nombroses víctimes. La força pública arribà a restablir la tranquil·litat. A l’endemà, saltà la banca.

    Des d’aleshores es veieren coses inaudites. Els obrers de les fàbriques que havien refusat de declarar-se en vaga, es llençaren tumultuosament contra el centre de la ciutat i començaren a ficar foc a les cases. Regiments sencers, conduïts per llurs oficials, s’uniren als obrers incendiaris, recorregueren amb ells la ciutat cantant himnes revolucionaris i se n’anaren a buscar als docs tones de petroli per a regar el foc. Les explosions no paraven. De sobte, un matí, un arbre monstruós, un fantasma de palmera, de tres quilòmetres d’alt, s’aixecà al lloc d’emplaçament del gegantí Palau de Comunicacions que, de cop, desaparegué.

    Mentre una meitat de la ciutat cremava, l’altra meitat seguia la seva vida normal. Al matí es sentia tintinabular dins dels carretons els pots de llauna de la llet.

    A una avinguda deserta, un peó caminant, assegut contra una paret, amb la bóta entre cames, mastegava poc a poc trossos de pa amb una mica de carn guisada. Els presidents dels trusts seguien, gairebé tots, a llurs llocs. Alguns compliren llur deure amb una heroica senzillesa. Rafael Box, el fill del multimilionari màrtir, saltà mentre presidia la junta general del trust del sucre. Hom li féu uns magnífics funerals; el seguici hagué de passar, sis vegades, per damunt de les runes i creuar per passarel·les damunt dels carrers esfondrats.

    Els auxiliars ordinaris dels rics, dependents, empleats, corredors, agents, els seguiren amb una fidelitat inalterable. Al seu venciment, els mossos supervivents de la banca sinistrada, anaven a presentar les lletres per camins enfonsats, a les cases fumejants. Molts d’ells, per fer ingressar els cobraments a caixa, es llençaren contra les flames.

    Amb tot, hom no es podia fer il·lusions. L’enemic invisible era l’amo de la ciutat. L’espetec de les detonacions era tan continu com el mateix silenci tot just perceptible dins d’un horror insuportable. Com que els fanals estaven destrossats i la ciutat restava a les fosques tota la nit, s’hi cometien violències d’una monstruositat inaudita. Només les barriades populars, menys castigades, es defensaven encara. Voluntaris de l’ordre formaven patrulles; afusellaven els lladres i hom es topava, a cada cantonada, amb un cos ajagut en un bassal de sang, els genolls doblegats, les mans lligades darrera l’esquena, un mocador a la cara i un rètol sobre el ventre.

    Es feia impossible recollir les runes i enterrar els morts. Ben aviat la bafarada que feien els cadàvers esdevingué intolerable. Vingueren les epidèmies que causaren nombroses defuncions i deixaren els sobrevivents dèbils i mig orats. La fam s’emportà el poc que restava. Cent quaranta-un dies després del primer atemptat, quan arribaren sis cossos d’exèrcit amb artilleria de campanya i artilleria de plaça, de nit, al barri més pobre de la ciutat, l’únic que restava dempeus rodejat d’un cercle de fum i de flames, Carolina i Clair, dalt d’un sostre d’una casa alta, agafades les mans, miraven. Càntics alegres pujaven del carrer on, la multitud, que s’havia tornat boja, dansava.

    —Demà tot s’haurà acabat —digué l’home—. I més val que sigui així.

    La donzella, amb els cabells al vent, el rostre brillant pels reflexos de l’incendi, contemplava amb una joia compadida, el cercle de foc que s’estrenyia al voltant seu.

    —Més val que sigui així —respongué.

    I llançant-se als braços del destructor li donà un bes desesperat.

    Les altres viles de la Federació també sofriren revolucions i violències, però l’ordre fou restablert. Foren introduïdes reformes en les institucions, hi hagueren grans canvis en els costums; però el país no arribà a refer-se mai del tot de la pèrdua de la seva capital i no retrobà la seva antiga prosperitat. El comerç, la indústria desaparegueren. La civilització abandonà aquelles contrades que durant tant de temps havia preferit a qualsevulla altra. Es feren estèrils i malsanes; el terreny que havia nodrit tants milions d’homes no fou més que un desert. Sobre el pujol del Fort de sant Miquel, els ases salvatges pasturaven l’herba grassa.

    Els dies s’escorregueren com el rajolí d’una fonteta i els segles s’esgotaren com l’aigua a la punta d’una estalactita. Vingueren caçadors a perseguir els óssos sobre les collades que cobrien la vila oblidada; els pastors hi conduïren llurs ramats; uns llauradors hi empenyeren l’arada; hortolans cultivaren lletugues al seu clos i empeltaren les pereres. No eren rics, no coneixien cap art. Una rabassa antiga i uns plançons de rosa s’enfilaven pel mur de llur cabana; una pell de cabra cobria llurs membres colrats; llurs dones s’abillaven amb la llana que elles mateixes filaven. Els cabrers pastaven amb argila petites figures d’homes i d’animals o feien cançons sobre la donzella que segueix el seu amant vers el bosc o sobre les cabres que pasturen mentre els pins brunzinen i l’aigua mormoleja. El patró rondinava perquè l’escarabató se li menjava les figues i inventava trampes per a defensar l’aviram de la guineu de cua peluda i servia vi als seus veïns tot dient:

    —Beveu! Les cigales no m’han malmès la veremada: quan elles han arribat només quedaven les redoltes.

    Després, al llarg del temps, els poblets carregats de béns, els camps curulls de blat, foren pillats, saquejats, per invasors bàrbars. Moltes vegades el país canvià d’amo. Els conqueridors aixecaren castells sobre els cimals; els cultius es multiplicaren. Molins, foreges, adoberies, teixidors s’establiren. S’obriren camins a través dels boscos i les maresmes; el riu s’omplí de naus. Les masies es convertiren en burgs i, unint-se les unes a les altres, crearen una ciutat que es protegí amb fossats profunds i altes muralles. Més tard, capital d’un gran estat, es trobà estreta dins les ja inútils muralles i les convertí en verdes avingudes.

    S’enriquia i creixia desmesuradament. Les cases mai no semblaven prou altes; les aixecaven més i més. Les construïen de trenta o quaranta pisos on s’acoblaven despatxos, magatzems, oficines de banca, domicilis de societats. I sota terra, cada vegada més profundament, cavaven magatzems i túnels. Quinze milions d’homes treballaven a la ciutat geganta.

    23-11-66